MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS » - MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2018

1. La mission « Aide publique au développement » : une exécution en ligne avec la loi de programmation des finances publiques

La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

En 2018, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ont représenté le quart du total de l'aide publique versée par la France 34 ( * ) , et 37 % des crédits budgétaires dédiés à cette politique.

Exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement »
en 2018, à périmètre courant

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide économique et financière au développement (110)

2 154,1

932,0

840,5

961,4

1 100,0

929,2

51,1 %

99,7 %

130,9 %

96,7 %

Solidarité à l'égard des pays en développement (209)

1 529,1

1 560,2

1 843,4

1 739,1

1 801,3

1 703,6

117,8 %

109,2 %

97,7 %

98,0 %

Mission

3 683,2

2 492,2

2 683,9

2 700,5

2 901,3

2 632,8

78,8 %

105,6 %

108,1 %

97,5 %

Source : commission des finances du Sénat

En 2018, les crédits exécutés de la mission se sont élevés à 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement . Le taux d'exécution des crédits votés en loi de finances initiale est respectivement de 108,1 % et de 97,5 % . Le taux d'exécution des crédits de paiement marque ainsi une légère amélioration par rapport à l'exercice 2017, pour lequel il s'était élevé à 96 %.

Taux d'exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement » (en CP)

Source : commission des finances du Sénat

L'exécution des crédits de paiements en 2018 est globalement conforme , quoique légèrement inférieure, au plafond défini par la loi de programmation des finances publiques 35 ( * ) , et qui était fixé à 2,68 milliards d'euros (soit un écart de 1,8 % ).

Trajectoire de la mission « Aide publique au développement »
prévue par la LPFP 2018-2022

(en milliards d'euros, crédits de paiement)

Exécution 2018

LPFP 2018

LPFP 2019

LPFP 2020

Progression exécution/LPFP 2020

2,63

2,68

2,81

3,10

17,9 %

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, l'exercice a été marqué par plusieurs mouvements en cours de gestion , justifiant notamment la sur-exécution de 8,1 % des autorisations d'engagement de la mission, par rapport à la loi de finances initiale.

Sur le programme 110 , la loi de finances rectificative 36 ( * ) a procédé à une ouverture de 527 millions d'euros en autorisations d'engagement justifiée par les prêts accordés à l'Association internationale de développement (AID) et au Fonds international de développement (FIDA) , pour un montant respectif de 500 millions et 27 millions d'euros.

Pour rappel, l'AID constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale. Ses ressources sont constituées tous les trois ans par appels de fonds des États contributeurs. La loi de finances initiale avait anticipé l'opération de prêt par l'Agence française de développement en le faisant porter par le programme 853 37 ( * ) . Toutefois, un changement de doctrine comptable ( cf. ci-après ) a nécessité de modifier le canal de financement de ce prêt, se traduisant ainsi par une majoration des autorisations d'engagement du programme 110.

Sur le programme 209 , le principal mouvement provient de la révision à la baisse de la contribution de la France au fonds européen de développement (FED) . Alors que la contribution initialement prévue s'élevait à 859 millions d'euros , l'actualisation des prévisions de décaissements du fonds l'a ramenée en exécution à 796 millions d'euros , soit une réduction de 64 millions d'euros .

Cette marge de manoeuvre budgétaire a été en partie annulée par la loi de finances rectificative . Celle-ci a ainsi procédé à l'annulation de 37 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 33 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 209.

Les 31 millions d'euros restant ont été mobilisés pour financer le programme humanitaire à destination de la Syrie , annoncé en cours d'exercice budgétaire par le Président de la République, Emmanuel Macron. Ainsi, ce plan, d'un montant de 50 millions d'euros, ne correspond pas en réalité à une nouvelle mesure budgétaire . D'après la direction du budget, son financement est composé de :

- 5 millions d'euros de crédits existants et initialement destinés à la Syrie ;

- 31 millions d'euros de crédits de paiement provenant de la minoration de la contribution de la France au FED ;

- 14 millions d'euros de crédits de paiement provenant de dégel.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018 sur la mission
« Aide publique au développement »

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Programme

LFI 2018

Reports
entrants

Décrets
d'avance

Vire-ment
ou
transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Reports sortants

Crédits disponi-bles

Exécu-tion 2018

Écart
consommé/
prévu

Prog. 110

961,4

60,7

-

-  0,6

-4,0

-

-

1 017,4

929,2

- 8,7 %

Prog. 209

1 739,1

3 150,1

-

- 3,0

-26,7

0,2

-

1 712,7

1 703,6

- 0,5 %

Mission

2 700,5

63 800,1

-

- 3,7

-30,7

0,2

-

2 730,2

2 632,8

- 3,6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. L'exécution du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est marquée par une sous-exécution importante des autorisations d'engagement

Le compte de concours financiers regroupe pour sa part des prêts à des États étrangers qui concourent à la politique française d'aide publique au développement, à l'exception du programme concernant la Grèce :

- le programme 851 permet de financer l'achat par des pays étrangers de matériels et services d'entreprises françaises ;

- le programme 852 permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France ;

- le programme 853 porte le versement à l'Agence française de développement de la « ressource à condition spéciale » (RCS) qui lui permet d'octroyer des prêts à des États étrangers à des conditions concessionnelles ;

- le programme 854 était destiné à porter la contribution de la France au plan de soutien en faveur de la Grèce, finalement confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF).

545 millions d'euros ont été exécutés en autorisations d'engagement et 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement , pour un taux d'exécution global respectivement de 34 % et 74 %, contre 79 % et 74 % en 2017.

Le faible taux d'exécution des autorisations d'engagement provient d'une sous-utilisation de ces crédits par les programmes 851 et 852.

Concernant le programme 851 , sur les 800 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale, la moitié devait être consacrée à des prêts à l'Iran , permettant de financer des projets d'infrastructure faisant appel à des biens et services français. Toutefois, compte tenu des tensions diplomatiques entre les États-Unis et l'Iran, ces projets ont été ajournés. Par conséquent, la loi de finances rectificative a annulé 400 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur ce programme. En dépit de cette annulation, le taux de consommation de ces crédits , c'est-à-dire le rapport entre les crédits exécutés et les crédits disponibles après l'adoption de la loi de finances rectificative, ne s'élève qu'à 30 % .

Ce faible taux masque néanmoins la progression de la consommation de ces crédits depuis 2017 . En effet, en 2018, 120 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été exécutés sur le programme, soit quatre fois plus que l'année précédente. La montée en charge de ce programme est justifiée par le Trésor par le développement des prêts non concessionnels , « qui concentrent l'essentiel de la demande, et sont sans coût à terme pour l'État » 38 ( * ) .

Concernant le programme 852, aucun traitement de dettes n'a été réalisé en 2018 . D'après la direction du budget, ceci s'explique à la fois par la baisse tendancielle du stock de dettes pour lesquelles une décision de traitement a déjà été prise, et une dégradation de la soutenabilité de la dette de certains pays de l'initiative « Pays pauvres très endettés » (IPPTE).

Les 268 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale avaient vocation à bénéficier au Congo, à l'Irak, à la Somalie, et au Zimbabwe. La direction du budget a toutefois indiqué à vos rapporteurs spéciaux que des traitements de dette significatifs devraient intervenir dans les prochaines années, en particulier pour la Somalie et le Soudan .

Le programme 854 , destiné à porter les prêts consentis à la Grèce depuis 2010, est en sommeil depuis 2012 .

Exécution des crédits du compte de concours financiers
« Prêts à des États étrangers » en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

197,0

268,0

800,0

353,1

120,1

208,2

61 %

78 %

15 %

59 %

852 - Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

0,2

0,2

268,5

268,5

-

-

0 %

0 %

0 %

0 %

853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

1 392,0

225,0

545,0

1 033,0

425,0

1 008,0

31 %

448 %

78 %

98 %

854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Total

1 589,2

493,2

1 613,5

1 654,6

545,1

1 216,2

34 %

247 %

34 %

74 %

Source : commission des finances du Sénat

Le montant des recettes du compte de concours financier est de 1,19 milliard d'euros en 2018, alors que la loi de finances initiale l'avait évalué à 388 millions d'euros, soit une hausse de près de 800 millions d'euros .

Cette augmentation des recettes provient exclusivement du programme 853, en raison du remboursement par l'Agence française de développement du prêt que l'État lui avait octroyé afin de porter la contribution de la France à l'Association internationale de développement (AID). Ce prêt concessionnel, d'un montant de 800 millions d'euros , est porté à l'AFD sur une durée de 40 ans , à taux nul . Le coût de la bonification de ce prêt est pris en charge par l'État.

Pour rappel, trois leviers permettent à l'AFD d'accorder des prêts :

- la ressource de marché sous forme d'émissions obligataires . Les prêts sont accordés à conditions de marché ;

- les crédits de bonification du programme 110 , lorsqu'elle lève elle-même des ressources sur les marchés, à un taux d'intérêt qui dépend de ses conditions de financement. Elle utilise ensuite des crédits de bonification pour abaisser ce taux pour le bénéficiaire final, et ainsi octroyer un prêt concessionnel ;

- la « ressource à condition spéciale » (RCS) , correspondant aux prêts du programme 853. Dans ce cas, elle ne lève pas de ressources sur les marchés mais elle utilise directement la ressource prêtée par l'État pour réaliser son prêt 39 ( * ) .

En l'espèce, le prêt à l'AID devait initialement être porté par le programme 853 , et être ainsi considéré comme une opération financière. Or, ces crédits risquaient d'être comptabilisés comme de la dépense publique au sens de Maastricht par Eurostat et l'INSEE.

Ainsi, afin d'éviter que ce prêt ne participe au montant du déficit public, la direction du budget et la direction générale du trésor se sont accordées, en cours de gestion, sur la nécessité de basculer ce prêt vers le programme 110. Ainsi, l'Agence française de développement a levé les ressources sur les marchés et a bénéficié des crédits budgétaires de la mission pour « bonifier » le prêt.

Le coût de bonification ayant été estimé à 500 millions d'euros , les autorisations d'engagement du programme 110 ont été majorées de ce montant en loi de finances rectificative. Le basculement comptable du programme 853 au programme 110 est budgétairement neutre pour le programme 853.

Cette évolution de doctrine devrait se traduire, à l'avenir, par une raréfaction des recours au compte de concours financier pour octroyer des prêts.


* 34 D'après la direction du budget.

* 35 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 36 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative.

* 37 Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers.

* 38 Rapport annuel de performances du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », p.16.

* 39 Cf. rapport spécial PLF 2019 p.10.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page