N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 novembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. André LARDEUX,

Sénateur.

Tome IV :

Famille

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2584, 2912, 2916 et T.A. 553

Sénat : 84 et 90 (2010-2011)


Les observations et propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche famille en 2011

La commission, par la voix de son rapporteur André Lardeux, a pour ambition de défendre les intérêts financiers de la branche famille et présente deux propositions pour améliorer la vie quotidienne des parents de jeunes enfants :

Son ambition : préserver les ressources pérennes et dynamiques de la branche

Le Gouvernement envisage de transférer à la Cades 0,28 point de CSG aujourd'hui destiné à la branche famille (soit 3,3 milliards d'euros). Les quatre ressources prévues pour compenser ce transfert sont aléatoires et vouées à diminuer : en 2014, le manque à gagner serait de 2,3 milliards, ce qui porterait à environ 4 milliards le déficit de la branche à cette date. Le remboursement de la dette sociale ne peut se faire au détriment de la politique familiale. La commission propose donc, d'une part, de supprimer ce transfert pour garantir des recettes pérennes et dynamiques à la branche, d'autre part, d'assurer le financement de la Cades par une hausse de la CRDS.

Sa première proposition : ouvrir le prêt à l'amélioration à l'habitat aux assistantes maternelles travaillant dans une maison d'assistantes maternelles

Consacrées par la loi du 9 juin 2010, les maisons d'assistantes maternelles rencontrent un franc succès : moins de cinq mois après la promulgation de la loi, quatre-vingts fonctionnent déjà et cent sept sont en cours d'ouverture, réparties dans cinquante-quatre départements. Ce développement doit se poursuivre grâce à une meilleure information sur le dispositif, qui suscite parfois des réactions singulières, voire contestables sur le plan juridique, de la part de certains départements qui s'y montrent hostiles. Il faut également encourager les assistantes maternelles qui le souhaitent à y recourir, notamment en les y aidant financièrement : la commission propose donc d'ouvrir le prêt à l'amélioration à l'habitat aux assistantes maternelles travaillant dans une Mam.

Sa seconde proposition : poursuivre l'effort en faveur du développement de l'offre de garde des jeunes enfants

Le Gouvernement s'est engagé à créer en cinq ans 200 000 places d'accueil supplémentaires réparties par moitié entre l'accueil individuel et l'accueil collectif. L'objectif est en passe d'être tenu puisqu'environ 104 000 places ont été créées en deux ans et demi. Les assistantes maternelles contribuent très largement à cette amélioration des capacités d'accueil de la petite enfance : elles en constituent les trois quarts, soit bien davantage que ne le fait l'accueil collectif, plus coûteux pour les finances sociales et les collectivités territoriales. Il est donc impératif de préserver les ressources de la branche famille pour qu'elle puisse continuer à financer ce mode de garde à la hauteur des engagements pris.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Depuis l'année dernière, la sécurité sociale est entrée dans une période de déficit structurel d'une ampleur inégalée dans son histoire.

La crise économique est régulièrement invoquée pour expliquer la gravité de la situation. Si pertinente que soit cette analyse, elle ne vaut que partiellement pour la branche famille.

Depuis dix ans en effet, les différentes majorités n'ont eu de cesse que de lui transférer des charges jusque-là assumées par l'Etat ou par d'autres branches. En 2011, ces contributions atteignent 10 milliards d'euros, dont 8 seront affectés au financement des régimes de retraite de base.

Ce constat ne peut laisser indifférent : est-il vraiment conforme à l'intérêt général de notre pays, à la préparation de son avenir, de fragiliser la politique familiale pour financer la solidarité envers les aînés ? Pourquoi faudrait-il que celle-ci se fasse au détriment de celle-là ? Ne serait-il pas plus raisonnable de répartir équitablement les efforts entre ces deux politiques d'égale importance ?

Telle est en tout cas la conviction profonde de votre rapporteur.

Si la menace de faillite financière nationale appelle un effort de pédagogie de la part des pouvoirs publics, les réponses qui y sont apportées ne doivent pas être des choix de facilité et hypothéquer l'avenir.

Il n'est pas raisonnable de supprimer ou diminuer les prestations familiales au moment où la crise appauvrit déjà les familles les plus vulnérables, ni moralement défendable de reporter la dette et grever ainsi les capacités futures d'investissement du pays au moment où la compétition économique internationale est la plus rude.

Entre la protection des aînés et la conciliation de la vie professionnelle et familiale, il ne devrait pas y avoir à choisir. Le seul moyen d'assumer les deux exigences consisterait à augmenter les prélèvements sociaux.

I. LE DÉFICIT STRUCTUREL DE LA BRANCHE FAMILLE RÉSULTE DE SA MISE À CONTRIBUTION RÉPÉTÉE AU FINANCEMENT DE DÉPENSES ÉTRANGÈRES À LA POLITIQUE FAMILIALE

A. LE TRANSFERT RÉGULIER DE DÉPENSES SOCIALES VERS LA BRANCHE FAMILLE EXPLIQUE SA SITUATION FINANCIÈRE FRAGILE

1. Un déficit structurel historique apparemment dû à la crise économique

Fait inédit depuis sa création en 1967, la branche famille est entrée, depuis cette année, dans un cycle déficitaire permanent d'une ampleur comprise entre 300 millions et 3 milliards d'euros .

Evolution du solde de la branche famille

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010 1 ( * )

2011

2012

2013

2014

Recettes

54,9

57,2

56,1

49,6

51,8

54,0

56,3

59,0

Dépenses

54,8

57,5

59,2

54,1

56,1

57,7

59,4

60,7

Solde

0,2

- 0,3

- 1,8

- 2,6

- 3

- 2,6

- 2,3

- 1,7

Source : PLFSS 2011

En apparence, ce déficit s'explique par la crise économique qui a entraîné un décrochage des recettes par rapport aux dépenses de la branche.

En effet, les recettes et les dépenses de la Cnaf évoluent chacune selon des règles propres : alors que les premières sont essentiellement déterminées par l'évolution de la masse salariale, les secondes sont avant tout corrélées au dynamisme des naissances. Pour que la branche soit en équilibre, il faut donc que les deux postes évoluent de manière compatible. Or, si la crise économique se traduit par une diminution de la masse salariale, et donc des recettes, elle a a priori peu d'impact sur l'évolution des naissances. Il en résulte une dégradation des comptes de la branche en deux temps :

- à court terme, pendant la crise, le déficit se creuse ;

- à moyen et long terme, pendant que l'activité se redresse et retrouve son rythme de croisière, le déficit se stabilise mais ne se réduit pas, puisque les recettes ne reprennent leur progression qu'à partir de leur point bas atteint au paroxysme de la crise.

Par conséquent, lorsque la croissance réelle rejoint de nouveau la croissance potentielle, les recettes et les dépenses retrouvent un rythme d'évolution parallèle, mais un écart s'est creusé entre les deux courbes, exprimant ainsi le déficit structurel.

Evolution du solde de la branche famille

(en milliards d'euros)


* 1 La chute brutale des recettes et des dépenses entre 2009 et 2010 s'explique uniquement par une modification comptable. Dans le cadre de ses travaux de certification des comptes du régime général, la Cour des comptes a regretté que certaines prestations servies par les caisses de sécurité sociale pour le compte d'un tiers soient retracées au compte de résultat des organismes de sécurité sociale. Elle a demandé qu'il soit mis fin à ce traitement comptable pour améliorer la lisibilité des comptes de la sécurité sociale, ce qui est fait depuis cette année.

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