II. UN INSTRUMENT DE GESTION DES RISQUES RESTANT A CONFORTER

A. UN DÉVELOPPEMENT INÉGAL DE L'ASSURANCE RÉCOLTE SELON LES FILIÈRES

Après un départ rapide en 2005, l'assurance récolte s'est développée de manière variable selon les filières et, dans l'ensemble, relativement limitée.

En 2005 14 ( * ) , 57 900 contrats ont été souscrits. Ils couvraient 3 milliards d'euros de capitaux assurés et représentaient 82 millions de primes, dont 50 millions subventionnées et 17,4 millions d'aide.

Les grandes cultures représentaient l'essentiel des contrats. Les autres cultures (fruits, légumes, vigne) étaient assurées à moins de 1%.

En 2006, l'assurance récolte concernait 66 300 contrats (en hausse de 14,5%), pour 3,6 milliards d'euros de capitaux assurés et 97 millions d'euros de primes, dont 60 millions subventionnées et 21 millions d'aide.

Deux ans après la création de l'assurance récolte, 20% des exploitations professionnelles étaient concernées . Elles représentaient 15 ( * ) :

- 26,1 % pour les grandes cultures ;

- 10,2 % pour la vigne ;

- 1,7 % pour les cultures fruitières.

Les contrats par culture représentaient la quasi-totalité des contrats souscrits (65 925 contre 369, sur un total de 66 294).

En 2007, la superficie couverte avait poursuivi sa progression, sauf pour les cultures fruitières :

- 27 % pour les grandes cultures ;

- 12,3 % pour la vigne ;

- 0,93 % pour les cultures fruitières ;

- 7,8 % pour le maraîchage.

Les autorisations de paiement et les crédits de paiement ouverts pour le dispositif d'assurance récolte sont de 32 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009.

B. UNE COMPATIBILITÉ NÉCESSAIRE AVEC LES RÈGLES INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES

1. Le classement en « boîte verte » à l'OMC

Aux termes des accords de Marrakech de 1994 , les subventions sont généralement classées en catégories, désignées par des boîtes de couleur selon leur compatibilité aux règles du commerce international. En matière agricole, ces boîtes sont de trois couleurs :

- la « boîte verte » contient les aides autorisées. Il s'agit d'aides directes découplées non liées à la production, ni au marché, entraînant des effets « distorsifs » sur les échanges nuls ou minimes. Elles ne sont soumises à aucun plafond,

- la « boîte bleue » contient les aides simplement tolérées. Il s'agit d'aides en partie découplées et attribuées aux producteurs dans le cadre de programmes de limitation de la production. Elles seront prochainement plafonnées,

- la « boîte orange » contient les aides à éviter ou à réduire. Il s'agit des soutiens directement liés au volume de production ou aux prix, entraînant des distorsions dans les échanges. Elles sont soumises à un plafond budgétaire et à un engagement de réduction.

Au titre des mêmes accords de Marrakech, les assurances récolte et revenu sont classées dans la catégorie des soutiens internes, dans la mesure où elles font l'objet d'une intervention publique, et relèvent des boîtes verte, bleue ou orange selon leur effet de distorsion estimé sur la production et les échanges. Si plusieurs membres de l'OMC notifient des dispositifs assurantiels dans les boîtes orange et verte, les États-Unis et l'Europe n'en ont pour l'instant pas notifié.

Ces assurances doivent respecter, en outre, des critères spécifiques tels que la subordination à un niveau minimal de perte de revenu ou de récolte de 30 % de la moyenne des trois dernières années, et le non dépassement d'un plafond maximal d'indemnisation fixé à 70 % de la perte.

Le dernier projet d'accord agricole dans le cadre du cycle de Doha , présenté le 10 juillet 2008, prévoyait notamment des règles assouplies en cas d'indemnisation suite à des destructions d'animaux ou de récolte pour des raisons sanitaires ou phytosanitaires, ainsi qu'une clarification rédactionnelle visant à mieux distinguer les programmes d'assurance récolte des versements réalisés en cas de catastrophe naturelle.

En l'état actuel des négociations, le dispositif de soutien communautaire à l'assurance récolte respecte totalement le cadre règlementaire fixé par l'OMC.

2. Les perspectives européennes dans le cadre du « bilan de santé » de la PAC

Sur demande française, l'assurance récolte a été inscrite au « bilan de santé » de la PAC, qui doit être voté d'ici la fin de l'année. La Commission européenne propose ainsi d'utiliser le cadre général du régime des soutiens spécifiques pour favoriser le développement de l'assurance récolte, mais aussi d'un fonds de mutualisation en cas de maladies animales ou végétales.

Le débat s'annonce cependant très vif, l'Allemagne contestant le financement, l'Espagne s'opposant aux fonds mutualisés et le Danemark préférant une organisation des filières agricoles sans soutien public.

a) La possibilité d'aider les dispositifs assurantiels dans le cadre de « soutien spécifique » (article 68)

Dans ses propositions sur le « bilan de santé » de la PAC, rendues publiques le 20 mai 2008, la Commission européenne traite de façon spécifique des questions de gestion des risques.

L'actuel article 69 du règlement (CE) n° 1782/2003 sur les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs permet aux États membres de réattribuer jusqu'à 10 % des aides qu'ils perçoivent au titre du premier pilier pour financer des mesures liées à la protection ou à l'amélioration de l'environnement, ainsi qu'à l'amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles.

La Commission propose de réviser cet article en vue de donner des marges de manoeuvre plus larges aux États membres. A ce titre, un soutien à certaines mesures de gestion des risques -programmes d'assurance récolte en cas de catastrophe naturelle et fonds de mutualisation sanitaire- serait prévu, à certaines conditions. La Commission souligne ainsi que « compte tenu de l'importance croissante d'une gestion efficace des risques, il importe de donner aux États membres la possibilité de prendre en charge une partie des primes d'assurance récolte payées par les agriculteurs ou de compenser financièrement certaines pertes économiques liées à des maladies animales ou végétales ».

Le nouveau cadre juridique européen des systèmes d'assurance et d'indemnisation serait désormais réparti en trois nouveaux articles : l'article 68, qui en fixe le cadre général, l'article 69, qui traite spécifiquement des assurances récoltes, et l'article 70, relatif au fonds de mutualisation en cas de maladies animales et végétales.

L' article 68 , fixant donc les règles générales du régime des soutiens spécifiques, permet aux États de décider, pour le 1er août 2009 au plus tard, d'utiliser, à compter de 2010, jusqu'à 10 % de leurs plafonds nationaux au titre du premier pilier, en vue d'octroyer un soutien aux agriculteurs :

- . sous la forme de contributions au paiement des primes d'assurance récolte, conformément aux conditions prévues à l'article 69,

- . sous la forme de contributions à des fonds de mutualisation en cas de maladies animales ou végétales, conformément aux conditions prévues à l'article 70.

b) Les dispositions propres à l'assurance récolte (article 69)

L'article 69, consacré spécifiquement à l'assurance récolte, autorise les États membres à octroyer une contribution financière au paiement des primes d'assurance récolte couvrant les dommages causés par les phénomènes climatiques défavorables.

En relèvent les phénomènes climatiques assimilables à une catastrophe naturelle, comme le gel, la grêle, le verglas, la pluie ou la sécheresse, et détruisant plus de 30 % de la production annuelle moyenne d'un agriculteur donné au cours des trois années précédentes (ou des cinq, en retirant la plus faible et la plus forte).

La contribution financière octroyée par agriculteur est fixée à 60 % de la prime d'assurance due, les États membres pouvant décider de porter cette contribution à 70 % en fonction des conditions climatiques ou de la situation du secteur concerné.

L'indemnisation de l'assurance récolte n'est octroyée que lorsque le phénomène climatique défavorable a été reconnu comme tel par l'autorité compétente de l'État membre concerné.

Ce soutien fait l'objet d'un cofinancement. La participation communautaire y est limitée à 40 % des 60 ou 70 % de prise en charge par l'État membre.

L'assurance récolte ainsi proposée par la Commission est calibrée pour être déclarée en boîte verte à l'OMC, ce qui n'est pas le cas du système actuel français d'assurance récolte. Cependant, une assurance chiffre d'affaires pouvant être considérée comme liée aux prix par l'OMC, l'idée en a été écartée fermement par la commissaire européenne à l'agriculture.

c) Les dispositions relatives au fonds de mutualisation en cas de maladies animales et végétales (article 70)

Cet article 70 permet aux États membres de financer des fonds de mutualisation assurant le paiement aux agriculteurs d'indemnités destinées à couvrir les pertes économiques découlant de l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale.

Ces dernières correspondent à l'ensemble des coûts supplémentaires supportés par un agriculteur du fait de la réduction de l'approvisionnement du marché concerné ou de toute perte de production significative. Toutefois, ne seraient pas prises en charge les crises sanitaires les plus graves, remettant en cause l'équilibre même du marché, lesquelles relèveraient de la responsabilité des institutions européennes et feraient l'objet d'un régime juridique spécifique.

Si le capital social du fonds doit être constitué par les contributions des agriculteurs affiliés, l'État peut donc contribuer au financement :

- des coûts administratifs liés à l'établissement du fonds,

- du remboursement du capital et des intérêts afférents à des emprunts commerciaux contractés par le fonds aux fins du paiement des indemnités aux agriculteurs,

- des montants prélevés sur le capital social du fonds pour payer les indemnités octroyées aux agriculteurs.

Cette contribution publique ne peut excéder 60 % -voire 70 %, dans certains secteurs si leur situation l'exige- des sommes prises en charge. Le taux de cofinancement communautaire en est fixé à 40 %.

* 14 Données fournies par le rapport du sénateur Dominique Mortemousque.

* 15 Données fournies par le projet annuel de performances « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » annexé au projet de loi de finances pour 2009.

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