II. LA RÉFORME ENGAGÉE PAR LA LOI DU 21 AOÛT 2003 CONCILIE ÉQUITÉ ET EFFICACITÉ

Ainsi que l'a souligné notre collègue Adrien Gouteyron dans son rapport pour avis 45 ( * ) , la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a réussi, pour la fonction publique, à concilier les objectifs suivants :

- infléchir substantiellement la dérive financière à venir des régimes de la fonction publique ;

- maintenir le niveau des pensions pour une carrière complète ;

- établir une nouvelle équité vis à vis des autres régimes.

Plus généralement, la réforme s'inscrit, à l'instar de celle du régime général, dans la perspective d'une consolidation des régimes de retraite par répartition . En outre, la création d'un régime complémentaire, assis sur les primes, comble une des principales lacunes du système actuel.

Il est rappelé que la réforme, qui entre progressivement en vigueur à compter du 1 er janvier 2004, concerne les trois fonctions publiques (de l'Etat, territoriale et hospitalière), dont les régimes sont très proches.

A. LE CoeUR DE LA RÉFORME : UNE DURÉE DE COTISATION ACCRUE, MAIS UN NIVEAU DE PENSION MAINTENU

1. L'allongement de la durée de cotisation effective, dispositif central de la réforme

(1) L'allongement de la durée de cotisation

Le pourcentage maximal de liquidation demeure inchangé à 75 % mais la durée de cotisation est portée de 150 trimestres (soit 37 années et demie) en 2003, à 160 trimestres 46 ( * ) (soit 40 années) en 2008 . L'objectif est de stabiliser, dans le temps, le rapport entre la durée d'assurance et l'espérance de vie à la retraite.

Dans cette perspective, la durée de cotisation doit être portée progressivement (y compris pour le régime général et les régimes alignés) à 41 années de 2008 à 2012, sous réserve de l'évolution des conditions démographiques, économiques et sociales. Ensuite, la stabilisation du rapport précité commandera vraisemblablement une augmentation plus lente de la durée de cotisation, jusqu'à 41 années et trois trimestres en 2020.

(2) L'instauration d'une décote

L'allongement de la durée de cotisation n'aurait pas suffit, à lui seul, à infléchir les comportements en matière de départ à la retraite , et, de la sorte, à modérer significativement la progression des dépenses de retraite de la fonction publique.

Notre ancien collègue Gérard Braun, dans son rapport spécial sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003, avait déjà conclu à la nécessité d'instaurer, outre un allongement de la durée de cotisation, un système de décote (coefficient de minoration de la pension par trimestre manquant) pour les fonctionnaires : « Autant le mécanisme [de décote] existant dans le régime général peut sembler sévère 47 ( * ) , autant l'absence de décote dans le régime de l'Etat ressortit à une indulgence coûteuse 48 ( * ) . Une réflexion consolidée sur le mécanisme de la décote serait donc (...) porteuse d'efficacité (...). Une autre mesure légitime et propre à retarder les départs consisterait, parallèlement à la mise en place d'un mécanisme de décote, à instaurer une surcote suffisamment incitative .

« La généralisation d'un système de décote et de surcote calibré afin d'en assurer la neutralité financière pour les régimes de retraite permettrait en revanche d'assouplir les conditions concernant l'âge de départ ».

Cet appel à l'instauration 49 ( * ) d'une décote et d'une surcote dans le régime de l'Etat , transposable aux autres régimes de la fonction publique, a été entendu.

Ainsi, lorsque la durée d'assurance sera 50 ( * ) inférieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension, soit 160 trimestres, un coefficient de minoration (décote) de 1,25 % par trimestre manquant s'appliquera au montant de la pension liquidée, dans la limite de 20 trimestres .

Réciproquement, un mécanisme de surcote a été instauré afin d'encourager la poursuite de l'activité des fonctionnaires civils ayant atteint l'âge de 60 ans, et dont la durée d'assurance est suffisante pour obtenir le pourcentage de liquidation maximum (160 trimestres requis en 2008). Ainsi, il s'appliquera un coefficient de majoration (surcote), fixé à 0,75 % par trimestre supplémentaire, dans la limite de 20 trimestres .

(3) Un niveau de pension maintenu pour une carrière complète

Le taux de liquidation, établi à 75 %, demeure inchangé, et s'applique à une assiette du calcul toujours égale au traitement correspondant à l'indice effectivement détenu depuis six mois (il avait été envisagé, un premier temps, de prendre en compte les trois dernières années).

Le pourcentage maximal de liquidation et l'assiette du calcul étant ainsi reconduits, le niveau des pensions pour une carrière complète se trouve maintenu.

2. Une application très progressive

L' allongement de la durée de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans s'effectue graduellement de 2004 à 2008 , tandis que le décote montera progressivement en puissance de 2006 à 2020 , « relayant » l'allongement de la durée de cotisation, le dispositif transitoire étant calibré pour que la décote soit négligeable les premières années. Les tableaux suivants retracent ces évolutions, prévues par la loi portant réforme des retraites précitée :

Allongement progressif de la durée de cotisation

Année de la liquidation

Nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension civile ou militaire

Jusqu'en 2003

150

2004

152

2005

154

2006

156

2007

158

2008

160

Instauration progressive de la décote

Année de la liquidation

Taux du coefficient de minoration, par trimestre manquant pour obtenir le pourcentage maximum de la pension

Age auquel le coefficient de minoration s'annule, exprimé par rapport à la limite d'âge du grade 51 ( * )

Jusqu'en 2005

sans objet

sans objet

2006

0,13%

limite d'âge moins 16 trimestres

2007

0,25%

limite d'âge moins 14 trimestres

2008

0,38%

limite d'âge moins 12 trimestres

2009

0,50%

limite d'âge moins 11 trimestres

2010

0,63%

limite d'âge moins 10 trimestres

2011

0,75%

limite d'âge moins 9 trimestres

2012

0,88%

limite d'âge moins 8 trimestres

2013

1%

limite d'âge moins 7 trimestres

2014

1,13%

limite d'âge moins 6 trimestres

2015

1,25%

limite d'âge moins 5 trimestres

2016

1,25%

limite d'âge moins 4 trimestres

2017

1,25%

limite d'âge moins 3 trimestres

2018

1,25%

limite d'âge moins 2 trimestres

2019

1,25%

limite d'âge moins 1 trimestre

La limite d'âge de droit commun étant fixée à 65 ans, l'effet de la décote est donc plafonné à quatre trimestre en 2006, à six trimestres en 2007, etc., jusqu'à 20 trimestre en 2020 pour une liquidation demandée à 60 ans.

Ainsi, force est de constater que la réforme se déploiera avec une progressivité suffisante pour modifier les comportements sans jamais « surprendre » les fonctionnaires : plus ils sont avancés dans leur carrière, plus les modalités de liquidation de leurs pensions seront proches des précédentes. Le tableau suivant permet de rendre compte de cette progressivité :

* 45 Rapport pour avis n° 383 (2002-2003) au nom de la commission des finances.

* 46 A l'issue de la période transitoire (2004-2008) instaurée par l'article 66 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 47 Le rapport [pensions actualisées/cotisations actualisées] diminue avec l'application de la décote, mécanisme dont le régime général tire donc profit.

* 48 Le rapport [pensions actualisées / cotisations actualisées] augmente avec le nombre d'annuités manquantes, au détriment des régimes des fonctionnaires.

* 49 Le premier rapport du Conseil d'orientation des retraites (2001) en avait fait une piste privilégiée pour assurer l'égalité entre les régimes.

* 50 A l'issue de la période transitoire instaurée par l'article 66 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 51 Dans le mécanisme de la décote, si le nombre de trimestres manquant pour atteindre 160 trimestres s'avère supérieur au nombre de trimestres séparant la date de départ en retraite de la limite d'âge (65 ans dans le régime général), la décote s'applique en retenant ce dernier nombre de trimestres. Ainsi, en toute circonstance, la décote s'annule à la limite d'âge. Dans le présent dispositif transitoire, la limite d'âge est en quelque sorte « bonifiée » d'un nombre décroissant de trimestres.

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