C. DES DETTES OUBLIÉES ?

Outre que la présente opération de reprise de dette ne constitue qu'une mesure de gestion qui n'apporte pas de solution à la dynamique de la dette, votre rapporteur pour avis souhaite insister sur deux catégories de déficits qui ne sont pas concernées par le schéma proposé par le Gouvernement : les déficits futurs de la branche maladie et la dette des établissements de santé .

1. Le transfert des déficits à la CADES, une mesure de gestion qui n'enraye pas la dynamique de la dette sociale

Il convient, tout d'abord, de souligner que si les reprises de dettes par la CADES diminuent en apparence la dette du régime général et donc celle des administrations de sécurité sociale, elles ne réduisent pas, l'année du transfert, la dette des administrations publiques .

Par ailleurs, recourir de manière régulière à la CADES accroît sensiblement le risque d'opérer un report de charges sur les générations futures , les tarifs de reprise devenant de plus en plus élevés au fur et à mesure que la date d'extinction de la caisse se rapproche. Or, eu égard aux difficultés soulevés par l'affectation de recettes nouvelles au financement de la dette sociale, il importe plus que jamais de redéfinir les conditions de financement de la sécurité sociale si l'on ne souhaite pas une nouvelle fois déroger, d'ici quelques années, au principe de non-prorogation de la durée d'amortissement de la CADES.

2. Les futurs déficits de la branche maladie

La question reste ensuite entière en qui concerne les déficits de la branche maladie à compter de 2012. Historiquement, la majeure partie des déficits transférés à la CADES a concerné la branche maladie. Or, contrairement aux déficits « vieillesse » futurs, le schéma esquissé dans le présent projet de loi n'apporte pas de solution aux déficits à venir de la branche maladie qui devraient pourtant se stabiliser à des niveaux élevés .

a) Historiquement, la majeure partie des déficits transférés à la CADES a concerné la branche maladie

Le montant total de la dette reprise par la CADES, depuis sa création, s'élève, on l'a vu, à près de 135 milliards d'euros. A l'exception de la dernière reprise de déficits prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la composante « maladie » des déficits transférés a toujours été la plus importante.

En 1996 et 1998, les déficits « maladie » ont ainsi représenté près de 60 % du montant global des déficits du régime général transférés. Quant à la reprise de dette prévue par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie pour les années 2004-2006, elle a concerné exclusivement la branche maladie. En revanche, la composante « vieillesse » (CNAV+FSV) du dernier transfert de déficits à la CADES proposé par la loi de financement pour 2009 a été la plus importante.

Au total, la composante « maladie » des déficits transférés à la CADES , depuis 1996, s'élève à plus de 76 milliards d'euros , soit plus de 56 % des déficits repris jusqu'à aujourd'hui.

Structure des déficits transférés à la CADES depuis 1996

(en milliards d'euros)

Année de reprise

1996

1998

2003

2004

2005

2006

2007

2008-

2009

Total

Base juridique

Ord. 1996

LFSS 1998

LFSS 2003 et 2004 (FOREC)

LFSS 2009

LAAM 13 août 2004

Régime général

20,89

13,26

-

35,00

6,61

5,70

- 0,06 1

27

108,40

Dont branche maladie

12,54

7,74

-

35,00

6,61

5,70

- 0,06 1

9

76,53

Dont branche famille

7,97

2,99

-

-

-

-

-

-

10,96

Dont branche vieillesse

0,38

2,53

-

-

-

-

-

18 2

20,91

Etat

23,38

-

-

-

-

-

-

-

23,38

CANAM

0,46

-

-

-

-

-

-

-

0,46

Champ FOREC

-

-

1,28

1,1

-

-

-

-

2,38

Total

44,73

13,26

1,28

36,1

6,61

5,70

- 0,06

27

134,61

(1) Le montant cumulé des reprises de dettes à la fin 2006 a fait l'objet d'une régulation de 0,06 milliard d'euros opérée en 2007.

(2) En 2008-2009, ont été transférés les déficits cumulés au 31 décembre 2008 de la CNAV (-13,9 milliards d'euros) et du FSV (-3,9 milliards d'euros).

Source : commission des finances, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale et des arrêtés du 26 décembre 1996 et du 28 décembre 1998 (pour la ventilation des reprises de dette de 1996 et 1998 entre les différentes branches du régime général)

Dans le nouveau schéma de reprise de dette envisagé par le Gouvernement, les déficits de la branche maladie 2009-2010 et prévisionnel pour 2011 devraient être transférés à la CADES, soit un montant global d'environ 34 milliards d'euros .

Evolution des soldes du régime général et du FSV

(en milliards d'euros)

2009

2010 (p)*

2011 (p)**

Total

CNAM - Maladie

-10,6

-11,4

-11,6

-33,6

CNAM - AT-MP

-0,7

-0,5

0,1

-1,1

CNAV

-7,2

- 8,6

-6,9

-22,7

CNAF

-1,8

-2,6

-3,0

-7,4

Régime général

-20,3

- 23,1

-21,4

-64,8

FSV

- 3,2

- 4,3

-3,8

-11,3

Régime général + FSV

-23,5

-27,4

-25,2

-76,1

* Prévisions après révision des soldes par la commission des comptes en septembre 2010

** Après mesures PLFSS 2011

Source : annexe B au présent projet de loi de financement

La composante « maladie » représentera ainsi 51,2 % environ du montant global des déficits transférés en 2011 à la CADES , soit les déficits 2009-2010 du régime général et du FSV, ainsi que les déficits prévisionnels pour 2011 des branches maladie et famille.

b) Contrairement aux déficits « Vieillesse », le schéma esquissé n'apporte pas de solution aux déficits à venir de la branche maladie qui devraient se stabiliser à des niveaux élevés

Dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a annoncé le transfert à la CADES des déficits de la branche vieillesse entre 2011 et 2018 afin d'alléger la contrainte financière pesant sur le régime général durant la montée en charge de la réforme.

Compte tenu du schéma présenté, environ 62 milliards d'euros de déficit « vieillesse » pourraient ainsi être transférés entre 2012 et 2018.

Deux mesures devraient permettre de traiter cette composante « vieillesse » de la dette sociale : d'une part, la mobilisation des actifs du FRR et, d'autre part, le transfert des ressources du fonds à la caisse.

En revanche, le schéma proposé n'apporte pas de solution aux déficits de la branche famille et, surtout, aux déficits de la branche maladie à compter de 2012 qui ne manqueront pas de se reconstituer.

Les projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi de financement laissent ainsi entrevoir un déficit cumulé de la branche famille du régime général 2012-2014 de 6,6 milliards d'euros et de la branche maladie du régime général 2012-2014 de 24,9 milliards d'euros, soit un déficit cumulé total en 2014 de 31,5 milliards d'euros , ce qui représente plus du quart de la reprise de dette proposée dans le présent projet de loi de financement .

Autrement dit, en l'absence de plan cohérent et efficace visant à encadrer les dépenses d'assurance maladie, la reprise de dette présentée cet automne risque de ne constituer qu'une étape dans la « fuite en avant » à laquelle nous serons vraisemblablement confrontés si aucune mesure structurelle n'est prise pour rétablir la situation des comptes sociaux.

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