B. LES DOSSIERS EN ATTENTE OU EN COURS D'INSTRUCTION

1. La poursuite de la revalorisation du plafond des rentes mutualistes

Une demande forte des associations porte sur une revalorisation à 130 points d'indice. Votre commission ne peut qu'approuver cet objectif, tout en constatant que, dans l'ordre des priorités à satisfaire, d'autres choix ont été effectués pour 2008. La priorité a été donnée, en effet, de façon manifestement légitime, aux interventions les plus axées sur l'accompagnement de ceux qui en ont le plus besoin. La poursuite de la revalorisation du plafond de la rente mutualiste devrait donc intervenir, en fonction des exigences de la maîtrise des dépenses publiques, au cours des années à venir.

2. La question de la campagne double

Les fonctionnaires anciens combattants d'Afrique du Nord, auxquels le bénéfice de la campagne simple a d'ores et déjà été reconnu, revendiquent l'attribution de la campagne double à l'instar des anciens combattants des conflits précédents. Rappelons que le temps passé sous les drapeaux est pris en compte pour la constitution du droit à pension. Dans le secteur public, il ouvre en outre droit au « bénéfice de campagne » lorsque les services ont été accomplis en temps de guerre. Ce bénéfice consiste en une bonification d'annuités égale à la moitié (demi-campagne), à l'équivalent (campagne simple) ou au double (campagne double) de la période validée.

La dépense afférente à l'octroi éventuel de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord avait été estimée en 2001 à plus de 252 millions d'euros. Le rapport remis en mai 2005 au ministre délégué aux anciens combattants par Christian Gal, inspecteur général des affaires sociales, a permis de préciser l'évaluation de ce coût en fonction de différentes hypothèses d'application de la mesure. Le rapport confirme que, pour les 297 525 bénéficiaires potentiels de la mesure, le coût de l'octroi de la campagne double serait de 260 millions d'euros.

Le rapport Gal présente trois chiffrages plus restreints :

- le premier chiffrage est fondé sur la prise en compte de la seule période effectuée en unité combattante. Le coût global de la mesure concernant les 297 525 bénéficiaires potentiels est alors estimé à 90,10 millions d'euros ;

- le deuxième chiffrage est fondé sur la prise en compte des seuls anciens combattants titulaires d'une pension militaire d'invalidité (PMI). Le coût global de la mesure pour 25 253 bénéficiaires est estimé à 24,59 millions d'euros ;

- le dernier chiffrage combine les deux précédents : sont pris en compte, pour la période de service effectuée en unité combattante, les titulaires d'une PMI. Le coût global de la mesure pour 25 253 bénéficiaires est alors estimé à 25,59 millions d'euros.

Le rapport précise cependant « qu'aucun chiffrage ne peut être considéré comme parfaitement fiable ; les difficultés de certaines caisses, notamment celles des agents de la SNCF, de la RATP et d'EDF-GDF, à fournir des éléments (nombre de veuves, différence entre campagne simple et campagne double) utiles à l'élaboration de calculs précis, conduisent à relativiser certains résultats les concernant et, de ce fait, les différents coûts obtenus, sans que pour autant, soient modifiés sensiblement la ligne générale et les résultats du rapport » .

Jusqu'à présent, le ministère délégué avait repoussé la revendication d'octroi de la campagne double en avançant qu'outre son coût très élevé, cette mesure ne bénéficierait qu'aux agents ayant un statut public et non aux anciens combattants du secteur privé. Votre commission avait de son côté souscrit à cette position en estimant peu justifiée l'attribution de la campagne double aux agents publics alors que les anciens combattants du secteur privé ont souvent été placés dans une situation sociale bien plus précaire au retour de leur mission.

Consulté sur le rapport Gal, le Conseil d'État semble avoir tranché le noeud gordien dans un avis du 30 novembre 2006 fondé sur une analyse exclusivement juridique des textes en vigueur.

Notons d'abord que cet avis refuse tout fondement juridique aux hypothèses présentées par le rapport Gall.

Ainsi n'existe-t-il aucune obligation juridique de lier le bénéfice de la campagne double aux périodes passées au sein d'unités combattantes. Si l'appartenance à de telles unités peut utilement contribuer à identifier les anciens combattants bénéficiaires de la campagne double, indique l'avis, le champ couvert par l'application de ce critère est en règle générale excessif au regard des obligations auxquelles le pouvoir règlementaire est tenu. En effet, l'octroi de la campagne double exige que les militaires aient été exposés à des situations de combat. Au surplus, la notion d'unité combattante, qui n'a pas d'existence dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut servir à l'octroi des bonifications de guerre prévues par ce code.

L'avis réfute aussi les hypothèses réservant le bénéfice de la campagne double aux titulaires de pensions militaires d'invalidité en raison de blessures reçues ou de maladies contractées soit lors de la participation à des opérations de guerre, soit lors de services accomplis en unité combattante en Afrique du Nord. Ces deux hypothèses seraient en effet discriminatoires vis-à-vis des militaires exposés à des situations de combat et qui n'auraient pas reçu de blessure, ni contracté de maladies. En outre, elles lient le bénéfice de la campagne double à l'existence d'une blessure ou d'une maladie pensionnée au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Or la pension de retraite est due en raison des services accomplis et non en fonction des blessures reçues ou des maladies contractées. Réserver le bénéfice d'un avantage de retraite aux seuls titulaires d'une pension d'invalidité serait alors contraire aux dispositions législatives liant les bénéfices de campagne aux services militaires effectués et précisant que ces services doivent avoir été accomplis en opérations de guerre pour ouvrir droit au bénéfice de la campagne double.

L'avis du 30 novembre 2006 ne conclut pas pour autant à l'absence de fondement juridique pour l'octroi de la campagne double, bien au contraire.

Il constate en effet que la loi du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » , de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc » , a placé les personnes ayant participé à cette guerre et ces combats sur un pied de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs. En effet, l'article premier de ladite loi dispose : « L'article L. 1 er bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé : « Art. L. 1 er bis. - La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code ». Dès lors, indique le Conseil d'État, « il incombe au pouvoir réglementaire d'apporter les modifications nécessaires à la réglementation applicable ». En l'occurrence, précise-t-il, « le bénéfice de la bonification dite de « campagne double », doit être attribué à ceux des ressortissants de ce code qui ont participé à des opérations de guerre, c'est-à-dire qui ont été exposés à des situations de combat » . Lors de son audition par votre commission le 7 novembre 2007 1 ( * ) , Alain Marleix, secrétaire d'État chargé des anciens combattants, a indiqué que l'administration a entrepris de fixer les modalités d'application de cette conclusion et d'identifier les bénéficiaires de la mesure, en fonction des données dont disposent le service historique des armées et la direction du service national. Le chiffrage prévisionnel de la dépense dépend du nombre des bénéficiaires et de la durée des services pris en compte. Il apparaît ainsi très complexe.

3. Les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes n'ayant pas participé à des combats

Votre commission rappelle régulièrement l'opportunité de donner une conclusion satisfaisante à ce dossier revêtu d'une portée plus symbolique qu'économique. Ce que réclament en effet les survivants des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes n'ayant pas participé à des combats, est moins une somme d'argent pour solde de tout compte, que le versement d'une indemnité susceptible de manifester concrètement la claire reconnaissance de leur souffrance particulière. Cette souffrance ne peut bien entendu être mise sur le même pied ni évaluée selon les mêmes critères que celle des personnes contraintes de combattre sous un drapeau exécré et qui eurent à en subir les dures conséquences. Elle n'en est pas moins réelle, respectable et digne d'être reconnue de la façon dont l'État reconnaît les souffrances qui s'élèvent toujours dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale. Le régime d'indemnisation des orphelins de parents victimes de persécutions antisémites et le régime d'indemnisation des orphelins de parents victimes d'actes de barbarie sont emblématiques de cette juste catharsis. Dès lors, les renvois de responsabilité auxquels ce dossier donne lieu depuis des années ne sont pas à la hauteur d'un enjeu aussi fort et légitime du point de vue des symboles que médiocre de celui des finances publiques. Votre commission espère donc que l'État prendra sans tarder les initiatives politiques qu'il appartient de prendre à nul autre que lui.

Elle rappelle une nouvelle fois les données juridiques du dossier, qu'elle ne juge pas déterminantes. La fondation « Entente franco-allemande », créée par un accord international du 31 mars 1981, afin de percevoir et de répartir les sommes versées par l'Allemagne pour indemniser l'enrôlement de force dans l'armée allemande des ressortissants français du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, a procédé au cours des ans à l'indemnisation des intéressés, qui ont perçu une allocation unique de 1 387,29 euros.

A l'origine, il a été considéré que l'accord du 31 mars 1981 réservait le droit à l'allocation aux seuls incorporés de force dans l'armée allemande. Cependant, le Conseil d'État, dans un arrêt Kocher du 16 novembre 1973, a jugé que les services accomplis par un Alsacien ou Lorrain incorporé de force dans une unité de la Polizei-Waffenschule, ne faisant pas organiquement partie de la Wehrmacht mais placée sous commandement militaire, et ayant été engagé dans les combats sur le front russe, doivent être regardés comme accomplis dans l'armée et la gendarmerie allemandes et doivent être validés comme services militaires. En application de cette décision, les personnes requises pour servir les batteries de DCA de la Luftwaffe, en particulier, ont pu recevoir le certificat d'incorporé de force et percevoir l'allocation de 1 387,29 euros.

En revanche, les personnes incorporées de force dans des formations paramilitaires allemandes qui n'ont pas participé à des combats n'ont perçu aucune indemnisation, l'accord de 1981 ne visant que les membres des forces combattantes. Un certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires allemandes, qui n'ouvre droit à aucun avantage particulier, a été créé à leur profit. Son attribution a permis le recensement des quelque 5 600 Alsaciens et Mosellans potentiellement concernés par l'extension de l'indemnisation.

La fondation, attributaire des fonds versés par l'Allemagne aux fins d'indemnisation, s'appuie sur l'accord et sur ses statuts, rédigés en fonction des stipulations de l'accord, pour utiliser les sommes dont elle reste dépositaire. D'où son refus de procéder à tout versement non autorisé par les textes en vigueur.

Les autorités allemandes considèrent de leur côté que l'accord de 1981 a réglé le dossier des incorporés de force en ce qui les concerne et ne souhaitent pas rouvrir ce dossier, eu égard aux demandes reconventionnelles que les travailleurs forcés d'autres nationalités seraient susceptibles de produire.

Les associations d'anciens incorporés de force, dont beaucoup siègent au comité directeur de la fondation, sont généralement opposées à une telle utilisation de ces ressources, considérant que cette utilisation équivaudrait à un détournement de fonds publics. Elles ne seraient cependant pas entièrement hostiles au principe de l'octroi d'une indemnisation des personnes incorporées de force dans des formations paramilitaires n'ayant pas participé à des combats, dès lors qu'une telle initiative n'assimilerait pas ces personnes aux combattants ayant subi les rigueurs du combat et parfois celles de la détention en camp soviétique. Cela semble être une position de sagesse.

De son côté, le gouvernement s'est plusieurs fois déclaré disposé à recenser les anciens du Reichsarbeitsdienst (RAD) n'ayant pas participé à des combats afin de leur verser une indemnité équivalente à la moitié de celle versée aux patriotes résistants à l'occupation des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, soit 693,64 euros. Le coût budgétaire d'une telle mesure serait d'environ 5,9 millions d'euros. Cependant, selon le gouvernement, ce règlement devrait avoir lieu dans le cadre de la mission de la fondation Entente franco-allemande, dont les statuts devraient alors être modifiés en conséquence.

Une réunion avait été tenue sur ce dossier à Strasbourg en mai 2003, à l'initiative du ministre délégué aux anciens combattants, associant les parlementaires locaux et la fondation. Elle n'avait pas abouti à un accord. Aucun progrès n'a eu lieu depuis.

* 1 Cf. p. 39.

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