CHAPITRE II -
LES ACTIONS ET ÉQUIPEMENTS INTERARMÉES

Comme indiqué en introduction, les actions analysées dans le présent rapport pour avis portent sur les crédits des forces ayant une dimension interarmées .

Il s'agit tout d'abord au sein du programme « équipement des forces », des équipements interarmées qui regroupent essentiellement les moyens dévolus à la dissuasion nucléaire et aux capacités spatiales .

Il s'agit ensuite des actions à vocation interarmées et principalement celles figurant au programme « préparation et emploi des forces », à savoir la planification des moyens et la conduite des opérations, la logistique interarmées et les surcoûts liés aux opérations.

I. LA DISSUASION NUCLÉAIRE

Les dotations consacrées à la dissuasion nucléaire s'élèveront en 2006 à 3,6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (+ 13 %) et à 3,3 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 3,8 %) . Cette évolution, conforme à l'échéancier de la loi de programmation militaire, correspond aux besoins d'engagements et de paiements pour la poursuite des différents programmes de nos forces nucléaires : 4 ème sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération ; missile balistique M 51 ; missile aéroporté ASMP-A ; mise en place des moyens de calcul et d'expérimentation liés à la simulation ; réalisation des futures têtes nucléaires sans recours aux essais en vraie grandeur.

Ces différents programmes forment un tout cohérent. Ils visent à doter durablement la France d'une capacité de dissuasion plus réduite que par le passé, mais crédible et adaptée à un nouveau contexte stratégique marqué par un affaiblissement inquiétant du régime international de non-prolifération nucléaire.

A. LES CRÉDITS DÉVOLUS À LA DISSUASION NUCLÉAIRE

L'année 2006 marquera un point haut dans le budget de la dissuasion nucléaire au cours de la loi de programmation militaire, en raison notamment d'une forte hausse des autorisations d'engagement du fait de la conjonction d'investissements importants.

1. La répartition des dotations en 2006

Les dotations consacrées à la dissuasion nucléaire sont réparties sur les quatre programmes de la mission « défense ».

La grande majorité d'entre elles figurent dans le programme « équipement des forces » et sont inscrites sur trois actions : l'équipement de la composante interarmées, qui concerne les programmes de missiles ; l'équipement des forces navales, avec notamment le programme SNLE-NG ; la conduite des opérations d'armement, avec les crédits relatifs à la simulation, à la sécurité et aux matières.

Les trois autres programmes comportent également des crédits dévolus à la dissuasion. Le maintien en condition opérationnelle de la force océanique stratégique et l'activité des forces aériennes stratégiques figurent au programme « préparation et emploi des forces ». Les études opérationnelles et technico-opérationnelles ainsi que les études-amont dans le domaine nucléaire relèvent du programme « environnement et prospective de la politique de défense ». Enfin, le programme « soutien de la politique de défense » comporte des dotations consacrées à la dissuasion.

PRINCIPALES DOTATIONS CONSACRÉES À LA DISSUASION EN 2006

( en millions d'euros)

PROGRAMMES

AE

CP

Environnement - prospective

Etudes opérationnelles et technico-opérationnelles nucléaires

Etudes amont nucléaire

2,7

46,6

2,7

41,0

Préparation - emploi des forces

Posture de dissuasion nucléaire

15,2

13,1

Equipement des forces

Equipement interarmées - Dissuasion ASMP/A

Equipement interarmées - Dissuasion M 51

Equipement interarmées - Dissuasion

Forces navales - Dissuasion - SNLE NG

Forces navales - Dissuasion

Forces aériennes - Dissuasion

Nucléaire : simulation, sécurité, matières

290,9

901,4

251,7

526,2

142,2

139,7

883,8

187,1

725,9

211,2

537,9

137,0

93,0

925,6

(source : projet de loi de finances - annexe Défense)

Le tableau ci-dessus ne fait pas apparaître les dépenses de maintien en condition opérationnelle de la force océanique stratégique, qui sont incluses dans l'action « soutien des forces sous-marines » et qui seront de l'ordre de 265 millions d'euros en 2006, ni les crédits d'activité des forces aériennes stratégiques qui, d'après les informations figurant dans le projet annuel de performances, représenteront 98,4 millions d'euros l'an prochain.

Au total, d'après les informations fournies à votre rapporteur, l'ensemble des dotations consacrées à la dissuasion nucléaire s'élèveront à 3 600 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 3 269 millions d'euros de crédits de paiement .

Les dotations transférées au CEA seront caractérisées par une augmentation des autorisations d'engagement, qui passeront de 1,48 à 1,59 milliards d'euros (+ 7,6 %), et par une relative stabilité des crédits de paiement qui s'élèveront à 1,32 milliards d'euros (+ 1,1%). Ces dotations sont consacrées à la réalisation des équipements de simulation, en particulier le laser mégajoule, à la mise au point, grâce à ce dernier, des futures têtes nucléaires, et aux programmes de propulsion navale.

Votre rapporteur précise que les crédits des forces navales dévolus à la dissuasion intègrent les conséquences du changement de statut de DCN, en particulier la TVA et les charges de restructuration, pour un montant de l'ordre de 50 millions d'euros en 2006.

Enfin, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation, un fonds dédié à été mis en place à la fin de l'année 2004 pour financer, hors budget de la défense, les opérations de démantèlement des usines de production de matières fissiles de Pierrelatte et Marcoule. Ces opérations ont représenté de 1997 à 2002 une dépense assez considérable de l'ordre de 100 millions d'euros par an pour le budget de la défense. Le fonds de démantèlement a été doté à hauteur de 1,6 milliard d'euros par la soulte libératoire de Cogema et une partie de la soulte d'EDF. Il devrait être complété entre cette année et 2006 par le restant de la soulte d'EDF et une contribution du fonds civil du CEA. En revanche, les modalités et l'échéancier du versement de la contribution de l'Etat, évaluée à 1,3 milliard d'euros, ne sont pas pour l'instant définis.

Grâce à ce fonds, le budget de la défense ne contribue plus au financement du démantèlement de l'usine de production de plutonium de qualité militaire de Marcoule alors que ces opérations sont appelées à se poursuivre jusqu'en 2040 pour un coût évalué à 3,7 milliards d'euros. Le démantèlement de l'usine d'uranium hautement enrichi de Pierrelatte devrait quant à lui s'achever en 2010. La part restant à la charge de la défense est comprise entre 25 et 30 millions d'euros par an pour les deux prochaines années.

2. La dissuasion nucléaire dans le budget de la défense

Avec 3,6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et près de 3,3 milliards d'euros de crédits de paiement, la dissuasion représentera en 2006 9,7 % des autorisations d'engagement et 9,1 % des crédits de paiement du budget de la mission « défense » . Si l'on rapporte cette masse financière à l'agrégat « loi de programmation militaire », c'est-à-dire aux dotations jusqu'à présent inscrites aux titres V et VI, la dissuasion représentera 22,4 % des autorisations d'engagement et 20,9 % des crédits de paiement consacrés à l'équipement militaire . Par rapport à la moyenne des 10 dernières années, la part de la dissuasion sera en 2006 sensiblement supérieure pour les autorisations de programme (20 % en moyenne depuis 1996) et du même ordre pour les crédits d'équipement (20,6 %) en moyenne.

L'augmentation des autorisations d'engagement en 2006 correspond essentiellement aux besoins financiers pour la commande du 1 er lot de missiles ASMP/A, la poursuite de la construction du 4 ème SNLE-NG et le lancement de l'adaptation au missile M 51, ainsi que pour la commande de la rénovation des ravitailleurs C-135 dédiés aux forces aériennes stratégiques.

Plus généralement, il faut souligner que les forces nucléaires se trouvent actuellement dans un cycle de renouvellement complet de leurs moyens, engagé il y a plus d'une quinzaine d'année. Ce renouvellement touche à la fois les sous-marins, les missiles des deux composantes et les têtes nucléaires qui les équipent. Par ailleurs, l'abandon des essais et le passage à la simulation exige d'importants investissements.

Cet effort concentré dans le temps pèse lourd sur le budget de la défense mais pour autant, il faut toujours garder à l'esprit que le budget de la dissuasion nucléaire a pratiquement été divisé par deux en 15 ans . En 1990, le budget de la dissuasion nucléaire représentait 31,4 % des crédits d'équipement des armées et s'élevait à 4,8 milliards d'euros courants, ce qui équivaut à 6,2 milliards d'euros d'aujourd'hui.

Cette décrue résulte de la réduction très significative du format des forces nucléaires engagée par la France. La composante sol-sol a été supprimée, avec le retrait des missiles de courte portée Hadès et le démantèlement des missiles stratégiques du plateau d'Albion. Le nombre de SNLE en service a été ramené de 6 à 4 et la composante aéroportée se réduit désormais à un seul système d'armes, le missile air-sol moyenne portée, au lieu de trois précédemment (retrait des avions stratégiques Mirage IV ainsi que des Jaguar et Mirage III équipés de bombes nucléaires). La posture d'alerte de nos deux composantes en service a été réduite. La production de matières fissiles pour les armes nucléaires a été arrêtée et le démantèlement des usines a été engagé. Enfin, les installations d'expérimentation du Pacifique ont été fermées et démantelées et la direction des applications militaires du CEA a fermé plusieurs de ses centres et réduit de plus de 20 % ses effectifs.

Comme l'a régulièrement souligné votre commission, la révision des capacités s'est accompagnée d'une évolution de notre doctrine qui intègre désormais les conséquences de la prolifération nucléaire et l'accès de puissances régionales aux armes de destruction massive.

La diminution importante de notre posture et des moyens financiers correspondants nous place désormais à un nouveau palier défini par la notion de « stricte suffisance » .

Cette stricte suffisance repose sur des forces plus réduites que par le passé mais qui, sur l'horizon d'une vingtaine ou une trentaine d'années, demeurent crédibles et adaptées à une large gamme de situations , notamment les scénarios de chantages et de menaces qui pourraient émaner de puissances régionales disposant d'armes de destruction massive.

En matière nucléaire plus encore que dans le domaine des équipements classiques, les décisions s'inscrivent dans une perspective de longue durée. A titre d'exemple, nos sous-marins nucléaires de nouvelle génération sont conçus pour une durée de vie de 35 ans. De même, la nouvelle tête nucléaire océanique n'entrera en service qu'en 2015 alors que les concepts dont elle découle ont été testés lors de la dernière campagne d'essais à Mururoa en 1995.

C'est la raison pour laquelle il est difficile de concevoir, sur les crédits du nucléaire, des arbitrages conjoncturels comme il peut en intervenir sur d'autres équipements. Les dotations découlent de choix cohérents effectués lors de la définition de notre posture.

Votre rapporteur estime que dans le contexte inquiétant d'affaiblissement du régime international de non-prolifération, avec les crises nord-coréenne et iranienne, le choix, effectué en 1996, de maintenir une dissuasion strictement suffisante mais crédible, apparaît justifié. Il importe donc de mener à leur terme les différents programmes qui sont destinés à assurer cette posture.

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