TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 26 octobre 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le projet de budget de son ministère pour 2005 .

Après avoir indiqué que le budget du ministère de l'outre-mer pour 2005 s'élève à 1,71 milliard d'euros, soit une progression de 52 % par rapport au projet de budget pour 2004, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a reconnu le caractère artificiel de cette progression. Cette hausse très importante est, en effet, liée au transfert, sur le budget de l'outre-mer, de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, jusque là inscrits au titre du budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Ce transfert permettra de garantir l'application de la loi de programme, puisque la maîtrise globale des crédits sera assurée par le ministère.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a souligné les deux priorités que constituent l'emploi et le logement, auxquels les trois-quarts du budget de l'outre-mer sont consacrés.

La politique pour l'emploi, qui mobilise près de 67 % des crédits, soit 1,15 milliard d'euros, repose sur les créations d'emploi, les allégements de charges sociales et la formation professionnelle des jeunes à travers le service militaire adapté (SMA). La fongibilité complète des crédits d'emploi permettra d'assurer avec plus de souplesse et plus d'efficacité le financement des mesures pour l'emploi et l'insertion des publics des plus démunis. La priorité portera sur le développement de l'emploi dans le secteur marchand, sans lequel il n'y a pas de développement durable possible, à travers notamment les contrats d'accès à l'emploi et les dispositifs créés par la loi de programme du 21 juillet 2003 en faveur des jeunes diplômés. En outre, le redéploiement de l'encadrement des unités du SMA permettra d'améliorer encore la formation des jeunes ultramarins. Enfin, les nouvelles mesures en faveur de l'emploi créées par le plan national de cohésion sociale soutenu par M. Jean-Louis Borloo seront, bien entendu, mises en oeuvre outre-mer.

Elle a ensuite assuré que la politique pour l'emploi tiendra compte des enjeux spécifiques de l'outre-mer en matière de formation et de mobilité professionnelles. Ainsi, la dotation de continuité territoriale, qui constitue, selon elle, la véritable mesure nouvelle de ce budget 2005, permettra de compléter, à hauteur de 51 millions d'euros, les aides du ministère destinées à pallier les handicaps structurels des collectivités d'outre-mer. Quant au passeport-mobilité qui permet la prise en charge des billets d'avion vers la métropole des étudiants y poursuivant leur cursus universitaire, son financement sera préservé en 2005. Elle s'est félicitée de la qualité du partenariat qui s'est instauré entre l'État et les collectivités territoriales auxquelles elle continuera d'apporter son soutien.

En ce qui concerne le logement, priorité essentielle de son action ministérielle, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a assuré qu'elle veillerait au maintien du haut niveau d'effort de 2002 et 2003 en faveur de la construction de logements sociaux et de la résorption de l'habitat insalubre.

Elle a ajouté que l'année 2005 sera marquée par une diversification des produits du logement social dans le secteur locatif, avec l'extension aux départements d'outre-mer du prêt locatif social (PLS), dans la filière accession, avec la réforme du logement évolutif social (LES) et la mise en place des prêts sociaux location-accession, et, en matière d'aménagement foncier, avec le nouveau dispositif partenarial de participation à l'aménagement des quartiers (PAQ), qui a pour objectif de recentrer la production de logements dans les zones prioritaires.

Grâce aux mesures du plan national de cohésion sociale présenté par M. Jean-Louis Borloo, notamment l'exonération de taxe foncière portée de 15 à 25 ans pour la construction de logements sociaux, elle espère atteindre en 2005 un objectif de 1.000 réalisations supplémentaires en partenariat avec les collectivités territoriales et les organismes du logement social.

Par ailleurs, l'effort budgétaire de l'État en faveur de la construction de logements sociaux en accession à la propriété et en locatif serait renforcé en 2005 par la montée en puissance des dispositions fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a chiffré à 35 millions la dépense fiscale qui sera ainsi injectée dans le secteur du bâtiment-travaux publics outre-mer.

Enfin, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a souhaité attirer l'attention du Sénat sur les autres mesures à caractère social de son budget : la couverture maladie universelle complémentaire, dont le budget de l'outre-mer finance le rehaussement du plafond des ressources, et la prise en charge du ticket modérateur à Mayotte, qui bénéficie d'une dotation de 0,6 million d'euros. Au total, 35 millions d'euros seront ainsi consacrés à l'accès aux soins des personnes les plus démunies.

En conclusion, elle s'est réjouie de pouvoir participer à la politique de modernisation de l'État, conformément aux nouvelles règles édictées par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001. Le ministère de l'outre-mer a ainsi introduit, dans son budget 2005, de nouveaux outils qui permettront de responsabiliser les gestionnaires publics et d'anticiper le passage d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et de résultats. L'ensemble de ces réformes a pour objectif de respecter les engagements du Président de la République et de la loi de programme, gage d'un développement social et économique durable de l'outre-mer.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis des crédits affectés à l'outre-mer , a demandé à connaître la réalité de l'augmentation du budget de l'outre-mer, à périmètre constant, c'est-à-dire hors transfert des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales, jusque là inscrits sur le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a répondu que les comparaisons d'une année sur l'autre, à périmètre constant, n'avaient plus guère de signification, en raison des mouvements budgétaires croisés qui se sont multipliés ces dernières années : si des transferts de crédits ont eu lieu en faveur de son ministère, d'autres crédits ont été transférés de son ministère vers le ministère de l'intérieur et celui de la santé. Au total, la réduction de certaines dotations budgétaires n'a pas remis en cause les missions du ministère de l'outre-mer.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis des crédits affectés à l'outre-mer , s'est enquise du bilan de la globalisation des crédits de l'emploi expérimentée l'an dernier et de la répartition des crédits entre emplois marchands et non marchands. Elle a ensuite souhaité connaître la position du Gouvernement sur la mise en place d'un passeport-logement.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a indiqué que les crédits de l'emploi votés en 2004 se sont portés à 70 % vers l'emploi non marchand et à 30 % vers l'emploi marchand. Toutefois, elle a estimé que la globalisation des crédits de l'emploi expérimentée en Martinique a été menée en application de la loi organique relative aux lois de finances et qu'elle permettra de donner une plus grande souplesse aux politiques publiques locales.

S'agissant du passeport-logement, elle a reconnu que seule la moitié des demandes de logements en métropole déposées par les étudiants ultramarins a été satisfaite. Elle a toutefois ajouté que la conclusion d'une convention entre l'État et l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) a permis de mettre à la disposition des étudiants ultramarins, lors de la rentrée universitaire 2004, huit cents chambres, dont deux cent vingt en Ile-de-France. Elle a également souhaité que cette convention serve de modèle pour construire un partenariat de même nature avec les collectivités territoriales.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis des crédits affectés à l'outre-mer , s'est préoccupée de l'avenir de la coopération régionale des départements d'outre-mer avec leur environnement géographique. Puis elle a souhaité avoir des précisions sur les réponses que le Gouvernement comptait apporter à l'afflux important de migrants comoriens à la Réunion.

Observant que la coopération régionale ne pouvait être conduite qu'avec la volonté politique des élus d'outre-mer, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , les a encouragés à participer aux négociations portant sur des thèmes susceptibles d'intéresser les économies locales. Elle s'est ensuite montrée réservée sur l'éventualité d'un problème d'immigration à la Réunion, car les mahorais ne sont pas des immigrés mais des Français à part entière et, en ce sens, libres de circuler sur l'ensemble du territoire français, même si elle a reconnu que les trafics de faux papiers entre comoriens et mahorais ont été longtemps facilités par l'absence d'état civil.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis des crédits affectés à l'outre-mer , a demandé s'il était opportun de mettre fin au plafonnement à trois enfants des allocations familiales dans la collectivité départementale de Mayotte.

Après avoir rappelé que ce plafonnement avait été décidé par le Gouvernement socialiste dans l'objectif de contrôler une natalité mahoraise plus dynamique qu'en métropole, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a plaidé pour un alignement sur le droit commun, étant donné que Mayotte a vocation, prochainement, à devenir un département d'outre-mer. Elle a estimé le coût de cette mesure à 3 millions d'euros.

Axant son intervention sur la Martinique, M. Serge Larcher a déploré que les crédits affectés au logement social pour 2004 soient déjà épuisés, car les dotations initialement prévues n'ont pas été entièrement versées. Puis, il a souhaité que l'État tienne compte des spécificités locales, outre-mer, lorsqu'il attribue, aux collectivités concernées, leur part de la dotation de décentralisation.

Faisant valoir la bonne consommation des crédits de la ligne budgétaire unique relative au logement, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a affirmé qu'elle s'emploie à obtenir le dégel de 26 millions d'euros et qu'elle puiserait dans ces dotations pour aider les entreprises martiniquaises confrontées à des difficultés particulières, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Elle a souligné qu'à la demande des deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, le Gouvernement a décidé de réformer les critères d'attribution des dotations budgétaires afin de mieux prendre en considération « l'ultra-spécificité » des départements d'outre-mer.

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