Avis n° 76 (2004-2005) de M. Gérard CÉSAR , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 25 novembre 2004

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N° 76

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AGRICULTURE

Par M. Gérard CÉSAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean Besson, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, François Gerbaud, Alain Gérard, Charles Ginésy, Georges Ginoux, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Paul Natali, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345

Sénat : 73 et 74 (annexe n° 3 ) (2004-2005)

Lois de finances.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE IER - L'ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE 9

I. L'ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE GLOBAL 9

A. LA DÉTÉRIORATION DES CONDITIONS D'EXPLOITATION 9

B. L'INTENSIFICATION DES AIDES PUBLIQUES 10

II. L'ÉVOLUTION DU REVENU SELON LES FILIÈRES ET LES RÉGIONS 10

A. LES ORIENTATIONS PAR FILIÈRES 10

B. LES ORIENTATIONS PAR RÉGION 11

III. LE PRÉ-BILAN DE L'ANNÉE 2004 12

IV. LA COMPARAISON AVEC NOS PRINCIPAUX PARTENAIRES ET CONCURRENTS 12

CHAPITRE II - L'EXAMEN DES CRÉDITS 15

I. L'ORIENTATION GÉNÉRALE 15

A. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE 15

1. Les dépenses ordinaires 15

a) Les moyens de fonctionnement 16

b) Les crédits d'intervention 16

2. Les dépenses en capital 16

B. L'ENSEMBLE DES DÉPENSES PUBLIQUES BÉNÉFICIANT À L'AGRICULTURE 17

II. L'ANALYSE DES DIFFÉRENTES POLITIQUES FINANCÉES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005 18

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À L'INSTALLATION, À LA POLITIQUE DES STRUCTURES ET À LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS 18

1. Les crédits destinés à l'installation 18

2. Les crédits destinés à l'amélioration des structures et à la modernisation des exploitations 19

B. LES CRÉDITS DESTINÉS AU SOUTIEN DES FILIÈRES ET À LA RÉGULATION DES MARCHÉS 20

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA MULTIFONCTIONNALITÉ 22

D. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ACTION SOCIALE ET AUX MÉCANISMES DE SOLIDARITÉ 23

1. Les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté et endettés 23

2. Les crédits en faveur des cessations anticipées 24

3. Les crédits destinés à faire face aux calamités agricoles 25

CHAPITRE III - L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS AU NIVEAU NATIONAL 27

I. LA CRISE DU SECTEUR DES FRUITS ET LÉGUMES 27

A. UNE SITUATION CONJONCTURELLE DIFFICILE 27

1. Présentation générale du secteur 27

2. Des résultats pour 2003 bénéficiant de « l'effet canicule » 27

3. 2004, « annus horibilis » 28

II. DES LIMITES STRUCTURELLES PÉNALISANTES 29

A. UNE TRÈS GRANDE VULNÉRABILITÉ AUX ALÉAS CLIMATIQUES 29

B. UNE TRÈS GRANDE PÉRISSABILITÉ DES PRODUITS 29

C. DES CHARGES DE MAIN D'OEUVRE TRÈS IMPORTANTES 30

D. UNE TRÈS FORTE AGRESSIVITÉ DE LA PRESSION CONCURRENTIELLE 31

E. UNE ORGANISATION COMMUNE DE MARCHÉ PEU EFFICACE 32

F. UNE PRODUCTION TRÈS DISPERSÉE FACE À UNE DISTRIBUTION TRÈS CONCENTRÉE 32

G. D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE MAIN D'OEUVRE 33

III. LES MESURES PRISES PAR LES DIFFÉRENTS ACTEURS 34

A. LES ACTIONS MENÉES PAR LES POUVOIRS PUBLICS 34

1. La mise en place d'un audit de la filière 34

2. La mise en oeuvre de mesures conjoncturelles aux victimes de catastrophes naturelles 35

3. La simplification de l'OCM « fruits et légumes » 36

4. Une incitation avortée à la mise en place d'un dispositif européen de gestion de crise pour le chou-fleur 37

B. LES INITIATIVES DES PRODUCTEURS ET OPÉRATEURS 37

1. Des actions de promotions exceptionnelles concertées 37

2. La signature d'un accord interprofessionnel pour la promotion des produits 38

3. La demande de reconnaissance du label « grande cause nationale » 39

CHAPITRE IV - LE CONTEXTE INTERNATIONAL DU BUDGET : LA POURSUITE DES NÉGOCIATIONS AU SEIN DE L'OMC 41

I. LE CONTEXTE PRÉALABLE À LA SESSION ESTIVALE 41

A. L'HÉRITAGE DE LA CONFÉRENCE DE CANCÙN 41

B. LES INITIATIVES PRÉALABLES À LA CONFÉRENCE DE GENÈVE 42

II. LE CONTENU ET LA PORTÉE DE L'ACCORD DU 1 ER AOÛT 2004 43

A. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD 43

1. Les soutiens internes 43

2. L'accès aux marchés 44

3. La concurrence à l'exportation 44

B. LES RÉACTIONS DES PRINCIPAUX ACTEURS 44

1. Les pays du G10 et du groupe de Cairns 44

2. Les pays du G20 45

3. Les pays du G90 45

4. L'Union européenne et les Etats-Unis 45

5. La France 46

III. LES PERSPECTIVES À VENIR DU CYCLE DE NÉGOCIATION 47

A. LE DÉROULEMENT DE LA DEUXIÈME PHASE DU CYCLE DE DOHA ET L'ÉCHÉANCE DE LA CONFÉRENCE DE HONG-KONG 47

1. Des thèmes de négociation encore nombreux et périlleux 47

2. Une atmosphère de négociation déjà tendue 48

B. LE RISQUE D'UNE REMISE EN CAUSE DE LA PAC RÉFORMÉE 49

C. LES ENJEUX DE LA RÉÉLECTION À LA PRÉSIDENCE DE L'OMC 50

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les résultats économiques de l'agriculture en 2003 sont à nouveau décevants. Du fait de conditions climatiques particulièrement difficiles -gel, sécheresse, canicule-, les productions agricoles ont lourdement chuté tandis qu'augmentait le prix des consommations intermédiaires, et notamment du fourrage. Malgré tant la forte augmentation des prix qu'a provoquée la faiblesse de l'offre que la hausse des indemnisations publiques au titre des calamités naturelles, le résultat agricole net recule globalement de 1,1 %.

Bien qu'en recul apparent de 1,8 % dans le projet de loi de finances pour 2005, les crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sont en réalité en reconduction si l'on tient compte des 90 millions d'euros de reports de crédits annoncés. Son analyse révèle, de façon plus détaillée, la volonté du Gouvernement de rationaliser l'utilisation de ces crédits tout en confortant le financement des priorités d'action qu'il s'est fixées -sécurité sanitaire, mesures agroenvironnementales- et en lançant d'ambitieux programmes très attendus par le monde agricole -plan « bâtiments d'élevage », assurance agricole-.

Votre rapporteur pour avis a souhaité étudier de façon plus approfondie le secteur des fruits et légumes . Ce dernier traverse en effet une véritable crise trouvant son origine dans des facteurs à la fois conjoncturels -atonie de la demande, faiblesse des prix...- et structurels -concurrence internationale croissante, faible efficacité de l'organisation commune de marché (OCM)...-. Malgré les mesures prises tant par le Gouvernement que par les producteurs et opérateurs, la filière reste aujourd'hui en crise, nécessitant à terme une réforme de l'OCM et la mise en place d'un véritable dispositif de gestion de crise au niveau européen.

Enfin, votre rapporteur pour avis est revenu sur l'avancement des négociations agricoles au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Relançant le cycle du développement de Doha, l'accord-cadre conclu le 1 er août à Genève fixe un certain nombre de principes devant être précisés lors de la deuxième phase des négociations, qui s'achèvera avec la conférence ministérielle de Hong-Kong en décembre 2005. Si l'Union européenne est parvenue à obtenir un compromis satisfaisant, en préservant notamment les acquis des accords de Luxembourg, elle devra veiller à rester unie et à faire preuve de fermeté dans cette nouvelle phase de négociations afin de sauvegarder un modèle agricole à la fois productif et équilibré.

CHAPITRE IER -

L'ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE

I. L'ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE GLOBAL

L'évolution 1 ( * ) du résultat agricole net global 2 ( * ) fait apparaître pour 2003 une très légère diminution (-1,1 %) . Compte tenu de la baisse de l'emploi agricole (-1,8 %) et de la hausse du niveau général des prix (+1,5 %), le résultat net par actif en termes réels 3 ( * ) évolue peu (-0,8 %) et reste dans un rythme proche de la moyenne observée ces cinq dernières années (-0,9 % par an).

Cette stagnation du revenu agricole résulte d'une détérioration globale des conditions d'exploitation en grande partie compensée par l'intensification des aides.

A. LA DÉTÉRIORATION DES CONDITIONS D'EXPLOITATION

La valeur de la production agricole au prix de base a diminué de 1,4 %, en grande partie du fait de la sécheresse estivale, le volume global de production ayant quant à lui chuté de 8,6 %.

Les productions végétales ont enregistré une diminution de la valeur de production (-2 %), en raison d'une chute du volume global des récoltes (-13,6 %) due aux gelées du mois d'avril et à la sécheresse estivale, qui n'a pas été compensée par la tension sur les prix (+13,4 %) en ayant résulté.

La valeur des productions animales a également diminué (-1 %), la baisse des volumes (-2,1 %) n'ayant pas non plus été compensée par la légère augmentation des prix (+1,2 %). De façon plus détaillée, la valeur de la production laitière et des volailles diminue sous l'effet conjugué d'une baisse des prix et des volumes, tandis que celle de bétail se maintient grâce à l'augmentation du prix des bovins.

Malgré les coûts supplémentaires en achats d'aliments pour animaux que la sécheresse a rendu nécessaires pour les éleveurs d'herbivores, la valeur des consommations intermédiaires est quasiment stable (-0,2 %). Plusieurs facteurs l'expliquent : la diminution des prix de l'alimentation animale, la baisse des volumes d'achats d'aliments pour porcs et volailles, et la baisse des achats d'engrais et de produits de production des cultures en volume et en prix.

B. L'INTENSIFICATION DES AIDES PUBLIQUES

Atteignant 2,6 milliards d'euros, les subventions d'exploitation versées à la branche agriculture ont progressé de 675 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

Cette augmentation s'explique par les indemnisations versées aux exploitants victimes du gel et de la sécheresse, à travers les aides issues des procédures de calamités agricoles et du dispositif de transport de fourrages.

Ces versements, ainsi que les dégrèvements d'impôts fonciers au titre des calamités agricoles, ont contribué à soutenir le résultat agricole global.

II. L'ÉVOLUTION DU REVENU SELON LES FILIÈRES ET LES RÉGIONS

La baisse de 0,8 % toutes exploitations confondues du résultat agricole moyen par actif en termes réels en 2003 provient des conditions climatiques néfastes (gelées, sécheresse, grêle) qui ont entraîné une baisse des volumes de production, parfois très substantielle (vins d'appellation en Champagne, fruits en Rhônes-Alpes), et un alourdissement de certains coûts de production (achats de fourrage, par exemple).

A. LES ORIENTATIONS PAR FILIÈRES

Les exploitations céréalières enregistrent un très fort recul de la production (-20,8 %) du à la fois à une chute des rendements et à une réduction des surfaces ensemencées. Le niveau soutenu des cours limite toutefois le repli du revenu (-1,9 %). Le résultat des autres grandes cultures progresse vivement (7,7 %), grâce surtout à la pomme de terre, dont la baisse de production a été limitée (-9 %) et la hausse du prix très conséquente (+38 %). Le résultat des oléagineux et protéagineux reste stable, tandis que celui des betteraves est en recul non négligeable (-3,1 %).

Les exploitations viticoles d'appellation , qui ont particulièrement souffert des mauvaises conditions climatiques, enregistrent une baisse de leur revenu de près de 30 %, la légère hausse des prix à la production ne parvenant pas à compenser la chute des volumes. Cette baisse intervient après de mauvaises années 2002 et 2001, plongeant la filière dans une situation difficile puisque l'évolution du revenu depuis 1999 y est très négative (-9,8 % par an en moyenne).

Les autres types d'exploitations viticoles connaissent une baisse globale de revenu limitée à -1,6 % pour des raisons variables : hausse du volume de production des vins pour eaux de vie AOC et baisse de celui des vins de table, que vient toutefois compenser une bonne tenue des prix.

Le revenu des exploitations de bétail est quasi stable (+0,5 %), la faible baisse de la production (-1,6 %) étant compensée par la légère hausse des prix (+2,2 %). Il est à signaler toutefois que le revenu des exploitations de bovins de races à viande et de bovins de race à lait augmentent substantiellement (respectivement +10,3 % et +5,1 %). Le dynamisme des prix de production et les aides versées aux exploitants compensent largement la baisse des volumes et la hausse des prix des consommations intermédiaires.

B. LES ORIENTATIONS PAR RÉGION

On retrouve dans les zones géographiques et leurs spécialisations les tendances d'évolution du revenu agricole dégagées dans les comptes par catégorie d'exploitation. Une nouvelle fois en 2003, les évolutions du résultat moyen par actif sont très variables selon les départements. Il progresse en termes réels pour 39 d'entre eux, dont 14 connaissent une hausse supérieure à 10 % et 5 une hausse supérieure à 20 %. En revanche, il est en recul pour 39 départements, dont 15 voient leur résultat moyen réduit de plus de 10 %.

Les départements spécialisés dans les productions légumières et fruitières affichent les meilleurs résultats (sauf la Drôme, qui a souffert de gelées). A l'opposé, les départements viticoles connaissent des résultats décevants (sauf les Pyrénées-Orientales et le Gard, bénéficiant par ailleurs d'une importante production fruitière). Les départements associant viticulture et grandes cultures enregistrent également d'importantes baisses (-30 % pour la Marne et la Côte-d'Or).

Les départements orientés vers les grandes cultures voient diminuer leur résultat agricole par actif. Le nord, cependant, bénéficie d'une forte croissance (+28,4 %) du fait d'une baisse modérée des productions légumières et de pommes de terre, surcompensée par d'importantes hausses de prix.

Les revenus des départements d'élevage évoluent d'une façon globalement favorable, notamment en Limousin et dans l'ouest. La conjoncture satisfaisante de l'élevage bovin et les aides publiques ont permis de pallier les baisses de production et les coûts résultant de la sécheresse.

Les départements d'Outre-Mer ont enregistré une baisse légère (-0,7 %) du résultat par actif, avec toutefois des évolutions contrastées : positive pour la Réunion (+6 %), en stagnation pour la Guadeloupe et en diminution pour la Guyane et, plus encore, pour la Martinique.

Une comparaison interdépartementale basée sur le niveau moyen de résultat par actif -et non sur son évolution d'une année sur l'autre- relativise toutefois notablement l'ensemble de ces résultats. Ainsi, les départements spécialisés en grande culture et viticulture enregistrent les meilleurs chiffres, tandis que connaissent des résultats inférieurs à la moyenne nationale de nombreux départements d'élevage (dans le Massif Central, notamment) ainsi que les départements de polyculture et polyélevage (dans le sud-ouest et dans les Alpes).

III. LE PRÉ-BILAN DE L'ANNÉE 2004

Le bilan conjoncturel provisoire de l'année 2004, élaboré par le SCEES et publié en novembre, donne des premières indications assez précises sur l'évolution des productions et des prix cette année. D'une façon générale, les conditions climatiques plus clémentes ont permis aux cultures d'été d'être abondantes et au secteur animalier de renouer avec des conditions normales d'affouragement. L'environnement économique se détériore toutefois, avec un renchérissement du prix de l'énergie et une baisse des prix importante par rapport aux niveaux très élevés atteints en 2003.

Les grandes cultures ont globalement bénéficié d'une augmentation des volumes de production due au retour à de bons rendements et à une augmentation des surfaces, ce qui a provoqué toutefois une baisse des prix. Celle-ci est cependant limitée pour les céréales, qui bénéficient d'un système de soutien des prix et pour lesquelles le bon niveau des moissons devrait permettre de couvrir les besoins intérieurs, de reconstituer les stocks et d'exporter.

Après une faible récolte l'année passée, les vendanges 2004 sont abondantes dans l'ensemble des pays européens. Dans un contexte de vive concurrence internationale toutefois, les prix du début de campagne sont orientés à la baisse et accentuent la crise traversée par la filière.

Si les productions de toutes les viandes ont fléchi, cette baisse a été compensée par une bonne tenue du niveau des prix. En effet, ces derniers restent élevés pour les herbivores et sont moins mal orientés que l'année précédente pour les productions hors sol. La forte hausse du prix du pétrole et des aliments pour animaux pèse toutefois lourdement sur le coût total des intrants.

D'un point de vue économique, la forte croissance du volume des productions agricoles devrait avoir un effet positif sur le revenu. Elle pourrait cependant être contrebalancée par plusieurs éléments négatifs : baisse des prix des produits du fait d'une hausse des rendements, augmentation des charges due à l'inflation du prix du carburant et recul des subventions dû à la non reconduction des aides calamités liées à la sécheresse. Il n'est pas encore possible, toutefois, de déterminer laquelle de ces deux tendances sera prééminente.

IV. LA COMPARAISON AVEC NOS PRINCIPAUX PARTENAIRES ET CONCURRENTS

D'après les comptes prévisionnels européens publiés par EUROSTAT, le résultat agricole net par actif en termes réels augmente légèrement en 2003 (+0,6 %), après avoir reculé de façon conséquente en 2002 (-4,4 %). Cette hausse n'est due toutefois qu'à une poursuite de la baisse de la main d'oeuvre agricole (-2,1 %), qui surcompense un recul du résultat agricole net global (-1,5 %). Ce dernier, qui affecte 12 pays sur 15, s'explique par une baisse de la valeur de la production en termes réels (-1,9 %) sous l'effet de mauvaises récoltes dues aux conditions climatiques et d'une dégradation du prix des animaux, porc et lait notamment.

Comme en 2002 , l'Allemagne et le Danemark présentent les plus intenses baisses de résultats, (respectivement -12,7 % et -10,6 %), en raison des fortes diminutions des prix du porc et du lait. Le Royaume-Uni présente quant à lui, pour la troisième année consécutive, la hausse la plus importante (+18,4 %). Cette augmentation spectaculaire intervient, il est vrai, après les fortes chutes de revenu provoquées par les crises sanitaires ayant affecté les productions animales, le revenu moyen restant d'ailleurs encore inférieur au niveau qui était le sien au milieu des années 90.

Les dix nouveaux Etats adhérents ont connu en 2003 une diminution substantielle de leurs revenus agricoles due tant à une baisse de la production (-4,4 %), notamment végétale (-8,8 %), qu'à un net recul des prix de la production animale (-7,4 %).

Ainsi, en Pologne, dont la valeur de la production agricole équivaut à celle des neuf autres adhérents réunis, le revenu agricole net par actif a chuté de 12 % du fait essentiellement de la sécheresse. Cette baisse a dépassé 10 % dans chacun des dix pays, à l'exception de la Lituanie et de la République tchèque où elle a été plus limitée.

CHAPITRE II -

L'EXAMEN DES CRÉDITS

I. L'ORIENTATION GÉNÉRALE

A. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE

Les crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité pour 2005 s'élèvent à 4,888 milliards d'euros, contre 4,976 milliards d'euros en 2004, soit un recul de 1,78 % , qui intervient après une baisse de 4 % l'année passée, dans un contexte où les budgets civils augmentent de 1,8 % en moyenne.

Cette diminution globale des crédits s'accompagne toutefois d'un report exceptionnel de 90 millions d'euros de crédits de 2004 destiné à financer le plan « bâtiments d'élevage » et le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). Ceci permet au ministère de disposer en fait d'un budget en reconduction .

L'expérimentation de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a conduit le Gouvernement à regrouper et globaliser, en totalité ou en partie, plusieurs actions d'ores et déjà identifiées. De ce fait, certaines lignes budgétaires existantes dans le projet de budget pour 2004 n'ont plus de correspondance dans celui de 2005, ce qui rend les comparaisons entre les deux exercices parfois difficiles.

1. Les dépenses ordinaires

Les dépenses ordinaires du budget du ministère de l'agriculture diminuent significativement pour 2005, passant de 4,772 milliards d'euros à 3,489 milliards d'euros, soit un recul de presque 27 % , accentuant la tendance à la baisse amorcée l'année passée (-3,74 %).

Cette diminution s'accompagne d'une quasi stabilité des dépenses de fonctionnement et s'explique donc essentiellement par une diminution des dépenses d'intervention.

a) Les moyens de fonctionnement

D'un montant de 2,582 milliards d'euros, les crédits affectés aux moyens des services augmentent légèrement (+1,24 %) , la baisse substantielle des dépenses de fonctionnement hors personnel (-11 %) étant plus que compensée par la hausse des dépenses de personnel (+3,27 %) et de fonctionnement « globalisé » (+2,33 %).

Les efforts du ministère en charge de l'agriculture pour contribuer, année après année, à la maîtrise des moyens publics doivent être ici salués. Dans le cadre de cette politique, 206 départs à la retraite ne seront pas remplacés, permettant de réaliser des économies de rémunération et de fonctionnement. L'introduction d'une rémunération au mérite pour tous les directeurs d'administration centrale est également emblématique de ce volontarisme.

Ce souci d'efficacité sera relayé par la nouvelle présentation budgétaire résultant de la mise en oeuvre de la LOLF, puisque le quatrième programme du ministère se donnera pour objectif de « développer une gestion des ressources humaines de qualité en maîtrisant les coûts de gestion ».

b) Les crédits d'intervention

D'un montant de 2,221 milliards d'euros, les crédits consacrés aux interventions publiques enregistrent une très forte baisse (-59,15 %) . Cette diminution extrêmement marquée n'est en fait qu'apparente. Elle provient en effet de la nouvelle présentation des crédits dans le cadre des expérimentations en prévision de l'application lors du prochain exercice budgétaire de la LOLF.

Ainsi, l'importante diminution des crédits destinés à l'action économique correspond en réalité à leur transfert du titre IV (interventions publiques) aux titres V (investissements exécutés par l'Etat) et VI (subventions d'investissement accordées par l'Etat), la LOLF imposant leur présentation sous forme de dépenses en capital et non plus de dépenses ordinaires. Ce transfert explique en effet 90 % de la baisse du titre IV.

Quant aux crédits destinés à l'action éducative et aux crédits affectés à l'action sociale (hors BAPSA et AAH), dont la présentation au sein du titre IV n'est pas modifiée, ils sont respectivement reconduits et en très forte hausse (+74,02 %).

2. Les dépenses en capital

S'établissant à 1,822 milliard d'euros , les dépenses en capital sont en augmentation de presque 440 % en autorisations de programme .

Quant aux dépenses en capital en crédits de paiement , qui s ' établissent à 1,399 milliard d'euros , elles sont en progression de 583 % .

Comme cela a été précisé précédemment, ces augmentations à hauteur de 1,193 milliard d'euros s'expliquent en quasi totalité par la modification de périmètre aboutissant au transfert des crédits de fonctionnement vers les titres V et VI du projet de loi de finances.

(en millions d'euros)

LFI 2004

PLF 2005

2005/2004
(en  %)

Total dépenses en capital (AP)

337 478 000

1 821 661 000

439,79%

Total dépenses en capital (CP)

204 742 000

1 398 598 000

583,10%

Source : Projet de loi de finances pour 2005

B. L'ENSEMBLE DES DÉPENSES PUBLIQUES BÉNÉFICIANT À L'AGRICULTURE

Au-delà des seuls crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, l'ensemble des dépenses publiques bénéficiant à l'agriculture est détaillé en annexe du bleu budgétaire du ministère de l'agriculture. Le tableau présenté ci-dessous résume cet agrégat.

(dépenses ordinaires + dépenses en capital (CP))

 

LFI 2004

PLF 2005

2005/2004 (en %)

(en millions d'euros)

(en millions d'euros)

Ministère de l'agriculture et de la pêche

Total ministère de l'agriculture

17 397,21

4 945,55

-71,57%

Autres ministères

. Recherche : INRA, CEMAGREF

591,78

633,67

7,08%

Total autres ministères

591,78

633,67

7,08%

FFIPSA

-

14 318,68

-

Estimation des dépenses agricoles de l'Union Européenne bénéficiant à la France

10 182,30

10 544,90

3,56%

TOTAL

28 171,29

30 442,80

8,06%

Source : Projet de loi de finances pour 2005.

 
 
 

Alors que le soutien public global à l'agriculture 4 ( * ) (projet de loi de finances, protection sociale et aides européennes) est en hausse, passant de 28,17 à 30,44 milliards d'euros, les dépenses en faveur de l'agriculture inscrites au projet de loi de finances pour 2005 connaissent une diminution apparente de 68,9 %. C'est en fait la substitution du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), établissement public doté d'une autonomie budgétaire n'apparaissant pas en tant que tel dans les comptes de l'Etat, au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), budget annexe inscrit dans la loi de finances, qui l'explique.

L'importance du financement d'origine communautaire mérite par ailleurs d'être soulignée : la France se voit en effet transférer 10,55 milliards d'euros de fonds 5 ( * ) sur la cinquantaine de milliards d'euros que représente le budget agricole européen. Rappelons que ce budget représente environ la moitié du budget communautaire global, qui s'élève à 105,2 milliards d'euros.

Il importe enfin de bien conserver à l'esprit que le budget du ministère de l'agriculture proprement dit -qui s'élève donc à un peu moins de 5 milliards d'euros pour 2005- ne représente qu'une petite partie des concours publics bénéficiant à l'agriculture -qui correspondent à une enveloppe globale de plus de 30 milliards d'euros-.

II. L'ANALYSE DES DIFFÉRENTES POLITIQUES FINANCÉES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005

Conformément à l'organisation du travail au sein de la commission des affaires économiques et du plan, le présent avis ne traite que des crédits destinés à l'installation, à la politique des structures et à la modernisation des exploitations (A), des crédits consacrés au soutien des filières et à la régulation des marchés (B), des crédits destinés à la multifonctionnalité (C) et des crédits consacrés à l'action sociale et aux mécanismes de solidarité (D).

Les politiques relatives aux industries agroalimentaires, à la pêche et au développement rural sont traitées dans des avis spécifiques.

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À L'INSTALLATION, À LA POLITIQUE DES STRUCTURES ET À LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS

1. Les crédits destinés à l'installation

Les crédits inscrits à la ligne 44-41/21 ( dotation d'installation des jeunes agriculteurs et fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture ) sont en baisse de 5,5 % et s'établissent à 70,5 millions d'euros .

Créée en 1973 et ayant pour objet le soutien financier des jeunes agriculteurs lors de leur installation, la « dotation jeunes agriculteurs » (DJA) prend la forme d'une subvention cofinancée par l'Union européenne à hauteur de 50 %.

La loi de finances pour 2004 a prévu le versement de cette dotation, non plus en deux fois, mais en une seule fois . La baisse des crédits lui étant consacrés dans le projet de loi de finances pour 2005 s'explique, selon le Gouvernement, par le surcoût lié cette année à la transition entre les deux modes de versement, surcoût qui disparaîtra l'année prochaine.

2. Les crédits destinés à l'amélioration des structures et à la modernisation des exploitations

Passant de 243,1 millions d'euros à 220,9 millions d'euros , les crédits destinés (hors installation) à l' amélioration des structures et à la modernisation des exploitations connaissent une baisse de 9,1 % .

Les crédits de la ligne 44-41/23 ( retrait des terres, extensification, boisement ) sont en quasi reconduction à 2,1 millions d'euros .

La dotation au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), figurant à la ligne 44-41/81 , est en progression substantielle de 16,1 % , à 56,9 millions d'euros .

Les crédits destinés à l' attribution de prêts bonifiés à l'agriculture , précisés à la ligne 44-42/10 , sont en diminution de plus de 23 % , à 147,3 millions d'euros .

Ces prêts servent d'une part à soutenir la politique d'aide à l'investissement et à l'installation, et d'autre part à venir en aide aux agriculteurs victimes de sinistres.

La réduction des crédits leur étant consacrés s'expliquerait par le moindre engouement des agriculteurs pour un dispositif de moins en moins attractif, au regard de la baisse généralisée du taux moyen des prêts consentis par les banques aux particuliers. La hausse attendue des taux d'intérêt pourrait cependant invalider cette hypothèse.

Enfin, les crédits de la ligne 61-40/30 , consacrés à la modernisation des exploitations , sont quasiment doublés en autorisations de programme, à 133 millions d'euros . Quant aux crédits de paiement , inexistants l'année passée, ils sont dotés à hauteur de 14,6 millions d'euros .

CRÉDITS DESTINÉS À L'AMÉLIORATION DES STRUCTURES ET
À LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS

Ligne budgétaire

Nature des crédits

Loi de finances pour 2004 (en euros)

Projet de loi de finances pour 2005 (en euros)

Evolution

(en %)

44-41/23

Retrait des terres, extensification, boisement

2 134 286

2 130 017

-0,20%

44-41/81

CNASEA

49 000 000

56 886 000

16,09%

44-42/10

Prêts à l'agriculture - charges de bonification

192 000 000

147 284 994

-23,29%

61-40/30

Modernisation des exploitations

AP

CP

AP

CP

AP

CP

68 553 000

0

133 000 000

14 637 000

94,01%

-

Total des crédits destinés à la politique des structures et à la modernisation des exploitations (DO+CP)

243 134 286

220 938 011

-9,13%

Source : Projet de loi de finances pour 2005.

 
 
 
 
 
 
 

B. LES CRÉDITS DESTINÉS AU SOUTIEN DES FILIÈRES ET À LA RÉGULATION DES MARCHÉS

S'élevant à 602 millions d'euros , ces crédits enregistrent une baisse globale de 4,7 % , qui intervient après une diminution de 3,8 % l'année passée.

D'un montant légèrement inférieur à 9,8 millions d'euros , les crédits destinés à la mise en oeuvre du système intégré de gestion et de contrôle des aides de la PAC ( ligne 34-97/64 ) sont en quasi reconduction (-0,2 %).

Mis en place parallèlement à l'instauration des aides directes PAC, ce dispositif vise à renforcer les contrôles réalisés au niveau national sur leur attribution.

La dotation en faveur de l' Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA), inscrite à la ligne 36-22/42 et s'établissant à 11,15 millions d'euros , est en quasi reconduction (+0,96 %) .

Les crédits inscrits à la ligne 37-11/30 ( instruction des dossiers d'aide aux agriculteurs au titre de la PAC ) sont substantiellement augmentés (+10,35 %) , à 4,34 millions d'euros .

Ils sont affectés aux services d'économie agricole chargés, au sein des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, d'instruire les demandes d'aides directes communautaires déposées par les agriculteurs.

La ligne 37-11/50 ( valorisation de la production agricole, aide au développement, manifestations internationales et relations extérieures ) voit ses crédits largement diminuer (-29,7 %) , pour s'établir à 357.066 euros .

Ils sont destinés, pour l'essentiel, à financer la participation du ministère à des salons internationaux et des séminaires, ainsi qu'à l'accueil de personnalités étrangères.

La dotation de la ligne 37-11/81 ( conseils supérieurs et comité permanent du financement de l'agriculture ) est quasiment reconduite (-0,2 %) , à 77,6 millions d'euros .

Ces crédits financent notamment le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) et le Conseil supérieur des exportations agroalimentaires (CSEA).

La dotation du ministère de l'agriculture aux offices , inscrite à la ligne 44-53/10 ( organismes d'intervention ), diminue de presque 24 millions d'euros, soit une baisse de 6,2 % , pour s'établir à 362,1 millions d'euros .

Cette diminution de crédits , intervenant après une baisse d'environ 2 % l'année dernière et de 15 % l'année précédente , s'explique selon le Gouvernement par la réforme des offices, qui devrait permettre d'en rationaliser l'organisation et d'en maîtriser les coûts de fonctionnement.

Les crédits consacrés au soutien de la production de sucre dans les DOM , figurant à la ligne 44-53/77 , sont très légèrement réduits (-1,51 %) et s'établissent à 52,7 millions d'euros .

Les crédits destinés au versement du complément national à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA), précisés à la ligne 44-55 , reculent de 3,22 % pour s'établir à 159,7 millions d'euros .

Enfin, les crédits figurant à la ligne 44-70/80, affectés au Fonds de communication en agriculture (FCA) prévu par la loi d'orientation agricole de 1999, sont quasiment reconduits (-0,2 %), à presque 2 millions d'euros .

CRÉDITS DESTINÉS AU SOUTIEN DES FILIÈRES
ET À LA RÉGULATION DES MARCHÉS

Ligne budgétaire

Nature des crédits

Loi de finances pour 2004
(en euros)

Projet de loi de finances pour 2005 (en euros)

Évolution (en %)

34-97/64

Système intégré de gestion et de contrôle des aides de la PAC

9 793 754

9 774 166

-0,20%

36-22/42

Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole

11 040 013

11 145 933

0,96%

37-11/30

Instruction des dossiers d'aide aux agriculteurs au titre de la PAC

3 933 387

4 340 506

10,35%

37-11/50

Valorisation de la production agricole, aide au développement...

507 782

357 066

-29,68%

37-11/81

Conseils supérieurs et comité permanent du financement de l'agriculture

77 749

77 594

-0,20%

44-53/10

Organismes d'intervention

386 000 000

362 146 000

-6,18%

44-53/77

Soutien à la production de sucre dans les DOM

53 500 000

52 694 400

-1,51%

44-55

Prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (part nationale)

165 000 000

159 680 000

-3,22%

44-70/80

Fonds de valorisation et de communication

2 000 000

1 996 000

-0,20%

Total des crédits destinés au soutien des filières et à la régulation des marchés

631 852 685

602 211 665

-4,69%

Source : Projet de loi de finances pour 2005

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA MULTIFONCTIONNALITÉ

Les crédits destinés à la politique agri-environnementale (hors ICHN), qui s'établissent à 364,6 millions d'euros , sont en diminution (-6 %) , après avoir enregistré une progression significative en 2004 (+16,4 %) et surtout en 2003 (+102,2 %).

Il est à noter que ces crédits bénéficient d'un cofinancement communautaire à hauteur de 50 %.

La ligne 44-41/22 ( programme agri-environnemental ) voit ses crédits quasiment reconduits à hauteur de 133 millions d'euros .

Cette enveloppe budgétaire est destinée à financer deux types d'actions :

- la prime herbagère agri-environnementale (PHAE), remplaçant depuis le printemps 2003 la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs (PMSEE), dite « prime à l'herbe » ;

- des mesures agri-environnementales classiques, s'inscrivant notamment dans le cadre d' opérations locales agri-environnementales (OLAE). Elles conduisent à l'attribution d'aides à la conversion à l'agriculture biologique, à la protection des espèces menacées, à la reconversion des terres arables et à la réduction des intrants.

La répartition entre ces deux dispositifs sera la suivante :

- 121 millions d'euros seront retenus au titre de la PHAE, enveloppe susceptible cependant d'être complétée par un solde de remboursement en provenance du FEOGA orientation ;

- le solde sera destiné à financer les mesures agri-environnementales classiques, au premier rang desquelles la « prime rotationnelle ».

Les crédits du chapitre 44-84 ( contrats d'agriculture durable et contrats territoriaux d'exploitation ) sont en recul de 9,1 % , passant de 254,7 millions d'euros à 231,6 millions d'euros .

Prévus par le décret du 22 juillet 2003 et mis en place à partir du mois de novembre 2003, les contrats d'agriculture durable (CAD) succèdent aux contrats territoriaux d'exploitation (CTE), qui avaient connu un certain nombre de dysfonctionnements depuis leur création par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999.

Ils substituent à l'ancien système un nouveau mécanisme simplifié , recentré sur une démarche plus territoriale et dont le financement est davantage maîtrisé . 6.000 CAD ont été signés au mois de septembre 2004, ce qui devrait permettre d'atteindre l'objectif de 10.000 contrats fixé sur l'année entière. Quant aux CTE, ils iront chacun au terme de leur durée, fixée légalement à cinq années.

CRÉDITS DESTINÉS À LA POLITIQUE AGRI-ENVIRONNEMENTALE

Ligne budgétaire

Nature des crédits

Montant en loi de finances pour 2004
(en euros)

Montant en projet de loi de finances pour 2005
(en euros)

Evolution (en %)

44-41/22

Programme agri-environnemental

133 004 500

133 000 000

-0,003%

44-84 (intégralité du chapitre)

Contrats d'agriculture durable et contrats territoriaux d'exploitation

254 744 000

231 600 000

-9,09%

Total des crédits destinés à la politique agri-environnementale

387 748 500

364 600 000

-5,97%

Source : Projet de loi de finances pour 2005

D. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ACTION SOCIALE ET AUX MÉCANISMES DE SOLIDARITÉ

1. Les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté et endettés

Les crédits destinés aux exploitations en difficulté ou endettées sont en baisse de 78,1 % , à 5,4 millions d'euros .

Un peu plus de 3 millions d'euros sont prévus à la ligne 44-41/28 ( aide à la réinsertion professionnelle ), reconduisant quasiment (+0,2 %) la dotation allouée en 2003.

2,4 millions d'euros sont inscrits à la ligne 44-53/80 ( Fonds d'allègement des charges des agriculteurs et actions en faveur des exploitations en difficulté ), soit une diminution de plus de presque 90 % par rapport à l'année dernière.

Le Fonds d'allègement des charges (FAC) permet de prendre en charge les intérêts des échéances des prêts professionnels à long et moyen termes, afin d'aider les agriculteurs à affronter financièrement les variations des marchés.

En 2003 , le FAC est intervenu au profit des éleveurs de porcs faisant face à la crise de leur filière, ainsi qu'au profit des exploitants sinistrés par la sécheresse .

Le Gouvernement justifie sa quasi disparition cette année par la nécessité de tenir compte des nouvelles lignes directrices sur les aides d'Etat adoptées par la Commission européenne. En effet, cette dernière a assimilé le dispositif à des « aides directes déguisées générant une distorsion de concurrence ». Le ministère en charge de l'agriculture travaille donc actuellement à l' élaboration d'un dispositif de « gestion de crise » qui serait validé par les institutions communautaires.

CRÉDITS EN FAVEUR DES AGRICULTEURS EN DIFFICULTÉ OU ENDETTÉS

Ligne budgétaire

Nature des crédits

Loi de finances pour 2004
(en euros)

Projet de loi de finances pour 2005 (en euros)

Evolution (en %)

44/41/28

Aide à la réinsertion professionnelle

3 048 980

3 042 882

-0,20 %

44-53/80

Fonds d'allégement des charges et actions en faveur des exploitations en difficulté

21 830 000

2 400 000

-89,01 %

Total des crédits en faveur des agriculteurs en difficulté ou endettés

24 878 980

5 442 882

-78,12 %

Source : Projet de loi de finances pour 2005

2. Les crédits en faveur des cessations anticipées

Les crédits destinés au paiement des préretraites sont en recul de presque 3 % , représentant au total 87,8 millions d'euros .

La dotation inscrite à la ligne 44-41/11, destinée au financement des indemnités viagères de départ (IVD), diminue de 1,6 % à hauteur de 67,9 millions d'euros .

Bien que l'IVD ait cessé d'être attribuée depuis 1990, année de l'abaissement de l'âge de la retraite dans le secteur agricole à 60 ans, cette ligne budgétaire continue d'être abondée afin de couvrir le financement des dossiers antérieurs à 1990.

L'enveloppe prévue pour les aides au départ , inscrite à la ligne 44-41/12 , s'établit à presque 20 millions d'euros , en baisse de plus de 7 % .

Ce recul s'inscrit dans une tendance à la baisse de ces crédits depuis plusieurs années, qui s'explique par la réduction du nombre de leurs bénéficiaires.

CRÉDITS DESTINÉS AUX PRÉ-RETRAITÉS

Ligne budgétaire

Nature des crédits

Montant en loi de finances pour 2004
(en euros)

Montant en projet de loi de finances pour 2005
(en euros)

Evolution

(en  %)

44-41/11

Indemnités viagères de départ

69 000 000

67 864 000

-1,65 %

44-41/12

Restructuration : aide au départ

21 500 000

19 960 000

-7,16 %

Total des crédits destinés aux préretraites

90 500 000

87 824 000

-2,96 %

Source : Projet de loi de finances pour 2005

3. Les crédits destinés à faire face aux calamités agricoles

Permettant d'indemniser les exploitants agricoles victimes de calamités non assurables et de favoriser le développement de l'assurance contre les risques agricoles assurables, le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) est financé essentiellement par des cotisations additionnelles sur des polices d'assurance payées par les agriculteurs.

En 2003, aucune dotation n'avait été inscrite à la ligne 46-33/10, relative à la subvention versée par le ministère de l'agriculture au FNGCA, en raison de l'existence d'une importante réserve constituée les années précédentes. Le Gouvernement s'était engagé toutefois à l'abonder si le besoin s'en faisait sentir. Or, plusieurs sinistres naturels d'importance étant survenus au cours de l'année 2003 6 ( * ) , le Gouvernement est intervenu en abondant le fonds à hauteur de 446,30 millions d'euros.

Le volume très important d'indemnisations versées par le FNGCA au cours des derniers mois a cependant entraîné un tarissement de ses réserves : si son solde budgétaire était encore de plus de 180 millions d'euros au début de l'année 2003, il devrait en effet être inférieur à 10 millions d'euros à la fin de l'année 2004. S'il ne le dote pas à nouveau dans la loi de finances initiale, le Gouvernement s'est toutefois engagé à ouvrir de nouvelles lignes de crédit en cours d'exercice dans le cas où les circonstances l'exigeraient.

Or, la dotation de 10 millions d'euros inscrite pour 2005 à la ligne 46-33/10 ne servira pas à abonder le FNGCA, mais à faciliter la mise en place de l'assurance-récolte , en partie financée par l'Etat. Si cette enveloppe paraît sous-dimensionnée face aux besoins existants, elle permettra cependant d'« amorcer » un dispositif auquel l'Etat devra renforcer par la suite sa participation. Votre rapporteur pour avis se félicite à cet égard du lancement d'un dispositif d'assurance agricole dont il souhaite que la mise en oeuvre soit aussi rapide que possible.

CHAPITRE III -

L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS AU NIVEAU NATIONAL

I. LA CRISE DU SECTEUR DES FRUITS ET LÉGUMES

A. UNE SITUATION CONJONCTURELLE DIFFICILE

1. Présentation générale du secteur

Avec plus de 15 millions de tonnes de fruits et légumes frais produits en 2003 -dont 3 de fruits, 6,1 de légumes et 6,2 de pommes de terre-, la France est le troisième producteur de fruits et légumes de l'Union européenne . Elle prend place derrière l'Italie (23,5 millions de tonnes) et l'Espagne (22,2 millions de tonnes), mais devant la Grèce (6,8 millions de tonnes).

Le secteur représente 12,6 % de la valeur de la production agricole et occupe environ 630.000 hectares, soit près de 2,5 % de la surface agricole utilisée (SAU). Il concerne environ 34.000 exploitations spécialisées (hors pommes de terre) qui emploient près de 100.000 unités de travail annuel (UTA), ce qui représente 5,4 % des exploitations agricoles mais près de 10 % des UTA de l'ensemble des exploitations françaises.

Les principales productions sont, pour les légumes : la tomate, la carotte, le chou-fleur, la salade, le poireau, les haricots verts et le maïs doux. Pour les fruits, ce sont : la pomme, la pêche, le melon, la poire, l'abricot, la prune et le raisin de table. Très nombreuses et « saisonnalisées », ces productions se caractérisent par une répartition géographique extrêmement diversifiée.

2. Des résultats pour 2003 bénéficiant de « l'effet canicule »

L'année 2003 a été marquée par des conditions climatiques extrêmes (gel de printemps, canicule estivale) qui ont largement affecté les productions de fruits et légumes en volume. Ainsi, toutes espèces confondues, la production métropolitaine de fruits a baissé de 15 % et celle de légumes de 3 %.

Cette baisse de la production a toutefois provoqué une augmentation du niveau général des prix (jusqu'à 18 % pour les fruits) qui a permis de compenser en valeur ce qui avait été perdu en volume . Ainsi, les trois sous-secteurs fruits, légumes et pommes de terre ont connu en 2003 une progression de la valeur globale de leur production de respectivement 1,47 %, 7,8 % et 65,4 %, pour s'élever respectivement à 2,7 milliards d'euros, 3,4 milliards d'euros et 1,9 milliard d'euros.

Plus globalement, cette conjonction de facteurs contraires a permis d'assurer une hausse du revenu agricole moyen par actif de 4,6 % , après une année 2001 très favorable suivie d'un net recul en 2002. Ces résultats, cependant, varient fortement selon les régions et l'impact des évènements climatiques sur les productions.

Le commerce extérieur des fruits est en déficit de près de 2 milliards d'euros, les importations s'établissant à 3,6 milliards d'euros (dont 1,4 pour les seuls fruits tropicaux et agrumes) et les exportations à 1,6 milliard (dont 0,4 pour les fruits tropicaux et agrumes). La balance commerciale des légumes est en léger déficit de 0,4 milliard d'euro, avec des importations s'élevant à 1 milliard d'euro et des exportations à 0,6 milliard d'euro.

3. 2004, « annus horibilis »

La crise profonde qui a touché les producteurs de fruits et légumes en 2004 trouve en grande partie son origine dans une très forte baisse des prix . Celle-ci a été estimée par l'Insee à 26,5 % entre juillet 2003 et juillet 2004, la chute étant de 32 % pour les fruits et de 20,7 % pour les légumes. Une analyse plus détaillée révèle que la déflation s'est précipitée depuis le mois de mai : l'indice des prix 7 ( * ) , qui était alors de 115,9, est tombé à 94,7 au mois de juillet.

Plus globalement, les fruits et légumes d'été ont connu d' importantes difficultés de commercialisation . En 2003, les cours de plusieurs fruits et légumes s'étaient envolés et avaient permis de compenser les baisses de production occasionnées par la sécheresse et les restrictions d'arrosage. La campagne 2004 a été marquée par une production d'abord limitée -hormis pour la tomate- en raison des conditions climatiques froides et pluvieuses du printemps, puis atteignant de bons niveaux. Mais elle n'a pu être valorisée, malgré une excellente qualité, du fait de la baisse des prix précédemment évoquée.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour l'expliquer. Tout d'abord, de grosses difficultés d'écoulement dues à une faiblesse notable de la demande intérieure, du fait notamment du climat atypique de l'été. Ensuite, la concurrence extérieure a été particulièrement dure, qu'il s'agisse des produits espagnols, grecs ou italiens, mais aussi marocains ou hollandais, pesant à la fois sur les prix internes et sur le niveau des exportations. Enfin, la grande distribution a mis en place des opérations promotionnelles ciblées pour une durée limitée, qui ont certes permis d'assainir le marché, mais ont sans doute également contribué à conserver des cours peu élevés.

Enfin, il convient de mentionner, en tant que facteur aggravant pour l'année 2004, l'augmentation spectaculaire des cours du pétrole. La hausse du prix du fuel à usage agricole a en effet eu une incidence notable sur les coûts de production d'un secteur où le machinisme agricole est largement développé, même si le recours à des techniques de plantation ou de récolte manuelles reste encore important.

II. DES LIMITES STRUCTURELLES PÉNALISANTES

A. UNE TRÈS GRANDE VULNÉRABILITÉ AUX ALÉAS CLIMATIQUES

Le secteur des fruits et légumes se caractérise tout spécialement par sa très grande fragilité et sa très importante sensibilité par rapport à l'environnement et au climat.

Hormis en ce qui concerne les productions sous abri, les conditions météorologiques ont en effet des incidences immédiates à un triple niveau :

- le volume de production . Il se trouve directement affecté par des évènements climatiques un tant soit peu exceptionnels tels que gels tardifs, précipitations excessives, orages, canicule, sécheresse ... L'année 2003, marquée par une succession d'accidents climatiques, a ainsi vu les filières fruitière et viticole enregistrer de très grosses pertes, les productions de certains départements ayant même été reconnues sinistrées par la Commission nationale des calamités agricoles. Mais l'incidence du climat peut également jouer dans un sens inverse : des conditions extrêmement favorables conduiront à une production très fournie qui, si elle ne s'accompagne pas d'une hausse de la demande intérieure ou des exportations, provoquera une baisse des prix ;

- la qualité de la production . Si différentes techniques agricoles permettent aujourd'hui de « lisser » la qualité des productions d'une année à l'autre, les conditions climatiques n'en continuent pas moins de jouer un rôle éminent en la matière, qu'il soit positif ou négatif. A cet égard, les incidences de la météo sur la qualité des produits sont souvent indépendantes de celles sur leur volume de production, voire inverse : ainsi, la canicule de l'été 2003 s'est traduite, pour la filière viticulture, par une récolte très limitée mais d'une excellente qualité ;

- le niveau de consommation . La variation de la demande en fruits et légumes est pour partie liée aux conditions climatiques, qui peuvent inciter les consommateurs à effectuer un arbitrage en faveur ou défaveur de ces produits par rapport à d'autres productions agricoles et alimentaires. Ainsi, la demande a été soutenue durant l'été 2003 du fait de la canicule, qui incitait les consommateurs à manger plus « léger » et équilibré, tandis qu'elle a été plus atone l'été dernier du fait de conditions climatiques incertaines.

B. UNE TRÈS GRANDE PÉRISSABILITÉ DES PRODUITS

A l'exception de certains produits tels que la pomme, les fruits et légumes ne peuvent être stockés longuement , sous peine de voire leur qualité, leur fraîcheur et leur richesse nutritionnelle se dégrader très rapidement. Ils doivent donc être commercialisés immédiatement, ce qui accroît largement la vulnérabilité de la production aux variations erratiques (volumes, prix) de la demande.

Ce paramètre a d'importantes incidences en ce qui concerne la logistique de transport et d'approvisionnement des lieux de commercialisation. Il impose des délais de livraison très rapides ainsi qu'une gestion parfaitement coordonnée de la chaîne d'approvisionnement. Il entraîne des complications dans l'exécution des contrats d'approvisionnement, tant au niveau de la régulation quantitative que qualitative de la production. Il induit des charges accrues en matière de transport, puisque celui-ci doit être quasiment journalier. Enfin, il expose de façon renforcée les producteurs à la pression commerciale des circuits de distribution, puisque la recherche de points d'écoulement doit être menée à bien en un temps extrêmement limité.

Les techniques de transformation et de conservation (surgélation, congélation, appertisation ...) des fruits et légumes excédentaires constituent des moyens de prolonger leur durée de commercialisation . La part de la production destinée à la transformation peut être particulièrement importante sur certains produits : elle était par exemple d'environ 35 % en 2002 pour les tomates et les pommes de terre, et jusqu'à 78 % de la production de haricots verts. La France est ainsi le principal producteur européen de légumes appertisés avec près de 40% de la production. Les chiffres sont cependant beaucoup moins bons dans le secteur de la transformation des fruits, où notre pays souffre d'une balance commerciale largement déficitaire.

C. DES CHARGES DE MAIN D'OEUVRE TRÈS IMPORTANTES

Les charges salariales et sociales constituent une part considérable des coûts de production de la filière « fruits et légumes ». Celle-ci employant en effet une main d'oeuvre en grande partie saisonnière, peu ou pas qualifiée et rémunérée à des niveaux de salaires avoisinant souvent le SMIC, elle est particulièrement sensible aux variations à la hausse de ce dernier. Or, celui-ci n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années. La Fédération nationale des producteurs de légumes (FNPL) a ainsi largement mis en avant cet aspect lors de la crise qu'a connue la filière cet été, faisant remarquer que le salaire minimum avait augmenté de près de 30 % entre 2000 et 2005.

Cette importance croissante des charges sociales est à mettre en regard de leur niveau comparativement plus faible dans d'autres pays agricoles . Selon la FNPL, le coût horaire global de la main d'oeuvre saisonnière serait en France de 8,52 euros, contre 6,15 euros en Allemagne, du fait notamment du nombre important de travailleurs ukrainiens et biélorusses, qui « tirent » la rémunération à la baisse. Elle serait de seulement 0,70 euros en Pologne !

Cet aspect avait d'ailleurs été largement soulevé dès 1997 dans le rapport d'information sénatorial que MM. Jean Huchon, Jean-François Legrand et Louis Minetti 8 ( * ) avaient publié sur le sujet. Y était en effet préconisé, en vue de redynamiser la filière, un « allègement, pour les exploitations, des charges sociales pesant sur la main-d'oeuvre, notamment saisonnière ».

Ces discussions, qui s'inscrivent dans un débat plus large sur les délocalisations et l'évolution des salaires dans les pays de l'Union européenne, doivent également tenir compte d'un problème connexe, celui de la difficulté de recrutement de main-d'oeuvre . Si un niveau relativement trop élevé de salaire pèse sur la rentabilité des entreprises de la filière, un niveau trop bas aura à coup sûr des effets désincitatifs sur la demande de travail.

D. UNE TRÈS FORTE AGRESSIVITÉ DE LA PRESSION CONCURRENTIELLE

La crise de l'été 2004, aggravée par la concurrence accrue de productions issues de pays étrangers, a illustré l'importance du facteur concurrentiel dans l'évolution du secteur, qu'il concerne des pays tiers ou des pays appartenant à l'Union européenne. L' exemple de la tomate est particulièrement illustratif, le déficit de la balance commerciale s'étant aggravé pour ce produit depuis le début de l'année. L'Espagne et le Maroc restent nos premiers fournisseurs, la Belgique et les Pays-Bas gagnant quant à eux progressivement des parts de marché.

Ce durcissement de la concurrence tient en réalité à une reconfiguration du marché européen, voire international , des fruits et légumes, suite à l'arrivée de nouveaux producteurs dont les coûts de production sont sans commune mesure avec nos coûts nationaux. Si l'on reprend à cet égard l'exemple du marché de la tomate, on s'aperçoit en effet que l'augmentation par la France des importations de tomates néerlandaises provient de l'apparition sur les marchés nord-européens d'une concurrence polonaise obligeant les Pays-Bas, qui perdent des parts de marché en Allemagne, à se replier sur notre pays afin d'y écouler leurs excédents.

La situation du marché du chou-fleur , qui traverse actuellement une très grave crise, est également caractéristique à cet égard. Outre une importante surproduction cette année, le secteur est touché de plein fouet par la concurrence des produits provenant de l'est, et notamment de Pologne, où les surfaces cultivées auraient été multipliées par dix entre 2003 et 2004. La crise qui s'en est suivie a été particulièrement dure, se traduisant en Bretagne par des manifestations quotidiennes à l'automne et le déversement de plusieurs centaines de tonnes de production sur les routes.

Au-delà de cette concurrence intra européenne, ou provenant de pays géographiquement proches, se profile un développement de la concurrence de pays beaucoup plus lointains, situés en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud. Cette évolution va de pair avec un changement des modes de consommation . En effet, même s'ils continuent de jouir dans l'opinion d'une image de qualité et de saveur, les produits nationaux les plus traditionnels, jusqu'à présent vendus et consommés à des saisons leur étant propres, tendent à être de plus en plus concurrencés, soit par des fruits et légumes exotiques, soit par des produits plus classiques mais achetés en-dehors de leur saison de commercialisation habituelle. Ainsi, sont en augmentation les ventes de kiwis, litchis ou ananas durant toute l'année, mais également de tomates, courgettes ou pêches en hiver.

E. UNE ORGANISATION COMMUNE DE MARCHÉ PEU EFFICACE

L'organisation commune de marché (OCM) « fruits et légumes » est, comparativement aux autres OCM, peu développée. Alors que le secteur des fruits et légumes représente 15 % du chiffre d'affaires de l'agriculture européenne, il ne reçoit en effet que 4 % des crédits du FEOGA garantie .

Le règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996, qui a mis en place une nouvelle OCM, a créé des « fonds opérationnels » cofinancés par les producteurs et la section « garantie » du Feoga. Les organisations de producteurs peuvent ainsi déterminer et mettre en oeuvre des « programmes opérationnels » pluriannuels nécessaires à leur développement économique et commercial. Jugé trop complexe , ce dispositif a été simplifié à plusieurs reprises par l'adoption de divers nouveaux règlements, et en partie vidé de sa portée depuis qu'ont pratiquement été supprimés les achats publics pour destruction, appelés plus communément « retraits ».

Transposé en droit interne français par divers textes règlementaires, il y est mis en oeuvre par les 309 organisations de producteurs reconnues au titre du règlement (CE) n° 2200/96 précité, dont 154 coopératives ou unions de coopératives. En 2003, l'aide communautaire versée aux organisations de producteurs pour la mise en oeuvre de leurs programmes opérationnels s'est élevée à 80 millions d'euros.

Le problème soulevé par l'application de l'OCM fruits et légumes provient aujourd'hui du faible taux d'adhésion aux organisations de producteurs. Ainsi, seuls 55 % des producteurs français de fruits et légumes y sont adhérents. Ce taux est toutefois largement supérieur à la moyenne européenne, qui n'est que de 30 %, avec de fortes disparités 9 ( * ) .

F. UNE PRODUCTION TRÈS DISPERSÉE FACE À UNE DISTRIBUTION TRÈS CONCENTRÉE

Plus encore sans doute que dans d'autres filières agricoles, le secteur des fruits et légumes est structuré en une multitude de producteurs , souvent de taille modeste, pouvant difficilement négocier avec une grande distribution concentrée en un très petit nombre de centrales d'achat , qui a par ailleurs la possibilité de s'approvisionner sur les marchés extérieurs. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) absorbent en effet les deux tiers de la production, 5 centrales concentrant les deux tiers des achats de gros destinés au marché intérieur.

La grande distribution se voit ainsi reprocher de faire pression sur les producteurs lors de son approvisionnement, en achetant à des niveaux de prix très bas -parfois inférieurs au coût de production- des produits revendus ensuite au consommateur final avec des marges conséquentes. Elle se voit également accusée de répercuter systématiquement les variations de prix à la hausse , mais peu fréquemment à la baisse, et d'entretenir ainsi un niveau de prix élevé ayant des effets négatifs en ce qui concerne les volumes de vente.

Une enquête publiée en septembre 2004 par l'UFC-Que choisir 10 ( * ) semblerait accréditer cette thèse. Elle aboutit à la conclusion que les fruits et légumes dans la grande distribution ne sont pas moins chers que sur les marchés traditionnels . Bien plus, dans certaines villes, les consommateurs pourraient les acheter 20 à 35 % moins cher s'ils délaissaient les grandes surfaces pour les marchés. Pour l'UFC-Que Choisir, la grande distribution abuse de sa position dominante en pesant à la baisse sur les prix d'achat aux producteurs tout en maintenant des niveaux de prix élevés pour le consommateur.

Les problèmes liés au caractère inégalitaire des négociations commerciales entre les producteurs de fruits et légumes et la grande distribution ont également été abordés dans le rapport Canivet 11 ( * ) . Si ce dernier ne stigmatise pas explicitement les GMS, il relève cependant qu'il est malaisé de saisir la portée de la coopération commerciale, appelée également « marges arrières » et consistant pour la grande distribution à exiger des producteurs le versement de primes destinées à valoriser les produits en magasin, dans un secteur sans tarif tel que celui des fruits et légumes. Il fait par ailleurs les mêmes remarques s'agissant des remises, rabais et ristournes, conçus comme des contreparties à la régularité, aux volumes ou à certains services logistiques qui « peuvent parfaitement n'être que l'habillage de moyens de pression sur des fournisseurs condamnés à vendre ».

G. D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE MAIN D'OEUVRE

Employant une main d'oeuvre essentiellement saisonnière, le secteur des fruits et légumes connaît des difficultés croissantes à recruter et fidéliser de façon satisfaisante des travailleurs, que ce soit d'un point de vue quantitatif ou qualitatif. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer les tensions observées sur ce marché sectoriel du travail :

- pénibilité des tâches requises, relevant quasi systématiquement de travaux manuels demandant pour certains une importante endurance physique ;

- caractère saisonnier du travail, souvent concentré durant l'été et le début de l'automne ;

- précarité des relations contractuelles, avec un nombre particulièrement élevé de contrats à durée déterminée ou à temps partiel ;

- localisation des sites de travail dans des zones rurales, difficilement accessibles pour une population urbaine ou suburbaine ;

- faiblesse des salaires, variant souvent au niveau du SMIC ;

- absence de perspectives d'ascension professionnelle ...

L'ensemble de ces caractéristiques aboutit à un écart de plus en plus marqué entre les valeurs traditionnelles du travail saisonnier et les aspirations des salariés. Alliée à une diminution quantitative de l'offre de travail -moins de nouveaux entrants, plus de départs-, cette évolution conduit à modifier les rapports de force et les mécanismes à l'oeuvre au sein du marché du travail :

- d'une part, le privilège de la sélectivité est inversé, le salarié choisissant de plus en plus son emploi et son employeur ;

- d'autre part, la charge de la recherche est inversée, les employeurs devant davantage chercher des salariés que ceux-ci des employeurs.

Dans un tel contexte, le cycle de recrutement devient de plus en plus problématique pour les employeurs, certains d'entre eux devant faire appel à une main d'oeuvre étrangère . Cette utilisation de salariés provenant de pays extérieurs à l'Union européenne n'est pas sans poser de problèmes : elle requiert en effet une autorisation de l'Office des migrations internationales (OMI). Si celle-ci n'est pas demandée ou obtenue, elle expose les contrevenants à d'importantes sanctions de nature administrative et pénale.

III. LES MESURES PRISES PAR LES DIFFÉRENTS ACTEURS

A. LES ACTIONS MENÉES PAR LES POUVOIRS PUBLICS

1. La mise en place d'un audit de la filière

L'évolution économique et règlementaire du secteur des fruits et légumes a conduit les pouvoirs publics à décider d'engager un vaste audit de la filière. Elaboré par le ministère en charge de l'agriculture en concertation étroite avec l'ensemble des familles professionnelles concernées, il a respecté le cahier des charges lui imposant d'analyser trois volets relatifs à la situation économique de la filière, à son organisation et aux outils publics d'intervention dont elle peut bénéficier.

Les conclusions de cet audit ont été présentées le 28 juin 2004. D'une façon générale, le rapport souligne le poids économique de la filière fruits et légumes, ses enjeux en termes de santé publique, d'emploi et d'utilisation des territoires, tout en évoquant les défis à relever, qu'il s'agisse des aléas climatiques et économiques, ou encore des problèmes de concurrence et de poids des charges.

S'agissant de l'organisation économique du secteur, les auteurs formulent plusieurs recommandations : un accroissement des regroupements d'offre, aujourd'hui largement insuffisants ; une poursuite du rapprochement entre l'interprofession des fruits et légumes et celle des fruits et légumes transformés ; ou encore une meilleure harmonisation des règles européennes afin de faire face aux distorsions de concurrence pour la main d'oeuvre.

L'un des sujets majeurs abordé par le rapport concerne la gestion des crises , fréquentes dans la filière. Relevant qu'il comporte tout un aspect interprofessionnel devant être négocié entre la production et la distribution, il insiste sur la nécessité d'accords entre les parties pour mettre en place des opérations promotionnelles en périodes de surproduction ou de sous-consommation. Il préconise également un développement du débouché que constitue pour certains produits la transformation, estimant nécessaire que le dispositif soit négocié avec les entreprises de transformation avant la campagne.

Cet audit doit à présent inspirer les travaux relatifs à la réforme de l'OCM fruits et légumes annoncée par la Commission européenne , et plus largement l'élaboration d'outils de gestion des crises dans le cadre de l'accord de Luxembourg. La France a en effet obtenu que la Commission s'engage à présenter un dispositif de gestion des crises de marché pour les secteurs qui, comme les fruits et légumes, ne bénéficient pas d'aides directes de la PAC.

2. La mise en oeuvre de mesures conjoncturelles aux victimes de catastrophes naturelles

Le secteur des fruits et légumes, et l'agriculture française de façon plus générale, ont été particulièrement affectés en 2003 par des conditions climatiques exceptionnelles. Le Gouvernement est intervenu chaque fois afin d'aider les producteurs à surmonter la crise.

Certaines régions (Rhônes-Alpes, Centre et Val de Loire) ont d'abord été touchées au mois d'avril par un gel de printemps . Afin d'y remédier, le ministère en charge de l'agriculture a révisé de façon exceptionnelle la grille d'indemnisation au titre des calamités agricoles, dotée d'une enveloppe de 50 millions d'euros. Un abondement des crédits pour les agriculteurs en difficulté a par ailleurs été décidé : 400.000 euros pour la prise en charge des cotisations sociales et 9 millions d'euros pour la prise en charge d'intérêts de prêts. De plus, des prêts à taux zéro ont été proposés aux coopératives et expéditeurs conventionnés avec l'organisation économique. Enfin, la possibilité de bénéficier du revenu minimal d'insertion (RMI) et de la couverture maladie universelle (CMU) a été ouverte aux agriculteurs les plus en difficulté.

Les producteurs de fruits et légumes ont ensuite été touchés par la canicule estivale , celle-ci ayant toutefois affecté davantage les volumes que la qualité des productions. Réagissant très rapidement, le ministère a mis en place diverses mesures, qui s'adressaient d'ailleurs à tous les agriculteurs concernés et n'étaient pas réservées aux seuls producteurs de fruits et légumes : allègement des charges financières, octroi de « prêts calamités » ou encore indemnisation des exploitations sinistrées par le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA).

3. La simplification de l'OCM « fruits et légumes »

La complexité de l'OCM « fruits et légumes » étant de longue date un frein à sa bonne mise en oeuvre, les pouvoirs publics français se sont attachés à faire en sorte que le dispositif devienne plus attrayant pour les producteurs. Sous la présidence française, le Conseil des ministres de l'agriculture a ainsi adopté en novembre 2000 une révision de l'OCM simplifiant le régime de soutien aux fonds opérationnels en fixant le taux d'aide communautaire à 4,1 % de la valeur de la production commercialisée.

Dans le prolongement de cette révision, la Commission européenne a adopté en mars 2001 de nouvelles modalités de gestion des fonds opérationnels visant à simplifier le dispositif, faisant suite à une revendication forte et ancienne des organisations de producteurs françaises. Cette approche s'est trouvée parachevée par l'adoption de deux nouveaux règlements de la Commission en août 2003 , qui ont apporté des réponses tant pour la reconnaissance des organisations de producteurs que pour la mise en oeuvre des programmes opérationnels.

Si la réforme de l'OCM « fruits et légumes » est aujourd'hui à l'ordre du jour de l'Union européenne, les positions des 25 sur le dossier sont extrêmement divergentes , comme cela est apparu clairement lors du Conseil agricole du 18 octobre 2004 consacré à ce thème. Le ministre en charge de l'agriculture, soutenu par une minorité de pays, a plaidé en faveur d'une politique de gestion des crises qui permettrait d'empêcher une excessive volatilité des prix, évoquant l'idée d'une « caisse de stabilisation » qui permettrait de « maîtriser les hauts et repriser les bas » du secteur sur une base pluriannuelle. Le ministre français a également insisté sur la nécessité d'une meilleure organisation des producteurs pour faire face à la puissance de la grande distribution.

Face à ces propositions françaises, les positions sont aujourd'hui très variées. L'Italie, la Belgique, la Pologne et Malte suggèrent une prise en charge financière des politiques d'assurance par les fonds opérationnels. Pour leur part, certains pays du nord de l'Europe -Royaume-Uni, Suède, Danemark- réclament de façon radicale la suppression du lien entre le montant des aides directes aux exploitants et le niveau de leur production, dans la lignée de la réforme de la PAC de juin 2003. Ils refusent par ailleurs, rejoints sur ce point par l'Allemagne, tout mécanisme qui aboutirait à une augmentation des dépenses agricoles.

Attendues pour décembre , les premières propositions de révision émanant de la Commission ne devraient pas avoir pour objectif sa réforme radicale, mais plutôt des ajustements, en poursuivant dans la voie tracée par la réforme de 1996. Considérant que l'OCM fonctionne de façon satisfaisante pour les produits frais, le commissaire à l'agriculture sortant, Franz Fischler, s'est prononcé davantage en faveur de modifications touchant le secteur des produits transformés, et plus particulièrement en ce qui concerne la qualité et la concentration des approvisionnements via les organisations de producteurs.

4. Une incitation avortée à la mise en place d'un dispositif européen de gestion de crise pour le chou-fleur

Devant l'urgence de la situation de crise concernant spécialement le chou-fleur, le ministre en charge de l'agriculture a initié l'élaboration d'une mesure d'aide . Soutenu par six Etats membres (Irlande, Estonie, Slovénie, Slovaquie, Hongrie, Pologne), le dispositif aurait consisté à prévoir pour un an une aide de 50 euros par tonne pour l'envoi jusqu'à 50.000 tonnes d'une partie de la production du frais vers la transformation en cas de forte chute des cours.

Au mois de mai dernier, en marge du Conseil informel de Killarney en Irlande, le commissaire européen à l'agriculture , Franz Fischler, avait pris l'engagement auprès de Hervé Gaymard de présenter au collège des commissaires, à titre expérimental, un dispositif de gestion de crise de ce type. Bien que peu soutenu par les autres Etats membres, ce projet paraissait susceptible d'être adopté, via la procédure du comité de gestion.

Suite cependant à l'intervention de la commissaire allemande au budget, Michaele Schreyer, ce dossier a refait surface lors de la réunion de la Commission en date du 25 octobre , où il a finalement été rejeté par seize votes contre trente. La commissaire a motivé sa position en estimant qu'un tel dispositif pourrait créer un précédent non souhaitable, irait à l'encontre de la dernière réforme de la PAC, n'était pas justifié par les circonstances et devrait, en tout état de cause, faire l'objet d'un rapport préalable sur la gestion des crises en matière agricole.

Malgré ce rejet, qui a contribué à durcir le mouvement des agriculteurs, le ministre en charge de l'agriculture sortant n'a pas abandonné l'espoir de voir adopter au niveau européen un tel dispositif de gestion de crise. Celui-ci pourrait figurer parmi les propositions de réforme de l'OCM « fruits et légumes » que la Commission devrait rendre publiques au mois de décembre .

B. LES INITIATIVES DES PRODUCTEURS ET OPÉRATEURS

1. Des actions de promotions exceptionnelles concertées

Sans attendre que les négociations interprofessionnelles n'aient abouti, des initiatives promotionnelles ont été prises sur le terrain afin de dynamiser une consommation de fruits et légumes atone en raison tant d'une météo capricieuse que de prix perçus par les consommateurs comme excessivement élevés. Leur succès démontre que des actions de promotion adéquates accompagnées d'une politique de maîtrise des prix ont une incidence notable sur le niveau de consommation.

Une « super promotion » consistant à réduire les marges à un niveau proche de zéro et à communiquer sur la qualité des produits a ainsi été mise en place fin juillet après une concertation entre producteurs et distributeurs. En parallèle, les organisations politiques ou syndicales (Modef, Parti communiste, FNSEA) ont également mené des actions de promotion sur des durées assez limitées. Enfin, à un niveau plus local, une organisation de producteurs -le BRM, comité de bassin Rhônes-Méditerrannée- a signé un accord avec une enseigne de la grande distribution pour proposer pendant deux jours des prix attractifs au détail sans faire baisser les prix aux producteurs, permettant selon les organisateurs de tripler le volume des ventes.

Par ailleurs, l'instauration d'un prix minimum sur le marché de la tomate a été expérimentée pendant quelques jours. Sur la recommandation du ministre en charge de l'économie et avec l'appui d'Interfel (l'interprofession) et de la FNPL, la section nationale de la tomate s'est entendue avec la grande distribution pour fixer à 0,85 euro par kilo le prix de la tomate, logée, stade production.

Cette opération n'a cependant pas été couronnée de succès, le niveau du prix minimum ayant rapidement dû baisser à 0,5-0,6 euro par kilo, afin de faire face à la concurrence de tomates importée à 0,2-0,3 euro par kilo. Le dispositif, qui a finalement périclité, aurait pu fonctionner si la totalité des GMS avait réellement coopéré. Mais certaines enseignes l'ont contourné en se fournissant à l'étranger ou auprès de producteurs français acceptant de faire des concessions sur les prix.

2. La signature d'un accord interprofessionnel pour la promotion des produits

Encouragées et suivies par le ministre en charge de l'agriculture et le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, en liaison avec le ministre en charge du commerce, les discussions engagées au début de l'été entre l'ensemble des partenaires du secteur des fruits et légumes (producteurs, expéditeurs, grossistes, détaillants, distributeurs) ont abouti à la fin du mois d'août à la signature d'un accord interprofessionnel permettant la publicité sur les prix des fruits et légumes hors des lieux de vente .

S'inscrivant dans un contexte de faible consommation de produits bénéficiant paradoxalement d'une excellente image auprès de l'opinion publique, cet accord vise à mieux informer les consommateurs potentiels en vue de dynamiser le marché. Il consiste à rendre possible la mise en avant dans différents médias (presse quotidienne régionale, radio, affichage et tracts de proximité) des fruits et légumes, avec indication de prix. Une telle publicité était jusqu'alors impossible, l'article 441-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) l'interdisant, sauf en cas d'accord interprofessionnel.

Cet accord a été signé en attendant qu'une modification de la loi NRE
-et plus particulièrement de la disposition relative à l'article 441-2 du code de commerce- n'intervienne prochainement. Il s'agira de permettre des publicités « réactives » en cas de baisse brutale des cours, afin de stimuler la consommation et d'écouler les stocks en surplus. Des restrictions sur la durée (5 jours maximum) et les médias autorisés (presse régionale et radio uniquement) devraient être prévues.

Cette modification visera également à mettre le dispositif en accord avec les directives européennes , la France ayant été sollicitée voici plusieurs mois par la Commission européenne en vue de revoir une disposition législative jugée anticoncurrentielle. Une fois la loi modifiée, il ne sera plus nécessaire, pour réaliser des publicités sur les prix, d'attendre la signature d'un accord interprofessionnel.

3. La demande de reconnaissance du label « grande cause nationale »

Afin de disposer de tarifs publicitaires plus avantageux à la télévision, les présidents d'Interfel et d'Aprifel, l'Agence pour la recherche et l'information, ont demandé au Président de la République début novembre la reconnaissance du label « grande cause nationale » au profit du secteur des fruits et légumes. Les auteurs de cette demande l'inscrivent dans la logique du « plan cancer » lancé en 2003 par le chef de l'Etat, qui avait alors annoncé la conduite d'une campagne pour augmenter la consommation de fruits et légumes.

Ils ont également réclamé la mise en place d'un plan national fruits et légumes pour la prévention des grandes pathologies comme le cancer, mais aussi les maladies cardiovasculaires, l'ostéoporose et l'obésité. Travaillant avec les ministères en charge de l'agriculture et de la santé pour développer différentes actions incitant les consommateurs à avoir une alimentation plus équilibrée en fruits et légumes frais, les deux organismes déplorent à cet égard que l'image positive de ces produits soit « captée » par les entreprises agroalimentaires.

CHAPITRE IV -

LE CONTEXTE INTERNATIONAL DU BUDGET :
LA POURSUITE DES NÉGOCIATIONS AU SEIN DE L'OMC

I. LE CONTEXTE PRÉALABLE À LA SESSION ESTIVALE

A. L'HÉRITAGE DE LA CONFÉRENCE DE CANCÙN

La conférence de Cancùn (Mexique) avait pour but, en septembre 2003, de faire le point à mi-parcours sur le calendrier de travail fixé lors de la conférence de Doha (Qatar) de novembre 2001. C'est afin d'éviter les critiques et d'arriver en position de force que l'Union européenne, peu avant le déroulement du sommet, avait modifié en profondeur sa politique agricole à travers les accords de Luxembourg du 26 juin 2003.

S'il a permis d'éprouver l'unité des Etats membres de l'Union européenne sur les questions agricoles et de donner à des Etats jusqu'alors mis en marge des négociations la possibilité d'obtenir le statut d'interlocuteurs à part entière, le sommet n'a pas débouché sur un accord final. Les divergences d'intérêt qui se sont fait jour ont en effet mis en évidence une opposition difficilement surmontable entre six grands groupes de pays :

- le G10 , groupe de dix pays 12 ( * ) importateurs nets de produits agricoles défendant les subventions agricoles et les droits élevés protégeant leurs produits « sensibles », tout en réclamant davantage d'ouverture des marchés pour les produits industriels et les services ;

- le G22 , groupe de pays très hétérogènes emmené par le Brésil, qui a adopté une position très offensive sur le démantèlement des barrières à l'exportation vers les pays tiers tout en conservant une attitude très défensive quant à l'accès à ses propres marchés ;

- le G90 , ensemble formé des pays les moins avancés composé essentiellement des membres du groupe ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), qui a défendu l'idée d'un traitement spécial et différencié en leur faveur ;

- le groupe de Cairns , rassemblant 17 pays exportateurs de produits agricoles -dont le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie- ayant revendiqué le démantèlement des subventions et protections mises en place par les Etats-Unis et l'Union européenne ;

- les Etats-Unis , très influencés par des considérations de politique interne, qui avaient tout intérêt à une absence d'accord final afin de ne pas avoir à réviser leur politique agricole ;

- l' Union européenne , espérant obtenir des contreparties de la part des Etats-Unis suite à la réforme de sa politique agricole, ne pouvait accepter un projet de déclaration finale de nature très libérale qui ne s'attaquait pas aux « marketing loans » américains, traitait sans distinction tous les pays en développement et ne tenait pas compte des problématiques non commerciales.

L'avenir des négociations internationales en matière commerciale semblait donc obscur au lendemain du sommet de Cancùn et de son absence d'accord, les Etats-Unis ayant au surplus annoncé vouloir multiplier les conventions bilatérales de libre-échange.

B. LES INITIATIVES PRÉALABLES À LA CONFÉRENCE DE GENÈVE

Après une période d'attentisme de plusieurs mois, l' Union européenne a cherché à relancer les négociations multilatérales en proposant aux pays membres de l'OMC d'éliminer ses subventions agricoles à l'exportation si les autres pays développés, et notamment les Etats-Unis, en faisaient de même. Semblant répondre à la demande faite quelques semaines plus tôt par les pays du G20 et du groupe de Cairns, cette proposition était soutenue par une majorité des Etats membres mais se heurtait à l'opposition très ferme de la France.

Devant la perspective d'importantes contraintes politiques s'annonçant pour la période débutant en septembre (élections américaines, renouvellement de la Commission européenne), les réunions de négociateurs représentant les différents groupes de pays se sont multipliées au mois de juin. Elles ont convenu de la nécessité de trouver les termes d'un accord avant le début du mois d'août.

C'est dans cette optique que le président de l'OMC, Supachai Panitchpakdi, et le président des négociations, Shotaro Oshima, ont présenté le 16 juillet un texte de compromis dont ils ont proposé l'adoption avant la fin du mois de juillet. Prévoyant notamment la suppression progressive des aides aux exportations agricoles, la réduction des droits de douane et la reconnaissance du concept de « produits sensibles », ce projet satisfaisait la plupart des pays membres, avec plus ou moins de réserves cependant.

Partagée entre certains Etats membres jugeant le projet de texte déséquilibré 13 ( * ) et d'autres considérant qu'il pouvait constituer une base de travail acceptable 14 ( * ) , l'Union européenne a finalement donné mandat à son commissaire au commerce extérieur, Pascal Lamy, pour renégocier le texte dans le sens d'un plus grand équilibre à la fois entre l'agriculture et les autres sujets de négociation (industrie et services), entre les trois piliers agricoles (subventions à l'exportation, soutiens internes et accès aux marchés) et entre les efforts consentis par l'Union sur les soutiens à l'export et ceux attendus de la part des américains.

II. LE CONTENU ET LA PORTÉE DE L'ACCORD DU 1ER AOÛT 2004

Au terme de cinq jours de tractation, les 147 pays membres de l'OMC sont parvenus le 1 er août à Genève à adopter un ensemble d'accords-cadres sur les principaux sujets de négociation de l'agenda de Doha pour le développement : agriculture, produits non agricoles, services et facilitation des échanges. Réuni le 30 juillet, le Conseil affaires générales et relations extérieures avait autorisé la Commission à accepter cet accord.

Sur le volet agricole plus spécifiquement, le texte adopté se contente, de par sa nature d'accord-cadre, de fixer des principes généraux et de renvoyer à une deuxième étape des négociations la détermination de données précises et chiffrées. Effaçant l'échec de la conférence de Cancùn, il renvoie toutefois sine die la conclusion du cycle de négociations de Doha, à l'origine fixée fin 2004.

A. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD

1. Les soutiens internes

L'accord prévoit leur diminution par l'intermédiaire d'une clause dite « de minimi » qui permet à un pays -les Etats-Unis en l'occurrence- de verser jusqu'à 5 % de la valeur de sa production agricole totale en aides aux agriculteurs sur différents produits.

Il prévoit en outre une réduction substantielle de la plupart des formes de distorsions commerciales , à travers la mise en place de plafonds spécifiques par produits selon que la dépense relève d'une catégorie « orange », « bleue » ou « verte ». Les pays en voie de développement (PVD) disposeront d'un certain délai pour procéder à ces réductions.

Enfin, il envisage un réexamen des aides publiques à l'agriculture essentiellement destinées au développement rural.

2. L'accès aux marchés

Aucune réduction générale n'est proposée. En revanche, l'accord prévoit la mise en place d'une « formule étagée » de réduction des droits de douane , avec des diminutions plus fortes pour les tarifs les plus élevés, comme le demandaient les PVD. Ceux parmi ces derniers qui pratiquent une agriculture de subsistance ne seront pas contraints d'ouvrir massivement leurs marchés.

Les pays développés ont obtenu, en contrepartie, la possibilité de conserver des droits de douane élevés pour protéger des produits dits « sensibles » : riz au Japon ; lait, sucre et viande bovine en Europe. Le nombre et la nature de ces produits devront être négociés. Bien que reconnus comme spécifiques, ils devront à terme faire l'objet de réduction des droits de douane ou d'accroissement des importations.

3. La concurrence à l'exportation

L'accord prévoit la suppression des subventions à l'exportation qui génèrent les effets de distorsion les plus prononcés sur les échanges internationaux. Les précisions chiffrées et le calendrier de mise en oeuvre de cette mesure ont été repoussés à une date ultérieure.

Cette disposition concernera tant les crédits américains à l'exportation, qui seront prohibés au-delà d'un certain nombre de jours de remboursement, que les monopoles d'exportation des entreprises australiennes et canadiennes, qui seront soumis à des règles beaucoup plus strictes.

B. LES RÉACTIONS DES PRINCIPAUX ACTEURS

1. Les pays du G10 et du groupe de Cairns

Les pays du G10 ont accueilli avec une grande prudence un accord dont les incidences concrètes sur leur économie dépendront en partie des négociations ultérieures.

Les pays du groupe de Cairns , en délicatesse avec l'OMC du fait de l'utilisation de pratiques génératrices de distorsions de concurrence, ont affiché la même prudence . Le principe d'une libéralisation accrue des marchés agricoles au plan international acté dans cet accord devrait cependant leur être plutôt favorable, s'agissant de pays exportateurs de produits agricoles disposant d'avantages comparatifs importants. Cependant, cet effet avantageux devra être analysé au regard de l'obligation qu'auront à terme ces pays de supprimer les divers modes plus ou moins masqués de soutien aux exportations qu'ils mettent en oeuvre au profit de leurs entreprises.

2. Les pays du G20

Les pays du G20, qui ont négocié l'accord final avec les Etats-Unis et l'Union européenne par l'intermédiaire du Brésil et de l'Inde, l'ont accueilli très favorablement , américains et européens s'engageant à démanteler progressivement les barrières à l'exportation en matière agricole. Il semble qu'ils constituent les vrais gagnants de ce nouvel accord, qui devrait leur permettre d'écouler plus facilement sur les marchés mondiaux des produits extrêmement concurrentiels.

3. Les pays du G90

Les pays en développement du G90 avaient menacé de bloquer les négociations si leurs demandes tendant à l'élimination des subventions à l'exportation et la prise d'engagements sur le dossier du coton n'étaient pas entendues. Ils n'ont finalement obtenu aucun engagement concret , si ce n'est un consensus pour que la question du coton soit réglée de manière « ambitieuse, rapide et spécifique » à travers la création d'un sous-comité coton et la favorisation de programmes d'aide internationaux.

Si elle semble a priori jouer en leur faveur, l'ouverture des marchés agricoles ne devrait en réalité que peu leur bénéficier , s'agissant de pays importateurs nets de produits agricoles ne parvenant pas à être compétitifs dans les échanges internationaux et se voyant concurrencés sur leur propre marché par des produits provenant de pays exportateurs nets.

4. L'Union européenne et les Etats-Unis

L'Union européenne et, sur l'insistance de cette dernière et après de longs atermoiements, les Etats-Unis, se sont engagés à supprimer progressivement toutes leurs aides à l'exportation, à limiter leurs subventions internes et à réduire par étapes leurs droits de douane. Ces engagements devraient peser plus lourdement sur les Etats-Unis, qui ont dernièrement renforcé le soutien à leurs agriculteurs sur les plans tant interne qu'externe.

L'Union européenne s'est déclarée, par l'intermédiaire de son commissaire au commerce extérieur Pascal Lamy, satisfaite de cet accord. Il semble en réalité qu'il faille en analyser l'impact sur les pays membres en distinguant ses diverses composantes.

En ce qui concerne les subventions aux exportations , la suppression que prévoit l'accord ne devrait pas avoir d'incidence notable sur l'Union.

D'une part, en effet, les subventions à l'exportation communautaire représentent aujourd'hui un peu moins de trois milliards d'euros, soit 5 % de la valeur des exportations européennes, contre 12 milliards d'euros au début des années 90. Si elles permettent encore à des producteurs européens non compétitifs de vendre sur le marché mondial, les révisions successives de la PAC les ont réduites à un nombre limité de secteurs, parmi lesquels le lait ou la viande.

D'autre part, l'Union européenne a obtenu une amélioration des mesures prévues, comme le report de la suppression des restitutions à une date-butoir qui ne devrait pas être inférieure à une dizaine d'années, ou encore une définition suffisamment large des crédits à l'exportation pour y intégrer certaines pratiques de pays concurrents.

Enfin, l'accord pèse comparativement davantage sur des pays tels que les Etats-Unis ou les membres du groupe de Cairns, qui ont développé de nombreux outils d'aide aux échanges, tels que les crédits à l'exportation, les privilèges spéciaux conférés à des entreprises commerciales d'Etat ou encore l'utilisation du dispositif de l'aide alimentaire à des fins commerciales : on estime ainsi que les principes arrêtés devraient permettre d'éliminer environ 60 % des crédits exports des Etats-Unis.

S'agissant des soutiens internes tels que les subventions liées au prix ou au volume de production -que l'accord prévoit de réduire à 5 % du montant de la production agricole-, il ne remet pas en cause la PAC telle qu'elle résulte de la réforme de juin 2003.

Au contraire, celle-ci donne à l'Union européenne des marges de manoeuvre conséquentes, puisque 70 % des aides versées aux producteurs européens se retrouvent classés dans la « boîte verte ». Ces aides consistant en des primes directes versées aux agriculteurs sans relation avec les prix de marché ou le volume produit, elles sont autorisées dans le cadre de l'OMC. Il se pourrait toutefois que ce type d'aides fasse à l'avenir l'objet de contestations de la part de pays émergents comme le Brésil, dans la mesure où en donnant à des producteurs la possibilité de continuer à produire avec des coûts de revient supérieurs aux prix de vente, elle permet à l'Union européenne de continuer à pratiquer une sorte de « dumping » agricole.

Pour ce qui concerne les barrières aux échanges telles que les droits de douane, leur diminution à courte échéance s'avère source de difficultés pour l'Union européenne.

Malgré la baisse des prix actée dans les accords de Luxembourg l'année passée, les prix intérieurs de certains produits communautaires, tels que le lait, restent supérieurs aux cours mondiaux. De ce fait, l'ouverture des frontières à laquelle aboutira la baisse des droits de douane serait susceptible de remettre en cause le principe de préférence communautaire. Une augmentation des quotas d'importation à des conditions tarifaires avantageuses, qui pourrait accompagner cette ouverture de nos frontières internes, serait par ailleurs susceptible de déstabiliser certains marchés fragiles tel celui de la viande bovine. Toutefois, l'Union européenne a obtenu la reconnaissance du principe d'un traitement approprié pour les produits dits « sensibles », pour lesquels le désarmement tarifaire sera atténué par rapport à la formule générale.

5. La France

Après être restée longtemps isolée dans sa volonté de s'opposer au projet de compromis, la France s'est finalement ralliée à l'accord final , non sans avoir préalablement fait pression pour obtenir des atténuations, améliorations ou engagements lui bénéficiant. C'est ainsi sur son insistance qu'ont été apportées d'importantes modifications au premier projet d'accord-cadre pour ce qui concerne la sélection et le traitement des produits « sensibles ».

Lors de son audition devant votre commission dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances, le ministre en charge de l'agriculture sortant, Hervé Gaymard, a d'ailleurs redit explicitement sa satisfaction quant à la portée de l'accord négocié, estimant que celui-ci permettait de légitimer la PAC réformée, de poser des règles identiques pour l'Union européenne et les Etats-Unis en matière de réduction des subventions à l'exportation ainsi que de maintenir une liste de produits sensibles bénéficiant d'un statut avantageux.

Si l'on analyse objectivement les divers éléments de l'accord final, il semble que ses incidences sur la France -comme, d'ailleurs, sur l'Union européenne dans son ensemble- varient selon les critères pris en compte . Ainsi, la suppression des subventions à l'exportation n'aura que peu d'influence sur notre agriculture, dans la mesure où les principaux postes d'exportations nationaux ne sont pas subventionnés. C'est le cas, notamment, des vins et spiritueux, qui représentent environ le quart de la valeur totale de nos exportations agroalimentaires. En revanche, une remise en cause de la préférence communautaire, à travers une forte baisse des droits de douane, limiterait de façon conséquente nos exportations vers le reste de l'Union européenne, sachant que celle-ci en absorbe aujourd'hui près des trois-quarts.

III. LES PERSPECTIVES À VENIR DU CYCLE DE NÉGOCIATION

A. LE DÉROULEMENT DE LA DEUXIÈME PHASE DU CYCLE DE DOHA ET L'ÉCHÉANCE DE LA CONFÉRENCE DE HONG-KONG

La conférence de Genève, qui s'est achevée le 1 er août de cette année, a mis fin à la première phase du cycle de Doha. Celui-ci est désormais rentré dans une seconde phase devant s'achever lors de la sixième conférence ministérielle de l'OMC prévue à Hong-Kong (Chine), en décembre 2005. Après que la première phase ait permis de fixer les principes et le cadre des négociations, cette deuxième période devrait permettre d'en déterminer les modalités détaillées et chiffrées.

1. Des thèmes de négociation encore nombreux et périlleux

La nouvelle phase de négociation qui s'est ouverte le 1 er août va devoir définir, pour chacun des piliers, des niveaux précis d'engagement de la part des Etats membres :

? Sur le premier pilier , c'est à dire le soutien interne , trois catégories de mesures devront être distinguées :

- en ce qui concerne la « boîte orange » 15 ( * ) , qui sera soumise à réduction selon une formule harmonisatrice à travers des plafonds par produits, l'Union européenne ne devrait pas rencontrer de difficulté. Elle devra toutefois veiller à faire reconnaître la spécificité de sa situation du fait de l'élargissement, de sorte que le soutien communautaire aux agriculteurs n'apparaisse pas comme « gonflé » par les aides versées aux dix nouveaux membres. Elle devra également se montrer offensive pour obtenir une réduction maximale de la clause « de minimis », qui profite essentiellement aux Etats-Unis ;

- s'agissant de la « boîte bleue » 16 ( * ) , l'Union devra faire pression pour que la définition de ses critères n'avantage pas exagérément les Etats-Unis, qui ont déjà obtenu la possibilité d'y ranger leurs paiements contracycliques alors qu'ils relèvent normalement de la boîte orange ;

- concernant enfin la « boîte verte » 17 ( * ) , l'Union devra également être attentive à ce que leur réexamen et leur clarification -prévus par l'accord final- n'en remettent pas en cause les principes.

Sur le deuxième pilier , à savoir le soutien à l'exportation , des résultats concrets devront être obtenus dans la circonscription des crédits à l'export dont l'élimination est prévue et dans l'étendue des règles auxquelles les crédits restants devront se conformer, ainsi que dans le rythme d'élimination des privilèges accordés aux entreprises d'Etat exportatrices. L'Union devra surtout faire avancer le dossier de l'aide alimentaire détournée à des fins commerciales, que l'accord final n'a que peu abordé.

Sur le troisième pilier , qui concerne l' accès au marché , les négociations de la deuxième phase seront particulièrement cruciales. Seront débattus, en effet, des sujets aussi déterminants que les modalités concrètes de réduction des droits de douane, la sélection et le traitement des produits « sensibles », ou encore la protection des indications géographiques.

2. Une atmosphère de négociation déjà tendue

La tension ayant marqué les premiers échanges entre les pays membres partis aux négociations depuis l'accord final de cet été illustre l'importance des enjeux en cause. Cela a été particulièrement sensible lors de la réunion du premier comité sur l'agriculture de l'OMC depuis début août, qui s'est tenu à Genève du 6 au 8 octobre . Bien que le néo-zélandais Tim Groser, président du groupe de négociations agricoles, se soit félicité de son « atmosphère constructive », il semble en effet que les ferments des futurs sujets de conflit de la deuxième phase aient été posés.

A été particulièrement débattu le dossier de la « boîte verte » , qui a opposé les pays industrialisés entre eux. L'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada pour le groupe de Cairns ont ainsi insisté sur la nécessité d'en réexaminer les critères et de s'assurer que les mesures en faisant partie aient des effets de distorsion des échanges et de la concurrence nuls ou extrêmement réduits. Ces pays ont également évoqué le caractère « cumulatif » des subventions appartenant à la « boîte verte », c'est la possibilité que ces paiements reçoivent aussi des subventions relevant des boîtes « bleue » et « orange ».

En réponse, une curieuse alliance regroupant l'Union européenne, les Etats-Unis et les pays du G10 a demandé aux pays membres du groupe de Cairns de réformer leur système d'aide aux entreprises d'Etat en y apportant davantage de transparence.

? L'actualité des négociations devrait à présent être marquée par l'organisation d'une réunion ministérielle restreinte en marge du forum économique mondial qui se tiendra fin janvier 2005 à Davos (Suisse), comme cela avait déjà été le cas à la même période l'année passée. Cette mini-réunion, qui regroupera vraisemblablement entre 20 et 25 des 148 pays membres de l'OMC, devrait être suivie d'autres rencontres entre ministres chargés de commerce au cours de l'année 2005, en vue de faire régulièrement le point sur l'avancée des travaux d'ici l'échéance de Hong-Kong. Les petits pays membres de l'OMC se sont montrés critiques sur ce type de réunions, affirmant qu'elles les mettraient en marge du processus de décision.

B. LE RISQUE D'UNE REMISE EN CAUSE DE LA PAC RÉFORMÉE

Dans un rapport sur la politique commerciale de l'Union européenne à 15 publié récemment, l' OMC a considéré que la dernière réforme de la PAC n'avait qu'un faible impact sur la libéralisation de l'agriculture communautaire , en dépit du découplage des aides à la production sensé mettre l'Union en conformité avec la règlementation internationale sur le commerce. L'Organisation note ainsi que la protection tarifaire -qui est de 10 % en moyenne pour l'agriculture communautaire-, les mesures de soutien interne et le caractère limité de la libéralisation des échanges de produits agricoles dans le cadre des accords commerciaux préférentiels -type ACP- « continuent de freiner la concurrence étrangère et de générer des excédents pour certains produits ».

Notant que l'Union européenne pratiquait « un régime commercial généralement ouvert, notamment pour les produits non agricoles », l'OMC souligne que la structure tarifaire des produits agricoles reste « complexe », se partageant entre des droits ad valorem , des droits spécifiques, des droits mixtes et des droits variables basés sur le prix d'entrée qui peuvent chacun varier selon le prix, la quantité, le contenu technique ou encore la saison.

Reconnaissant par ailleurs que les subventions à l'exportation pour les produits agricoles avaient diminué, l'Organisation a estimé qu'elles demeuraient encore « relativement trop élevées ». De la même façon, tout en admettant que les contingents tarifaires appliqués à quelques 89 produits agricoles ne sont utilisés qu'à « 67 % environ », elle a déploré que des « prohibitions à l'importation subsistent ».

Au final, l'OMC appelle à une libéralisation accrue de l'agriculture communautaire , en préconisant notamment une « simplification de sa structure tarifaire », un « abaissement des taux de droits » et une « réduction des niveaux de soutien ». Cette position sévère à l'encontre de l'Union européenne fait écho à celle déjà prise par l'Organisation et plusieurs de ses membres, appartenant notamment au G20, dès le lendemain de la dernière réforme de la PAC.

C. LES ENJEUX DE LA RÉÉLECTION À LA PRÉSIDENCE DE L'OMC

Fondamental dans la conduite et l'évolution des négociations internationales, le poste de directeur général de l'OMC concentre de très importants enjeux de pouvoir. Loin de ne revêtir qu'une simple fonction protocolaire ou représentative, le directeur général de l'OMC peut en effet exercer une influence non négligeable dans la conduite des négociations.

S'il est élu par une conférence ministérielle constituant la structure suprême de l'Organisation et s'il se trouve à la tête d'un secrétariat n'ayant formellement aucun pouvoir d'initiative, il est en revanche à même d' orienter les débats , voire de proposer aux parties des solutions de consensus , comme l'illustre d'ailleurs tant l'actualité des derniers mois que la forte concurrence présidant au prochain renouvellement du poste.

L'enjeu est d'autant plus important que le prochain titulaire du poste aura la charge de présider les négociations lors de la conférence de Hong-Kong l'année prochaine et de mettre un terme au cycle de Doha sur la libéralisation du commerce mondial.

Pour l'heure, le directeur général de l'OMC est le Thaïlandais Supachai Panitchpakdi , qui a pris ses fonctions le 1 er septembre 2002 et devrait donc les quitter, au terme d'un mandat de trois ans, le 1 er septembre 2005.

La précédente élection , en 1999, avait été marquée par un affrontement larvé nord-sud , les pays développés soutenant la candidature de l'ancien premier ministre néo-zélandais Mike Moore tandis que les pays émergents ou en développement appuyaient celle de M. Panitchpakdi, un consensus ayant été trouvé en divisant le mandat en deux parties égales.

Or, à quelques jours de l'ouverture officielle de la campagne pour la succession de l'actuel directeur général , l'atmosphère semble déjà très tendue. Deux candidats prématurés se sont en effet déclarés : le brésilien Luiz Felipe de Seixas Correa , soutenu par son pays, qui ambitionne d'institutionnaliser son rôle de leader du Mercosur, et l' uruguayen Carlos Perez del Castillo , appuyé par l'ensemble des pays sud-américains, excepté le Brésil et le Venezuela.

Si Américains et Européens n'ont pas encore pris partie, ils pourraient toutefois alimenter le conflit en proposant la candidature du français Pascal Lamy et du ministre mauricien du commerce Jayen Cuttaree .

*

* *

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques et du plan, qui s'est réunie le 1 er décembre 2004, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 2005.

* 1 Retracée chaque année dans les comptes de l'agriculture établis par l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) et le Service central des enquêtes et des études statistiques du ministère de l'agriculture (SCEES).

* 2 Le résultat agricole net correspond à la valeur ajoutée nette au coût des facteurs (valeur ajoutée nette + subventions d'exploitation - impôts fonciers - autres impôts sur la production).

* 3 Le résultat agricole net par actif correspond au résultat agricole net rapporté au nombre d'unités de travail annuel total (ou équivalents temps plein).

* 4 Hors contribution des collectivités locales.

* 5 Dont environ 90 % servent à financer des actions relevant du premier pilier, et 10 % du second.

* 6 Gels au printemps, sécheresse durant l'été, inondations pendant l'hiver.

* 7 Base 100 pour l'année 2000.

* 8 « Fruits et légumes : une véritable ambition pour le secteur », rapport d'information fait par MM. Jean Huchon, Jean-François Legrand et Louis Minetti au nom de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat, 1996-1997, n° 354.

* 9 Taux élevé aux Pays-Bas et en Belgique, très faible en Grèce et au Portugal.

* 10 Enquête publiée en septembre 2004 et réalisée par les associations locales pour Que choisir dans 73 départements sur plus de 35.000 prix.

* 11 Rapport du groupe d'experts constitué sur les rapports entre industrie et commerce, présidé par M. Guy Canivet, fait pour le compte du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, 18 octobre 2004.

* 12 Dont la Suisse, le Japon, la Corée du Sud, la Norvège et Israël.

* 13 France, Grèce, Portugal, Espagne, Hongrie, Pologne, Italie, Lituanie et Irlande.

* 14 Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Autriche, Slovénie, Suède et République tchèque.

* 15 Ensemble des mesures de soutien internes qui faussent le jeu de la concurrence sur les marchés mondiaux. Il s'agit essentiellement de soutiens aux prix et, dans une moindre mesure, d'aides directes et de subventions qui n'entrent pas dans les boîtes bleue et verte.

* 16 Créée principalement par et pour les États-Unis et l'Europe, cette « boîte » comprend les aides directes versées aux producteurs dans le cadre de programme de limitation de production (« aides compensatoires » européennes, « deficiency payments » américains). Elles ne sont pas soumises à obligation de réduction dans le cadre des accords de l'OMC.

* 17 Ensemble des mesures de soutien à la production agricole exemptées de l'engagement des mesures globales de soutien. Il s'agit des dispositifs dont les effets de distorsion sur les échanges sont nuls ou minimes (exemple : recherche, formation, stocks publics pour la sécurité alimentaire, environnement, assurances récolte...).

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