ANNEXE N° 1 -

BILAN DE LA VISITE DE LA ZFU
DE MONTEREAU-FAULT-YONNE

Située dans le sud de la Seine-et-Marne, au confluent de la Seine et de l'Yonne, Montereau se trouve à mi-chemin entre Fontainebleau, Sens et Provins. Théâtre de l'une des dernières victoires de Napoléon, cette cité, dont l'origine remonte au site gallo-romain de Condate, qui conserve une collégiale du XII e siècle, et dont la batellerie et la faïencerie ont longtemps constitué l'activité principale, n'aurait vraisemblablement jamais eu affaire à la " politique de la ville " si, à la fin des années 1950, l'Etat n'avait décidé de favoriser le développement de sa population en construisant de grands ensembles.

Dans le cadre du programme " 3 M " (Meaux, Melun, Montereau), le ministère de l'Equipement crée, à cette époque, sur le plateau situé à trois kilomètres au nord du centre historique, un nouveau quartier destiné à accueillir, selon le projet initial, outre 6.000 logements, une zone d'activité économique, bâtis ex nihilo dans une zone agricole qui devient le quartier de Surville.

Cependant, l'enthousiasme des initiateurs du projet s'essouffle rapidement, et seule la première tranche des travaux exécutés à Surville sur les plans d'Arsène Henri, grand prix de Rome, est construite, entre le milieu des années 1960 et le début des années 1970. L'Etat décide, en effet, d'interrompre le programme " 3 M " bien que 3.380 logements d'habitats collectifs soient construits au milieu des champs. La zone d'activité projetée initialement ne voit, quant à elle, pas le jour.

Selon un phénomène déjà observé par votre rapporteur pour avis à l'occasion de précédentes missions de contrôle sur place, notamment à Mantes-la-Jolie et dans le val de Seine, les appartements neufs, souvent dotés de beaux volumes et d'éléments de confort qui font défaut dans la plupart des logements d'après-guerre, séduisent leurs premiers occupants. A l'origine, la population s'installe volontiers à Surville. Puis s'amorce, à compter du milieu des années 1970, un mouvement de lente décrue au gré duquel les habitants du quartier qui en ont la possibilité le quittent pour résider en ville basse ou construire un pavillon. Cette évolution des migrations au sein même de la ville de Montereau a une incidence déterminante sur l'équilibre social du quartier de Surville, progressivement passé, selon les termes mêmes du maire : " de la consécration à la relégation ".

Selon les données issues du dernier recensement général de la population (1999), 12.000 habitants de Montereau vivent à Surville, sur les 19.000 que compte au total la commune . Une importante fraction de la population du quartier est frappée par la pauvreté puisque 40 % des habitants disposent d'un revenu imposable de moins de 60.000 francs et que 400 personnes y perçoivent le revenu minimum d'insertion. Quant au taux de chômage, il s'élève à 20 % des actifs (contre 9 % dans le reste de la Seine-et-Marne).

Plusieurs spécificités caractérisent la population du quartier par rapport au reste de la ville. La part des moins de 25 ans y est particulièrement élevée, atteignant 40 %, et la proportion des étrangers qui résident à Montereau s'élève à 68 % (pour l'essentiels des Marocains, des Turcs, des Portugais et des Algériens). L'importance de l'illettrisme et de l'analphabétisme chez les moins de 25 ans illustre également la précarité des conditions d'existence des habitants de Surville : 40 % des jeunes y sont illettrés et 10 % analphabètes. On notera d'ailleurs qu'en 1999, l'atelier linguistique créé pour centraliser les demandes de formation a reçu 244 personnes.

Au demeurant, les handicaps qui résultent de l'existence d'une importante strate de population défavorisée sont aussi observés dans le reste de la commune de Montereau puisqu'au total, le nombre de Rmistes s'y élève à 624 personnes, alors que la population résidant dans le canton dont la commune est le chef lieu, avoisine 30.000 personnes.

Comme votre rapporteur pour avis l'a constaté de visu, lors de son déplacement à Montereau, le mercredi 27 septembre dernier, l'essentiel des problèmes que connaît actuellement le quartier de Surville résulte des méfaits d'une architecture devenue " criminogène ", en fait d'inspiration collectiviste, dont il a dénoncé les méfaits dans un précédent rapport d'information. Malgré les efforts réalisés par les autorités locales pour tenter de remédier aux errements du passé, grâce à la mise en valeur d'un parc urbain, la réalisation de plusieurs bâtiments publics " à taille humaine " (écoles, maison de service public et annexe du commissariat dont la construction est projetée), l'environnement visuel pâtit de la monotonie des tours et du volume étouffant des barres d'habitation sans âme.

Les efforts régulièrement entrepris par l'Etat (Surville a fait l'objet d'une opération habitat et vie sociale dès 1979 !) pour corriger ses erreurs passées en réhabilitant -avec plus ou moins de succès- les façades des immeubles dégradés n'ont, au total, pas donné les résultats escomptés. Cette situation s'explique largement par le manque de moyens dont souffrent tant la commune que son office public d'HLM, propriétaire de la quasi-totalité du parc d'habitation. Aussi la création de la Zone Franche Urbaine a-t-elle constitué un véritable tremplin pour l'ensemble de la commune et le premier vrai succès.

1. Un quartier victime de son urbanisme

Les méfaits des grands ensembles

Le quartier de Surville constitue l'un des exemples français les plus typiques des méfaits de l'architecture fonctionnaliste inspirée de la Charte d'Athènes. Comme le relèvent les auteurs des Orientations stratégiques du programme de renouvellement urbain , rédigées en mars 2000 : " Alors que la ville historique de Montereau est située au confluent de la Seine et de l'Yonne, le quartier de Surville est implanté sur un plateau qui surplombe la ville ancienne. La distance pour se rendre au centre ville est d'environ 3 kilomètres. La coupure topographique est renforcée par la morphologie du grand ensemble qui comprend de nombreuses tours de grande hauteur, dont certaines sont implantées sur des dalles massives, alors que la ville ancienne est composée de maisons de villes, de petits bâtiments et d'un tissu pavillonnaire. Le quartier de Surville est, en outre, isolé sur ce plateau, puisqu'il est bordé sur deux côtés de champs cultivés qui s'étendent à perte de vue. Il n'existe pas de village ou de bourgs à proximité auxquels il pourrait être relié ".

Force est d'ailleurs de constater que les concepteurs du quartier, -malgré leur Prix de Rome !-, n'ont pas même su valoriser le point de vue magnifique qui s'offre depuis Surville sur la campagne environnante.

Cet urbanisme, que votre rapporteur pour avis avait qualifié de " criminogène " dans un rapport d'information publié en 1994, est à l'origine d'un sentiment d'insécurité, renforcé par l'accroissement des vols avec violence, des cambriolages, des vols à la roulotte et par l'existence d'actes de vandalisme et d'incivilité. Votre rapporteur a d'ailleurs constaté, comme il l'avait fait en 1998 à Mantes-la-Jolie, que l'Etat n'a pas augmenté les effectifs de police à la mesure de ce qu'il avait promis lors du lancement du pacte de relance pour la ville. Aussi de graves carences se font-elles sentir. Quatre fonctionnaires de police travaillant la nuit au commissariat situé dans la ville basse afin d'assurer une permanence ne sauraient, à l'évidence, préserver efficacement la sécurité des 11.000 habitants de Surville dont l'antenne de police est fermée la nuit.

Un parc de logement inadapté à la demande

Sur les 4 350 logements sociaux de Montereau, 3 800 sont gérés par l'OPHLM de Montereau, dont ils représentent 90 % du patrimoine. Le reste appartient à une société anonyme de HLM, la SISM, qui intervient dans l'ensemble de la Seine et Marne. La quasi-totalité des logements de Surville sont des logements locatifs collectifs dont les habitants disposent de faibles revenus : le revenu mensuel moyen de deux-tiers des ménages est inférieur à 9.000 francs. Or l'OPHLM de Montereau a souffert, notamment entre 1986 et 1995, d'une gestion laxiste, caractérisée par un fort taux d'impayés et une dégradation des immeubles lui appartenant. Cette situation a entraîné le déclenchement d'une procédure de redressement dans le cadre de la CGLS. Le lancement de procédures d'avertissement dès le premier impayé de loyer, la création d'une commission chargée de traiter les cas les moins graves, ont réduit le taux d'impayé de 11 à 8 % entre 1996 et 2000, tandis que le déficit d'exploitation diminuait de 40 à 20 millions de francs au cours de la même période.

Cependant, de l'avis même des responsables, cette amélioration n'enlève rien à la précarité de la situation financière de l'Office. Le parc de logement de Surville ne répond, en effet, pas aux attentes des habitants : 400 logements appartenant à l'OPHLM sont actuellement vacants (soit 12 % du parc total), ce taux pouvant atteindre 40 %, voire même 50 % notamment au rez-de-chaussée de certains immeubles et de plusieurs tours. Afin d'améliorer le parc existant, l'OPHLM a fait poser près de 1.400 portes blindées en ville haute entre 1997 et 1999.

En revanche, les habitants se pressent pour aller habiter dans les 120 logements constitués de pavillons ou de maisons de ville que possède l'OPHLM. Le délai d'attente pour certains d'entre eux avoisine douze ans ! C'est dire que l'offre de logement est inadaptée et que les habitants aimeraient disposer d'un logement individuel. C'est pourquoi l'OPHLM s'est fixé pour premier objectif de démolir 270 logements, soit 7 % du total, et d'en reconstruire 130 afin de répondre à la demande d'habitat individuel. Il serait en outre indéniablement souhaitable, comme le recommande le maire de Montereau, de faciliter, le cas échéant par des aides fiscales, l'installation de propriétaires privés dans le quartier afin d'éviter de perpétuer la situation actuelle dans laquelle 90 % des logements appartiennent à un habitat locatif collectif. La présence d'une population de propriétaires serait en outre, à n'en pas douter, de nature à rééquilibrer la sociologie du quartier en renforçant la proportion des résidents qui n'est pas frappée par la pauvreté.

Le souci des élus locaux est de faciliter le " parcours résidentiel " des habitants du quartier au sein de celui-ci et d'y attirer des personnes habitant ailleurs afin d'éviter que les populations les plus aisées ou les plus stables ne le quittent dès qu'elles en ont les moyens. Ces ménages sont notamment attirés par le département de l'Yonne où se créent de petites zones pavillonnaires. Comme le disait le maire à votre rapporteur : " quand l'ascenseur social fonctionne, ceux qui le prennent quittent le quartier ". A long terme, cette fuite aboutit, en effet, à déstabiliser la structure sociale et à renforcer l'exclusion des habitants qui sont " assignés à résidence " à Surville. S'agissant des moyens de renforcer la pérennité de la présence des habitants les plus solvables dans le quartier, votre rapporteur pour avis a noté avec intérêt l'idée émise par M. Yves Jégo, qui tendrait à faire entrer les locataires au capital des HLM, afin que ceux qui restent durablement puissent retirer un profit personnel de leur séjour à Surville en conservant une partie de la richesse qu'ils ont contribué à créer en acquittant leur loyer régulièrement.

Un déficit d'image

Le quartier de Surville pâtit d'un grave déficit d'image dans l'opinion publique . Comme l'indiquait M. Yves Jégo à votre rapporteur pour avis, un cambriolage qui serait appelé " fait divers " à Fontainebleau ou à Melun devient un " fait de société " à Surville. Ce phénomène d'ostracisme occasionne de graves dommages et occulte le succès que remportent certains de ces habitants à l'instar de deux jeunes élèves de Surville dont l'une est devenue docteur en mathématique et en informatique et l'autre pilote de ligne, et dont personne ne parle ...

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