Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 08/08/2019

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'application de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Cette loi crée une obligation pour les sociétés mères et les entreprises donneuses d'ordre d'identifier et de prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement susceptibles d'être la conséquence de leurs activités propres, mais aussi de celles des leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Les entreprises concernées, implantées en France et employant au moins 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde, doivent en vertu de cette loi établir, publier et mettre en œuvre un plan de vigilance annuel. Le non-respect de cette obligation peut entraîner, à compter du 1er janvier 2019, une procédure judiciaire. Si les organisations non gouvernementales estiment aujourd'hui que le nombre d'entreprises concernées en France pourrait s'élever à 300, elles constatent cependant que de nombreuses sociétés n'ont toujours pas publié de plan de vigilance. Il lui demande en conséquence quelles mesures il compte prendre pour que la loi précitée soit effectivement mise en œuvre et que le suivi de cette mise en œuvre soit assuré.

- page 4172

Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la relance


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 21/01/2021

La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordres, codifiée aux articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce, prévoit une obligation à la charge des groupes d'identifier et de prévenir les risques en matière de droits humains, sociaux et environnementaux liés tant à leur activité propre qu'aux activités de leurs fournisseurs et sous-traitants en cas de relation commerciale établie. Les sociétés françaises de plus de 5 000 salariés (en leur sein et dans leurs filiales en France) ou 10 000 salariés (en leur sein et dans leurs filiales en France et à l'étranger) sont tenues de publier un plan de vigilance. Ce plan contient les mesures prises pour identifier et prévenir les risques d'atteinte grave aux droits humains, sociaux et environnementaux, et pour y remédier s'ils se matérialisent. La loi prévoit deux mécanismes de sanction : un mécanisme propre : la mise en demeure de se conformer aux obligations de vigilance prévues par la loi. Le mécanisme de mise en demeure comprend deux phases : si une partie ayant intérêt à agir considère qu'une société n'a pas satisfait à ses obligations de vigilance, cette partie peut mettre en demeure la société de se conformer à ses obligations sous un délai de trois mois. Une fois le délai de trois mois écoulé, si cette partie estime que la société ne satisfait toujours pas aux obligations de vigilance, elle peut alors demander au tribunal compétent de lui enjoindre de s'y conformer, le cas échéant sous astreinte. Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins ; une action en responsabilité civile de droit commun exercée contre la société, à condition pour la victime de rapporter la preuve du lien de causalité entre le préjudice qu'elle invoque et le non-respect par la société des obligations mises à sa charge par la loi. Dans le dispositif actuel de sanctions retenu par le législateur, il n'appartient donc pas aux pouvoirs publics de mettre en demeure les entreprises assujetties qui n'auraient pas publié de plan de vigilance. Dans son rapport d'évaluation de la mise en œuvre de la loi, le Conseil général de l'économie (CGE) fait état de facteurs d'incertitude qui ne permettent pas aujourd'hui d'avoir une liste fiabilisée des entreprises concernées par la loi. Les propositions du rapport destinées à y remédier sont à l'étude, étant précisé qu'il n'est pas souhaitable de préempter les discussions qui s'ouvrent dans le cadre de l'initiative de la Commission européenne sur la gouvernance durable d'entreprise. L'adoption d'un devoir de diligence européen pourrait en effet nécessiter de modifier notre droit en matière de devoir de vigilance. Il est intéressant de souligner que l'activité du Point de contact national français de l'OCDE a augmenté avec l'entrée en vigueur de la loi. Cette instance tripartite est chargée de promouvoir les normes et les outils internationaux pour faciliter le déploiement la conduite responsable des entreprises (Principes directeurs OCDE et ONU, OIT). Le PCN agit également en tant qu'instance non-juridictionnelle de règlement des différends en proposant ses bons offices aux parties en conflit. Depuis 2017, le nombre de saisines reçues augmente (2 à 4/5 par an). Ces saisines visent en majorité des entreprises françaises soumises à la loi sur le devoir de vigilance au titre de leurs activités à l'étranger (dont certaines font ou ont fait l'objet de mises en demeure) et des groupes étrangers au titre d'activités en France. Encore trop méconnue, l'accessibilité du mécanisme des PCN est un critère essentiel : gratuité, rapidité, acceptation de dossiers en anglais, large interprétation de l'intérêt à agir, nul besoin d'avocat, etc. Le PCN publie ses décisions (www.pcn-France.fr). Il peut adresser des recommandations aux entreprises et en faire le suivi. Il doit s'efforcer de finaliser son action en douze mois. Ce mode de règlement des différends, fondé sur le dialogue pour obtenir des impacts concrets, s'inscrit dans la complémentarité avec la loi de 2017. Cela illustre la variété des outils mis à la disposition des parties prenantes en France pour faire progresser le respect des droits de l'homme et de l'environnement par les entreprises.

- page 393

Page mise à jour le