Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 15/03/2018

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le respect de la législation sur les « devis-modèles » relatifs aux prestations funéraires. Dans les moments de deuil, les familles doivent prendre en peu de temps nombre de décisions concernant les obsèques du défunt. Ces familles sont éprouvées et donc vulnérables. De plus, elles sont rarement en mesure de distinguer les prestations obligatoires des prestations optionnelles fournies par les opérateurs funéraires. C'est pourquoi la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire a modifié l'article L. 2223-2-1 du code général des collectivités territoriales afin d'instaurer des « devis-modèles » pour les prestations funéraires. Conformément aux termes de la loi, un arrêté du 23 août 2010, modifié par l'arrêté du 3 août 2011, portant définition du modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires, définit strictement les prestations pour lesquelles un prix doit être fixé chaque année par chaque opérateur habilité. Il revient par ailleurs aux maires des communes de plus de 5 000 habitants, ainsi que des communes où ces opérateurs ont un siège, de rendre publics les « devis-modèles », notamment au moyen des sites internet des communes, dans les conditions prévues par la loi. Or, selon une enquête publiée par l'association « Famille rurales », le 1er novembre 2017, la réglementation susnommée ne serait respectée que par quatre entreprises habilitées sur dix. Il lui demande, en conséquence, de lui faire connaître les mesures concrètes qu'il compte prendre pour que l'article L. 2223-2-1 du code général des collectivités territoriales soit strictement appliqué sur l'ensemble du territoire.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/05/2018

Réponse apportée en séance publique le 22/05/2018

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, lorsqu'un deuil survient, les membres de la famille sont éprouvés et, par conséquent, vulnérables.

Ils doivent à cette occasion prendre un grand nombre de décisions en moins de vingt-quatre heures. C'est pourquoi la transparence quant au coût des différentes prestations liées aux obsèques est absolument fondamentale.

Je me bats sur ce sujet depuis de très nombreuses années. Grâce à la loi du 19 décembre 2008, qui est très importante, nous avons enfin obtenu que les entreprises habilitées déposent obligatoirement un devis modèle chaque année dans les communes de plus de 5 000 habitants ou dans celles au sein desquelles elles ont un établissement.

Le ministère de l'intérieur a publié un arrêté en 2010, modifié en 2011, qui fixe les prestations devant figurer dans ce devis modèle. Toutes les entreprises ont donc l'obligation de répondre aux communes et d'indiquer chaque année, en toute transparence, en toute clarté, les prix qu'elles pratiquent pour chaque prestation inscrite dans ce devis, étant bien entendu qu'elles peuvent proposer d'autres prestations, cette faculté ne posant aucun problème.

Or il se trouve que la fédération Familles rurales a mené une enquête, démontrant que cette législation est appliquée par 40 %, seulement, des entreprises. L'UFC-Que Choisir a aussi travaillé sur la question et parvient à un chiffre encore moins élevé.

Il y a donc un véritable problème au niveau de l'application de la loi.

Madame la garde des sceaux, un seul lobby me pousse à intervenir sur le sujet : les familles, éprouvées et, donc, vulnérables. Les entreprises habilitées doivent toutes appliquer la loi et les maires, en vertu de cette même loi, doivent rendre publics tous les devis modèles, en particulier via le site internet de la commune. Il s'agit de permettre aux familles d'avoir des informations comparables, en toute clarté et de manière extrêmement rapide.

Quelles dispositions pensez-vous pouvoir prendre afin que la loi s'applique pleinement ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, vous évoquez un sujet important, qui nous concerne évidemment tous. Les familles venant de perdre un être cher sont malheureusement amenées à prendre des décisions importantes, dans un temps extrêmement contraint et à un moment particulièrement difficile.

Votre proposition de loi, devenue la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, a incontestablement constitué une avancée très importante. Elle a notamment instauré, vous l'indiquiez, un modèle de devis pour les prestations funéraires.

L'arrêté du 23 août 2010 portant définition du modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires, qui a été modifié par l'arrêté du 3 août 2011, est ensuite venu définir une terminologie commune, permettant de faciliter la comparaison des tarifs pratiqués par les différentes entreprises de pompes funèbres. Ce modèle de devis est en vigueur depuis le 1er janvier 2011 et il a permis aux familles d'organiser les obsèques de leurs proches dans une plus grande transparence des prix et des pratiques commerciales.

Vous avez également mentionné une enquête publiée par l'association Familles rurales le 1er novembre 2017, selon laquelle 4 entreprises habilitées sur 10, seulement, respectent cette obligation. Comme vous, je ne peux que déplorer ce résultat.

La situation décrite par cette enquête ne peut pas perdurer. L'application de la loi doit devenir effective sur l'ensemble du territoire.

Dans ces conditions, le Gouvernement va travailler à renforcer le dispositif de contrôle du respect de cette obligation, ainsi que le dispositif de sanctions en cas de manquement.

Ces devis étant consultés selon les modalités définies dans chaque commune par le maire, j'ai également souhaité que les représentants des collectivités siégeant au sein du Conseil national des opérations funéraires soient à nouveau sensibilisés sur l'importance de l'application de ces dispositions et qu'ils veillent à faciliter cette mise en œuvre. Ce sera fait dans les prochaines semaines.

Je ne manquerai pas, monsieur le sénateur, de vous tenir informé de l'avancée de ce travail.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, pour les précisions que vous avez bien voulu m'apporter.

J'ajouterai simplement une double remarque.

S'agissant des maires, il va de soi que la loi doit être appliquée et ce n'est pas un effort exorbitant que de veiller, dans chaque commune, chaque année, à ce que les opérateurs agréés ou habilités fournissent leurs devis modèles et que ceux-ci soient diffusés sur le site internet de ladite commune. Une telle disposition n'est pas difficile à mettre en œuvre ; il faut juste bien sensibiliser les élus.

Concernant les entreprises, j'ai toujours insisté auprès des représentants des fédérations d'entreprises du secteur, que je connais bien, sur l'intérêt qu'il y avait à jouer le jeu de la transparence, sur les prix et sur les prestations. C'est vraiment une preuve de respect, la garantie d'un bon rapport avec les familles et d'une bonne réputation auprès d'elles.

D'ailleurs, madame la garde des sceaux, si une entreprise ne respecte pas la loi en matière de devis modèle, il serait naturel que les préfets – et à cet égard, le ministère de l'intérieur peut donner des instructions – retirent ou suspendent l'habilitation. Je vous assure qu'une telle mesure, très simple, aurait des effets très concrets.

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