Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 15/01/2003

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le caractère nécessaire et indispensable d'une réparation juste et équitable en faveur des victimes de l'amiante. Il lui rappelle que, lors du dernier conseil d'administration du FIVA (Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante), une proposition commune émanant des associations de défense des victimes de l'amiante et des organisations syndicales avait été élaborée ; cette proposition concernant le barème médical et le principe du barème d'indemnisation va dans le sens d'une équitable réparation, mais les représentants des pouvoirs publics se sont abstenus. Les résultats de ce vote ne devant pas être entérinés et deux nouveaux membres venant d'être nommés au conseil d'administration du FIVA, il lui fait part de l'inquiétude légitime des membres des associations de défense des victimes de l'amiante qui attendent toujours réparation. Il lui rappelle que l'amiante cause le décès de trois mille personnes par an et que de nombreux départements sont cruellement touchés par ce fléau, en particulier celui de la Gironde. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre afin que les familles des victimes de l'amiante obtiennent dans les plus brefs délais une indemnisation juste et équitable.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes âgées publiée le 26/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 25/02/2003

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me permettez de me faire, ce matin, le porte-parole des trop nombreuses victimes de l'amiante recensées dans notre pays en général - trois mille décès par an - et dans le département de la Gironde en particulier.

Déjà cruellement éprouvées par la perte d'un être cher, de trop nombreuses familles se trouvent à nouveau injustement victimes de barèmes d'indemnisation insusceptibles de réparer le préjudice suivi.

Créé par la loi du 23 décembre 2000, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, devait permettre d'accélérer les procédures d'indemnisation et de désengager ainsi la voie judiciaire.

C'est évidemment avec beaucoup d'espoir et de soulagement que les victimes de l'amiante avaient accueilli la mise en place du FIVA, lequel devait également permettre à tous les non-salariés victimes de l'amiante, notamment aux artisans et aux habitants proches des usines mises en cause - les « victimes environnementales » - de bénéficier d'une indemnisation rapide, sans attendre les trop longs délais - quatre à cinq années - imposés par la voie judiciaire. Hélas ! deux ans après la création du fonds, aucune victime n'a encore été indemnisée par le FIVA, lequel se révèle dans l'impossibilité d'apporter la conciliation légitimement attendue.

En décembre 2002, le Gouvernement a modifié la composition du conseil d'administration du FIVA, en y nommant deux représentants du MEDEF, le Mouvement des entreprises de France, et de la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, et ce malgré l'avis contraire du Conseil constitutionnel.

En effet, ces nominations étaient illégales, car la loi créant le FIVA prévoit l'attribution de postes au conseil d'administration non pour les organisations patronales ès qualités, mais seulement pour les « organisations siégeant à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles ». Rappelons que le MEDEF et la CGPME avaient claqué la porte de la caisse primaire d'assurance maladie en décembre 2001 !

Comme vous le savez, le 21 janvier dernier, lors du dernier conseil d'administration du FIVA, les associations de défense des victimes de l'amiante et les syndicats des salariés ont été mis en minorité lors de l'adoption des barèmes d'indemnisation. Ces barèmes correspondent, en effet, à environ la moitié de la moyenne des indemnisations que les victimes ont obtenues auprès des tribunaux et à un quart des meilleures indemnisations ; d'où le recours déposé par les associations auprès du tribunal administratif, aux fins d'annulation de tels barèmes.

C'est ainsi que les malades âgés de soixante-cinq ans et atteints de mésothéliome - le cancer de la plèvre - devraient percevoir 100 000 euros, alors que les syndicats et les associations réclamaient 170 000 euros, en référence au montant moyen des indemnités accordées par les tribunaux, de 200 000 euros à 220 000 euros. Une somme de 13 900 euros sera versée aux personnes atteintes de plaques pleurales, alors que le préjudice avait été estimé à 24 400 euros par les syndicats et les associations.

Le principe d'une indemnisation en rapport avec l'âge de la victime au moment de sa déclaration au FIVA est inacceptable, pour ne pas dire indécent. En effet, compte tenu de l'évolution de ces pathologies graves, qui réduisent considérablement l'espérance de vie, toute victime doit pouvoir prétendre à une indemnisation, quel que soit son âge.

Il apparaît également inacceptable que les taux d'incapacité permanente partielle, qui étaient, jusqu'alors, alloués définitivement, à l'exception de l'aggravation de la maladie, aient été déclarés révisables après deux ans et cinq ans pour les cancers opérables.

Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les responsables de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante refusent que ce soient les employeurs qui n'ont jamais pris les mesures indispensables à la protection des salariés qui décident du montant de l'indemnisation des victimes. Les victimes et les salariés se sentent trompés une seconde fois et pris en otage par les représentants du patronat, responsables de cette catastrophe sanitaire sans précédent dans notre pays.

Je tiens d'ailleurs à saluer le combat opiniâtre et courageux mené par les « survivants » de cette catastrophe pour aider leurs collègues à faire valoir leurs droits. Le caractère exemplaire de ce juste combat devrait être relayé par le Gouvernement, qui a là un réel devoir de solidarité vis-à-vis de ces victimes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il est urgent de trouver les voies d'un accord ou, plus exactement, un barème d'indemnisation donnant aux victimes une réparation rapide, juste et équitable. Trop de souffrances inutiles et injustes aggravent en effet ce problème en attente d'une réponse plus humaine.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, le sujet de votre question est grave : il mérite mieux que des approximations hâtives.

Il faut tout d'abord rappeler l'état d'avancement du dossier au 1er juillet 2002, date à laquelle nous avons pris nos fonctions.

Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 examinée à l'automne 2000. Le décret d'application date du 21 octobre 2001. Il a fallu encore attendre le 18 avril 2002 pour que le conseil d'administration du FIVA soit installé. Aucun barème d'indemnisation n'était prêt ; la réflexion n'avait même pas commencé.

M. François Fillon, dès sa prise de fonctions, a souhaité que le FIVA ne reste pas seulement une « création virtuelle ».

Au début du mois de juin, un numéro vert a donc été mis en place et des formulaires d'indemnisation ont été diffusés par l'intermédiaire des caisses régionales d'assurance maladie.

Nous avons également souhaité que, très rapidement, le conseil d'administration du FIVA puisse déterminer des barèmes d'acomptes, qui permettent aux personnes souffrant d'une maladie de l'amiante de disposer, dans un délai d'un mois à compter de leur demande, d'un montant non négligeable.

De manière résumée, ce barème d'acomptes, adopté le 25 juin dernier, prévoit 4 000 euros pour les personnes souffrant de plaques pleurales et 35 000 euros pour celles qui sont atteintes d'un mésothéliome.

Je ne vous cache pas que l'adoption d'un barème définitif d'indemnisation a été une tâche difficile. Aussi a-t-elle été reportée, dans un premier temps, à l'automne.

Conformément à notre souhait, la direction de la sécurité sociale a entrepris, tout au long de l'été et jusqu'au début du mois de novembre, un travail conjoint avec les partenaires sociaux et les associations de victimes, afin de définir les éléments constitutifs du barème du FIVA. Par ailleurs, un séminaire organisé par le FIVA lui-même s'est tenu le 10 septembre.

Ce travail a abouti à un quasi-consensus. L'Etat a montré constamment qu'il était à l'écoute des autres membres du conseil d'administration.

Le MEDEF et la CGPME, qui n'avaient pas jusqu'alors désigné de représentants, ont souhaité rejoindre le conseil d'administration du FIVA ; rien ne s'y opposait juridiquement. C'est pour cette raison que le Gouvernement a signé l'arrêté du 12 décembre 2002, nommant un représentant de chacune de ces deux organisations patronales. Cette nomination n'était pas contraire à la décision du Conseil constitutionnel, malgré ce qui a été affirmé.

Le 20 décembre dernier, ni la proposition de l'Etat ni celle des organisations syndicales et des associations sur les montants d'indemnisation n'ont recueilli de majorité.

Le 21 janvier dernier, la proposition du président du conseil d'administration, M. Roger Beauvois, magistrat honoraire à la Cour de cassation, a pu être adoptée. Cette proposition comporte des montants d'indemnisation élevés. Elle fait porter l'effort sur l'indemnisation des préjudices les plus graves. Pour les mésothéliomes et les cancers à issue fatale, le total de l'indemnisation accordée à un malade âgé de soixante ans sera de l'ordre de 275 000 euros. L'indemnisation des plaques pleurales atteindra, au même âge, 22 000 euros.

Je crois, monsieur le sénateur, que nous sommes parvenus à une indemnisation juste et équitable, ce qui était notre objectif. Pour les préjudices les plus graves, elle est tout à fait comparable aux montants consentis par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles, le FITH.

Naturellement, les associations de victimes auraient souhaité un effort supplémentaire. Elles se fondent sur les décisions de justice les plus favorables, en omettant toutefois de mentionner celles qui accordent des indemnisations faibles. Or l'objectif du FIVA est justement d'harmoniser le montant des indemnisations, selon que la victime vit à Paris ou en province.

Je note, d'ailleurs, que les réactions à l'adoption de ce barème sont relativement nuancées, et différentes selon les organisations syndicales et les associations de victimes.

Je rappelle également que le barème est indicatif. Naturellement, la réparation sera individualisée.

Le Gouvernement souhaite que l'indemnisation des victimes de l'amiante puisse désormais commencer le plus tôt possible. Ces victimes l'attendent depuis la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui fut à l'origine de la création du FIVA : tout retard supplémentaire dans l'adoption du barème, sous prétexte de « négociations » ultimes, alors que la discussion a duré près de six mois, aurait été difficile à justifier.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information que je souhaitais porter à votre connaissance, ainsi qu'à celle de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, le sujet est naturellement trop grave pour autoriser la polémique mais, entre « dire » et « faire », il y a toujours place pour la sincérité !

Vos précisions ne me rassurent guère et ne sont pas de nature à rassurer plus les associations de défense des travailleurs et des victimes de l'amiante, que je côtoie presque quotidiennement. Comme vous l'avez compris, il s'agit là de la plus grosse catastrophe sanitaire que notre pays ait connue : trois mille morts par cancer et par an.

Les victimes de l'amiante et leurs familles n'admettent plus le manque de considération des pouvoirs publics pour les souffrances qu'elles doivent endurer. Le Gouvernement se doit de faire indemniser les victimes de l'amiante et leurs familles à hauteur des incapacités physiques et des souffrances morales qu'elles subissent. Il y a vraiment encore beaucoup de chemin à faire.

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