Document "pastillé" au format PDF (239 Koctets)

N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

16 novembre 2018

RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil promouvant l' équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d' intermédiation en ligne , COM ( 2018 ) 238 final

Est devenue résolution du Sénat, conformément à l'article 73 quinquies, alinéas 4 et 5, du Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des lois dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : 37 (2018-2019).

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Stratégie pour le marché unique numérique présentée par la Commission européenne le 16 mai 2015,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l'examen à mi-parcours de la Stratégie pour le marché unique numérique du 10 mai 2017, COM(2017) 228 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d'intermédiation en ligne, COM(2018) 238 final,

Considérant que la commercialisation de biens et services en ligne ouvre des perspectives de croissance au marché intérieur, en particulier aux PME-TPE ;

Considérant que le droit européen de la concurrence ne permet pas d'encadrer l'asymétrie relationnelle entre les services d'intermédiation en ligne et leurs utilisateurs professionnels ;

Considérant que la proposition de règlement constitue une première avancée qui doit être saluée ;

Considérant toutefois qu'elle doit être précisée et renforcée sur plusieurs points, sans préjudice des modifications ultérieures que l'observation des pratiques permettra d'identifier ;

Sur le champ d'application du règlement :

Observe que le dispositif proposé est moins protecteur sur certains points que certains droits nationaux, par exemple en matière de préavis en cas de modifications des termes et conditions du contrat initialement conclu entre l'entreprise utilisatrice et la plateforme ;

Estime qu'en pareil cas il est préférable de laisser aux droits nationaux la possibilité de fixer des délais équitables et proportionnés notamment à la durée du contrat ;

Rappelle que la capacité de négociation des entreprises utilisatrices face aux plateformes en ligne est réduite et qu'elle peut être limitée à des clauses marginales ;

Demande en conséquence que le règlement soit applicable non seulement aux contrats d'adhésion mais également aux contrats négociés ;

Observe que la commercialisation en ligne peut prendre d'autres formes que celles visées par la proposition de règlement ;

Recommande en conséquence que les obligations de transparence qu'elle introduit s'appliquent non seulement aux plateformes de commerce en ligne mais également aux services de média sociaux qui agissent comme des plateformes techniques pour l'achat programmatique de publicité et mettent en contact annonceurs et éditeurs ainsi qu'aux services d'assistance vocale et aux applications mobiles ;

Relève que la proposition de règlement ne prend pas en compte les fournisseurs de services d'exploitation sous-jacents alors même qu'ils perçoivent une rémunération lors des ventes de biens et services en ligne ;

Recommande en conséquence que ceux-ci soient inclus dans le champ d'application du règlement et soumis à des obligations de transparence et de traitement équitable ;

Observe l'impact des classements de biens et services effectués par les moteurs de recherche ;

Préconise, sans qu'il soit porté atteinte à des secrets d'affaires, qu'à tout le moins les moteurs de recherche soient soumis aux mêmes obligations de transparence et de traitement équitable que les plateformes en matière de justification de la pondération des paramètres de classement ;

Sur l'encadrement des modalités et conditions des relations entre les entreprises utilisatrices et les plateformes :

Constate que la proposition de règlement exige que les modalités et conditions d'utilisation de la plateforme par l'entreprise, qui sont fixées par les conventions conclues entre elles, soient rédigées de manière claire et non ambigüe ;

Estime, dans la logique de réduction de l'asymétrie relationnelle, que ces modalités doivent également être équitables et proportionnées ;

Recommande à cet égard que le règlement donne une définition des pratiques inéquitables et comporte en annexe une liste des pratiques considérées comme telles, susceptible d'être mise à jour par la Commission, au vu des situations identifiées par l'observatoire de l'économie des plateformes en ligne ;

Observe que les modifications unilatérales des termes et conditions de la prestation fournie par un service d'intermédiation en ligne peuvent être justifiées par des considérations de différentes natures (impératif de sécurité, obligations légales, modifications techniques, politique commerciale) ;

Considère que le règlement devrait distinguer différents cas de modification unilatérale, assortis de délais et conditions adaptés ;

Préconise en outre que la poursuite de l'utilisation du service par l'entreprise après notification des modifications ne soit pas considérée comme une acceptation implicite de celles-ci ;

Observe que la proposition de règlement ne prohibe pas les clauses de parité ;

Demande que la portée de ces clauses soit encadrée pour en exclure les offres faites via d'autres canaux qu'une plateforme numérique (en magasin, par courrier, par téléphone) ou comportant des prestations complémentaires pour le même prix ou un prix légèrement supérieur ;

Sur le classement des offres des entreprises :

Constate que le classement des offres par les plateformes ou les moteurs de recherche a un impact considérable sur les ventes de l'entreprise ;

Observe que la proposition de règlement prévoit une information de l'entreprise sur les principaux paramètres de classement mis en oeuvre par la plateforme ;

Estime que cette transparence doit être renforcée, en particulier dès lors des entreprises rémunèrent la plateforme pour être mieux classées ou que celle-ci met en avant les produits et services proposés par des entreprises qui lui sont liées et préconise qu'en pareil cas le traitement des autres entreprises soit à tout le moins équitable ;

Recommande qu'une information suffisante soit exigée sur les fourchettes de pondération de tous les critères de classement, dans les limites qu'autorise le secret des affaires ;

Considère par ailleurs que le consommateur devrait également bénéficier d'une information claire et loyale sur les principaux critères de classement par une plateforme ou un moteur de recherche, leur pondération et les éléments les traitements différenciés ;

Considère au surplus que pour encourager la compétitivité grâce à la bonne information du consommateur, toute configuration a priori par défaut qui donne la priorité aux biens et services proposés par la plateforme, en concurrence avec les utilisateurs professionnels devrait être prohibée ;

Rappelle que le droit européen des consommateurs doit être adapté sans tarder au développement du commerce en ligne, y compris lorsqu'il n'y a pas d'achat direct de biens ou service (publicité notamment) et à l'essor des moteurs de recherche ;

Sur la maîtrise de ses produits et données par l'entreprise utilisatrice :

Constate que les services d'intermédiation en ligne proposent parfois des produits ou services accessoires à ceux qu'offrent les entreprises dont les produits sont proposés sur la plateforme qu'elle gère sans que les entreprises en soient informées ;

Estime que les entreprises ne doivent pas être privées du contrôle de leur marque et doivent donc à tout le moins être informées de telles pratiques ;

Relève que les données des clients qui passent commande sur une plateforme présentent un intérêt pour la plateforme, particulièrement si celle-ci propose par ailleurs ses produits et services, et pour l'entreprise vendeuse qui souhaite développer des liens avec ses clients ;

Rappelle que les données personnelles des clients doivent être protégées conformément au règlement général pour la protection des données (RGPD) et au règlement e-privacy ;

Considère que la plateforme ne doit pas pouvoir utiliser ces données à d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui ont été communiquées, sans recueillir préalablement l'accord du consommateur ;

Recommande que ces données puissent être communiquées à l'entreprise si le client y consent expressément ;

Constate que les plateformes utilisent les données commerciales des entreprises utilisatrices qu'elles recueillent dans le cadre du service d'intermédiation, ou à l'occasion de celui-ci, pour développer des services concurrents ;

Estime qu'à tout le moins l'utilisateur professionnel devrait être informé du recueil et du transfert, à des fins commerciales, de telles données ;

Sur le traitement des litiges :

Constate que la proposition de règlement impose la mise en place d'un système interne de gestion des plaintes par les plateformes employant plus de 50 salariés ;

Considère que l'effectif salarié ne donne pas une mesure pertinente de l'importance d'un service d'intermédiation en ligne ;

Préconise de retenir plutôt le caractère significatif de la présence numérique de la plateforme, évaluée en nombre de connexions ou encore en fonction du chiffre d'affaires lié au commerce en ligne, y compris lorsque celui-ci est mis en oeuvre par des entités appartenant au même groupe ;

Observe que le choix du médiateur revient à la plateforme, ce qui ne paraît pas constituer une garantie d'indépendance suffisante ;

Considère par ailleurs nécessaire, afin d'éviter les abus du recours à la médiation, que la prise en charge de la moitié du coût de la médiation par la plateforme soit écartée dès lors que le médiateur constate que l'utilisateur n'est pas de bonne foi ;

Sur les codes de conduite :

Relève que l'élaboration de codes de conduite par les fournisseurs de services d'intermédiation en ligne est encouragée par la proposition de règlement ;

Recommande que les entreprises utilisatrices et leurs associations représentatives soient associés à l'élaboration de ces codes ;

Sur le suivi de la mise en oeuvre du règlement :

Observe avec satisfaction que la mise en oeuvre du règlement devrait être rapide et qu'un suivi est organisé, par la Commission européenne et l'Observatoire de l'économie des plateformes en ligne qu'elle vient de mettre en place, avec une clause de revoyure à deux ans qui permettra d'évaluer son efficacité et les modifications qu'il conviendra d'y apporter ;

Approuve ce calendrier et le processus d'évaluation proposé, qui apparaissent adaptés à un secteur qui connaît de très rapides évolutions ;

Considère qu'il conviendra d'examiner, à l'issue du prochain bilan d'application du règlement, la pertinence d'un renforcement du statut et des missions de l'observatoire, en particulier de l'opportunité de le doter d'une capacité d'initiative ou d'examen des plaintes des entreprises utilisatrices ;

Demande au Gouvernement de défendre ces orientations au sein du Conseil.

Devenue résolution du Sénat le 16 novembre 2018.

Le Président,

Signé : Gérard LARCHER

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page