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N° 53

SÉNAT

PREMIERE SESSION ORDINAIRE DE 1965-1966

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 1965.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à modifier et à compléter les articles 18 et 42 du Règlement du Sénat en vue d'assurer une meilleure coordination entre les travaux du Sénat et ceux du Conseil économique et social,

PRÉSENTÉE

Par M. Edouard BONNEFOUS,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel,
du Règlement et d'Administration générale.)

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De nombreux auteurs ont souligné la nécessité de donner une place dans la représentation nationale aux forces neuves qui, dans le domaine économique et social, tendent à devenir des cellules de la vie publique parallèlement aux collectivités locales traditionnelles.

C'est dans cette perspective qu'a été institué le Conseil économique et social, que certains souhaiteraient voir fusionner avec le Sénat, selon des modalités qui restent à déterminer.

Il n'est pas possible de faire concourir au vote de la loi, expression de la volonté générale, les représentants d'intérêts particuliers qui ne sont pas élus par le Suffrage universel.

Certains ont envisagé d'intégrer au corps électoral sénatorial, à côté des représentants des collectivités locales, les délégués des organismes économiques à caractère officiel, tels que, notamment, les chambres d'agriculture, de commerce ou de métiers ou les ordres des professions libérales. Mais un tel système non seulement aurait pour effet de renforcer la représentation d'intérêts agricoles, déjà jugée excessive, mais encore laisserait en dehors une notable partie de la population active.

Comment seraient représentés les salariés, dont les syndicats sont multiples, n'ont qu'un caractère privé et ne regroupent souvent qu'une minorité des intéressés ? Par quel moyen s'exprimeraient les multiples autres catégories professionnelles dont le rôle économique et social ne saurait être négligé ?

Mandat politique et mandat impératif sont inconciliables.

Enfin, il n'est pas possible de concilier deux conceptions absolument différentes : la représentation politique, contrairement à la représentation économique, est incompatible avec le mandat impératif.

Seuls les régimes totalitaires instaurés entre les deux guerres et les systèmes autoritaires d'organisation du travail, notamment le Portugal et la Yougoslavie, que l'on ne peut valablement qualifier de démocraties, se sont engagés dans cette voie. Il serait vraiment indéfendable que nous imitions de tels exemples.

Pour toutes ces raisons, il nous semble essentiel de rester dans les limites tracées par la Constitution de 1958 elle-même qui, dans son article 24, précise que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » et de se borner en conséquence à aménager les rapports entre le Parlement et le Conseil économique et social.

Il est en effet extrêmement regrettable que ce Conseil qui, par la qualité de ses travaux, mériterait de jouer un rôle essentiel, sinon dans le vote, du moins dans la préparation des lois, voie son rôle limité à émettre des avis à l'intention du Gouvernement, qui n'est d'ailleurs nullement tenu de les suivre et qui, comme on vient de le voir récemment au sujet du V e Plan, refuse parfois d'en tenir compte.

Il est vrai que les commissions du Sénat ont toujours travaillé en liaison avec le Conseil économique et social ; elles étudient avec soin les avis qu'il émet et elles usent de la faculté qu'elles ont de demander l'audition des rapporteurs du Conseil.

Sans doute, également, l'article 69 de la Constitution, repris par l'article 5 de la loi organique relative au Conseil économique et social, prévoit-il la possibilité pour ce Conseil de désigner l'un de ses membres pour exposer devant les Assemblées parlementaires son avis sur les textes dont il a été saisi par le Premier (Ministre. Mais cette disposition est pratiquement restée lettre morte. Peut-être la lourdeur et la solennité du cérémonial prévu par l'article 42 de notre règlement pour le cas d'audition en séance publique du représentant du Conseil économique et social ont-elles été de nature à gêner la mise en oeuvre de cette procédure.

D'autres mesures pourraient être envisagées en vue de renforcer la collaboration entre le Parlement et le Conseil économique et social. Il semblerait utile, notamment, que, non seulement le Premier Ministre, mais encore chacune des assemblées du Parlement ait la possibilité de saisir le Conseil économique et social de demandes d'avis sur des projets ou propositions de loi. On pourrait concevoir aussi que les commissions parlementaires tiennent des réunions communes avec les Sections d'étude du Conseil économique et social.

Une réforme réglementaire.

Mais ces réformes nécessiteraient le plus souvent une modification de dispositions constitutionnelles. L'objectif des aménagements que nous proposons est donc moins ambitieux. Il suffirait, croyons-nous, de développer dans toute la mesure possible la portée des dispositions actuelles de l'article 69 de la Constitution et d'en permettre une application facile pour que la procédure prévue par cet article -- et dont on ne saurait trop souligner l'intérêt -- soit enfin effectivement utilisée. De cette façon les avis du Conseil économique et social recevraient, auprès des Assemblées parlementaires, la diffusion qu'ils méritent.

Pour obtenir un tel résultat, une légère modification des dispositions de notre règlement serait souhaitable. Il conviendrait, d'une part, de préciser que les membres du Conseil économique et social, désignés par celui-ci en application de l'article 69 de la Constitution, doivent être entendus, tant par les commissions que par le Sénat en séance plénière ; d'autre part, il paraîtrait opportun de simplifier la procédure d'audition en séance publique et de permettre au représentant du Conseil économique et social de suivre l'ensemble de la discussion et de faire connaître éventuellement au Sénat l'avis du Conseil au cours de la discussion des articles.

Tel est l'objet de la présente proposition de résolution que nous vous invitons à adopter et qui serait, semble-t-il, de nature à assurer une coordination efficace entre les travaux du Sénat et ceux du Conseil économique et social.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article premier.

Il est inséré, dans l'article 18 du Règlement, un alinéa 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. -- Les membres du Conseil économique et social, désignés par celui-ci en application de l'article 69 de la Constitution, doivent être entendus par les commissions intéressées afin d'exposer devant elles l'avis du Conseil sur les projets ou propositions de loi qui lui ont été soumis. Ils se retirent au moment du vote. »

Art. 2.

L'alinéa 4 de l'article 42 du Règlement est remplacé par les dispositions suivantes :

« 4. -- Lorsqu'en application de l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné un de ses membres pour exposer devant les assemblées parlementaires l'avis du Conseil sur un projet ou une proposition de loi qui lui a été soumis, celui-ci, dont la désignation a été portée à la connaissance du Président du Sénat par le Président du Conseil économique et social, a accès dans l'hémicycle pendant toute la durée de la discussion en séance publique.

« 4 bis. -- Le Président donne la parole au représentant du Conseil économique et social avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond. La parole lui est accordée également quand il la demande pour exposer l'avis du Conseil au cours de la discussion des articles. »

Paris. -- Imprimerie des Journaux officiels, 26, rue Desaix.

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