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N° 539

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mai 2012

PROPOSITION DE LOI

relative à la définition du délit de harcèlement sexuel ,

PRÉSENTÉE

Par M. Roland COURTEAU,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La création, par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 relative à la répression des crimes et délits contre les personnes, de l'article 222-33 du code pénal relatif au délit de harcèlement sexuel, modifié en dernier lieu par la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002, avait pour objet de réprimer des actes et des comportements qui font partie, comme le harcèlement moral 1 ( * ) ou les pratiques de harcèlement constitutives de discrimination 2 ( * ) , des violences psychologiques multiformes qui peuvent se manifester dans la vie sociale et dans le milieu du travail.

Par une décision du 4 mai 2012 (n° 2012-240 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré cet article contraire à la Constitution ce qui entraîne son abrogation.

Cette décision se fonde sur la constatation que la rédaction en vigueur de l'article 222-33 du code pénal, issue de la loi précitée du 17 janvier 2002, ne définissait pas avec une précision suffisante les éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel et ne satisfaisait donc pas aux exigences du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.

En vertu du même principe et du principe de rétroactivité de la loi pénale la plus douce, la décision du Conseil constitutionnel a pris effet immédiatement et s'applique à toutes les affaires non jugées à la date de sa publication.

Cette application immédiate a des conséquences très douloureuses pour les victimes de faits de harcèlement sexuel, qui sont dans leur quasi-totalité des femmes.

En effet, elle impose l'annulation de toutes les procédures en cours et interdit d'engager de nouvelles poursuites sur le fondement du texte abrogé.

On mesure le désarroi et le sentiment d'injustice que ressentent toutes celles qui avaient eu le courage de prendre la décision, souvent difficile, de porter plainte pour harcèlement sexuel et qui s'étaient engagées dans un long et inévitablement pénible parcours judiciaire dans l'espoir que « justice leur soit rendue », comme celles qui se sentent privées de toute protection contre des agissements intolérables.

On peut donc regretter que le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi de la loi de modernisation sociale 3 ( * ) et, notamment, des dispositions de cette loi relatives au harcèlement moral (article 169 et 170), n'ait pas alors soulevé d'office la question de la conformité à la Constitution de celles qui modifiaient la définition du harcèlement sexuel (article 179).

On peut aussi déplorer que le législateur, qui avait été inspiré par le souci d'élargir la définition du délit de harcèlement sexuel, n'ait pas été alerté par les interrogations de la doctrine sur la solidité juridique de ces modifications . .

Quoi qu'il en soit, l'urgence est aujourd'hui de réaffirmer la nécessité de combattre et de sanctionner le harcèlement sexuel et de combler le vide juridique qui résulte de la décision du Conseil constitutionnel en définissant comme il convient les éléments constitutifs de cette infraction.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi .

Son article 1 er propose de rétablir l'article 222-33 du code pénal dans une rédaction comportant une définition des éléments constitutifs du harcèlement sexuel, inspirée de celle issue de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Cette rédaction tend aussi à permettre de sanctionner des actes isolés de harcèlement sexuel.

Par ailleurs, même si le harcèlement sexuel n'est pas seulement le fait de personnes en situation d'autorité, réalité qu'avait à juste titre prise en compte le législateur de 2002, il semble justifié que l'abus d'autorité soit une circonstance aggravante du délit de harcèlement sexuel : c'est l'objet du dernier alinéa du texte proposé.

Ses articles 2 et 3 ont pour objet d'apporter des modifications symétriques aux dispositions relatives au harcèlement sexuel au travail du code du travail et de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de les « sécuriser » en définissant par référence à la nouvelle rédaction proposée pour l'article 222-33 du code pénal les faits de harcèlement qu'ils prohibent.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 222-33 du code pénal est ainsi rétabli :

« Art. 222-33 . - Le harcèlement sexuel est le fait d'user de menaces, d'intimidation ou de contrainte, ou d'exercer des pressions de toute nature dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle.

« Le harcèlement sexuel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

« Il est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'il est commis par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. »

Article 2

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 1153-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-1 . - Les actes ou agissements constitutifs du délit de harcèlement sexuel défini à l'article 222-33 du code pénal, commis par toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers, sont interdits. » ;

2° À l'article L. 1153-2, après le mot : « subir », la fin est ainsi rédigée : « un acte ou agissement mentionné à l'article L. 1153-1. » ;

3° À l'article L. 1153-3, les mots : « des agissements de harcèlement sexuel » sont remplacés par les mots : « d'actes ou d'agissements mentionnés à l'article L. 1153-1 » ;

4° À l'article L. 1153-5, après le mot : « prévenir », la fin est ainsi rédigée : « les actes ou agissements mentionnés à l'article L. 1153-1. » ;

5° L'article L. 1153-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-6 . - Tout salarié ayant commis un acte ou agissement mentionné à l'article L. 1153-1 est passible d'une sanction disciplinaire. » ;

6° Après le premier alinéa de l'article L. 1155-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les faits de harcèlement sexuel définis à l'article L. 1153-1 sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'ils sont commis par un employeur, son représentant ou toute personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. »

Article 3

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° La fin du 1°, après le mot : « subir », est ainsi rédigée : « des actes ou agissements constitutifs du délit de harcèlement sexuel défini à l'article 222-33 du code pénal, commis par toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ; » ;

2° Au 2°, après les mots : « faire cesser ces », sont insérés les mots : « actes ou » ;

3° Au 3°, après les mots : « de tels », sont insérés les mots : « actes ou » ;

4° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant commis ou enjoint de commettre un acte ou agissement mentionné au 1° du présent article. »


* 1 Défini par la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002.

* 2 Définies par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portants diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

* 3 Saisine qui a donné lieu à la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002.

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