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N° 421

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 2009

PROPOSITION DE LOI

tendant à autoriser la propagande par voie électronique pour les élections des conseillers à l' Assemblée des Français de l' étranger ,

PRÉSENTÉE

Par M. Robert del PICCHIA, Louis DUVERNOIS,
Christophe-André FRASSA et Michel GUERRY,

Sénateurs

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution dispose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. » 1 ( * )

Pourtant, l'article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger prévoit que « toute propagande électorale à l'étranger est interdite », à l'exception de l'envoi des circulaires et bulletins de vote par les postes diplomatiques et consulaires et l'affichage, dans les locaux de ces derniers, des dites circulaires. Un aménagement a toutefois été apporté en Union européenne et dans les États parties à la Convention européenne des Droits de l'Homme 2 ( * ) .

Ce principe général a été édicté en 1976, date à laquelle la participation des Français établis hors de France au scrutin présidentiel a été rendue effective. Par la suite, il a été étendu - avec le suffrage universel direct - aux élections des conseillers au Conseil supérieur des Français de l'étranger, ancêtre de l'Assemblée des Français de l'étranger.

Il faut noter que ni en 1976 ni en 1982, les débats parlementaires n'ont donné lieu à une remise en cause de cette interdiction. La seule réaction a été une question écrite, déposée en parallèle du débat 3 ( * ) . L'expatriation de nos scrutins était alors un processus d'exception, délicat à mettre en oeuvre. Ainsi, cinq États avaient refusé la création de centre de vote dans l'enceinte des postes diplomatiques français sur leur territoire. 4 ( * ) La propagande électorale, c'est-à-dire l'affichage sur la voie publique, la distribution de tracts, les réunions publiques, les interventions dans les média, pouvait être considérée comme intrusive, portant atteinte à la souveraineté d'un État étranger.

Le ministre des Affaires étrangères de l'époque justifiait l'interdiction de propagande par « l'engagement que le Gouvernement français a du prendre envers les gouvernements étrangers chaque fois qu'il a été conduit à leur demander leur agrément à l'organisation de consultations électorales sur leur territoire, et plus particulièrement à l'occasion des élections présidentielles. Pour le reste », ajoute-t-il, « il appartiendra au juge de l'élection en l'occurrence le Conseil d'État, d'apprécier le bien-fondé des recours qui pourraient être portés devant lui à ce sujet et de donner à cette occasion une interprétation autorisée des dispositions dont il s'agit. » 5 ( * ) En outre, on peut penser que les autorités aient craint que l'autorisation de la propagande implique une réciprocité, qui aurait permis à des communautés étrangères de faire campagne sur le territoire national.

Le Conseil d'État, saisi au contentieux, n'a jamais clairement interprété le principe d'interdiction.

Sur une soixantaine de recours en annulation formés depuis 1982, seuls deux scrutins ont été annulés au motif d'une violation de l'interdiction de propagande. En 1986, l'organisation le jour de scrutin d'une manifestation rassemblant la communauté française, dont le carton d'invitation rappelait les modalités de participation au vote avait entrainé l'annulation de l'élection. En 1992, la publication écrite d'une tribune polémique a conduit à l'annulation des élections, les listes ayant obtenu une stricte égalité des voix.

Si ce moyen ne fait pas recette, il est pourtant soulevé pratiquement systématiquement devant le juge de l'élection. Cela pose de nombreux problèmes.

D'une part, parce qu'outre l'impossible sanction des irrégularités, l'application dans la pratique de l'interdiction de propagande est très difficile. D'une circonscription à l'autre, les postes diplomatiques et consulaires n'interprètent pas la portée du principe de la même façon, répondant plus ou moins fidèlement aux instructions très strictes du ministère des Affaires étrangères.

D'autre part, parce que l'apparition des courriels et le développement des sites internet et autres espaces virtuels (réseaux sociaux, blogs, messageries instantanées...) ont révolutionné la communication des Français de l'étranger. Aujourd'hui, la proscription de ces moyens de communication dématérialisés est incompréhensible. On ne voit pas en effet en quoi une campagne de courriels envoyée par un candidat porterait plus atteinte à la souveraineté d'un État étranger qu'un envoi, réalisé par la poste locale, par un consulat.

C'est pourquoi, lorsque l'interprétation de dispositions légales obsolètes entraîne des recours systématiques au juge, et qu'une élection organisée dans un silence presque total suscite moins de 15% de participation, il faut réformer.

Cela est d'autant plus impératif que la prochaine arrivée à l'Assemblée nationale d'une représentation spécifique des Français établis hors de France va entraîner la création d'un nouveau régime électoral. La propagande sera naturellement libéralisée. En contrepartie, le financement des campagnes sera encadré. C'est le droit commun en France, mais ce sera un régime d'exception pour tous les candidats hors de France, qui ne connaissent pas encore la réglementation des campagnes, puisqu'elles sont interdites.

Or, dans la mesure où le Gouvernement a reçu l'autorisation du Parlement de légiférer par voie d'ordonnance en cette matière, il ne nous semble pas pertinent d'anticiper. Au contraire, il apparaît plus cohérent de sursoir à légiférer et d'adapter le futur régime des campagnes législatives à l'étranger - et la question complexe de leur financement - aux élections des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.

La seule adaptation qui peut être adoptée sans attendre concerne la propagande numérique, c'est-à-dire le développement de sites Internet de campagne et l'envoi de courriels aux électeurs par les candidats. Ces activités dématérialisées, peu onéreuses, ne représentent aucun risque de débordement, mais ont un impact réel : en raison de leur éloignement, le numérique est devenu le mode de communication par défaut des Français établis hors de France.

Dans le respect de leur pays d'accueil, les candidats ont besoin de pouvoir s'adresser d'une façon ou d'une autre à leurs électeurs. C'est une évidence, même et surtout pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Dans la perspective de la prochaine réforme des élections législatives et locales à l'étranger, nous vous proposons de franchir une première étape vers une meilleure participation électorale.

L'article unique de cette proposition de loi prévoit l'autorisation de la propagande électorale par voie électronique, c'est-à-dire le développement par les candidats de sites Internet et l'envoi de courriels aux électeurs.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le 2 de l'article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger, il est inséré un 3 ainsi rédigé :

« 3 - De la propagande par voie électronique. »

* 1 Cet alinéa a été introduit par l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008.

* 2 Article 4 de la loi n° 2005-822 du 20 juillet 2005.

* 3 Question écrite n°5351 de M. Jacques HABERT ; JO Sénat, p. 2076.

* 4 Rapport n° 7 de M. Charles de CUTTOLI, projet de loi organique sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, p. 5. Il s'agissait de l'Algérie, l'Allemagne fédérale, le Cameroun, la Côte-d'Ivoire et la Suisse.

* 5 JO, Sénat - Séance du 14 mai 1982, p.2076.

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