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N° 257

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 mars 2009

PROPOSITION DE LOI

pour le renouveau de la culture française à l' étranger et la francophonie ,

PRÉSENTÉE

Par M. Adrien GOUTEYRON,

Sénateur

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré le rôle du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. En réservant une semaine de l'ordre du jour mensuel des assemblées aux travaux de contrôle et d'évaluation, le législateur constitutionnel invite les parlementaires à tirer les conséquences des rapports d'information publiés par les commissions. Tel est l'objet de la présente proposition de loi pour le renouveau de la culture française à l'étranger et la francophonie, qui tire les conclusions du rapport de contrôle de la commission des finances , mené en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, sur l'action culturelle à l'étranger. Ce rapport, publié au mois de septembre 2008, était intitulé : « Quelles réponses apporter à une diplomatie culturelle en crise ? ». La proposition de loi, qui aurait vocation à être examinée au titre de l'ordre du jour du Sénat réservé au contrôle, constitue une de ces réponses : elle est susceptible de produire une profonde rénovation des modes d'action en ce qui concerne la politique de rayonnement culturel.

La France dispose du plus grand réseau culturel du monde : elle y déploie 144 instituts ; 220 alliances françaises sont par ailleurs dirigées par un agent de l'État expatrié. Quelque 255 autres alliances françaises bénéficient de financements de la part des postes diplomatiques. On recense ainsi 3,9 centres culturels ou alliances françaises par pays dans lequel la France a une ambassade. Et pourtant notre diplomatie culturelle est en crise, crise de sens, voire d'identité. Celle-ci résulte d'une confusion entre une culture au service de la diplomatie, dans la constitution d'une sorte de club informel des amis de la France, et une diplomatie au service de la culture, dans une démarche de soutien des artistes à l'international.

Quelques chiffres sont têtus. Dans le domaine des arts plastiques, entre 2001 à 2005, aucun artiste français contemporain n'a bénéficié d'une exposition monographique au MOMA de New York, à la Tate Modern de Londres, au Stedeljik Museum d'Amsterdam ou à la Hamburger Bahnhof de Berlin, sur la quinzaine d'expositions monographiques dédiées, en moyenne, à des artistes contemporains étrangers par chacune de ces institutions. Le cinéma français est la « première cinématographie mondiale en termes de marché à l'export « après le cinéma américain, mais, traduite en chiffres, cette réalité signifie en Italie, par exemple, une part de marché de 2,9 %, contre 55 % aux États-Unis. Aux États-Unis-mêmes, le cinéma français représente 50 % des films étrangers, mais ces films ne constituaient en 2006 que 2 % du marché.

Trop longtemps, notre pays a confondu la présence culturelle, c'est-à-dire assurer la promotion de la culture française dans un pays ou une ville donnée, et le centre culturel, un lieu dont le rayonnement est parfois limité. Une nouvelle politique est donc nécessaire. Elle est interministérielle par nature. Il faut donc rompre avec le Yalta, conclu contre la volonté d'André Malraux, qui a réservé au ministère de la Culture la culture en France, et au ministère des Affaires étrangères, la culture hors de France. Le ministère de la Culture doit s'investir, conjointement avec le ministère des Affaires étrangères, dans la définition d'une nouvelle stratégie internationale. Il n'est pas imaginable, lorsque l'on note les faiblesses de l'art contemporain sur la scène internationale, d'imaginer de réponse sur le seul sol national, sans y intégrer le réseau culturel à l'étranger.

Mener une politique ambitieuse suppose un maître d'oeuvre compétent : une agence interministérielle pour le rayonnement international de la culture et de la langue françaises, issue de l'association CulturesFrance, doit être créée. Elle a vocation à assurer la présence à l'étranger de l'architecture, des arts de la scène, des arts visuels, du cinéma, de l'écrit, de l'ingénierie culturelle, de la musique de notre pays par une action « hors les murs », s'appuyant sur des partenaires locaux, publics ou privés. Elle doit disposer de bureaux culturels et linguistiques à l'étranger, dénommés « Instituts CulturesFrance », qui feraient partie des missions diplomatiques. Elle a donc vocation à intégrer en son sein le réseau culturel actuel, centres culturels et conseillers culturels. C'est à cette condition que l'agence pourra prendre en compte les spécificités de chaque pays, exprimées par ses bureaux déconcentrés, et que le réseau culturel à l'étranger pourra bénéficier des partenariats conclus par l'agence avec les opérateurs français de la création et de la diffusion culturelles. L'agence doit être financée par des dotations de l'État, par des ressources de mécénat et le produit des cours de langues et des examens assurées par ses Instituts CulturesFrance. Elle doit enfin assurer une politique de formation ambitieuse de ses personnels pour professionnaliser le métier de « conseiller culturel ».

La présente proposition de loi repose pour partie sur l'économie de la proposition de loi de notre collègue Louis Duvernois relative à la création de l'établissement public CulturesFrance adoptée par le Sénat le 13 février 2007, qu'elle précise et complète en fonction des travaux de contrôle issus du rapport d'information précité de la commission des finances.

L'article 1 er crée sous le nom de CulturesFrance une agence interministérielle pour le rayonnement international de la culture et de la langue françaises, qui mène une politique définie conjointement par le ministère chargé de la Culture et celui chargé des Affaires étrangères.

L'article 2 prévoit que l'agence dispose de bureaux culturels et linguistiques à l'étranger, dénommés « Instituts CulturesFrance », qui font partie des missions diplomatiques. Ils sont issus des centres culturels et des services culturels des ambassades.

L'article 3 définit les missions de l'agence qui déploie à l'étranger une action fondamentalement hors les murs. Elle est responsable de la formation initiale et continue des personnels des bureaux culturels à l'étranger.

L'article 4 prévoit que l'agence assure l'internationalisation des opérateurs de la création et de la diffusion culturelles en France en concluant avec eux des conventions d'objectifs et de moyens.

L'article 5 définit la composition du conseil d'administration de l'agence, représentée pour moitié par des personnalités qualifiées choisies à raison de leur expérience professionnelle.

L'article 6 précise le mode de désignation du président de l'agence. Celui-ci est nommé par décret après avis des commissions chargées de la culture des deux assemblées.

L'article 7 détermine les ressources de l'agence.

L'article 8 prévoit que l'agence reprend les droits et devoirs de l'association CulturesFrance et des centres culturels à l'étranger. CulturesFrance reprend notamment leurs personnels.

L'article 9 précise que le personnel de l'agence est constitué de salariés de droit privé, mais qu'il peut aussi comprendre des fonctionnaires civils ou militaires détachés ou mis à disposition, par exemple par les ministères chargés de la Culture ou des Affaires étrangères.

L'article 10 prévoit enfin la remise au Président de la République et au Parlement d'un rapport annuel relatif à la situation de la culture et de la langue française à l'étranger.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Il est créé sous le nom de CulturesFrance, établissement public national à caractère industriel et commercial, une agence interministérielle pour le rayonnement international de la culture et de la langue française. Elle met en oeuvre, à l'étranger, la politique de soutien à la francophonie et de promotion de la culture française, définie conjointement par le ministère chargé de la Culture et le ministère chargé des Affaires étrangères.

Article 2

Pour l'accomplissement de ses missions, l'agence dispose de bureaux culturels et linguistiques à l'étranger, dénommés « Instituts CulturesFrance », qui font partie des missions diplomatiques. Là où l'agence ne dispose pas de bureaux, elle peut être représentée par le réseau du ministère chargé des Affaires étrangères, qui met en oeuvre, dans le cadre d'une convention, les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Article 3

Pour le compte de l'État, l'agence assure la présence à l'étranger, par l'intermédiaire de partenaires locaux, publics ou privés, de l'architecture, des arts de la scène, des arts visuels, du cinéma, de l'écrit, de l'ingénierie culturelle, de la musique de notre pays. Elle promeut la langue française, notamment par l'enseignement de celle-ci. Elle est responsable de la formation initiale et continue des personnels des bureaux culturels à l'étranger. Elle anime et coordonne leur action.

L'agence répartit ses moyens d'intervention dans chaque pays en fonction de priorités culturelles, en prenant en considération leur impact diplomatique.

Elle s'appuie autant que de besoin sur le réseau diplomatique, les lycées français à l'étranger et les alliances françaises. Par convention, elle coordonne son action avec les structures de représentation des industries culturelles françaises à l'étranger.

Les conditions d'application du présent article sont définies par décret.

Article 4

L'agence établit des conventions d'objectifs et de moyens avec les opérateurs de la création et de la diffusion culturelle en France pour soutenir leur rayonnement à l'étranger.

Article 5

Le conseil d'administration de CulturesFrance est composé, outre son président qui a voix prépondérante de la façon suivante :

1° Trois représentants du ministère chargé de la Culture ;

2° Trois représentants du ministère chargé des Affaires étrangères ;

3° Une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la Culture ;

4° Une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé des Affaires étrangères ;

5° Une personnalité qualifiée désignée par le président de l'Assemblée nationale après avis du président de la commission de l'Assemblée nationale chargée de la Culture ;

6° Une personnalité qualifiée désignée par le président de l'Assemblée nationale après avis du président de la commission de l'Assemblée nationale chargée des Affaires étrangères ;

7° Une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat après avis du président de la commission du Sénat chargée de la Culture ;

8° Une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat après avis du président de la commission du Sénat chargée des Affaires étrangères ;

9° Un représentant élu du personnel.

Les personnalités qualifiées sont choisies à raison de leur expérience professionnelle. Elles ne peuvent appartenir aux assemblées parlementaires.

Article 6

Le Président de l'agence est nommé par décret, après avis de la commission chargée de la culture de chaque assemblée, pour une durée de trois ans renouvelable une fois. Le président du conseil d'administration est assisté d'un directeur administratif qu'il nomme.

Article 7

Les ressources de l'agence sont constituées par :

1° La rémunération de ses services, et notamment des prestations à caractère linguistique ou des examens assurées par ses bureaux à l'étranger ;

2° Les dotations de l'État ;

3° Les recettes de mécénat provenant d'entreprises françaises et étrangères ;

4° Les participations et placements financiers ;

5° Les intérêts et les remboursements de prêts ou avances ;

6° Les revenus des biens meubles et immeubles et produits de leur aliénation ;

7° Des subventions et contributions d'administration, de collectivités territoriales et de tous organismes publics ou privés, nationaux, communautaires, ou internationaux ;

8° De dons, legs et recettes diverses.

Article 8

L'agence est substituée à l'association CulturesFrance en ce qui concerne les personnels de cette association, et en ce qui concerne ceux des établissements à autonomie financière du ministère chargé des Affaires étrangères définis par l'article 66 de la loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973, dans les contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur du décret pris en application du présent article.

Les biens et droits à caractère mobilier du domaine privé de l'État, attachés aux services du ministère chargé des Affaires étrangères et de ses établissements à autonomie financière définis par l'article 66 de la loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973, et qui sont nécessaires à l'accomplissement des missions de CulturesFrance, lui sont transférés en pleine propriété. Les biens ainsi transférés relèvent du domaine privé de l'agence.

Les biens immobiliers du domaine privé de l'État, ou des établissements à autonomie financière du ministère chargé des Affaires étrangères définis par l'article 66 de la loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973, qui sont nécessaires à l'accomplissement des missions de CulturesFrance, sont mis à la disposition de l'agence, directement ou par le biais d'une entité publique appropriée de portage immobilier, dans des conditions financières fixées par le ministre chargé du domaine ou, s'il y a lieu, par le conseil d'administration de l'entité en cause.

Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article.

Article 9

Le personnel de l'agence est constitué de salariés de droit privé, mais peut comprendre des fonctionnaires civils ou militaires détachés ou mis à disposition. Elle bénéficie du concours de fonctionnaires ou agents de l'État et de ses établissements publics par voie de mise à disposition ou de détachement, dans les conditions prévues par le statut des intéressés.

À cet effet, l'agence signe avec l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, et les établissements concernés les conventions précisant notamment la nature des activités des fonctionnaires ou agents intéressés, les conditions de leur emploi et de l'évaluation de leurs activités.

Article 10

L'agence remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport relatif à la situation de la culture et de la langue française à l'étranger, rendant compte de son action.

Article 11

Les conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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