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N° 348

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 mai 1996.

PROJET DE LOI

relatif à l' encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.

PRÉSENTÉ

au nom de M. ALAIN JUPPÉ,

Premier ministre

par M. BERNARD PONS

ministre de l'équipement, de logement, des transports et du tourisme

(Renvoyé à la commission des Finances, de contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le également.)

Impôts et taxes. - Commerce maritime - Concurrence - Copropriété - Fiscalité - Marine marchande - Transport maritime - Code général des impôts

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La flotte de commerce française connaît depuis 20 ans un déclin prononcé, alors même que le commerce maritime international connaît une croissance soutenue de 6% par an en moyenne. Depuis le premier choc pétrolier, la France est passée du 8ème au 23ème rang mondial et sa marine marchande de 500 à 210 navires.

Les conditions de la concurrence sont faussées : les pays à protection et à redistribution sociales élevées sont confrontés à des pays dont les pavillons offrent des coûts d'exploitation faibles et où s'applique une fiscalité symbolique, tels que le Libéria (première flotte mondiale), le Panama, les Bahamas... Les pays européens se doivent de réagir. Certains qui appartiennent à l'Union européenne, comme l'Allemagne, le Danemark et la Finlande, ou à l'Espace économique européen comme la Norvège, l'ont déjà fait. La Commission vient elle-même de présenter aux États membres une communication intitulée "Vers une nouvelle stratégie maritime" qui procède de cette même démarche.

La mise en place dans notre pays d'une fiscalité attractive pour l'épargne investie dans les navires civils de charge va dans la même voie. Elle contribuera à favoriser le renouvellement, l'augmentation et le renforcement de la flotte de commerce sous pavillon français et à participer ainsi au développement du transport maritime européen. Elle marque la volonté du Gouvernement de refaire de sa flotte de commerce un instrument de développement de son commerce extérieur mais aussi de consolidation de sa souveraineté, compte tenu de la capacité stratégique qui lui est attachée.

La mesure fiscale envisagée s'inscrit dans la politique du Gouvernement français en faveur de l'emploi. Sont concernées ici non seulement les créations directes d'emplois liées à l'entrée en flotte de nouveaux navires (emplois de navigants et de personnel à terre) mais également tous les emplois indirects, en plus grand nombre, qui se situent en amont et en aval, que ce soit dans les armements, au niveau des infrastructures portuaires ou plus généralement dans le secteur des transports.

Il est donc proposé de créer un encouragement fiscal incitatif d'orientation de l'épargne des personnes physiques et morales (dont l'armement n'est pas l'activité principale) vers la souscription de parts de copropriété de navires civils de charge.

Cette incitation prend la forme d'une déduction du montant de l'acquisition de parts de copropriété de navire, neuf ou d'occasion, sur le revenu ou sur le bénéfice imposables de l'investisseur.

Le dispositif proposé vise des opérations qui offrent toutes garanties de viabilité technique et de sérieux commercial et qui présentent un intérêt économique, au regard notamment des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce. Une procédure d'agrément ainsi qu'une implication obligatoire, directe et significative d'un armateur dans l'ensemble de l'opération, pour au moins un cinquième de son montant, permettent de s'en assurer.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article premier.

Sont insérés dans le code général des impôts trois articles ainsi rédigés :

"Art. 238 bis. HN - Sont admises en déduction du revenu ou du bénéfice mentionnés respectivement au 2 de l'article 13 et au premier alinéa du I de l'article 209, selon les modalités définies aux articles 163 unvicies ou 217 nonies, les sommes versées au titre de la souscription de parts de copropriété de navires civils de charge, lorsque les conditions ci-après définies sont remplies :

"a) la souscription est effectuée avant le 31 décembre 2000 ;

"b) le navire est livré au plus tard trente mois après la souscription et sa durée d'utilisation, attestée par une société de classification agréée, est d'au moins huit ans ;

"c) les parts de copropriété sont conservées par le souscripteur, qui prend un engagement en ce sens, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle de la livraison du navire à la copropriété ;

"d) le navire est, dès sa livraison et pendant la durée fixée au c), exploité ou frété par la copropriété dans les conditions prévues au titre premier de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

"e) l'entreprise qui, pendant la période prévue au c), gère la copropriété, en cas d'utilisation directe du navire, ou, à défaut, l'affrète directement, est une société passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions du droit commun et son activité principale est l'utilisation ou l'affrètement direct de navires civils de charge ;

"f) l'entreprise visée au e) détient pendant la période fixée au c), un cinquième au moins des parts de la copropriété ;

"g) l'acquisition n'est pas réalisée auprès d'un organisme ou d'une entreprise lié directement ou indirectement, au sens des dispositions du 1 bis de l'article 39 terdecies, à l'entreprise mentionnée au e).

"En outre, le projet de copropriété quirataire doit avoir fait, préalablement à sa réalisation, l'objet d'un agrément délivré par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la marine marchande. Cet agrément est accordé lorsque l'investissement, effectué à un coût financier normal, permet de renforcer effectivement la flotte de l'entreprise mentionnée au e) et présente, au regard notamment des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce, un intérêt économique justifiant l'avantage fiscal demandé.

"Dans le cas où l'une des conditions fixées aux a) et b) et d) à g) ci-dessus n'est pas remplie ou cesse de l'être, le montant des sommes qui avaient été déduites est ajouté, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours duquel le manquement est intervenu. Lorsque le souscripteur ne respecte pas l'engagement prévu au c), ce montant est ajouté, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours duquel les versements ont été opérés."

"Art. 163. unvicies - Le montant maximal des sommes déductibles annuellement en application des dispositions de l'article 238 bis HN, est de 500 000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 1 000 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune. La déduction, pour un investissement déterminé, est opérée au titre de l'année du versement.

"Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas de souscription des parts de copropriété par l'intermédiaire de sociétés à responsabilité limitée mentionnées à l'article 239 bis AA et de sociétés à responsabilité limitée à associé unique qui n'ont pas opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés.

"La déduction prévue au présent article est exclusive de celle résultant, pour le même projet, des articles 238 bis HA et 163 vicies."

"Art. 217. nonies - Les sommes versées pour la souscription des parts de copropriété de navires civils de charge dans les conditions définies à l'article 238 bis HN viennent en déduction du bénéfice imposable au titre, selon le cas, de l'exercice ou des exercices de versement.

"Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :

"1° aux entreprises ayant pour activité d'armer, exploiter ou affréter des navires ;

"2° aux sociétés appartenant à un groupe, au sens de l'article 223 A, dont l'un des membres a pour activité principale celle mentionnée au 1°.

"La déduction prévue au présent article est exclusive de celle résultant, pour le même projet, de l'article 238 bis HA."

Art. 2.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de l'article premier de la présente loi.

Fait à Paris, le 7 mai 1996

Signé : ALAIN JUPPÉ

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'équipement, du logement

des transports et du tourisme,

Signé : BERNARD PONS

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