EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat, dans le cadre d'une mission d'information dédiée, a conduit des travaux approfondis sur la question éminemment sensible des pénuries de médicaments. Son rapport, publié le 2 octobre 2018, a mis en évidence qu'un phénomène récurrent de ruptures et de tensions d'approvisionnement de médicaments et de vaccins est régulièrement constaté dans les hôpitaux comme dans les pharmacies officinales, et largement relayé par les médias, alimentant l'inquiétude de l'opinion publique et l'angoisse des patients concernés. Si le phénomène n'est pas nouveau, il a connu une inquiétante amplification au cours des dernières années, que ne semblent pas pouvoir endiguer les mesures prises par les pouvoirs publics au cours de la période récente.

En vue de remédier à ces carences, la mission a formulé trente propositions qui conservent toute leur actualité. La présente proposition de loi retranscrit celles de ces propositions qui relèvent du domaine législatif. Elle a été déposée le 16 avril 2019 mais n'a pas été débattu. Aussi, certains articles ayant été modifiés par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, une actualisation de son dispositif a été opérée.

Cette proposition de loi a pour objet de renforcer les outils à la main des pouvoirs publics dans la lutte contre les pénuries de médicaments, au travers de cinq axes distincts et complémentaires.

Le premier, composé d'un unique article premier , tend à renforcer la stratégie nationale de lutte contre les difficultés d'approvisionnement de médicaments en instituant, sous l'autorité directe du Premier ministre, un conseil stratégique de lutte contre les difficultés d'approvisionnement de médicaments.

Le deuxième vise au renforcement de l'information disponible sur les phénomènes de pénuries. L' article 2 tend en ce sens à rendre publics les plans de gestion des pénuries obligatoirement élaborés, depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, par les fabricants de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. L' article 3 propose la mise en place d'une plateforme d'information partagée sur les situations de ruptures et de risques de rupture, qui serait renseignée par l'ensemble des acteurs concernés (l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les laboratoires pharmaceutiques, les grossistes-répartiteurs, les pharmaciens d'officine) et qui permettrait de disposer d'informations actualisées sur les origines des tensions et ruptures et les dates prévisionnelles de retour des produits concernés.

Le troisième prévoit la sanction des comportements des acteurs de la chaîne du médicament entravant l'approvisionnement du marché national en médicaments essentiels. Depuis la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, les manquements relatifs à la gestion des ruptures de stock (mentionnés à larticle L. 5423-9 du code de la Santé publique), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut assortir la sanction financière dune astreinte journalière pour chaque jour de rupture d'approvisionnement constaté, qui ne peut être supérieure à 30 % du chiffre d'affaires journalier moyen réalisé en France par l'entreprise au titre du dernier exercice clos pour le produit considéré (en dérogation au plafond de 2 500 € par jour prévu pour les manquements mentionnés aux articles L. 5421-8 , L. 5422-18 , L. 5423-8 , L. 5423-9, L. 5426-2 , L. 5438-1, L. 5461-9 et L. 5462-8 du code de la Santé publique). La nouvelle rédaction de l' article 4 de la présente proposition de loi propose en complément de souligner particulièrement les difficultés se répercutant sur lactivité des grossistes-répartiteurs.

De même, dans le dispositif actuel, le seuil de sanction est fixé à 150 000 € pour une personne physique et il est de 30 % du chiffre daffaires réalisé lors du dernier exercice clos pour « pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d'un million d'euros, pour une personne morale ». L' article 5 de la présente proposition de loi souhaite viser 30 % du chiffre daffaires réalisé lors du dernier exercice clos « pour lensemble des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux commercialisés par une personne morale, dans la limite de trois millions deuros. » .

Le quatrième vise à mieux prendre en compte les impératifs d'approvisionnement dans les conditions encadrant la commercialisation et la fixation du prix des médicaments pour le territoire français. L' article 6 ouvre ainsi la possibilité de prendre en considération des critères liés au bon approvisionnement du marché français parmi les critères de fixation du prix des médicaments, et permet par ailleurs à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de demander le relèvement du prix d'un produit de santé dès lors que des ruptures d'approvisionnement récurrentes sont constatées et imputables aux conditions financières et industrielles de son exploitation.

Le cinquième tend à la fois à garantir l'approvisionnement continu de médicaments et substances pharmaceutiques actives essentiels à la sécurité sanitaire nationale et à recréer les conditions d'une production pharmaceutique de proximité. L' article 7 prévoit tout d'abord la possibilité de confier, à titre exceptionnel et en cas de menace grave sur le bon approvisionnement du marché français, la production et la distribution de certains médicaments essentiels à un établissement pharmaceutique public, sur le modèle des missions actuellement confiées à la pharmacie centrale des armées dans le domaine militaire. L' article 8 ouvre, à titre dérogatoire et expérimental, la possibilité de rétrocession de stocks entre officines pour des médicaments signalés en tension ou en rupture. L' article 9 reconnaît aux pharmaciens la faculté de proposer aux patients une substitution thérapeutique d'une spécialité en rupture. L' article 10 met en place des abattements sur l'assiette des contributions sur le chiffre d'affaires au bénéfice des entreprises pharmaceutiques s'engageant sur des investissements consacrés au développement de nouvelles capacités de production situées en France et destinées à produire des médicaments et substances pharmaceutiques actives considérées comme stratégiques. Les articles 11 et 12 prévoient des exonérations d'impôt sur les sociétés et, à titre expérimental, de taxe foncière pour ces mêmes entreprises.

L' article 13 fixe le gage financier destiné à compenser les augmentations de charges et les réductions de ressources publiques qui pourraient découler de ces dispositions.

Tel est l'objet de la proposition de loi que nous vous demandons d'adopter.

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