EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le mécanisme de qualification préalable des candidats à l'élection présidentielle ne répond plus aux exigences d'une démocratie moderne.

La loi du 6 novembre 1962 fixe les conditions requises pour être candidat à l'élection présidentielle. Lors des trois premiers scrutins présidentiels au suffrage universel direct (1965, 1969 et 1974), le parrainage de 100 élus était exigé. En 1976, Valéry Giscard d'Estaing engagea une réforme en vue de rehausser ce seuil à hauteur de 500 signatures, non plus seulement pour filtrer les candidats mais aussi pour en limiter le nombre.

Un tel dispositif a globalement permis de prévenir le risque d'inflation de candidatures, source de confusion du débat démocratique et de moindre lisibilité du choix politique pour les électeurs. Il a, d'autre part, conduit à empêcher la présence de personnalités par trop fantaisistes, sans faire obstacle, le plus souvent, à ce que l'ensemble des courants significatifs de la vie politique nationale soit représenté au premier tour du scrutin.

Un filtre spécifiquement applicable à l'élection du Chef de l'État doit donc être maintenu.

Mais la législation en vigueur ne cesse d'alimenter contestations et polémiques. Tous les 5 ans, le système actuel de parrainages d'élus est mis en cause. On l'accuse tantôt de faire barrage à des candidatures légitimes, tantôt de ne pas jouer son rôle de « garde-fous », permettant à des personnalités anonymes ou sans représentativité de prendre part à ce rendez-vous démocratique majeur.

A l'occasion d'un rapport de 2012 issu d'une commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, l'ancien Premier ministre Lionel Jospin évoquait déjà la double fragilité du dispositif en vigueur :

« D'une part, il crée une incertitude sur la possibilité, pour certains courants non-négligeables de la vie politique du pays, d'être représentés au premier tour de l'élection présidentielle. Lors des derniers scrutins, plusieurs des candidats qualifiés ont franchi avec difficulté le seuil des 500 parrainages requis. Les spéculations sur l'éventuelle impossibilité, pour une personnalité représentant un courant politique significatif, de se présenter à l'élection présidentielle nuisent à la sérénité du débat électoral. D'autre part, le système des 500 signatures ne prémunit pas contre le risque d'un nombre de candidatures trop élevé ; la présence de seize candidats au premier tour de l'élection présidentielle de 2002 a constitué à cet égard une alerte sérieuse. La Commission considère que cette double fragilité justifie à elle seule que le système de qualification des candidats soit réformé. »

Outre ces dysfonctionnements, le dispositif en vigueur trahit un certain archaïsme. Si ce système de parrainages d'élus avait certes sa cohérence lorsque le chef de l'État était élu au suffrage indirect par un collège de grands électeurs, cette logique s'est en grande partie dissoute en 1962 avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

On ne saurait donc laisser aux seuls élus, essentiellement des maires de communes de moins de 1000 habitants, le soin de décider de qui doit pouvoir concourir à ce scrutin. Ces édiles subissent d'ailleurs de nombreuses pressions contradictoires, soit de la part de candidats déclarés, soit de la part de partis qui souhaitent favoriser ou, au contraire, faire obstacle à la démarche d'un candidat.

Enfin, parmi les prétendants à la plus haute responsabilité politique, ceux ne disposant pas d'un conséquent réseau d'élus se trouvent contraints d'engager de considérables efforts pour recueillir les signatures requises. L'énergie ainsi déployée les prive d'un temps utile pour mener campagne et conduit à une rupture d'égalité entre candidats. Car si la liberté d'expression est une composante fondamentale de notre État de droit, encore faut-il donner à ce pilier démocratique les moyens de son effectivité.

Aussi, cette proposition de loi organique vise à simplifier, à repenser et à adapter le système de parrainages d'élus en remettant les citoyens et la représentation nationale au coeur du dispositif d'habilitation des candidats à la fonction suprême. Outre l'enjeu de rénovation de la vie publique que cette problématique suppose, il en va de la légitimité démocratique et populaire des participants à l'élection présidentielle.

L'article unique de cette proposition de loi organique abaisse le seuil des parrainages requis à 250 signatures d'élus auxquelles devront s'ajouter 150.000 parrainages de français inscrits sur les listes électorales. Sans mettre fin à la « course aux signatures » à laquelle se livrent les candidats auprès de maires de communes peu peuplées, cette nouvelle législation la rend moins insurmontable et y associe pleinement les citoyens.

Par ailleurs, à titre complémentaire et dans le seul contexte d'élection présidentielle anticipée, il serait proposé aux formations politiques elles-mêmes le soin de désigner les candidats auprès du Conseil constitutionnel. Cette possibilité d'habilitation par un parti est strictement conditionnée. Le parti ou groupement politique concerné devra faire état d'une représentativité suffisante au Parlement (à hauteur de 5 députés ou sénateurs au moins) et présenter une liste de 250 parrainages d'élus. Cette procédure se justifierait par l'impossibilité technique, pour le Conseil constitutionnel, de contrôler les parrainages citoyens dans les délais impartis par un tel type de scrutin.

A l'instar du dispositif actuel, ces deux nouvelles procédures seraient soumises à une clause de représentativité destinée à faire obstacle aux candidatures régionalistes ou communautaires.

Ce nouveau système, rendu équilibré et plus fidèle à l'esprit de l'élection présidentielle, investit l'ensemble des électeurs et leurs représentants directs. Il trouve sa cohérence et sa légitimité dans la volonté d'impliquer davantage les citoyens dans le fonctionnement de nos institutions et contribue à la rénovation de la vie démocratique française.

Tel est l'objet de cette proposition de loi organique.

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