EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'indépendance de l'autorité judiciaire est un droit constitutionnel destiné à protéger les magistrats et à garantir l'égalité de tous devant la loi par l'accès à une magistrature impartiale.

Mais, au titre de cette indépendance, le régime de responsabilité des magistrats est assorti de tels contraintes et verrous qu'il confine à l'irresponsabilité.

Il est nécessaire de trouver un point d'équilibre entre l'indépendance et la responsabilité, car en démocratie, tout pouvoir doit être responsable. Or, aujourd'hui, la responsabilité des magistrats et de l'État du fait du service public de la Justice apparait plus virtuelle que réelle.

Jamais, en effet, une plainte d'un justiciable à l'encontre d'un magistrat dans le cadre d'une procédure disciplinaire a abouti. Jamais l'État, lorsqu'il a été (très rarement) condamné en raison d'une faute personnelle d'un magistrat, n'a engagé l'action récursoire à l'encontre du magistrat fautif afin qu'il porte la part de responsabilité qui lui incombe.

L'échec du système de réclamation des justiciables et du régime de responsabilité des magistrats lorsqu'ils commettent une faute d'une particulière gravité doit nous pousser à réformer ces régimes.

La responsabilité des magistrats, mesurée et entourée de garde-fous, doit ainsi devenir la nécessaire contrepartie de leur indépendance et de leur liberté.

Pour cela, les plaintes des justiciables aux fins de sanctions disciplinaires doivent pouvoir porter sur des fautes graves commises dans la décision juridictionnelle elle-même. Qu'il s'agisse d'une violation grave et intentionnelle du droit ou encore d'une très grave imprudence commise dans l'appréciation d'une peine à l'encontre d'un délinquant ou d'un criminel, il est légitime et nécessaire que le magistrat qui a commis une faute lourde puisse en répondre.

La procédure disciplinaire doit également être entourée de garanties, donc susceptible de recours, y compris par le justiciable.

Mais cette responsabilité sera mesurée dès lors qu'une faute simple ou une faute de service ne pourra pas l'engager. Elle sera entourée de garde-fous dès lors que, même en cas de faute personnelle du magistrat, la victime ne sera pas admise, en dehors de la procédure disciplinaire, à exercer contre lui une action directe. Elle ne pourra agir que contre l'État.

Mais, afin que la responsabilité du magistrat ne soit plus une sorte de fiction, l'État devra engager une action récursoire contre le magistrat dont la faute personnelle, et donc d'une particulière gravité, aura abouti à sa condamnation.

Ce régime d'automaticité de l'action récursoire en cas de condamnation de l'État du fait d'une faute personnelle d'un magistrat sera ainsi conforme au principe fondamental selon lequel « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (article 1382 du Code civil).

Afin de se protéger, les magistrats pourront, comme tant d'autres professionnels responsables, souscrire des assurances communes de responsabilité.

La responsabilité de l'État doit également être plus effective, c'est l'objet d'une proposition de loi distincte.

Telles sont les propositions portées par le présent texte.

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