SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (mars 2006)

NOTE DE SYNTHESE

Instituée le 1 er janvier 2000 après l'entrée en vigueur de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU), l'aide médicale de l'État (AME) assure une protection médicale aux personnes qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de la couverture médicale universelle, c'est-à-dire essentiellement aux étrangers en situation irrégulière.

Le bénéfice de l'AME est subordonné à une double condition de résidence et de ressources : il faut résider en France depuis plus de trois mois et disposer de ressources inférieures à un certain plafond , qui est le même que celui retenu pour l'admission à la CMU complémentaire (c'est-à-dire 597,16 € par mois pour une personne seule depuis le 1 er juillet 2005). Lors de l'évaluation des ressources, le bénéfice d'un logement à titre gratuit est pris en compte.

L'AME permet l'accès aux prestations remboursées par la CMU, en particulier aux consultations médicales, qu'elles soient ou non dispensées dans un hôpital, aux examens complémentaires, aux médicaments, aux soins infirmiers et dentaires, aux soins hospitaliers et au forfait journalier.

Les bénéficiaires de l'AME sont dispensés de l'avance des frais et ils choisissent librement leurs prestataires. Le décret qui doit définir le ticket modérateur institué pour les bénéficiaires de l'AME n'a pas été publié, de sorte que la prise en charge continue à s'effectuer à 100 % sur la base des tarifs de responsabilité de l'assurance maladie.

Le bénéfice de l'AME n'est pas automatique : les intéressés doivent déposer une demande et fournir les justificatifs de leur identité et de celle de leurs ayants droit, ainsi que de leur résidence en France et de leurs ressources, car les déclarations sur l'honneur ne sont plus admises. L'AME est accordée par la caisse d'assurance maladie du lieu de résidence.

L'AME est attribuée pour une période d'un an et peut être reconduite chaque année, sur demande. La couverture offerte par l'AME s'étend aux personnes qui sont à la charge du bénéficiaire. À la fin du mois de juin 2005, on dénombrait quelque 170 000 bénéficiaires de l'AME.

Les étrangers en situation irrégulière et qui ne sont pas titulaires de l'AME, c'est-à-dire en particulier ceux qui résident en France depuis moins de trois mois, bénéficient d'une prise en charge « des soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ».

Les soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière sont financés par l'État, qui rembourse aux caisses d'assurance maladie les sommes versées aux prestataires de soins. Pour 2006, les crédits budgétaires destinés au financement de l'AME s'élèvent à un peu plus de 230 millions d'euros, mais ce montant est considéré comme sous-évalué.

Les discussions relatives au budget de l'AME conduisent à s'interroger sur l'existence de dispositifs similaires dans les autres pays européens, et donc à analyser les droits accordés aux étrangers en situation irrégulière en matière d'accès aux soins ainsi que la façon dont ces mesures sont financées. Les pays suivants ont été retenus : l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal.

L'examen des règles étrangères révèle que :

- l'Allemagne et le Danemark accordent des droits très limités aux étrangers en situation irrégulière... ;

- ... tandis que les autres pays tentent de concilier le droit aux soins et l'absence d'assurances sociales des étrangers en situation irrégulière.

1) L'Allemagne et le Danemark accordent des droits très limités aux étrangers en situation irrégulière

La loi danoise sur la santé limite aux traitements urgents les prestations dont les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier dans le cadre du système national de santé.

En Allemagne, les étrangers en situation irrégulière ont en principe droit aux mêmes prestations de santé que les demandeurs d'asile, c'est-à-dire essentiellement aux soins urgents, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive. Toutefois, l'application de cette règle se heurte à la loi sur les étrangers, qui oblige les organismes publics à dénoncer les étrangers qui ne possèdent pas de titre de séjour valable. De plus, les prestataires de soins qui traitent les étrangers en situation irrégulière courent le risque d'être poursuivis pénalement pour avoir aidé autrui à séjourner sans titre sur le territoire fédéral.

2) L'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal tentent de concilier le droit aux soins et l'absence d'assurances sociales des étrangers en situation irrégulière

a) L'Espagne et le Portugal subordonnent l'accès aux soins à la domiciliation, et non à la régularité du séjour

En Espagne, les étrangers enregistrés dans le fichier de la commune où ils résident bénéficient , quel que soit leur statut , des mêmes droits que les Espagnols. C'est donc la déclaration domiciliaire qui conditionne l'établissement de la carte de santé, nécessaire pour accéder gratuitement aux soins fournis par les prestataires agréés par l'Institut national de gestion sanitaire. Cette déclaration ne requiert pas la détention d'un titre de séjour, mais la possibilité qu'ont les autres administrations, depuis la fin de l'année 2003, d'obtenir les données du fichier municipal dissuade certains étrangers de se faire enregistrer.

En revanche, les autres étrangers en situation irrégulière ont seulement droit aux soins d'urgence, à l'exception des mineurs et des femmes enceintes, qui bénéficient des mêmes droits que les assurés sociaux espagnols.

Comme en Espagne, au Portugal, pour se faire soigner dans un dispensaire ou un hôpital public, il suffit d'une attestation domiciliaire , laquelle peut être délivrée à partir du témoignage oral de deux voisins. De plus, si la plupart des prestations médicales sont en principe payantes, les intéressés peuvent mettre en avant leur situation économique pour être dispensés de tout paiement.

b) La Belgique et les Pays-Bas ont mis en place des dispositifs particuliers pour les étrangers en situation irrégulière

En Belgique, l'aide médicale urgente, qui est financée par l'État, donne aux étrangers en situation irrégulière et dépourvus de ressources financières la possibilité d'accéder à presque tous les soins. L'aide médicale urgente couvre en effet toutes les prestations répertoriées par la sécurité sociale, dès lors qu'elles ont été prescrites par un praticien conventionné et que celui-ci a rempli une attestation d'urgence.

Aux Pays-Bas, la loi donne aux étrangers en situation irrégulière le droit de bénéficier des « soins médicaux nécessaires ». Ce sont les professionnels qui apprécient le caractère nécessaire des soins et, en règle générale, tous les soins susceptibles d'être pris en charge par l'assurance maladie sont considérés comme tels . Un fonds spécifique rembourse les médecins qui acceptent de soigner gratuitement les étrangers en situation irrégulière, tandis que les établissements hospitaliers négocient avec les assurances sociales le montant annuel du remboursement de leurs créances insolvables, constituées notamment par les prestations fournies aux étrangers en situation irrégulière.

c) L'Italie et l'Angleterre assurent aux étrangers en situation irrégulière la prise en charge de certains soins

En Italie, le principal texte législatif sur l'immigration garantit aux étrangers en situation irrégulière l'accès aux soins urgents, ainsi qu'aux programmes de médecine préventive, tout en précisant que les professionnels n'ont pas à signaler les étrangers en situation irrégulière qu'ils soignent, sauf s'ils les traitent pour une maladie pour laquelle il existe une obligation de déclaration. Les étrangers en situation irrégulière doivent s'adresser à des structures publiques ou conventionnées. Les professionnels sont remboursés par le ministère de l'intérieur ou par le Fonds sanitaire national, selon que les prestations fournies relèvent de l'urgence ou de la prévention.

En Angleterre, certains soins sont prodigués gratuitement à tout étranger, en particulier aux étrangers en situation irrégulière : non seulement les soins, quels qu'ils soient, dispensés dans des services d'urgence, mais aussi les prestations liées au traitement de certaines affections, parmi lesquelles plusieurs maladies contagieuses. Les autres prestations, qu'elles relèvent de la médecine hospitalière ou de la médecine de ville, n'ont pas à être fournies gratuitement, sauf aux assurés sociaux. Toutefois, alors que les hôpitaux doivent, depuis le 1 er avril 2004, vérifier le statut de leurs patients, car les soins hospitaliers gratuits sont réservés aux seuls résidents, les médecins de ville du service national de santé ne sont pas soumis à une telle obligation, de sorte que les étrangers en situation irrégulière peuvent se faire soigner gratuitement par les praticiens qui acceptent de les inscrire sur leur liste de patients.

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L'examen des mesures étrangères montre que l'AME est non seulement comparable aux dispositifs particuliers que la Belgique et les Pays-Bas ont institués pour les étrangers en situation irrégulière, mais aussi aux mesures d'assistance sanitaire dont ces derniers bénéficient en Espagne, et à un moindre degré au Portugal. L'analyse révèle également un durcissement des dispositions applicables. Ainsi, les hôpitaux anglais ont, depuis 2004, l'obligation de vérifier le statut des malades et les données des fichiers municipaux espagnols de population ne sont plus confidentielles depuis la fin de l'année 2003.

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