Rencontres Ukraine 2006




Ukraine : l'ouverture

Son Excellence Jean-Paul VEZIANT
Ambassadeur de France en Ukraine


Je me félicite de l'intensification des relations entre la France et l'Ukraine et du développement de nos échanges économiques, en particulier dans le secteur bancaire et dans celui de l'agro-industrie. Vous avez souligné, Monsieur le Ministre, votre volonté d'aider l'Ukraine à intégrer l'OMC et l'Union européenne. Vous avez déjà obtenu des résultats importants, en particulier avec le statut d'économie de marché accordé par l'UE, puis par les Etats-Unis. Comme pour la France, la globalisation représente pour l'Ukraine un défi et un stimulant puissant, car il favorise l'investissement dans la recherche et l'innovation technologique, notamment dans le domaine des économies d'énergie.

La France bénéficie d'une bonne économie, mais certains médias ou la façon dont ils traitent certains événements altèrent parfois la perception globale de notre pays à l'étranger. C'est le cas également de l'Ukraine, dont les médias brouillent l'image. Cinq points forts doivent pourtant être mis au crédit des autorités ukrainiennes, du Gouvernement, du Président Iouchtchenko et de la société ukrainienne.

Les élections de mars 2006, tout d'abord, ont fait l'objet d'une campagne et d'un scrutin transparents : tous les partis ont pu s'exprimer sans entrave et les nombreux observateurs de l'OSCE présents sur place (parmi lesquels beaucoup de Français) ont pu constater que le scrutin s'était déroulé avec la plus parfaite régularité. Cela n'aurait pas été possible sans l'entière liberté laissée à la presse. Certes, les rapports entre la télévision et l'argent posent problème, mais c'est le cas dans d'autres pays. Le marché de la publicité est par ailleurs en pleine expansion. Je souhaite que des groupes de communication investissent davantage dans ce pays, comme c'est actuellement le cas de Canal + qui tente de mettre en place des chaînes cryptées.

Le scrutin du 26 mars dernier a également mis en évidence la maturité politique de la société ukrainienne. On craignait une forte abstention, or la participation a été massive (70 %), alors que la campagne n'a pas toujours été à la hauteur des attentes des citoyens sur le plan des programmes. Le spectre politique en Ukraine s'est en outre simplifié : cinq partis ont été élus au Parlement, à l'exclusion de tout parti ouvertement populiste. Le personnel politique a également connu un fort renouvellement, avec près des 2/3 de députés nouveaux. Quant aux liens entre les milieux d'affaires et la représentation nationale, ils sont désormais distendus, même si les milieux d'affaires sont toujours plus ou moins directement représentés. Le Parti des régions est arrivé en tête (32 % des voix) et pourrait parvenir à former une véritable coalition. Nous pouvons espérer que le nouvel équilibre institutionnel mis en place par la réforme constitutionnelle jouera à plein pour lui permettre d'assumer la totalité de ses responsabilités en matière de politique économique - ce qui n'a pas toujours été le cas après la Révolution orange.

Le choix européen était au départ celui de la majorité orange : le parti Notre Ukraine et, dans une certaine mesure, les socialistes. Aujourd'hui, le Parti des régions affirme lui-même que le thème de l'intégration européenne est devenu l'une de ses priorités. L'Europe fait maintenant consensus en Ukraine, ce qui est très important. L'ancrage européen du pays s'est déjà matérialisé lorsque l'Ukraine a signé et ratifié la charte européenne de l'énergie. De fait, l'Ukraine a un rôle essentiel à jouer dans le transit des produits énergétiques vers l'Europe. Le 1 er décembre 2005, un mémorandum sur l'énergie a d'ailleurs été signé entre l'Union européenne et l'Ukraine. Au-delà du Plan d'action, la Commission européenne commence par ailleurs à réfléchir à la définition d'un mandat de négociation qui permettrait à l'Ukraine de mettre en place avec l'UE une zone de libre-échange approfondi.

Il faut également souligner l'envergure internationale du potentiel de l'Ukraine, dans les domaines tant économique qu'intellectuel. Elle bénéficie en effet d'un potentiel agricole et industriel de premier plan et a de grandes potentialités dans le domaine de l'aéronautique, de l'espace, de l'énergie et de la métallurgie. Les universités ukrainiennes, comme celles de Kharkov ou de Donetsk notamment, représentent également un fort potentiel d'innovation grâce à la concentration de nombreux centres de recherches de haut niveau.

Un certain nombre de questions demeurent cependant. Le prix de l'énergie a subi une forte hausse, qui a déjà été absorbée par l'économie ukrainienne, mais auquel le Gouvernement devra répondre pour l'avenir. Un travail doit également être mené sur l'Etat de droit et l'allégement des réglementations.

Il existe en Ukraine un dispositif français à la disposition des milieux d'affaires, en particulier les Conseillers du Commerce Extérieur et la Mission économique de Kiev. A travers la feuille de route du 11 novembre 2005, la France a en outre pris un certain nombre d'engagements, visant notamment à mettre à disposition de l'Ukraine des assistants techniques au service de la réforme de l'Etat, en faveur de l'adaptation de l'économie agricole aux impératifs européens et en faveur d'une réforme de la justice.