colloque Russie



Investir en Russie aujourd'hui

Jean LEMIERRE
Président de la BERD

Mesdames et messieurs, le cadre politique et institutionnel des réformes entreprises par la Russie a déjà été très bien décrit. Je me concentrerai donc sur une question simple : pourquoi investir en Russie ? La BERD constitue aujourd'hui le 1 er investisseur étranger en Russie et le bilan de ses actions est positif. La Russie est un pays qui ne laisse personne indifférent et qui peut générer, le cas échéant, des critiques importantes. Celles-ci portent notamment sur le non-respect de l'Etat de droit et sur l'existence d'une corruption importante, à tous les niveaux de l'économie ; elles mettent en outre l'accent sur le protectionnisme grandissant qui s'exprimerait aujourd'hui en Russie, et sur le caractère incertain des perspectives politiques. L'engagement des investisseurs est difficile et suppose une information de qualité. C'est dans cette optique que je vais vous faire part de mon analyse.

Le cadre général qu'offre aujourd'hui la Russie est bon mais soulève des interrogations. Il existe une certaine stabilité macroéconomique et un grand sérieux dans la gestion mise en oeuvre par les autorités. Des questions se font toutefois jour, quant au rythme de dépense de la manne pétrolière ; ce débat est en tout cas mené de façon sérieuse, dans un contexte marqué par l'appréciation du rouble et par l'existence de tensions inflationnistes réelles, mais bien contenues. Une autre interrogation importante porte sur le pétrole et le gaz, qui permettent de financer le développement du marché russe. Je vois là un élément extraordinairement durable. Le troisième paramètre qui me semble important est la profonde conscience des autorités russes du fait qu'on ne construit pas une économie durable et une société équilibrée, sur la base du pétrole et du gaz. Le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Norvège ont su utilement tirer parti de leurs ressources en la matière. D'autres ont échoué, notamment sur le plan de la construction des institutions ou du fait d'une moindre capacité à attirer les investisseurs étrangers. Ce sont là des enjeux majeurs pour l'avenir de la Russie et les Russes l'ont bien compris.

Quant au protectionnisme, si celui-ci existe, il faut examiner le sujet de façon lucide. La Russie a beaucoup changé entre 1997 et aujourd'hui : elle est passée d'une situation marquée par l'effondrement de son système à une volonté de rationalisation. Certaines péripéties sont graves (par exemple l'affaire Youkos) mais les autorités russes en sont parfaitement conscientes. La Russie est en train de changer profondément, et gagne en maturité, ce qui est tout aussi important pour les investisseurs. Faire en sorte que la rente pétrolière et gazière s'investisse dans le pays constitue une priorité légitime des autorités. Pour la première fois, le trimestre écoulé témoigne d'une inversion du flux de capitaux, ceux entrant dans le pays dépassant ceux qui en sortent. Ce témoignage de confiance constitue un élément extrêmement important pour les investisseurs étrangers. La plupart des secteurs de l'économie russe sont très ouverts, car les pouvoirs publics ont compris que l'argent n'était pas l'essentiel : celui-ci résulte simplement de l'action des hommes, des compétences de ces derniers et des modalités d'accès plus ou moins aisées à un marché donné.

En dépit de difficultés persistantes, concernant le respect de la réglementation sur la propriété intellectuelle, force est de constater que la situation s'améliore peu à peu. Le rôle de l'administration fiscale soulève toutefois quelques interrogations, lesquelles ont été largement relayées par la presse russe, ce qui a conduit les autorités à réagir en rappelant à l'administration fiscale ses prérogatives, et la nécessité de ne pas y déroger. En la matière, les progrès enregistrés ont été immédiats.

Plus largement, on peut vendre en Russie, mais je doute qu'on y vende durablement sans y investir et sans y produire. Dès lors, comment le faire ? Il existe plusieurs manières, notamment le partenariat et l'investissement isolé. Je ne me lancerai pas dans une comparaison des modes d'investissement, que vous connaissez fort bien. Ma réponse est simple : si vous trouvez un partenaire russe avec lequel vous pouvez travailler, faites-le. Si ce n'est pas le cas, abstenez-vous

La BERD vous propose d'être votre partenaire dans vos démarches. Nous finançons tous les secteurs, en devises étrangères comme en roubles. Nous sommes aussi la 1 ère institution notée AAA levant des fonds sur le marché russe, en proposant des financements en roubles. Nos concurrents sont bien sûr les emprunts d'Etat mais les pouvoirs publics ont eu l'intelligence de souhaiter cette situation. Nous avons aussi un engagement très fort d'investissement dans les régions russes, au-delà de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Au-delà des considérations politiques, le marché russe doit figurer sur votre agenda. La Russie figure aujourd'hui dans l'économie globale, ce qui n'était pas le cas il y a cinq ans, du moins pour les produits et services manufacturiers.