Colloque Sénat-Essec-Afrique SA sur l'Afrique - 27 janvier 2005



Conclusion du thème

Ibrahim Hassane MAYAKI,
ancien Premier ministre de la République du Niger

L'interculturalité a été évoquée à plusieurs reprises au cours de l'après-midi. Je ne crois pas qu'il existe un management africain : il existe un noyau dur de techniques managériales, greffé sur des environnements différents. La capacité à se mouvoir dans un contexte interculturel rejoint donc, à mes yeux, celle à se mouvoir dans des environnements différents.

Nous avons aussi beaucoup évoqué les questions d'adéquation de la relation formation-emploi. Mais nous avons finalement peu abordé les besoins actuels. Il existe des manques quantitatifs importants. Des efforts significatifs ont été réalisés dans le domaine de la formation, mais malheureusement ils ont souvent été freinés par des difficultés structurelles. L'urgence touche aujourd'hui à la formation des ruraux d'Afrique qui, eu égard aux évolutions démographiques, auront demain à financer les Africains urbains dans la proportion d'un rural pour deux urbains.

Allocution de fin de séance

Pierre TAPIE,
Directeur général du groupe Essec

C'est un grand honneur d'être parmi vous. Le thème de ce colloque se situe au coeur de nos préoccupations. Je m'exprime ici en tant qu'universitaire ayant travaillé plusieurs années en Afrique et accompagnant régulièrement des étudiants sur le continent africain. Je décèle trois risques et certaines interrogations au sujet des talents africains.

Il existe d'abord à mes yeux un vrai risque de l'insignifiance africaine. En effet, avec la puissance de l'accélération des phénomènes sociaux dans certains pays, en particulier en Asie, l'Afrique se trouve plutôt associée, à tort ou à raison, à des évènements tels que les guerres ou les conflits. Aussi le risque que la question africaine n'intéresse plus nos concitoyens me paraît-il à ne pas négliger, car les conséquences en seraient évidemment graves pour l'Afrique.

Une autre question touche au lieu de la formation : faut-il former en Afrique ou ailleurs ? Aujourd'hui, seuls 4 % d'une tranche d'âge, en Afrique, bénéficie d'une formation dans l'enseignement supérieur. Faut-il soutenir des talents individuels ou les institutions africaines ? La question est complexe, d'autant plus que la France forme de nombreux étudiants africains.

De quelles compétences l'Afrique a-t-elle besoin ? S'agit-il de compétences techniques, de savoir-faire humains et comportementaux (notamment du fait d'un besoin de retisser du lien avant de chercher le développement de l'activité économique) ? L'exemple de la Côte d'Ivoire montre que la situation peut évoluer rapidement.

Enfin, force est de constater qu'il faut privilégier l'existence de plusieurs marchés du travail. Les grands organismes internationaux appellent des profils très spécifiques qui doivent être formés. Mais il existe par ailleurs, et en nombre bien plus important, le besoin de personnes très bien formées sur le plan technique.

Aujourd'hui, une école comme l'Essec a le devoir d'aider l'Afrique. En trois ans, la part de nos étudiants africains a crû de 30 %. La moins bonne nouvelle réside dans un nombre de vingt-huit étudiants d'Afrique sub-saharienne seulement, là où la part des étudiants du Maghreb a plus sensiblement progressé.

Si l'on veut être efficace demain, c'est sans doute par la formation de formateurs que nous parviendrons à être efficients, par la création de corpus de savoirs et de recherches qui seront africains.

Je conclurai par quelques propositions. La France ne peut pas être fière d'avoir vu son aide au développement ramenée de 6 % à 3,5 % environ, dans une discrétion absolue, et du fait de la situation impécunieuse de notre pays. Dans ce contexte, il faut donner la priorité à l'investissement sur les compétences. Je ferai six propositions :

1 - privilégier la formation de formateurs et des jumelages entre institutions françaises et africaines ;

2 - orienter une plus grande part des ressources d'aide au développement vers le financement de bourses de thèse adossées à la perspective d'un retour vers le pays d'origine ;

3 - prévoir un « bonus » pour tout projet de recherche qui traiterait de questions africaines ;

4 - accepter que l'on ne peut pas tout faire dans tous les pays, ce qui doit conduire à travailler dans une logique interrégionale pour mutualiser les centres d'excellence ;

5 - augmenter le nombre de bourses d'élite destinées aux Africains, en s'appuyant notamment sur les entreprises françaises ;

6 - se montrer plus audacieux en matière de politique de visas, en distinguant les grands flux migratoires - que la France n'a pas forcément les moyens d'accueillir - et une politique plus offensive pour une population limitée, constituée par des élites politiques et intellectuelles. Dans ce cadre, la Conférence des Grandes Écoles propose la création de visas à durée limitée pour accueillir, dans les formations les plus exigeantes, de grands talents et leur permettre de travailler durant une période de deux à quatre ans, avec obligation de retourner ensuite dans leur pays d'origine.

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