G. LE REJET DU NOUVEAU TERRITOIRE

L'activité de service de presse au Brésil, même davantage inclinée vers un profil journalistique, a rencontré, et rencontre encore, des rejets quant à son classement en tant que segment du champ journalistique. Le journalisme institutionnel, ou les activités de communication, comme préfèrent les appeler les chercheurs français, sont vues par certains avec une forte dose de suspicion. Bien que ce soient des processus de communication analogues, l'activité journalistique devrait avoir comme but spécifique la transmission objective des événements au travers de notes d'information et d'analyses. Alors que l'objectif des relations publiques serait techniquement défini comme la difusión parcial de hechos e ideas relacionados con una actividad o servicio, con el objeto de crear un clima de cordialidad pública et sa propagande viserait à la difusión de ideas o doctrinas por la vía de la sugestión emotiva 496 ( * ) . On trouverait dans le journalisme de communication - selon l'évaluation de MATHIEN - une combinaison de toutes ces intentions. En effet, celui-ci désigne essentiellement tout ce qui relève de l'activité de promotion, du marketing, de la publicité, de la propagande, voire de la rhétorique généralisée à tous les modes d'expression et de `mise en forme' des messages de toute nature497 ( * ).

Dans le monde académique, il existe de grandes interrogations sur les motivations réelles qui poussent un rédacteur de service de presse à choisir tel ou tel thème. Pour NEVEU, la production de l'information au sein d'une structure financée par les sources est pensée comme une activité économique ou mercantile sans grandes particularités normatives, et il y aurait dans les rédactions une plus grande préoccupation vis-à-vis de l'éthique et des valeurs intrinsèques au journalisme 498 ( * ) . Il cite le rôle de guide des conseils de rédaction, une situation qui ne se retrouve pas dans la majorité des pays, en particulier au Brésil, où il n'existe pas de contrôle social de l'information de cette nature, ni du type du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA).

Au niveau des relations corporatives, la présence du journaliste dans ce champ et son désir de restreindre le territoire aux seuls détenteurs d'une carte de presse est rejetée par les entités représentatives des relations publiques, par les employeurs, qui préfèrent ne pas avoir de normes spécifiques pour le secteur, et également par ceux qui sont dépourvus d'une formation académique dans le champ de la Communication Sociale. Tous se voient progressivement délogés des espaces qu'ils trouvaient, déportés des territoires qu'ils occupaient. Même parmi les journalistes, la forte présence des journalistes et l'existence éventuelle d'un modèle journalistique dans la communication sociale n'ont pas totalement éliminé la perception critique existant au sujet de l'activité d'un communicateur institutionnel.

Les services de presse ont un client, ils travaillent comme des agences de publicité et, en tant que tel, sont au service d'un produit unique. Ils ne réfléchissent pas, ne critiquent pas, ne questionnent pas. Ils vendent juste une nouvelle qui a déjà été payée au préalable par le client. Et ils sont au service de quelle cause? Il existe un bien commun, quelque chose qui va au delà des intérêts, du profit, de la vanité d'un client ou de la nécessité de survie du journaliste, derrière tant d'information ? - questionne la journaliste Diléa Frate 499 ( * ) .

La position ci-dessus reflète la situation des services de presse travaillant pour des établissements industriels et commerciaux et qui interviennent essentiellement comme outil de marketing. On n'y trouve pas l'objectif de mobilisation sociale, d'advocacy ou d'accountability, ni l'intention de diffuser des informations en faveur de la transformation sociale. Ce seraient les éléments qui feraient pencher la communication institutionnelle en direction du journalisme. L'information en tant qu'outil du marketing est également rencontrée dans la presse traditionnelle. Dans les deux cas, le professionnel devra intérioriser les normes et les objectifs institutionnels de la source ou du support journalistique. Il reviendra toujours au salarié d'intérioriser des exigences patronales 500 ( * ) .

* 496 MARTÍNEZ ALBERTOS, 2001, p. 41-42.

* 497 MATHIEN, Michel, 2001, p. 105-108.

* 498 NEVEU, Erik, 2001, p. 38.

* 499 FRATE, Diléa, 1997, p. 37.

* 500 RUELLAN, Denis, 1993, p. 42.

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