II. UN CONTEXTE RÉGIONAL TOURMENTÉ QUI PLACE LE BÉNIN AU CoeUR DE LA ZONE OUEST-AFRICAINE

A. LE BÉNIN, DANS UN CONTEXTE RÉGIONAL TOURMENTE A LA VEILLE D'ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES DÉCISIVES

1. Le contexte de la sous-région

Avec une superficie de 112.622 km 2 et une population de 6,7 millions d'habitants, le Bénin est un petit pays. Mais il partage une frontière commune avec le Togo à l'ouest (620 km), avec le Nigeria à l'est (750 km), avec le Burkina Faso (270 km) et le Niger (190 km) au nord et, au sud, il est bordé par l'océan Atlantique (120 km de côtes sur le golfe de Guinée). Cette situation géographique lui donne une position stratégique dans la sous-région.

Ainsi, le Bénin est membre non permanent du conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU) pour la période 2004-2006 . Depuis le 1 er février 2005, il en assure la présidence et organisera, à ce titre, une conférence sur le thème « Réflexion prospective sur la situation des enfants-soldats, en particulier en Afrique ».

Il est également membre de l'Union économique et monétaire ouest africaine ( UEMOA ), du Conseil de l'Entente, de l'Autorité du bassin du Niger ( ABN ), de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest ( CEDEAO ) et de l'Organisation de la conférence islamique ( OCI ).

En 2004, ce pays a accueilli l'exercice « Bénin 2004 », du 29 novembre au 10 décembre, auquel ont participé des contingents de la plupart des pays de la CEDEAO. Le Bénin participe aux exercices de maintien de la paix en Afrique, dans le cadre de RECAMP.

La place du Bénin dans la sous-région a pris une dimension supplémentaire depuis la crise ivoirienne. Des contingents béninois (270 hommes) sont ainsi présents en Côte d'Ivoire au sein de l'ONUCI depuis septembre 2002. La crise politique en Côte d'Ivoire a également entraîné un afflux de réfugiés au Bénin. Lors de la visite de l'école française de Cotonou, l'établissement français d'enseignement (EFE) Montaigne , dirigée par Bernard Arribat, la délégation sénatoriale a été directement confrontée aux conséquences de l'arrivée de nouveaux élèves en provenance de la Côte d'Ivoire au cours de l'année scolaire 2004-2005. Tout juste équipée pour accueillir 700 à 800 élèves, l'école doit désormais en abriter 900. La délégation attire l'attention du Ministère français de la coopération sur les besoins exprimés par l'équipe pédagogique qui attend toujours des autorités françaises une réponse financière à la hauteur d'un problème qu'elle ne peut manifestement gérer seule.

Au moment où la délégation sénatoriale achevait sa mission au Bénin, une crise politique éclatait chez le voisin togolais , entraînant un afflux de nouveaux élèves et redonnant une actualité nouvelle aux requêtes exprimées par l'EFE Montaigne.

2. ....à la veille d'élections présidentielles décisives en 2006

C'est dans ce contexte de tension dans la sous-région que se tiendront les prochaines élections présidentielles, en 2006. Selon la Constitution, le président Kérékou, Président de la République du Bénin depuis 1996, qui a reçu en audience notre délégation sénatoriale, ne satisfera plus aux conditions d'éligibilité, puisqu'il a déjà effectué deux mandats successifs et a dépassé la limite d'âge. Dans cette perspective, deux solutions sont envisageables :

- soit il ne souhaite pas se représenter ;

- soit il souhaite se présenter et, dans ce cas, une modification de la Constitution est nécessaire, avec l'aval des députés.

A n'en pas douter, le déroulement et l'issue des élections présidentielles au Bénin aura un retentissement dans l'ensemble de la sous-région.

B. LES RESSORTS DE L'IDENTITE CULTURELLE BENINOISE

1. Le patrimoine historique et culturel

Le Bénin est riche d'une histoire longue et variée qu'elle entretient par une politique active de mémoire. Cette richesse s'exprime tant dans les langues, dans le patrimoine culturel, notamment architectural, que dans les rites religieux.

a) Le dynamisme linguistique, une richesse à préserver

En ce qui concerne les langues, le Bénin est riche de plus d'une vingtaine de langues nationales parlées par des groupes divers :


• Au sud : Aja, Waci, Gen, Xuéda, Xwla, Ayizo, Toli, et Fon ;


• Au sud-est : Yoruba et Gun ;


• Au centre : Maxi et Yoruba ;


• Au nord : Batumbu, Dendi, Mokole, Fulbe, Cenka, Hausa, Betammaribe, Waaba, Bebelbe, Natemba, Yowaet Lekpa.

Comme souvent en Afrique, il est très fréquent qu'un groupe parle plusieurs de ces langues à la fois, ce qui redouble les modes de communication entre les groupes culturels et les pays voisins aux relations commerciales très étroites et qui a pour effet de relativiser fortement le taux d'analphabétisme de 60 % fréquemment avancé par les institutions internationales, qui au-delà du français et de l'anglais, n'accordent que peu de crédit à la connaissance de ces langues locales.

La délégation sénatoriale estime que cette diversité linguistique est une richesse que le Bénin gagnerait à préserver , même si la mondialisation rend aujourd'hui la pratique des langues étrangères indispensable.

Concernant la langue française, héritage du colonisateur, devenue langue officielle dès l'indépendance du Bénin, force est de constater, comme partout en Afrique francophone, qu'elle est concurrencée vivement par l'anglais, langue des affaires et surtout des puissants voisins nigérian et ghanéen.

En ce sens, les enseignements en français délivrés par le Centre béninois de langues étrangères (CEBELAE) revêtent une importance particulière, comme la délégation sénatoriale s'en est aperçue lors de sa visite.


Le centre béninois des langues étrangères (CEBELAE)

Après moins de dix années d'existence, l'Université nationale du Bénin a créé en 1979 une structure dédiée à l'enseignement des langues étrangères et plus particulièrement du français, pour répondre à la demande émanant des pays voisins anglophones soucieux de renforcer la communication avec le Bénin.

Le CEBELAE a pour objectif de proposer aux enseignants, étudiants et cadres anglophones qui viennent se former au Bénin, des méthodes d'apprentissage modernes du français. Parallèlement, il délivre des enseignements en anglais aux étudiants, professeurs et cadres béninois sous forme de cours, de stages et de séjours culturels. Des certificats sanctionnent la formation reçue : le diplôme universitaire d'études françaises et le certificat d'aptitude à l'enseignement du français langue étrangère sont délivrés par l'Université d'Abomey Calavi ; le diplôme d'études de langue française et le diplôme approfondi de langue française sont remis par le ministère de l'éducation nationale.

Pour son fonctionnement, le CEBELAE bénéficie du concours de seize enseignants qui délivrent leurs enseignements dans quatre salles de cours (ayant une capacité d'accueil de 10 à 30 places chacune), une bibliothèque et une salle de lecture.

Source : CEBELAE

Pour l'année 2004-2005, le CEBELAE accueille 208 personnes pour formation, stage ou séjour culturel, parmi lesquelles majoritairement des Nigérians, des Ghanéens et des Equato-guinéens désireux d'apprendre la langue française . Un quart des personnes accueillies en formation sont des Béninois.

Public formé par le CEBELAE en 2004-2005

2002-2003

2003-2004

2004-2005

Ghanéens

137

37 %

151

45 %

152

73 %

Nigérians

112

31 %

95

28 %

3

1 %

Equato-guinéens

50

14 %

17

5 %

0

0 %

Béninois (cours de français langue étrangère)

67

18 %

74

22%

53

25 %

TOTAL

366

100 %

337

100 %

208

100 %

Source : CEBELAE

L'atout majeur du CEBELAE réside dans ses cinq résidences , installées au coeur de Cotonou, capables d'héberger environ 250 personnes en formation pendant la durée de leur séjour au Bénin.

Résidences du CEBELAE

Doguicimi

Bello

Davakan

Oye

TOTAL

Nombre de lits

45

121

36

36

247

Nombre de salles de classes

5

5

2

6

18

Source : CEBELAE

Le Gouvernement béninois a d'ores et déjà mis à disposition du CEBELAE un bâtiment situé dans le quartier des affaires de Cotonou. Il sera prochainement aménagé grâce à l'installation d'une bibliothèque sur les méthodes d'enseignement du français et d'un centre multimédia.

Toutefois, les résidences d'accueil ne lui appartenant pas, le CEBELAE est contraint de les louer, ce qui suppose une charge financière d'autant plus importante que le nombre de stagiaires à héberger augmente par rapport à ceux qui ne sont pas hébergés. Par ailleurs, compte tenu de la demande importante en formation, l'application du plan de développement du CEBELAE à Porto-Novo suppose des moyens financiers complémentaires (4 milliards de francs CFA) au titre de la coopération française.

b) Les religions

Les peuples du Bénin ont toujours pratiqué des cultes originaux selon les traditions de chaque groupe socio-culturel.

Dans l'Atacora, les religions nationales sont celles instituées par les premiers fondateurs autour de plusieurs divinités matérialisées par des éléments de la nature (pierre, serpent, arbre, etc.). Dans le sud et le Moyen-Bénin, on note une nette similitude entre les panthéons Yoruba et Aja-Fon. Le Dieu suprême est Orrica chez les Yoruba et Mahu-Lisaa chez les Aja-Fon. Autour du Dieu suprême (Dieu de tout l'univers) coexistent toute une série de puissances comme la divinité du tonnerre (Xebioso ou Cango), de la terre et de la variole (Sakpata ou Cankpana) ou encore de la guerre et du fer (Gu ou Ogun).

Les religions étrangères regroupent l'Islam, introduit par les marchands Arabes, Hausa et Songhaî dans tout le Borgou et jusqu'à Djougou, et au sein des peuples Yoruba ainsi que le Christianisme introduit par les missionnaires européens surtout dans les régions méridionales et centrales, et en pays Otammari.

La pratique religieuse reste encore très vivace au Bénin.

c) La sauvegarde du patrimoine culturel

Certaines villes sont de véritables mémoires vivantes. La délégation a visité trois d'entre elles : Abomey, Ouidah et Porto-Novo.

A Porto-Novo, la délégation sénatoriale a été accueillie à l'Ecole du Patrimoine Africain (EPA) dont le directeur, Alain Godonou lui a fait part de sa volonté de contribuer à la préservation du patrimoine culturel africain, en particulier béninois. En effet, les musées, les sites et monuments historiques ont indéniablement un rôle éducatif vis-à-vis des populations africaines et étrangères ; ils constituent un vecteur de promotion du tourisme culturel et de l'artisanat d'art, très vivaces au Bénin.

Parrainée par des personnalités aussi prestigieuses que Jacques Chirac, Président de la République française, Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, Alpha Omar Konaré, Président de la commission de l'Union africaine, l'EPA est, depuis sa création en 1998, entièrement tournée dans la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine culturel de vingt-six pays de l'Afrique subsaharienne par la formation, l'éducation au patrimoine, les prestations de services et l'édition spécialisée . En outre de ces missions fondamentales, l'EPA est devenue, également, un lieu de ralliement pour les artistes plasticiens africains.

Cette visite a permis à la délégation sénatoriale de réaliser l'ampleur du travail accompli par l'EPA. Au Bénin, l'EPA a déjà réalisé la réhabilitation du Jardin des plantes et de la nature de Porto-Novo ainsi que celle des palais royaux d'Abomey classés patrimoine mondial de l'UNESCO.

En ce qui concerne ses actions internationales, elle coordonne actuellement les activités d'inventaire des sites liés à la route des esclaves dans quinze pays africains. Elle participe à l'installation du Musée national du Burkina-Faso et du Musée panafricain de la musique au Congo. En collaboration avec l'Ecole africaine des métiers d'architecture et d'urbanisme de Lomé (Togo), l'EPA a entrepris de réhabiliter le centre historique de Porto-Novo.

Impressionnée par la qualité de sa démarche, la délégation sénatoriale a souhaité relayer les besoins exprimés par l'EPA.

D'abord, l'EPA, financièrement autonome, a besoin de contributions au fonds de soutien qu'elle a créé pour recueillir les 2,2 millions d'euros nécessaires à son fonctionnement et à ses investissements.

Etat des contributions au fonds EPA en janvier 2005

Source : EPA

Ensuite, la délégation sénatoriale souhaiterait attirer l'attention du ministère des affaires étrangères le projet « les musées au service du développement » dont l'objectif est d'améliorer l'offre culturelle et éducative des musées africains et qui pourrait être éligible au Fonds de solidarité prioritaire (FSP). Par le biais des organisations internationales francophones (comme l'OIF et Cités Unies France), il est également opportun que les élus locaux africains soient sensibilisés à la sauvegarde du patrimoine culturel de leurs villes dans le contexte de décentralisation actuellement en cours dans de nombreux Etats africains.

2. La contribution française à la valorisation du patrimoine culturel béninois

La délégation sénatoriale a été particulièrement sensible à l'activité du centre culturel français (le CCF) de Cotonou pour participer à la valorisation du patrimoine du Bénin. Grâce à la créativité de son directeur, Wily Dubos, le CCF a développé une programmation d'une très grande qualité, soucieuse de valoriser les artistes béninois, tant en matière de théâtre, de peinture que de sculpture.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page