Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 115 de M. Jacques LEGENDRE , Mme Odette HERVIAUX et M. André FERRAND , - 26 février 2014


Groupe interparlementaire d'amitié

France-Afrique de l'Ouest

Burkina Faso, Ghana, Côte d'Ivoire :

l'Afrique qui veut gagner

Compte rendu du déplacement

effectué par une délégation du groupe

au Burkina-Faso, au Ghana et en Côte d'Ivoire

du 15 au 21 septembre 2013

La délégation était composée de :

Au Burkina Faso

•  M. Jacques LEGENDRE (UMP), Sénateur du Nord, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest ;

•  Mme Odette HERVIAUX (SOC), Sénatrice du Morbihan, Secrétaire du groupe interparlementaire d'amitié.

Au Ghana et en Côte d'Ivoire

•  M. Jacques LEGENDRE (UMP), Sénateur du Nord, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest ;

• M. André FERRAND (UMP), Sénateur représentant les Français établis hors de France, Président délégué du groupe interparlementaire d'amitié pour la Côte d'Ivoire ;

•  Mme Odette HERVIAUX (SOC), Sénatrice du Morbihan, Secrétaire du groupe interparlementaire d'amitié.

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N° GA 115 - Février 2014

INTRODUCTION

Le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat, qui comprend 69 membres, couvre 16 pays d'Afrique de l'Ouest, c'est-à-dire :

- les 15 pays membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo ;

- ainsi que la Mauritanie.

Après s'être rendu au Nigeria en 2009, au Sénégal, au Cap-Vert et en Gambie en 2010, le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest a souhaité qu'une délégation puisse se rendre dans trois pays au cours de l'année 2013 : au Burkina Faso, au Ghana et en Côte d'Ivoire. Ces trois pays entretiennent en effet des liens étroits et présentent certaines problématiques communes, qu'il était intéressant d'appréhender au cours de ce déplacement.

La délégation tient à remercier l'ensemble des services diplomatiques français qui ont contribué au bon déroulement de cette mission et en particulier :

- M. Gilles Thibault, Ambassadeur de France au Burkina Faso, son prédécesseur M. Emmanuel Beth, ainsi que Mme Véronique Dan, première conseillère, son prédécesseur M. Didier Maze, et M. Eric Bosc, deuxième conseiller ;

- M. Nicolas Warnery, Ambassadeur de France au Togo ;

- M. Frédéric Clavier, Ambassadeur de France au Ghana, et Mme Cécile Vigneau, première conseillère ;

- M. Georges Serre, Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, et M. Laurent Souquière, premier conseiller.

La délégation du groupe interparlementaire d'amitié s'est attachée à rencontrer des parlementaires ou des personnalités politiques appartenant à la majorité au pouvoir et à l'opposition.

PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION
DU 15 AU 21 SEPTEMBRE 2013

Dimanche 15 septembre 2013

10h40

Départ de Paris - Aéroport de Roissy Charles de Gaulle

16h25

Arrivée à Ouagadougou

19h30

Dîner à la Résidence de France avec S. Exc. M. l'Ambassadeur de France au Burkina Faso, la première conseillère et les chefs de service de l'Ambassade

Lundi 16 septembre 2013

7h30

Petit déjeuner avec des conseillers du commerce extérieur

9h00

Entretien avec M. Soungalo Appolinaire Ouattara, Président de l'Assemblée nationale du Burkina Faso

10h00

Entretien avec M. Jérôme Bougouma, ministre de l'Administration territoriale et de la Sécurité

11h00

Visite de l'Institut français

13h00

Déjeuner de travail sur la décentralisation et les réformes constitutionnelles, avec M. Toussaint Abel Coulibaly, ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Mme Fatoumata Diendéré, Vice-présidente de l'Assemblée nationale et Présidente du groupe interparlementaire d'amitié Burkina Faso-France, M. Thomas Baguemzanre, secrétaire général de l'Association des Maires du Burkina Faso et maire de Kindi ; Mme Honorine Illa, directrice générale de la décentralisation ; M. Vincent Bertout, expert technique international sur la décentralisation

15h00

Entretien avec M. Lamoussa Tiaho, directeur de cabinet de M. Arsène Yè, ministre d'État chargé des Relations avec les institutions et des Réformes politiques

16h00

Entretien avec M. Djibrill Bassolé, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale

17h30

Entretien avec M. Roch Marc Christian Kaboré, ancien Président de l'Assemblée nationale

20h00

Dîner avec M. l'Ambassadeur de France

Mardi 17 septembre 2013

7h30

Petit déjeuner avec M. Zéphirin Diabré, président de l'Union pour le Changement (UPC), chef de file de l'opposition

9h30

Entretien avec les élus municipaux de Ouagadougou puis visite du marché central de Ouagadougou, reconstruit avec l'appui de l'Agence française de développement (AFD)

11h15

Entretien avec les membres du groupe interparlementaire d'amitié Burkina Faso-France

12h30

Déjeuner de travail sur les questions culturelles et d'enseignement avec M. Didier Devilard, proviseur du lycée français Saint-Exupéry de Ouagadougou, et Mme Marine Leloup, directrice de l'Institut français

14h00

Départ pour l'aéroport puis vol à destination de Lomé

19h30

Dîner de travail sur les questions de sécurité avec M. l'Ambassadeur de France au Togo et les chefs de service concernés

Mercredi 18 septembre 2013

7h45

Petit déjeuner avec les conseillers du commerce extérieur (M. André Ferrand)

9h30

Entretien avec Son Excellence M. Edward Adjaho, Speaker du Parlement ghanéen, M. le Vice-Président du Parlement et M. le leader de la majorité

11h00

Entretien avec Son Excellence M. John Dramani Mahama, Président de la République du Ghana

12h30

Entretien avec M. Samuel Okudreto Ablakwa, vice-ministre de l'Éducation nationale

13h30

Déjeuner de travail sur le thème du développement avec les représentants de l'Agence française de développement

14h30

Visite du lycée français Jacques Prévert d'Accra

16h00

Visite de l'Alliance française d'Accra

17h30

Rencontre avec des chefs d'entreprise ghanéens

18h30

Point presse

19h30

Réception à la Résidence de France avec la communauté française

Jeudi 19 septembre 2013

10h00

Visite du fort d'Elmina puis déjeuner et route vers la frontière ivoirienne

17h30

Passage de la frontière à destination de la Côte d'Ivoire puis route vers Abidjan

20h30

Dîner de travail à la Résidence de France avec M. l'Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, M. le premier conseiller, les chefs de service de l'ambassade et le commandant de la Force Licorne

Vendredi 20 septembre 2013

7h30

Petit déjeuner avec les élus des Français de l'étranger et les représentants des principales associations françaises en Côte d'Ivoire

9h00

Cérémonie relative à la signature de cinq conventions du contrat de désendettement et de développement (C2D) en présence du Premier ministre, de la ministre déléguée de l'Économie et des Finances, de l'Ambassadeur de France et du Directeur Afrique subsaharienne de l'Agence française de développement (AFD)

10h00

Entretien avec Mme Sarra Fadika Sako, Première Vice-Présidente de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, et Mme Emilienne Bobi Assa, Présidente de la commission des Relations extérieures de l'Assemblée nationale, puis réunion de travail avec les membres de la commission des relations extérieures

12h00

Visite du lycée Blaise Pascal

13h00

Déjeuner offert par l'Ambassadeur de France à l'occasion de la signature des conventions C2D, en présence de M. Moussa Dosso, ministre d'État, ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la Formation professionnelle

15h30

Entretien avec M. Ali Coulibaly, ministre de l'Intégration africaine et des Ivoiriens de l'extérieur

16h30

Entretien avec M. Paul Koffi Koffi, ministre délégué à la Défense

17h30

Entretien avec M. Charles Kablan Duncan, Premier ministre et ministre de l'Économie et des Finances, suivi d'une conférence de presse

19h00

Réception à la Résidence de France avec la communauté française, les conseillers du commerce extérieur, des membres de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire et des représentants des milieux associatif, économique et culturel

Samedi 21 septembre 2013

8h30

Petit déjeuner de travail sur les thèmes de l'éducation et de la formation professionnelle

10h00

Visite du chantier du pont Henri Konan Bédié

11h50

Entretien avec le ministre des Sports et le président de la fédération ivoirienne de boxe puis cérémonie de remise par la délégation de deux paires de gants de boxe à la fédération ivoirienne de boxe

12h45

Déjeuner avec Mmes Sarra Fadika Sako, Première Vice-Présidente de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, Emilienne Bobi Assa, Présidente de la commission des Relations extérieures de l'Assemblée nationale, et les membres de la commission des Relations extérieures

15h00

Entretien avec M. Pascal Affi Nguessan, Président du Front populaire ivoirien (FPI), et MM. Alcide Djédjé et Dano Djédjé

16h00

Entretien avec M. Gaston Ouassénan Koné, vice-président du PDCI et président du groupe parlementaire PDCI à l'Assemblée nationale, et M. Kouamé Nguessan, député

17h00

Entretien avec M. Joël N'Guessan, porte-parole du Rassemblement des Républicains (RDR)

19h20

Restitution avec M. l'Ambassadeur de France

20h30

Départ pour l'aéroport puis vol à destination de Paris

PREMIÈRE PARTIE :
BURKINA FASO (15-17 SEPTEMBRE)

Le déplacement de la délégation du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest au Burkina Faso avait trois objectifs principaux :

- consolider les liens d'amitié et de travail unissant les parlementaires français et burkinabè : M. Soungalo Appolinaire Ouattara, Président de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, avait ainsi conduit une délégation de parlementaires et de fonctionnaires de l'Assemblée nationale du Burkina Faso au Sénat au mois de mai 2013, qui avait été suivie d'une autre délégation au mois de juin, conduite par le Premier Questeur, afin de renforcer la coopération interparlementaire ;

- prendre la mesure de l'évolution de la situation politique intérieure : celle-ci s'est tendue depuis le début de l'année 2013, le Président du Faso, M. Blaise Compaoré, devant faire face à une contestation de son projet de création d'un Sénat ;

- faire le point sur la situation sécuritaire dans la bande sahélienne et, plus largement, en Afrique de l'Ouest , compte tenu du rôle de la diplomatie burkinabè dans le conflit malien.

Le Burkina Faso : éléments clés

Données démographiques

Population : 16,6 millions d'habitants (Banque Mondiale, 2013 )

Densité : 54 hab/km²

Croissance démographique : 3 % (Banque Mondiale, 2013 )

Espérance de vie : 55 ans (Banque Mondiale, 2011 )

Taux d'alphabétisation : 29 %

Religion(s) : Islam (60,5 %), christianisme (23,2 %) animisme (15,3%), autres/sans (1 %) (CIA World Factbook)

Indice de développement humain : 183 ème sur 186 pays (PNUD)

Classement Transparency International : 83 ème sur 177 pays ( 2013 )

Données économiques :

PIB en 2012: 10,5 milliards de dollars US (Banque Mondiale)

PIB par habitant en 2012 : 660 dollars US (Banque Mondiale)

Taux de croissance en 2012 : 9 % (Banque Mondiale)

Taux d'inflation en 2012 : 3,6 %

Solde budgétaire en 2012 : - 3,1 % du PIB (FMI)

Balance commerciale en 2012 : - 7,6 % du PIB (FMI)

Principaux clients en 2009 (Economist Intelligence Unit) : Singapour (9,8 %), Belgique (7,4%), Chine (4,4 %), Thaïlande (6,6%), Ghana (4%), Inde (2,9 %)

Principaux fournisseurs en 2009 (Economist Intelligence Unit) : Côte d'Ivoire (22,3 %), France (17,9 %), Togo (5,9 %), Afrique du Sud (3,2%), Belgique (3,1 %)

Part des principaux secteurs d'activité dans le PIB en 2009 (Economist Intelligence Unit) :

- agriculture : 34,1 %

- industrie : 26,5 %

- services : 39,3 %

Exportations de la France vers le Burkina Faso en 2012 : 262,7 millions d'euros (DGTPE)

Importations françaises depuis le Burkina Faso en 2012 : 7,7 millions d'euros (DGTPE)

Communauté française en 2013 : 3 550 inscrits

Communauté burkinabé en France : 3 101 ( 2007 )

Source : ministère des Affaires étrangères

I. LA POLITIQUE INTÉRIEURE : DANS L'ATTENTE DE LA PROCHAINE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

A. UN PAYSAGE POLITIQUE RENOUVELÉ À LA SUITE DES ÉLECTIONS DE 2012

Le système politique burkinabè reste dominé par la figure du Président du Faso, M. Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987.

À la mi-février 2011, le Burkina Faso a été confronté à de nombreuses manifestations (à la suite notamment du décès d'un collégien à Koudougou) et à des mutineries militaires (notamment à Ouagadougou à la mi-avril et à Bobo Dioulasso début juin) qui se sont traduites par des violences, des pillages et des attaques contre des symboles du pouvoir. Le Président Compaoré a entamé en mars 2011 des consultations avec les forces vives du pays. Il a procédé au remplacement de certains responsables militaires et a nommé le 21 avril 2011 un nouveau gouvernement dirigé par M. Luc-Adolphe Tiao, qui a annoncé des mesures d'urgence budgétaires et fiscales.

Les élections législatives de décembre 2012 ont mis en évidence plusieurs tendances :

- le parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), est le parti ayant rassemblé le plus de suffrages en dépit d'un recul par rapport aux élections précédentes : 55,11 % des voix, lui donnant 70 sièges sur 127 à l'Assemblée nationale (contre 65,76% et 73 députés sur 111 au cours de la précédente mandature). Ce parti est aujourd'hui en recomposition, certaines grandes figures comme l'ancien Président de l'Assemblée nationale, M. Roch Marc Christian Kaboré, que la délégation a rencontré, s'étant mises en retrait de la vie politique, avant d'annoncer, le 4 janvier 2014, leur démission du CDP, puis la création d'un nouveau parti politique ( cf. infra ) ;

- une nouvelle force politique est apparue : l'Union pour le changement (UPC), dont la délégation a rencontré le président, M. Zéphirin Diabré, devenu chef de file de l'opposition politique (CFOP) en tant que représentant du plus important parti d'opposition à l'Assemblée nationale. L'UPC, qui se présentait pour la première fois, a obtenu 19 sièges à l'Assemblée nationale ;

- enfin, l'ADF-RDA a vu son influence se réduire au Parlement : 10 députés sur 18 ont été reconduits. Ce parti se situe plutôt dans la mouvance présidentielle, même s'il a pu se montrer critique sur le projet de création d'un Sénat ( cf. infra ).

La notion de chef de file de l'opposition politique

Le statut de l'opposition, d'abord été défini par la loi n° 007-2000/AN du 25 avril 2000 portant statut de l'opposition politique, a été revu par la loi n° 009-2009/AN du 14 avril 2009, portant le même titre que la précédente.

Cette loi définit plus précisément la notion de parti d'opposition et précise, dans ses articles 14 à 19, la notion, le statut et le rôle du chef de file de l'opposition politique :

« Article 14 : Le chef de file de l'opposition est le porte-parole attitré de l'opposition politique.

« Article 15 : Le chef de file de l'opposition est le premier responsable du parti de l'opposition ayant le plus grand nombre d'élus à l'Assemblée nationale.

« En cas d'égalité de sièges, le chef de file de l'opposition est le premier responsable du parti ayant totalisé le plus grand nombre de suffrages exprimés aux dernières élections législatives.

« Article 16 : Le chef de file de l'opposition est désigné par résolution du bureau de l'Assemblée nationale.

« Cette résolution est transmise au gouvernement et publiée au Journal officiel.

« Le Conseil constitutionnel est compétent pour tout contentieux relatif à la désignation du chef de file de l'opposition.

« Article 17 : Dans l'exercice de ses fonctions, le chef de file de l'opposition doit tenir compte des intérêts supérieurs de la Nation, de sa souveraineté et du bon fonctionnement de l'ensemble des institutions dans l'esprit de la complémentarité républicaine.

« Article 18 : Le chef de file de l'opposition prend place dans le protocole d'État lors des cérémonies et des réceptions officielles dans les conditions fixées par le décret relatif aux préséances.

« Article 19 : Les avantages et les privilèges du chef de file de l'opposition sont fixés par résolution du bureau de l'Assemblée nationale. »

Source : Centre pour la Gouvernance Démocratique Burkina Faso, CGD Info n° 12-2009

B. UNE HYPOTHÈQUE : LA RÉVISION DE L'ARTICLE 37 DE LA CONSTITUTION

Aux termes de l'article 37 de la Constitution burkinabè, tel qu'il résulte de la loi n° 003-2000/AN du 11 avril 2000, « le Président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois ».

Il résulte de cette disposition, entrée en vigueur à compter de l'élection présidentielle de 2005, que le Président Compaoré ne devrait pas pouvoir briguer un nouveau mandat lors des prochaines élections, qui auront lieu en 2015.

Pourtant, certains prêtent au Président Blaise Compaoré l'intention de modifier la Constitution afin de pouvoir se représenter. Ces craintes se sont notamment exprimées en 2012, lors de l'examen du projet de loi créant le Sénat. Elles ont depuis pris de l'ampleur, même si l'article 37 n'a pas été modifié jusqu'ici.

Le Président du Faso lui-même entretient le doute sur ses intentions en vue de la présidentielle de 2015. Il a ainsi évoqué l'hypothèse d'un référendum pour réviser, le cas échéant, l'article 37 de la Constitution : « Pour l'article 37, je sais qu'il y a effectivement beaucoup de débats là-dessus. La Constitution a ciblé des points qui ne peuvent pas être modifiés. Nous avons une Constitution, dont la référence suprême, c'est le peuple. Donc le peuple sera consulté sur la question, s'il y a nécessité » 1 ( * ) .

Cette incertitude pèse sur le climat politique d'ensemble.

C. UN POINT DE TENSION : LE PROJET DE CRÉATION D'UN SÉNAT

Dans le cadre de sa visite, la délégation a été amenée à aborder à plusieurs reprises la question de la création d'un Sénat au Burkina Faso.

Le débat politique s'est, en effet, cristallisé sur cette question au cours de l'année 2013, la création du Sénat ayant été perçue par l'opposition comme un moyen de réviser l'article 37 de la Constitution.

Comme l'analyse un rapport de l'International Crisis Group, « avec 70 sièges sur 127, Blaise Compaoré ne dispose plus automatiquement des deux tiers des députés nécessaires pour modifier la Constitution par le seul vote de l'Assemblée nationale. C'est ici que le projet de création du Sénat prend tout son sens. Car le Sénat lui donne la possibilité de s'assurer une majorité parlementaire pour modifier la Constitution sans passer par la voie référendaire. En effet, depuis l'adoption de la loi portant création du Sénat, le président peut demander une réunion des deux chambres en Congrès, dans quatre cas de figure, dont une procédure de révision de la Constitution » 2 ( * ) .

L'idée de créer un Sénat au Burkina Faso fait partie des propositions de réformes politiques issues du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) mis en place en mai 2011, à la suite des engagements pris par le Président Compaoré lors de l'élection présidentielle de 2010.

La création d'un Sénat au Burkina Faso a été inscrite dans la Constitution burkinabè à l'occasion de la révision constitutionnelle du 11 juin 2012 (loi constitutionnelle n°033-2012/AN), déclinée par la loi organique n° 018-2013/AN du 21 mai 2013 portant organisation et fonctionnement du Parlement, adoptée par 81 voix sur 127.

Elle consacre ainsi un retour au bicamérisme, puisqu'une Chambre des Représentants a existé aux côtés de l'Assemblée nationale jusqu'à sa suppression en 2002 (loi n° 001-2002/AN du 22 janvier 2002).

L'article 80 de la Constitution dispose que le Sénat est composé de représentants des collectivités territoriales, des autorités coutumières et religieuses, du patronat, des travailleurs, des Burkinabè vivant à l'étranger et de personnalités nommées par le président du Faso. Les sénateurs représentant les collectivités territoriales sont élus par les élus locaux de leurs régions respectives au suffrage universel indirect. Les sénateurs représentant les autorités coutumières et religieuses, les travailleurs, le patronat et les Burkinabè de l'étranger sont désignés par leurs structures respectives. Nul ne peut être élu ou nommé sénateur s'il n'a 45 ans révolus au jour du scrutin ou de la nomination.

La durée du mandat des sénateurs est fixée à 6 ans, contre 5 ans pour les députés.

En cas de vacance de la Présidence du Faso, quelle qu'en soit la cause, ou d'empêchement absolu ou définitif constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement, les fonctions du Président du Faso sont exercées par le Président du Sénat. Il est alors procédé à l'élection d'un nouveau président pour une nouvelle période de 5 ans, 60 jours au moins et 90 jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l'empêchement. Le Président du Sénat exerçant ainsi les fonctions de Président du Faso ne peut pas être candidat à cette élection présidentielle.

En application de l'article 7 de la loi précitée du 21 mai 2013, le Sénat devait comprendre 89 membres :

- 39 sénateurs élus représentant les collectivités territoriales, à raison de 3 par région ;

- 16 sénateurs représentant certaines autorités, à raison de 4 pour les autorités coutumières et traditionnelles, 4 pour les autorités religieuses, 4 pour les organisations syndicales de travailleurs et 4 pour les organisations reconnues du patronat burkinabè ;

- 5 sénateurs élus représentant les Burkinabè vivant à l'étranger à raison de 2 sièges pour le continent africain, un siège pour le continent européen, un siège pour le continent américain et un siège pour le continent asiatique ;

- 29 sénateurs pourvus par voie de nomination du Président du Faso.

Des élections sénatoriales ont eu lieu le 28 juillet 2013 afin de désigner les 39 sénateurs représentant les collectivités territoriales et le 4 août 2013 afin de désigner les 5 sénateurs représentant les Burkinabè vivant à l'étranger.

Toutefois, à la suite du mouvement de contestation de la création du Sénat qui s'amplifiait (nombreuses manifestations à l'été 2013), les critiques portant en particulier sur le coût de la nouvelle institution et sur le motif supposé de sa création (crainte que cela ne vise en réalité à permettre une modification de l'article 37 de la Constitution), le Président Compaoré a demandé au Premier ministre et au ministre d'État chargé des relations avec les institutions et des réformes politiques de convoquer le « comité de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre des réformes politiques consensuelles », afin de lui remettre un « rapport d'étape circonstancié sur l'opérationnalisation du Sénat ». Ce rapport, en date du 29 août 2013, a été remis à la délégation sénatoriale par le directeur de cabinet de M. Bongnessan Arsène Yè, ministre chargé des Relations avec les Institutions et des Réformes politiques.

Ce rapport évoque plusieurs pistes de solution pour sortir de la crise , notamment la réduction de l'âge d'éligibilité des sénateurs (de 45 à 35 ou 30 ans), la réduction du nombre de sénateurs (de 89 à 71), la révision à la baisse du nombre de sénateurs nommés par le Président du Faso (sans citer de chiffre), l'ouverture des candidatures au Sénat à tout citoyen militant d'une formation politique, la création d'une commission mixte paritaire en cas de désaccord entre le Sénat et l'Assemblée nationale 3 ( * ) ainsi que la saisine en premier lieu du Sénat sur les projets de loi traitant de questions d'ordre religieux, enfin, la limitation du coût de fonctionnement du Parlement.

Le Président Blaise Compaoré a depuis lors répété que le Sénat serait mis en place : « Il y a dans les discussions que nous continuons à avoir des échanges sur des aménagements à faire notamment en ce qui concerne la composition du Sénat. Ce qu'il faut retenir, c'est que le Sénat est inscrit dans la Constitution aujourd'hui. Et ce n'est pas à moi, président du Burkina Faso, qu'on va demander de ne pas appliquer ce qui est inscrit dans la Constitution. Donc le Sénat se mettra en place » 4 ( * ) .

Dans l'attente de cette situation, l'Assemblée nationale a adopté, le 12 novembre 2013, un projet de loi constitutionnelle lui permettant d'assumer la plénitude des attributions du Parlement jusqu'à la mise en place du Sénat.

Davantage que l'idée elle-même de création d'un Sénat, c'est le contexte de sa mise en oeuvre qui semble constituer une difficulté majeure.

D. L'ÉMERGENCE D'UN NOUVEAU PARTI FONDÉ PAR D'ANCIENNES GRANDES FIGURES DU PARTI PRÉSIDENTIEL

Depuis le déplacement de la délégation de votre groupe au Burkina Faso, le Président Compaoré a reçu en audience, le 14 novembre 2013, une délégation conduite par le chef de file de l'opposition politique, ce qui peut apparaître comme un signe positif, dans la mesure où celui-ci avait indiqué à la délégation ne pas avoir été reçu par le Président depuis le renouvellement de l'Assemblée nationale.

Cependant, la situation du parti majoritaire, le CDP, a depuis lors évolué, certaines figures historiques du parti comme MM. Roch Marc Christian Kaboré, ancien Premier ministre et ancien Président de l'Assemblée nationale, Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou, et Salif Diallo, ancien ministre, ayant, par lettre ouverte datée du 4 janvier 2014, annoncé leur démission du parti, entraînant avec elles plusieurs membres. Dans cette lettre, ils critiquent notamment le mode de fonctionnement du parti mais pointent également la politique conduite par le chef de l'État, en indiquant en particulier que « nous sommes en train d'assister à des tentatives d'imposer la mise en place du Sénat au forceps et à des velléités de réviser la Constitution dans le but de sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels dans un contexte où le peuple est profondément divisé ».

Alors que les propositions du « rapport d'étape circonstancié sur l'opérationnalisation du Sénat » visaient à apaiser la situation politique, la volonté continue du chef de l'État de mettre en oeuvre cette réforme et l'hypothèque de la révision de l'article 37 de la Constitution continue à troubler le paysage politique burkinabè, en concernant cette fois le parti présidentiel lui-même.

II. UN PAYS PIVOT DANS LA SOUS-RÉGION

A. DES LIENS TRÈS ÉTROITS AVEC LA CÔTE D'IVOIRE, MATÉRIALISÉS PAR DES CONSEILS DES MINISTRES CONJOINTS

Les liens entre le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire sont très étroits et la coopération entre les deux États, excellente, comme l'ont affirmé à la fois les autorités burkinabè et les autorités ivoiriennes.

De nombreuses rencontres bilatérales ont ainsi lieu entre les autorités des deux pays.

Le développement sur le long terme de l'économie burkinabè est en effet tributaire de la Côte d'Ivoire et les responsables burkinabè misent sur un renforcement de l'intégration économique et la réalisation de grands projets d'infrastructures, comme la modernisation de la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya et son prolongement jusqu'à Tambao, en vue de l'écoulement du gisement de manganèse vers le port d'Abidjan.

Ces relations étroites se traduisent par une intense coopération au sommet et la tenue régulière de conseils des ministres conjoints . Ainsi, dans le cadre du Traité d'amitié et de coopération entre le Burkina Faso et la République de Côte d'Ivoire signé le 29 juillet 2008, s'est tenue à Yamoussoukro, le 30 juillet 2013, la troisième conférence au sommet 5 ( * ) présidée par les deux chefs d'État, qui a été précédée de réunions d'experts, d'une rencontre ministérielle sectorielle et d'un conseil de Gouvernement. Au cours de ce sommet a notamment été créé un Comité conjoint de suivi de la fluidité du trafic et de la libre circulation des personnes et des biens sur les corridors des deux pays, ainsi que sur la facilitation du commerce et des transports.

B. UNE DIPLOMATIE TRÈS ACTIVE

Au-delà de ces relations privilégiées avec la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso a une diplomatie très active.

Doyen des chefs d'État en Afrique de l'Ouest, le Président Compaoré a en effet joué un rôle essentiel de médiation dans différentes crises : Togo, Côte d'Ivoire, Guinée, Niger et plus récemment Mali ( cf . infra ). La diplomatie burkinabè a également contribué à la libération d'otages dans la bande sahélienne.

En outre, le Président Compaoré a été élu par ses pairs à la présidence de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pendant 2 années consécutives (2007 et 2008), le Burkina Faso a siégé au Conseil de sécurité comme membre non permanent pour le biennum 2008-2009 et son ministre des Affaires étrangères, M. Djibrill Bassolé, a été nommé médiateur conjoint de l'Union Africaine et des Nations Unies au Darfour jusqu'en avril 2011 (date de son rappel au gouvernement). De même, c'est un Burkinabè, l'ancien Premier ministre Kadré Désiré Ouedraogo, qui préside la Commission de la CEDEAO depuis février 2012.

Le Président Compaoré et son ministre des Affaires étrangères, M. Djibrill Bassolé, avec lequel la délégation du groupe interparlementaire d'amitié a notamment pu échanger sur les questions sécuritaires, de même qu'avec le ministre de l'Administration et de la Sécurité, M. Jérôme Bougouma, disposent ainsi d'une vision d'ensemble des enjeux de la sous-région d'Afrique de l'Ouest.

C. UN RÔLE DÉTERMINANT DANS LA RÉSOLUTION DE LA CRISE MALIENNE

À la suite du coup d'État du 22 mars 2012 au Mali, la CEDEAO a mandaté le Burkina Faso comme médiateur sur la crise malienne. Deux missions lui ont été confiées : régler la crise institutionnelle et instaurer un processus de négociation entre l'État malien et les groupes armés du Nord.

Si cette médiation a fait l'objet de critiques, certains reprochant à la médiation burkinabé une position trop conciliante avec les putschistes, elle a porté ses fruits. Un « accord préliminaire à l'élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali » a ainsi été conclu à Ouagadougou le 18 juin 2013. Le nouveau Président malien, M. Ibrahim Boubacar Keïta, s'est rendu à Ouagadougou en septembre 2013 pour remercier le Président du Faso pour son action.

Le Burkina Faso a également contribué à la bonne réussite de l'opération Serval et a envoyé un contingent de 650 hommes pour participer aux forces de la MINUSMA 6 ( * ) , ce qui constitue un effort important.

III. DES RELATIONS FORTES AVEC LA FRANCE

A. DES ÉCHANGES NOURRIS AU NIVEAU PARLEMENTAIRE

Les échanges interparlementaires entre la France et le Burkina Faso sont nombreux.

Il convient en outre de rappeler que le Président de l'Assemblée nationale du Burkina Faso a parallèlement exercé les fonctions de président de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie de 2011 à 2013, ce qui a contribué à renforcer les liens de travail entre parlementaires français et burkinabè.

Le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat a notamment reçu, en 2013, une délégation conduite par M. Soungalo Appolinaire Ouattara, Président de l'Assemblée nationale, dans le cadre d'une opération de coopération interparlementaire. Une autre délégation conduite par M. le Premier Questeur s'est également rendue au Sénat en juin 2013 dans le cadre d'une autre opération de coopération interparlementaire, qui constitue un moyen fort d'échanges de savoirs et de bonnes pratiques.

Lors de ce déplacement, la délégation sénatoriale a échangé avec les membres du groupe interparlementaire d'amitié Burkina Faso-France (29 membres), présidé par Mme Fatoumata Diendéré/Diallo, vice-Présidente de l'Assemblée nationale.

Elle a appelé de ses voeux une intensification des échanges entre les deux groupes dans les prochaines années.

B. UNE COOPÉRATION INTENSE

1. La prépondérance de l'aide publique au développement de la France

La coopération entre la France et le Burkina Faso est très intense, tant au niveau de la coopération nationale qu'au niveau de la coopération décentralisée.

Le montant global de l'aide publique au développement de la France, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral, a atteint 98,1 millions d'euros en 2011 , en diminution par rapport aux années précédentes (126,8 millions d'euros en 2007, 138,8 en 2008, 112,5 en 2009 et 100,2 en 2010). L'aide publique au développement bilatérale (y compris les annulations de dettes) s'est élevée à plus de 56 millions d'euros en 2011, faisant de la France le premier bailleur de fonds bilatéral du Burkina Faso, devant les États-Unis, les Pays-Bas, l'Allemagne et le Danemark. Ce montant place le pays au 4 ème rang des bénéficiaires de l'aide publique bilatérale au développement en Afrique de l'Ouest et au 19 ème rang global.

Parallèlement, on observe une montée en puissance de l'aide publique au développement en provenance des États-Unis, passée globalement de 39,5 millions en 2007 à 76,1 millions d'euros en 2011, - dont 17,5 millions à 48,4 millions d'euros au titre de l'aide publique bilatérale sur la même période -, plaçant ce pays en deuxième position au titre de l'aide publique bilatérale.

La coopération bilatérale française évolue fortement vers l'aide programme » 7 ( * ) et l'aide budgétaire sous l'impulsion de la démarche d'harmonisation des aides (création du groupe de Soutien Budgétaire Conjoint (SBC-CSLP) en 2002, qui réunit les principaux bailleurs de fonds sous la présidence du ministre des Finances burkinabé), et de la définition par les autorités burkinabé d'un cadre général des aides budgétaires en 2005. La coopération française se concentre désormais sur des secteurs définis. Le document-cadre de partenariat 2006-2010, d'un montant indicatif prévisionnel de 302 millions d'euros, en phase avec les objectifs du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) défini par les autorités burkinabè, visait à recentrer la coopération sur trois secteurs (infrastructures, eau et assainissement, éducation de base) et trois axes transversaux (appui à la bonne gouvernance et État de droit, promotion de la francophonie et des liens culturels, enseignement supérieur et recherche).

Le nouveau document cadre de partenariat pour la période 2013-2015 , signé à Ouagadougou le 2 décembre 2013, définit cinq axes de coopération , pour un montant prévisionnel compris entre 260 et 305 millions d'euros : la coopération en matière de gouvernance, la coopération culturelle, l'appui au développement durable, l'appui aux secteurs sociaux et l'appui à une agriculture durable.

La délégation du groupe interparlementaire d'amitié, après avoir rencontré plusieurs membres du conseil municipal de Ouagadougou, a notamment pu visiter le nouveau marché de la capitale, financé grâce à une aide apportée par l'Agence française de développement, le précédent marché ayant été ravagé par un incendie.

2. Une coopération décentralisée très dynamique

Un mouvement important de décentralisation a été mis en place au Burkina Faso après les élections communales de 2006, qui s'est traduit par la mise en place de 351 communes (302 communes rurales et 49 communes urbaines) et 13 régions . Les missions assignées depuis 2009 aux collectivités locales recouvrent notamment les domaines de la santé, de l'éducation, de l'eau et de l'assainissement, ainsi que de la jeunesse, des sports et de la culture. Les collectivités territoriales manquent toutefois encore de moyens pour exercer pleinement l'ensemble de ces missions, comme l'a indiqué le ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, M. Toussaint Abel Coulibaly. Afin de parachever le mouvement de décentralisation, le gouvernement burkinabè s'est doté d'un cadre stratégique de mise en oeuvre de la décentralisation et s'est doté d'un ministère plein en charge du secteur.

Ce mouvement a été appuyé par la France au niveau national, mais également via la coopération décentralisée, qui, en prenant en compte le co-financement du ministère des Affaires étrangères, constitue la seconde contribution au budget des collectivités territoriales après la dotation de l'État burkinabè.

Ainsi, 161 collectivités territoriales françaises sont engagées au Burkina Faso, portant 316 projets de coopération décentralisée auprès de 214 autorités locales partenaires. Les premiers jumelages entre collectivités françaises et burkinabè remontent à 1965. On estime aujourd'hui que 110 à 120 partenariats de coopération décentralisée sont véritablement actifs , ce qui représente en moyenne un budget de 5 à 10 millions d'euros annuels (en incluant les co-financements du ministère des Affaires étrangères).

Des assises de la coopération décentralisée franco-burkinabè devraient être organisées en 2014 pour approfondir cette relation et rendre encore plus efficiente l'action des collectivités territoriales françaises. Dans le prolongement du déplacement, notre collègue Michèle André, vice-présidente du groupe interparlementaire d'amitié, a pu s'en entretenir avec une délégation conduite par M. Toussaint Abel Coulibaly le 13 décembre 2013. Le groupe d'amitié suivra cette manifestation avec intérêt.

C. DEUX ATOUTS CULTURELS : LE LYCÉE FRANÇAIS ET L'INSTITUT FRANÇAIS

La délégation de votre groupe interparlementaire d'amitié a pu se rendre à l'Institut français et avoir des échanges approfondis avec le proviseur du lycée français de Ouagadougou, qui sont deux atouts majeurs de la France sur le plan culturel.

L'Institut, qui dispose d'un budget annuel de près de 800 000 euros, est présent à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Il dispose d'une salle de cinéma et d'une salle de spectacle en plein air, largement utilisées, d'une médiathèque attractive (48 000 prêts, 3 500 inscrits), d'un café pouvant également recevoir des concerts et abrite un pôle Campus France qui traite environ 800 dossiers de demandes de visa par an, avec des demandes croissantes pour les filières techniques (IUT, secteurs de l'agriculture et de l'environnement). L'Institut apparaît ainsi comme un outil culturel majeur à Ouagadougou, ce dont la délégation a pu se féliciter. Elle a également eu des échanges avec la directrice de l'Institut français concernant le festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (FESPACO), qui contribue au rayonnement de la ville mais qui doit continuer à investir et à se professionnaliser pour conserver son rang prestigieux, face à la montée en puissance de nouveaux acteurs dans d'autres pays.

La rencontre avec le proviseur du lycée français Saint-Exupéry, qui regroupe un millier d'élèves (500 en primaire et 500 au collège et au lycée), a permis d'échanger sur les enjeux de l'établissement. La discussion a notamment permis de mettre en évidence la concurrence très forte menée par d'autres pays, en particulier le Canada, pour attirer dans leurs universités les élèves sortant du lycée français.

La faible visibilité de l'offre d'enseignement supérieur français en dehors de Paris - ville où le coût de la vie très élevé peut constituer un handicap pour des étudiants burkinabè - a également été soulignée, de même que la difficulté à faire passer les directeurs de grands établissements d'enseignement supérieur par Ouagadougou pour présenter leur offre. Une action doit donc être menée pour mieux faire connaître la diversité de l'offre française d'enseignement supérieur.

Le problème est par ailleurs plus global et concerne également la délivrance de visas pour venir étudier en France. La délégation a ainsi recueilli un témoignage éclairant concernant un étudiant qui s'étant vu refuser un visa pour venir effectuer des études supérieures en France, est parti étudier en Chine puis aux États-Unis.

À travers cet exemple, la question de l'influence culturelle via la politique d'octroi des visas et d'accès à l'enseignement supérieur en France est soulevée , comme l'ont analysé nos collègues Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel dans leur rapport « L'Afrique est notre avenir » 8 ( * ) .

D. UN PARTENARIAT ÉCONOMIQUE À CONSOLIDER

Avec un produit national brut (PNB) par tête de l'ordre d'un euro par jour et par habitant, le Burkina Faso reste un pays qui se place au 183 ème rang sur 186 au classement de l'Indice de développement humain (2012). Son développement se heurte à plusieurs handicaps comme son enclavement, la faiblesse de ses ressources naturelles, l'importance de sa croissance démographique (3% par an en moyenne), la rudesse de son climat, le faible accès de sa population à l'eau potable, aux soins de santé primaire ou à l'éducation. Globalement, l'économie est très sensible aux aléas climatiques (pluviométrie) et aux chocs exogènes, en particulier aux cours du coton et de l'or pour les exportations, au prix du pétrole et des produits alimentaires pour les importations.

L'économie burkinabè est peu diversifiée et reste très largement rurale. Le secteur primaire représente le tiers du produit intérieur brut et d'autres secteurs économiques importants (transports, agro-industries) en dépendent étroitement. L'activité se concentre sur quelques produits (coton, élevage, vivrier), auxquels s'ajoute une production minière en développement (or notamment).

La croissance économique s'est élevée à plus de 5 % par an sur la période 2000-2008. Elle a été irrégulière depuis 2009, avec des creux en 2009 et 2011 (année de la crise sociale, avec un taux de croissance de 4,4 %) et des pics depuis 2012 : 8 % en 2012, 6,7 % prévus en 2013 et 6,8 % en 2014 9 ( * ) .

Le Burkina Faso s'est engagé dans un programme d'accélération de la croissance économique et mise sur des « pôles de croissance », en organisant la bonne exploitation des ressources naturelles et en tâchant d'accroître la chaîne de valeur de certaines filières porteuses.

Selon les conseillers du commerce extérieurs français rencontrés par la délégation, l'incertitude politique actuelle ne contribue pas à favoriser le développement économique. L'enjeu principal réside dans la formation de main d'oeuvre qualifiée de niveau intermédiaire . À cet égard, l'initiative de l'Institut 2IE (Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement), est citée en exemple pour la formation de cadres. Les conseillers du commerce extérieurs rencontrés par la délégation ont souligné l'implication croissante de la Chine 10 ( * ) .

Par ailleurs, dans ce domaine, le Burkina Faso doit encore renforcer ses infrastructures de transport et ses infrastructures télécom, sécuriser son approvisionnement électrique, renforcer les aspects logistiques et probablement développer encore la culture d'entreprise.

La formation professionnelle apparaît comme un enjeu clé (notamment dans le secteur minier), de même que le développement du taux d'emploi des femmes.

Une attention doit également être portée à la sécurité juridique pour les investisseurs ainsi qu'à la « sécurité judiciaire », en cas de recours devant les tribunaux.

*

* *

Les prochaines années seront décisives pour le Burkina Faso, en particulier sur le plan politique, avec les prochaines élections présidentielles.

La stabilité politique conditionne également la réussite à moyen et long termes du décollage économique de ce pays, qui bénéficie d'un appui substantiel de la France pour créer les conditions d'un environnement favorable à son développement.

Rencontre avec les membres du groupe interparlementaire d'amitié
France-Burkina Faso à l'Assemblée nationale

Rencontre à la mairie de Ouagadougou

DEUXIÈME PARTIE :
GHANA (18 SEPTEMBRE)

Au cours de ces derniers mois, le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat a porté une attention particulière au Ghana. En effet, outre le déplacement faisant l'objet du présent rapport :

- le président délégué du groupe pour le Ghana, M. Yann Gaillard (UMP, Aube), a reçu au Sénat, en novembre 2012, la présidente de la commission des Droits humains et de la Justice administrative du Ghana, Mme Vivianne Lamptey ;

- le président du groupe, M. Jacques Legendre, le président délégué pour le Ghana et Mme Dominique Gillot (Soc, Val d'Oise), vice-présidente du groupe, ont rencontré le Président de la République du Ghana, M. John Dramani Mahama, lorsqu'il a été reçu par le Président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel, en mai 2013 ;

- le président Jacques Legendre a également reçu au Sénat, en octobre 2013, M. Nana Akufo Addo, président du New Patriotic Party et candidat battu à la dernière élection présidentielle ghanéenne.

Cette activité illustre les relations régulières que le groupe entretient avec le Ghana, pays où une délégation du groupe d'amitié se rendait pour la troisième fois depuis sa création.

Le Ghana : éléments clés

Données démographiques :

Population : 25,37 millions d'habitants (Banque Mondiale, 2012 )

Croissance démographique : 2,1% (Banque Mondiale, 2009 )

Espérance de vie : 61 ans (Banque Mondiale, 2011 )

Taux d'alphabétisation : 67 % (PNUD 2012 )

Religion(s) (CIA World Factbook, à partir du recensement 2010) : christianisme 71,2 % (pentecôtisme 28,3 %, protestantisme 18,4 %, catholicisme 13,1 %, autres 11,4 %), islam 17,6 %, animisme 5,2 %, autres 0,8 %, sans religion 5,2 %

Indice de développement humain (PNUD) : 135 ème / 186

Classement Transparency International : 63 ème sur 177 pays ( 2013 )

Données économiques :

PIB : 40,71 milliards de dollars US (Banque Mondiale, 2012 )

PIB par habitant : 1 550 dollars US (Banque Mondiale, 2012 )

Taux de croissance : 7,9% (Banque Mondiale, 2012)

Taux d'inflation : 10,4 % (Service de statistiques ghanéen, mars 2013 )

Solde budgétaire : - 11,8 % du PIB (Mission économique, 2012)

Balance des paiements courants : - 11,7% du PIB (Banque Mondiale, 2012)

Principaux clients (Economist Intelligence Unit, 2010) : Pays-Bas (13,4 %), Royaume-Uni (7,8 %), France (5,8 %), USA (5,9 %), Ukraine (5,8 %)

Principaux fournisseurs (Economist Intelligence Unit, 2010) : Chine (17 %), Nigeria (11 %), USA (6 %), Côte d'Ivoire (6 %)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB (Banque Mondiale, 2012 ) :

- agriculture : 32 %

- industrie : 19 %

- services : 49 %

Exportations de la France vers le Ghana : 330 millions d'euros (Mission économique, 2012 )

Importations françaises depuis le Ghana : 183 millions d'euros (Mission économique, 2012 )

Communauté française au Ghana : 1 000 personnes immatriculées ( 2013 )

Communauté ghanéenne en France : 3 690 personnes ( 2007 )

Source : ministère des Affaires étrangères

I. UN SYSTÈME DÉMOCRATIQUE SOLIDE, DES LIENS À RENFORCER AVEC LE PARLEMENT GHANÉEN

A. UNE DÉMOCRATIE SORTIE RENFORCÉE

Au cours de son séjour au Ghana, la délégation du groupe interparlementaire d'amitié a pu s'entretenir avec plusieurs personnalités politiques ghanéennes de premier plan, notamment le Président de la République et le Speaker du Parlement.

Elle a pu constater la stabilité politique et la maturité démocratique du Ghana à l'occasion des dernières élections présidentielles de décembre 2012, intervenues à la suite du décès en cours de mandat du Président John Atta Mills.

Il s'agissait des sixièmes élections présidentielles depuis l'avènement de la Quatrième République, en 1992, fondée sur une Constitution d'inspiration américaine. Il s'agit en effet d'un régime présidentiel, le Président ne pouvant accomplir que deux mandats et étant élu, dans le cadre d'un « ticket » avec un vice-président, pour un mandat de quatre ans. Le Parlement, présidé par un Speaker, est monocaméral et doit donner son investiture à chaque ministre.

Au cours de cette période, deux alternances politiques ont été observées entre les deux principaux partis politiques, le National Patriotic Party (NPP) et le National Democratic Congress (NDC) ( cf. infra).

Élections présidentielles au Ghana : les alternances politiques depuis 1992

1992 : Jerry Rawlings (NDC), au pouvoir depuis le coup d'État du 31 décembre 1981, est élu premier Président de la Quatrième République ;

1996 : Jerry Rawlings (NDC) est réélu ;

2000 : John Kufuor (NPP), est élu pour un premier mandat avec 56,7 % des voix, face à John Atta Mills (NDC), vice-président sortant ;

2004 : John Kufuor (NPP) est réélu avec 52,45 % des voix face à John Atta Mills (NDC) ;

2008 : John Atta Mills (NDC) est élu avec 50,23 % des voix, face à Nana Akufo Addo (NPP), qui obtient 49,77 % des voix ;

2012 : John Dramani Mahama (NDC), vice-président, devient Président à la suite du décès de John Atta Mills le 24 juillet 2012, élu avec 50,7 % des voix face à Nana Akufo Addo (NPP), qui obtient 47,74 % des voix.

L'organisation de la transition politique à la suite du décès soudain du Président Mills, le 24 juillet 2012, alors qu'il était candidat à sa propre succession, a prouvé la stabilité du cadre constitutionnel ghanéen :

- conformément à la Constitution, le vice-président John Dramani Mahama a prêté serment en tant que nouveau chef de l'État sans incident et a nommé le Gouverneur de la Banque du Ghana, M. Kwesi Bekoe Amissah-Arthur, vice-président du pays, jusqu'à l'élection présidentielle du 7 décembre 2012 ;

- M. John Dramani Mahama a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle par la commission électorale avec 50,7% des suffrages, contre 47,74% des voix pour son adversaire, M. Akufo Addo ;

- celui-ci a contesté le résultat de l'élection présidentielle devant la Cour suprême, qui a rendu son verdict le 29 août 2013, en confirmant la victoire du Président John Dramani Mahama.

L'ensemble de ce processus s'est effectué dans les règles et de manière exemplaire.

B. DES LIENS À RENFORCER ENTRE LE SÉNAT ET LE PARLEMENT GHANÉEN

La délégation du groupe interparlementaire d'amitié a été reçue par le Speaker du Parlement, M. Edward Doe Adjaho, en compagnie notamment du Premier vice-président et du leader de la majorité au Parlement.

Outre des échanges portant sur les enjeux et les chances que représente l'apprentissage de la langue française au Ghana, tant du point de vue des échanges politiques que des échanges économiques ( cf . infra III ), les relations interparlementaires ont été au coeur de cette rencontre.

Le Speaker du Parlement ghanéen a ainsi annoncé la prochaine constitution d'un groupe interparlementaire d'amitié Ghana-France au sein du Parlement ghanéen et souhaité un renforcement de la coopération interparlementaire entre ce dernier et le Sénat français .

Le Président du groupe a pris l'engagement de développer les échanges avec le Parlement ghanéen : de retour à Paris, il a sollicité l'autorisation d'accueillir en France une délégation du groupe d'amitié Ghana-France en 2014, qui lui a été accordée par le Bureau du Sénat le 11 décembre 2013.

Cette démarche permet au groupe d'amitié de poursuivre la dynamique engagée au cours de l'année 2013 , tant au niveau du Sénat qu'au niveau du ministère des Affaires étrangères, avec l'ouverture d'un « dialogue politique France-Ghana » le 24 octobre 2013.

II. UNE VOLONTÉ FORTE D'ACCÉLÉRER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU PAYS

A. DES PERSPECTIVES FAVORABLES AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

Lors de sa venue à Paris au mois de mai 2013, au cours de l'audience qu'il a accordée à la délégation sénatoriale le 18 septembre 2013, le Président John Dramani Mahama, a affirmé le caractère prioritaire du développement économique, l'objectif étant de permettre au Ghana d'atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire à l'horizon 2020 . La présence à l'audience de M. Rachid Pelpuo, ministre d'État en charge des partenariats publics-privés, montre l'engagement du gouvernement dans cette voie.

Le Ghana a connu ces dernières années des taux de croissance élevés : de l'ordre de 8 % en 2012 et 2013. Le potentiel de développement économique du pays est considérable à moyen terme, notamment sur les plans pétrolier et gazier.

À cet égard, la possibilité pour le Ghana et la Côte d'Ivoire de s'accorder sur la délimitation de leur frontière maritime commune, par un compromis - en dépit des discours parfois très affirmés de l'une ou l'autre partie - est improbable, au regard des échanges que la délégation a eus tant avec les autorités ghanéennes qu'avec les autorités ivoiriennes.

Même si la situation budgétaire du Ghana s'est dégradée en 2012, avec un quasi doublement du déficit par rapport à l'objectif initialement fixé (12 % au lieu de 6,7 %), une progression de la dette publique et un accroissement du déficit du commerce extérieur 11 ( * ) , les perspectives de croissance et la stabilisation du contexte politique devraient contribuer à ce que les entreprises étrangères, et en particulier françaises, continuent à investir dans ce pays.

Le maintien d'un environnement réglementaire et fiscal favorable aux investissements étrangers sera sans doute déterminant.

B. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES FRANCO-GHANÉENS À DÉVELOPPER

Dans le prolongement de la venue au Ghana d'une délégation d'entrepreneurs français puis de la visite qu'il avait rendue au MEDEF à Paris au mois de mai, l e Président Mahama a appelé à un renforcement des investissements français dans son pays.

Il a fait valoir les besoins de son pays dans plusieurs secteurs pour lesquels la France bénéficie d'une véritable expertise, notamment l'eau, les ressources naturelles, les hydrocarbures, les infrastructures et les péages routiers.

Ce discours rejoint les préoccupations du ministre français du commerce extérieur, Mme Nicole Bricq, qui s'est attachée lors de sa venue au Ghana, le 18 novembre 2013, à promouvoir l'offre française dans certains secteurs clés comme l'eau, le traitement des déchets, les transports, l'agroalimentaire et l'énergie. La ministre a fixé l' objectif, d'ici à 2017, de doubler la présence des entreprises françaises au Ghana et d'accroître de 50 % les échanges commerciaux entre la France et le Ghana, pour qu'ils atteignent 2 milliards d'euros à cette date, contre 1,3 milliard d'euros en 2012.

La délégation sénatoriale, qui a pu s'entretenir à la fois avec les conseillers du commerce extérieur français et avec des chefs d'entreprise ghanéens qui ont marqué leur intérêt pour les partenariats avec les entreprises françaises, notamment dans une optique d'équilibre par rapport à une présence chinoise grandissante, ne peut qu'appuyer cette démarche.

Dans cette perspective, la récente création, au moins d'août 2013, d'une chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture franco-ghanéenne , ne peut que contribuer à l'essor de ces échanges commerciaux.

C. UNE COOPÉRATION FRANÇAISE QUI EST MONTÉE EN PUISSANCE POUR ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU PAYS

La France et le Ghana ont signé un nouveau document cadre de partenariat (DCP) pour la période 2013-2016 à l'occasion de la visite officielle du Président Mahama à Paris, les 28 et 29 mai 2013. Ce DCP illustre les engagements de la France en matière de concentration, de coordination et d'efficacité de l'aide.

Le partenariat entre la France et le Ghana pour la période 2013-2016 s'articulera autour de 4 axes prioritaires :

- développement durable (agriculture, énergie, biens publics mondiaux) ;

- soutien à la croissance (développement urbain, secteur privé) ;

- gouvernance (démocratie, réforme du secteur public, décentralisation, société civile, sécurité et défense) ;

- culture - langue française - université et recherche.

Le renforcement de l'efficacité de l'administration ghanéenne (priorité du Président Mahama) et l'enseignement du français ainsi que la coopération universitaire seront les domaines prioritaires de cette coopération.

Sur la période 2007-2012, les crédits de coopération française se sont élevés à 7,8 millions d'euros au titre du service de coopération et d'action culturelle et 636,3 millions d'euros au titre de l'Agence française de développement (AFD).

L'AFD, qui a ouvert un bureau au Ghana en 1985 et a connu une nette montée en puissance de son action ces dernières années, est beaucoup intervenue dans trois domaines :

- l'agriculture (appui au secteur riz, promotion de cultures pérennes, appui à la relance de la filière coton, modernisation de la filière cacao, caoutchouc) ;

- le secteur de l'énergie (la moitié des crédits, notamment dans le domaine de l'électricité, avec notamment la réhabilitation du barrage de Kpong et un prêt à GRIDCO pour la construction d'une ligne électrique entre Kumasi et Bolgatanga ainsi que l'interconnexion Ghana-Burkina Faso) ;

- le secteur du développement urbain et de l'appui aux collectivités locales (drainage et construction de routes urbaines à Kumasi, développement urbain dans 4 villes principales -Kumasi, Sekondi-Takoradi, Tamale et Ho-, développement urbain intégré pour le Grand Accra, transports urbains et projets routiers, appui à la décentralisation, eau et assainissement en zone rurale).

L'AFD soutient également le secteur privé et promeut l'investissement, via l'assistance technique aux institutions financières pour les accompagner vers la « mésofinance » et des dispositifs de garanties.

Le nouveau DCP devrait permettre une montée en puissance de la Proparco 12 ( * ) , institution financière de développement relevant du groupe AFD, destinée à soutenir le secteur privé. Proparco intervient ainsi beaucoup en direction des banques de second rang et des télécommunications (60 millions d'euros investis en faveur des secteurs bancaires et des télécommunications de 2005 à 2010).

S'agissant de la coopération décentralisée , les échanges qu'a eus la délégation ont montré qu'elle pourrait très nettement progresser , les collectivités territoriales étant jusqu'à présent peu investies dans ce pays anglophone. Aucune ville française n'est pour le moment jumelée avec une ville ghanéenne et des projets de jumelages pourraient ainsi être opportunément envisagés.

III. L'ENJEU DE LA FRANCOPHONIE

A. UNE VOLONTÉ DE MIEUX S'INSÉRER DANS L'ESPACE FRANCOPHONE ENVIRONNANT

La délégation du groupe d'amitié a rencontré le vice-ministre de l'Éducation, M. Samuel Ablakwa, et a, en particulier, abordé la question de la place de la langue française au sein de l'enseignement au Ghana .

De très nombreuses langues sont parlées au Ghana (autour de 80), mais l'anglais occupe une place prédominante et y est langue officielle.

Le Ghana est certes membre associé de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), mais la langue française n'est pas forcément enseignée au lycée, où une seule langue étrangère (l'anglais) est obligatoire, pas plus qu'au West African Certificate Secondary School Examination (WACSSE), examen commun aux pays anglophones de la région, correspondant au baccalauréat.

Or, le Président Mahama et l'ensemble des interlocuteurs rencontrés ont souligné l' intérêt qu'aurait le Ghana à développer les échanges économiques et politiques avec les pays francophones environnants , ce qui passe aussi par une meilleure maîtrise de la langue française.

La délégation du groupe d'amitié a plaidé en faveur d'une meilleure reconnaissance de la langue française au sein de l'enseignement ghanéen, en lui conférant le statut de deuxième langue étrangère obligatoire au lycée.

Ceci contribuerait à une meilleure diffusion de la langue française , ainsi que l'a admis le vice-ministre de l'Éducation, faisant valoir toutefois que, pour y parvenir, il serait nécessaire de former des professeurs de français . En outre, les émissions francophones occupent une faible place au sein du paysage audiovisuel ghanéen . Il conviendrait donc d'agir également sur ce levier, ainsi qu'en sont convenus le vice-ministre et la délégation sénatoriale.

À cet égard, les sénateurs se sont montrés intéressés par les démarches innovantes de promotion de la langue française mises en place, avec en particulier la plateforme « Ghana French Club » , plateforme pédagogique et sociale dédiée à l'enseignement et l'apprentissage du français, lancée en novembre 2013. Cette plateforme a pour but de faciliter l'échange d'idées, de ressources, d'informations au sein des différents clubs de français des universités ghanéennes, entre les étudiants et leurs enseignants. Elle propose également des ressources linguistiques et culturelles pour l'auto-formation en ligne.

B. LE LYCÉE FRANÇAIS ET L'ALLIANCE FRANÇAISE D'ACCRA : DEUX LEVIERS IMPORTANTS

Au cours de son déplacement, la délégation s'est également rendue au lycée Jacques Prévert et à l'Alliance française, deux « fers de lance » de la culture française au Ghana.

Le lycée Jacques Prévert (école maternelle, collège et lycée), qui accueille aujourd'hui environ 575 enfants, dispose d'une marge de croissance, puisqu'il peut accueillir 815 élèves. Leur nombre croît assez nettement, mais le lycée français reste moins connu que les établissements britanniques ou américains , ce qui n'est pas illogique dans un pays anglophone. Afin d'accueillir davantage d'élèves ghanéens, un programme bilingue vient d'être mis en place. Reste à le populariser. Un travail devrait également être mené avec le Consulat afin de mieux gérer les demandes de visas d'élèves étudiant au lycée français.

Approuvant les efforts visant à renforcer l'attractivité de cet établissement, la délégation espère qu'ils seront poursuivis. Elle a en effet pu apprécier le dynamisme et l'inventivité des professeurs de l'établissement, qui est, comme chaque établissement français à l'étranger, un formidable relais pour la culture française.

Il en va de même pour l'Alliance française d'Accra , qui dispose d'un grand centre de formation (4 000 étudiants, 10 000 fréquentations de la médiathèque ; 2 000 personnes suivant des cours de français), que le directeur de l'Alliance entend développer, notamment en promouvant l'apprentissage du français professionnel, afin d'offrir aux jeunes Ghanéens de nouvelles perspectives.

En outre, le centre culturel, très réussi, situé au sein de l'Alliance française est doté d'une riche programmation et offre en particulier aux artistes ghanéens contemporains un espace d'échanges très apprécié.

*

* *

À la suite des échanges avec la communauté française et les autorités ghanéennes, la délégation sénatoriale s'est engagée à intensifier les relations d'amitié et de travail entre le Parlement ghanéen et le Sénat français, en conviant une délégation du groupe d'amitié parlementaire Ghana-France à se rendre en France en 2014.

Entretien avec le Président de la République du Ghana, M. John Dramani Mahama

Visite du centre de formation de l'Alliance française

TROISIÈME PARTIE :
CÔTE D'IVOIRE (19-21 SEPTEMBRE)

Le groupe interparlementaire d'amitié suit avec attention l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire.

Ses membres ont de fréquents contacts avec les parlementaires ivoiriens et le groupe a reçu, en juin 2013, l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France, M. Charles Providence Gomis. Plusieurs opérations de coopération inter-parlementaire avec les personnels de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire ont également lieu chaque année.

Au cours de ce déplacement, la délégation du groupe a pu s'entretenir avec de très nombreuses personnalités politiques, appartenant à l'ensemble de classe politique ivoirienne : Rassemblement des Républicains (RDR), Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et Front populaire ivoirien (FPI). Elle a notamment rencontré à deux reprises le Premier ministre et les parlementaires appartenant à la commission des Relations extérieures. Elle a également pu s'entretenir avec plusieurs ministres, dont le ministre de l'Intégration africaine et des Ivoiriens de l'extérieur et le ministre auprès du Président de la République chargé de la Défense.

Ces différents entretiens avaient pour but de mieux appréhender l'évolution de la situation politique intérieure de la Côte d'Ivoire, mais également de recueillir l'analyse des autorités ivoiriennes sur l'évolution de la sous-région d'Afrique de l'Ouest.


Côte d'Ivoire : éléments clés

Données démographiques :

Population : 22,6 millions d'habitants (Banque Mondiale, 2011 )

Densité : 60 hab/km² (Banque de France, 2008 )

Croissance démographique : 2 % (Banque Mondiale, 2012 )

Espérance de vie : 57,25 ans (Banque Mondiale, 2012 )

Taux d'alphabétisation : 48 % (PNUD)

Religion(s) : islam : 38,6%, christianisme : 32,8%, animisme : 11,9%, sans religion : 16,7% (CIA World Factbook)

Indice de développement humain : 168 ème / 186 pays (PNUD, 2012 )

Classement Transparency International : 136 ème / 177 pays

Données économiques :

PIB : 24,6 milliards de dollars US (Banque Mondiale, 2011 )

PIB par habitant : 1 054 dollars US (Banque Mondiale, 2012 )

Taux de croissance : 9,8 % (Banque Mondiale, 2012)

Taux d'inflation : 8,1 % (Banque Mondiale, 2008 )

Solde budgétaire : - 0,4 % du PIB (Banque de France - 2008 )

Balance commerciale : 1 468 milliards de francs CFA (FMI)

Principaux clients (Economist Intelligence Unit, 2009) : Pays-Bas (13,9%) ; France (10,7%) ; États-Unis (7,8%) ; Allemagne (7,2%).

Principaux fournisseurs (Economist Intelligence Unit, 2009) : Nigeria (20,7 %), France (14,2 %), Chine (7,2 %), Thaïlande (5,1 %).

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB (Banque Mondiale, 2009 ).

- agriculture : 20 %

- mines : 13 %

- industrie : 27%

- services : 40%

Exportations de la France vers la Côte d'Ivoire en 2012 : 999 millions d'euros (Mission économique)

Importations françaises depuis la Côte d'Ivoire en 2012 : 545 millions d'euros (Mission économique)

Consulat de France : Abidjan

Communauté française en 2009 : 14 500 inscrits ( 2012 )

Communauté ivoirienne en France : 37 869 (MIIIDS, 2008 )

Source : ministère des Affaires étrangères

I. UN RETOUR APPARENT À LA NORMALE APRÈS DES ANNÉES DE CRISE

A. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL STABILISÉ ET UN PARLEMENT AU TRAVAIL

La délégation sénatoriale a pu constater, au travers des différents échanges qu'elle a eus avec les autorités politiques ivoiriennes, qu'après une période troublée ( cf . encadré ci-après), le système institutionnel est désormais stabilisé et que le Parlement est au travail.


2002-2011 : dix années troublées

La Côte d'Ivoire a connu une grave crise politico-militaire après la tentative de coup d'État opérée par une rébellion armée en septembre 2002. La France, puis la CEDEAO, ont envoyé d'importants contingents militaires pour séparer les belligérants. Cette interposition a permis d'éviter une guerre civile et de nombreux massacres. Depuis le cessez-le-feu de 2003, la Côte d'Ivoire vivait au rythme d'un processus de sortie de crise pour lequel l'organisation d'élections présidentielles et législatives justes, transparentes, libres et démocratiques constituait une étape décisive. La Communauté internationale s'est largement investie depuis 2003 afin de progresser dans cette voie. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a créé, le 4 avril 2004, une opération de maintien de la paix, l'ONUCI, soutenue par la force française Licorne, pour prendre le relais des contingents de la CEDEAO et accompagner le processus de paix.

Le processus de paix a connu de nombreux blocages imputables à l'absence de volonté réelle des parties, puis un brutal coup d'arrêt en novembre 2004, lorsque les forces loyalistes ont rompu le cessez-le-feu en lançant une offensive au cours de laquelle neuf soldats français ont été tués. La communauté française a alors été victime de nombreuses exactions et une partie a été évacuée (plus de 8 000 personnes). À la suite de ces événements, le Conseil de Sécurité a décidé un embargo sur les armes, prévu un mécanisme de sanctions individuelles et renforcé le mandat de l'ONUCI.

Après l'échec successif des accords de Marcoussis, Accra et Pretoria, le nouveau président de la CEDEAO, le Président burkinabè Blaise Compaoré, a organisé un dialogue direct inter-ivoirien proposé par le Président Gbagbo à la rébellion des Forces Nouvelles. Le Chef des Forces Nouvelles, Guillaume Soro, et Laurent Gbagbo ont signé le 4 mars à Ouagadougou un accord sur un processus de transition conduisant à des élections fin 2007. Un accord complémentaire a été conclu le 27 mars 2008 faisant de Guillaume Soro le nouveau Premier ministre et lui interdisant de se présenter à l'élection présidentielle.

Dans ce contexte, le mandat des forces impartiales a été régulièrement renouvelé en vue d'accompagner la mise en oeuvre de l'Accord Politique de Ouagadougou et d'aider à l'organisation des élections. Dans ce sens, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSGNU), M. Choi, avait la mission de certifier le processus électoral.

Depuis la signature de l'Accord de Ouagadougou, des avancées tangibles avaient été constatées : gouvernement de réconciliation, suppression de la zone de confiance et de la ligne verte qui coupait le territoire en deux, organisation des audiences foraines (délivrance de plus de 600 000 jugements supplétifs de naissance), début du redéploiement de l'administration dans le Nord. Les opérations d'identification et de recensement électoral s'étaient officiellement achevées en juin 2009 et la liste électorale définitive adoptée en septembre 2010. Le premier tour de l'élection présidentielle s'est déroulé le 31 octobre 2010. Le président sortant Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara ont recueilli respectivement 38,30 % et 32,08 % des suffrages au premier tour.

À l'issue du second tour, qui s'est tenu le 28 novembre 2010, alors que la Commission électorale indépendante avait annoncé la victoire d'A. Ouattara avec 54,1 % des voix, le Conseil constitutionnel a invalidé la décision de la CEI et déclaré Laurent Gbagbo vainqueur. Le RSSGNU M. Choi a, dans le cadre de son mandat de certification, validé les résultats proclamés par la CEI. La communauté internationale (et notamment les organisations africaines -Union africaine, la CEDEAO-, mais encore l'Union européenne, les États-Unis ou la France) a alors logiquement reconnu Alassane Ouattara comme le Président élu et légitime de Côte d'Ivoire. Le Groupe de Haut Niveau des chefs d'État nommés par l'Union africaine a confirmé, dans ses conclusions rendues le 10 mars 2011 à Addis Abeba, la reconnaissance d'Alassane Ouattara comme Président de la République de Côte d'Ivoire.

Laurent Gbagbo s'est toutefois maintenu au pouvoir en nommant son propre « gouvernement » et en opérant un blocus de l'Hôtel du Golf où étaient installés le Président Ouattara et le gouvernement légitime. De nombreux appels et médiations régionales et internationales ont été mis en oeuvre afin de permettre une transition ordonnée, pacifique et respectueuse de la volonté des Ivoiriens.

Le Conseil de sécurité a adopté le 20 décembre 2010 à l'unanimité la résolution 1962 prolongeant pour une durée de 6 mois le mandat de l'ONUCI. Face au refus persistant de l'Ancien Président de quitter le pouvoir, l'Union Européenne a pris des sanctions ciblées contre Laurent Gbagbo, son entourage et ceux qui le financent. Les États-Unis et le Canada ont également pris des sanctions individuelles. L'Union africaine avait exclu la Côte d`Ivoire de ses instances jusqu'à l'arrivée au pouvoir effectif d'A. Ouattara. La communauté internationale a fait part de son inquiétude quant aux nombreuses violences et atteintes au droit de l'homme en Côte d`Ivoire.

Le Conseil des Droits de l'Homme à Genève a créé le 25 mars 2011 une commission d'enquête indépendante pour enquêter sur les exactions en Côte d'Ivoire. La Cour pénale internationale a affirmé à plusieurs reprises suivre de près la situation. Les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI, ex-Forces Nouvelles), favorables au Président Ouattara, ont lancé le 28 mars 2011 une offensive d'envergure. Après avoir rapidement pris le contrôle de la majeure partie du pays, elles se sont engagées, le 31 mars 2011, dans Abidjan, où s'étaient retranchés les derniers éléments armés favorables à Laurent Gbagbo, notamment autour du palais présidentiel où elles leur ont opposé une forte résistance.

Le Conseil de sécurité a adopté le 30 mars 2011, à l'unanimité, la résolution 1975 par laquelle il a autorisé l'ONUCI, soutenue par la force Licorne, comme le prévoit la résolution 1962, à « utiliser tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de la tâche qui lui incombe de protéger les civils [...], y compris pour empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre la population civile ». La résolution imposait également des sanctions ciblées à l'encontre de Laurent Gbagbo, de son épouse et de trois de ses proches. Le 4 avril 2011, l'ONUCI et Licorne (sur demande expresse du SGNU) ont mis en oeuvre cette résolution en attaquant les sites d'armes lourdes menaçant les civils. Laurent Gbagbo a été arrêté dans sa résidence d'Abidjan par les FRCI le 11 avril 2011 ainsi que son épouse et a été transféré à l'Hôtel du Golf. Le Président Ouattara a été officiellement investi le 21 mai 2011 à Yamoussoukro. Un premier gouvernement a été nommé le 1 er juin 2011.

Source : ministère des Affaires étrangères

Sous l'autorité du Président de la République, M. Alassane Dramane Ouattara, le gouvernement conduit par M. Daniel Kablan Duncan a présenté à l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire de nombreux projets de loi.

Au total, 41 lois ont été adoptées en 2013, après 23 en 2012, soit une activité législative intense . Plusieurs lois portaient sur les enjeux économiques , afin de favoriser le développement économique du pays, mais d'autres portaient sur certains sujets sociaux importants, comme le foncier rural ou la nationalité et l'apatridie 13 ( * ) .

La délégation du groupe interparlementaire a pu échanger avec ses homologues de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire. Elle rend hommage à Maître Fakhy Konaté, Secrétaire général de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, décédé le 26 novembre 2013, qui avait contribué au bon déroulement de ces échanges.

En l'absence du président, M. Guillaume Soro, la délégation a été accueillie à l'Assemblée nationale par la Première vice-présidente, Mme Sarra Fadika Sako. Elle a ensuite participé à une séance de travail avec des députés membres de la commission des Relations extérieures, présidée par Mme Emilienne Bobi Assa.

Les parlementaires ivoiriens ont salué l'action de la France au Mali et ont abordé plusieurs thèmes. Ils ont notamment plaidé pour la levée de l'embargo sur les armes 14 ( * ) , afin de permettre aux forces ivoiriennes de sécurité d'en recevoir. Ils ont souhaité un renforcement de la coopération bilatérale, en particulier en matière de surveillance du territoire, et se sont montrés désireux de disposer de davantage d'informations sur la mise en oeuvre du contrat de désendettement-développement (C2D, cf . infra ).

Beaucoup ont également souligné l'importance croissante de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en regrettant à cet égard le caractère seulement consultatif du Parlement de cette institution.

Ils se sont également montrés très désireux d'accroître les échanges avec leurs homologues français et de renforcer la coopération interparlementaire, ce dont la délégation s'est réjouie.

B. UN RETOUR EN FORCE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE, VIA LA PRÉSIDENCE DE LA CÉDÉAO

La période récente a été marquée par le retour de la Côte d'Ivoire sur la scène internationale , qui s'est en particulier manifesté par la présidence de la CEDEAO.

La Côte d'Ivoire a notamment permis à la Côte d'Ivoire de jouer un rôle politique important dans la sortie de crise au Mali . Elle a en outre engagé des moyens militaires significatifs, puisque l'armée ivoirienne a déployé sur zone environ 170 éléments dans le cadre d'une compagnie logistique, 60 officiers au sein de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) devenue Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), ainsi qu'une quarantaine de véhicules.

Dans ses relations avec les pays voisins , la collaboration entretenue avec le Burkina Faso est excellente ( cf . première partie), de même que celle avec le Libéria, qui a permis d'obtenir rapidement la sécurisation de leur frontière commune. Avec le Ghana, la situation évolue à un rythme plus lent, mais le Premier ministre ivoirien a fait part de son souhait que la délimitation de la frontière maritime commune puisse être réglée de façon pacifique, par la négociation, plutôt que par des instances internationales.

Enfin, tant le Premier ministre que les parlementaires ivoiriens se sont félicités du prochain retour à Abidjan du siège et des quelque 2 000 personnels de la Banque africaine de développement (BAD) , installés à Tunis depuis 2003. Ce retour témoigne de l'amélioration de la situation intérieure et devrait également contribuer au rayonnement de la capitale ivoirienne.

II. UNE VOLONTÉ AFFIRMÉE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

A. L'ESPOIR D'UNE CROISSANCE À DEUX CHIFFRES

Lors de la rencontre avec le Premier ministre, M. Daniel Kablan Duncan, celui-ci a souligné la bonne santé de l'économie ivoirienne , après une récession en 2011 liée à la crise post-électorale (- 4,7 %, selon les données de la Banque mondiale). Selon le Fonds monétaire international, la croissance s'est ainsi élevée à 9,8% en 2012 et devrait être supérieure à 8,5 % au titre de l'année 2013. Le Premier ministre a précisé qu'un taux à deux chiffres est espéré pour 2014 et que l'objectif du Président Ouattara et du gouvernement est de permettre à la Côte d'Ivoire de devenir un pays émergent à l'horizon 2020.

La délégation a pu constater les nombreux chantiers en cours à Abdijan, notamment celui du pont Henri Konan Bédié, qu'elle a pu visiter ( cf . infra ).

M. Daniel Kablan Duncan a souligné la place importante occupée par la France et les grands groupes français dans l'économie ivoirienne et a souhaité une présence accrue de petites et moyennes entreprises (PME) françaises, en partenariat avec des PME ivoiriennes.

La France a en effet accordé, dans le cadre du Club de Paris, une annulation de dette de 813 millions d'euros et a mis en place un ambitieux contrat de désendettement-développement, d'un montant total de 2,89 milliards d'euros, dont 630 millions au titre de la première couvrant la période allant de juillet 2012 à décembre 2015 ( cf . infra ).

Lors de son récent déplacement à Abidjan, le 19 novembre 2013, la ministre du Commerce extérieur, Mme Nicole Bricq, a affirmé sa volonté d' accroître de 50 % les échanges commerciaux entre la Côte d'Ivoire et la France d'ici 2017 (soit 2,25 milliards d'euros contre 1,5 milliard d'euros en 2012).

La délégation appuie cette démarche, qui nécessite une mobilisation de l'ensemble des acteurs. Le Premier ministre Daniel Kablan Duncan a en effet mis en évidence l'environnement concurrentiel qui prévaut en Côte d'Ivoire et l'absence de « situation acquise », en relevant en particulier la concurrence des entrepreneurs chinois et indiens. La délégation a d'ailleurs pu observer la présences des entreprises chinoises en empruntant la route menant d'Accra à Abidjan. Le Premier ministre a relevé que les entreprises françaises pourraient notamment s'investir davantage dans les secteurs pétrolier, électrique, gazier et des télécommunications. Il a également souhaité qu'un travail soit mené avec la Coface pour l'assurance des exportations dans les pays à risque.

Naturellement, la poursuite du développement économique de la Côte d'Ivoire suppose une situation politique stable , mais également la poursuite de la lutte contre l'insécurité et de la lutte contre la corruption ainsi que la mise en place d'une réelle sécurité juridique pour les investisseurs , comme la délégation a eu l'occasion de le souligner auprès des différents interlocuteurs.

La délégation a également pu mesurer, à l'occasion de l'entretien avec M. Ali Coulibaly, ministre de l'Intégration africaine et des Ivoiriens de l'extérieur, l'importance accordée par les autorités ivoiriennes à l'intégration économique régionale , via la CEDEAO (mise en place d'un tarif extérieur commun à compter du 1 er janvier 2015, décidée à Dakar le 25 octobre 2013 ; volonté de faciliter la circulation des personnes).

Lors de ce déplacement, la délégation a également pu se rendre compte de la montée en puissance de l'axe de circulation Abidjan-Lagos . Le Nigeria, compte tenu de son poids démographique et économique, apparaît ainsi comme un acteur majeur, avec la Côte d'Ivoire, de cet espace économique multilingue (français, anglais, portugais) qu'est la CEDEAO, qui prend également une importance croissante sur le plan politique, en renforçant les échanges et les solidarités entre les dirigeants d'Afrique de l'Ouest.

B. L'APPUI FRANÇAIS : LA MISE EN oeUVRE DU CONTRAT DE DÉSENDETTEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT (C2D)

La délégation sénatoriale a pu assister, le 20 septembre 2013, à la signature de cinq conventions découlant de la mise en oeuvre du contrat de désendettement et de développement (C2D), pour un montant de 180 millions d'euros. Elle a également pu approfondir l'impact des « projets C2D » en matière de formation et d'éducation professionnelle, dans le cadre d'un déjeuner en présence, notamment, de M. Moussa Dosso, ministre d'État, ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la Formation professionnelle.

Le mécanisme du contrat de désendettement-développement

En complément de l'initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), qui a pour objectif de rendre la dette soutenable, la France, à l'instar des autres membres du G7, s'est engagée en juin 1999 à Cologne à fournir un effort supplémentaire pour annuler la totalité de ses créances d'aide publique au développement (APD) sur ces pays.

Plutôt qu'une annulation « sèche », la France a fait le choix, original, de mettre en oeuvre un mécanisme de refinancement par dons des échéances dues, géré dans le cadre d'un contrat pluriannuel dit « de désendettement et développement » (C2D) : le pays débiteur continue d'honorer le service de la dette mais, sitôt le remboursement constaté, la France lui reverse une subvention d'un montant équivalent pour financer des programmes de lutte contre la pauvreté, sélectionnés d'un commun accord avec le pays bénéficiaire.

L'objectif de ce mécanisme est de s'assurer que les marges financières dégagées par les annulations de dette sont fléchées vers les secteurs prioritaires de la stratégie de lutte contre la pauvreté du pays.

Source : Agence française de développement

Les cinq conventions signées le 20 septembre 2013, qui s'intègrent dans la première tranche d'ensemble de 630 millions d'euros pour la période allant de juillet 2012 à décembre 2015, portaient sur les points suivants :

- un projet de conservation des ressources naturelles , pour un montant de 16,46 millions d'euros, afin de renforcer les capacités de protection des forêts classées, des parcs et des réserves ;

- un projet d'intensification de la politique de planification familiale , pour un montant de 7,62 millions d'euros, afin de contribuer à la diminution de la mortalité maternelle en permettant l'espacement des naissances ;

- un projet de renforcement du système de santé , pour un montant 62,2 millions d'euros, afin de renforcer les différentes composantes du système sanitaire ivoirien ;

- un volet « éducation-formation » du programme d'éducation, de formation et d'insertion des jeunes , pour un montant de 77,45 millions d'euros, couvrant notamment la construction de 116 écoles primaires et 40 collèges de proximité, la réhabilitation de deux centres de formation des maîtres et l'accompagnement de la réforme du système de formation des instituteurs, la rénovation de trois filières de formation technique et professionnelle, la réhabilitation de l'Institut national polytechnique Houphouët-Boigny de Yamoussoukro et la réforme de cet établissement, ainsi que la modernisation de cinq universités publiques avec mise en place de la structure licence-master-doctorat (LMD) ;

- un volet « emploi » de ce programme d'éducation, de formation et d'insertion des jeunes , pour un montant de 15,55 millions d'euros, afin d'appuyer la mise en oeuvre de la politique nationale pour l'emploi et de soutenir et d'amplifier les dispositifs existants d'accompagnement de plus de 20 000 jeunes vers l'emploi par l'activité sociale et économique, dans le cadre d'un co-financement avec la Banque mondiale.

La délégation s'est félicitée de la signature de ces conventions par lesquelles la France apporte un soutien appuyé au développement de la Côte d'Ivoire. Elle a aussi pu mesurer tout l'intérêt que portent les parlementaires ivoiriens à ce dispositif , qui impliquera naturellement un engagement de leur part, notamment dans le cadre du suivi budgétaire incombant au Parlement.

C. L'EXPERTISE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE FORMATION, UN ATOUT POUR LA CÔTE D'IVOIRE

La délégation a également pu observer deux exemples du savoir-faire français en matière de formation : les écoles françaises et le chantier du pont Henri Konan Bédié.

La délégation a ainsi rencontré la direction des écoles françaises Blaise Pascal et Jacques Prévert , établissements qui comptent désormais plus de 2 100 élèves (45% de Français, 45% d'Ivoiriens et 10% de nationalités tierces) et contribuent indiscutablement au rayonnement de la France. En outre, un autre lycée français (Mermoz) devrait rouvrir en septembre 2014.


Ces lycées continuent à former les élites ivoiriennes et il convient de s'en
féliciter, de même que du soutien apporté par le Premier ministre Daniel Kablan Duncan à l'ouverture de classes préparatoires au sein du lycée Blaise Pascal.

En revanche, le Premier ministre n'a pas caché la perte d'attractivité de la France pour former les élites au niveau de l'enseignement supérieur , les États-Unis, le Canada mais également la Chine attirant de plus en plus d'étudiants. Ce constat a été dressé à plusieurs reprises au cours de ce déplacement et dont il faut donc d'en tenir compte, dans une optique de long terme, comme l'ont également souligné nos collègues Jean-Marie Bockel et Jeanny Lorgeoux, dans leur rapport intitulé « L'Afrique est notre avenir ».

La délégation a également visité un projet emblématique d'aménagement d'Abidjan : la c onstruction du pont Henri Konan Bédié , réalisée par le groupe Bouygues, dans le cadre d'un partenariat public-privé. D'un coût estimé à environ 240 millions d'euros, le chantier contribue à l'emploi de près de 1 000 personnes.

La délégation a pu, en particulier, apprécier l'effort important de formation dispensée par l'entreprise au profit de ses employés, souvent sous-qualifiés au moment de leur embauche. Cette manière d'agir contribue aussi au rayonnement du savoir-faire français et s'inscrit dans le cadre d'une action de développement durable, au profit de la Côte d'Ivoire.

Les responsables rencontrés sur le chantier ont souligné l'importance de cet aspect. La délégation a pu par ailleurs constater, au cours des échanges qu'elles a eus, l'attente en matière de petits centres pratiques de formation professionnelle, comme certains groupes français l'ont déjà fait dans d'autres pays (Niger, Sénégal). Elle se félicite de ces démarches très positives des entreprises françaises, qui sont également un élément important à faire valoir dans la compétition économique d'ensemble.

III. DES INCERTITUDES POLITIQUES

A. LA DÉMARCHE DE RÉCONCILIATION ET L'ENJEU DE LA JUSTICE

Lors de l'entretien qu'a eu la délégation avec le Premier ministre, M. Daniel Kablan Duncan, celui-ci a insisté sur le travail accompli par la « Commission dialogue, vérité et réconciliation » (CDVR), présidé par l'ancien Premier ministre, M. Charles Konan Banny.

Cette commission, qui reprend le modèle sud-africain, a été créée par l'ordonnance n° 2011-167 du 13 juillet 2011 et a mené, au cours des deux dernières années, des consultations auprès de 60 000 habitants de Côte d'Ivoire environ. Son président a remis officiellement au Président Ouattara un rapport de fin de mandat, le 21 novembre 2013, dans lequel il souligne notamment que 83 % des Ivoiriens jugent possible la réconciliation et plus de 80 % d'entre eux croient en l'avenir prospère de la Côte d'Ivoire.

Ce processus de réconciliation ne vaut pas amnistie. Selon M. Charles Konan Banny, « les populations ont indiqué que le pardon des victimes doit être motivé par un repentir sincère des auteurs des violations. Selon elles, c'est la seule voie pour que la réconciliation soit effective et sincère. En outre, elles indiquent que le pardon n'exclut pas l'action de la justice, elles précisent que cette justice doit être rendue de façon équitable ». C'est un enjeu essentiel, alors même que 72 % des personnes interrogées par la commission estiment que la justice est corrompue et que 77,1 % considèrent que les forces armées et de sécurité sont corrompues et politisées 15 ( * ) .

Au cours de l'entretien qu'il a eu avec la délégation, le Premier ministre ivoirien s'est d'ailleurs prononcé contre l'application d'une loi d'amnistie générale, en prônant une « impunité zéro ». La délégation de votre groupe d'amitié ne peut que souhaiter la traduction dans les faits de cet engagement.

M. Daniel Kablan Duncan a également observé que le gouvernement a repris les échanges avec l'opposition, y compris avec le FPI, même si celui-ci n'a pas participé au séminaire de la CDVR tenu à Grand Bassam. Il a précisé que l'objectif du chef de l'État est de parvenir à une normalisation de la vie politique en 2014 ou début 2015 et qu'un statut de l'opposition était envisagé, avec notamment la mise en place d'un chef de file de l'opposition.

M. Joël N'Guessan, porte-parole du RDR, le parti du Président Ouattara, a pour sa part, estimé que le processus de réconciliation était bien avancé et a souligné la nécessité de reconstruire, notamment avec l'aide de la France dans le cadre du C2D, le système judiciaire ivoirien, tout en relevant que les enquêtes requièrent du temps.

De leur côté, les dirigeants du FPI que la délégation a rencontrés, qui ont tenu un discours général critique à l'égard du gouvernement ( cf . infra ), ont estimé que le système judiciaire agissait à charge dans la volonté d'affaiblir ce parti.

La mise en place du système judiciaire équitable constitue un enjeu essentiel pour permettre une réconciliation véritable et un apaisement des tensions au sein de la société ivoirienne. Il importe que l'ensemble des personnes ayant commis des crimes puissent être jugées, quel que soit leur camp d'origine .

B. LA NÉCESSITÉ DE RECYCLER LES ANCIENS COMBATTANTS DANS LA VIE CIVILE

Tant le Premier ministre que le ministre chargé de la Défense, M. Paul Koffi Koffi, ont souligné auprès de la délégation les progrès enregistrés par la Côte d'Ivoire en matière de sécurité , en insistant sur la baisse de l'indice d'insécurité, passé de 3,8 en janvier 2012 à 1,4 aujourd'hui. Le phénomène des coupeurs de route, qui quittent désormais les axes principaux pour sévir sur les pistes rurales, reste toutefois un problème important.

L'un des autres enjeux auxquels la Côte d'Ivoire est désormais confrontée est la capacité à recycler dans la vie civile les ex-combattants et à rebâtir, notamment avec la coopération de l'armée française, une armée ivoirienne professionnalisée et solide .

D'ores et déjà, 10 000 membres des ex-forces nouvelles ont été intégrés dans l'armée, dont l'âge moyen a été abaissé de 43 à 33 ans. Un texte sur la nouvelle armée devrait en outre être prochainement présenté en Conseil des ministres.

Pour autant, le sort de quelque 65 000 autres ex-combattants reste à régler et doit passer par un recyclage dans la vie civile, pour 6 500 dans le secteur public et pour le reste dans le secteur marchand, comme l'a indiqué le Premier ministre à la délégation. Celui-ci a précisé que l'objectif était d'en recycler 30 000 dès 2013 et le reliquat en 2014. L'enjeu reste néanmoins de taille et stratégique pour prévenir les risques de violences . Le développement économique apparaît ainsi clairement comme un élément clé du processus de réconciliation, en permettant ce recyclage des ex-combattants.


La remise de paires de gants de boxe à la Fédération ivoirienne de boxe :
une initiative symbolique

A l'occasion de sa venue à Abidjan, la délégation a remis, à titre symbolique, deux paires de gants de boxe au président de la Fédération ivoirienne de boxe, qui se relance, en présence du ministre de la Jeunesse et des Sports.

Ce geste avait pour but de louer le sens de l'effort et la persévérance propres au « noble art », et d'insister sur la nécessité de canaliser la violence qu'il suppose, un message aujourd'hui essentiel pour la jeunesse ivoirienne.

C. QUELLE PLACE POUR LE FRONT POPULAIRE IVOIRIEN ?

L'une des dernières incertitudes planant sur la situation intérieure ivoirienne est la place qu'entend prendre le Front populaire ivoirien, le parti de l'ancien Président Laurent Gbagbo, sur la scène politique.

Autant les représentants du RDR et du PDCI que la délégation a rencontrés partagent un héritage « houphouëtiste » commun et ont une vision commune de la démocratie ivoirienne - au-delà des projets politiques spécifiques -, autant le FPI (non représenté à l'Assemblée nationale dans la mesure où il ne s'est pas présenté aux dernières élections législatives) est apparu en opposition radicale au Président Ouattara et au gouvernement. Le président du FPI, M. Pascal Affi Nguessan, accompagné par les anciens ministres MM. Alcide Djédjé et Dano Djédjé, a ainsi tenu des propos très durs à l'encontre du gouvernement et de l'actuel cadre démocratique ivoirien, accusant les autorités de vouloir « imposer leur vision ».

M. Pascal Affi Nguessan a ainsi estimé que le Président et le Premier ministre se trompaient en misant sur le développement économique pour favoriser la réconciliation nationale et a considéré que cela revenait à « construire sur du sable ».

La délégation forme le voeu que le processus de réconciliation engagé depuis plus de deux ans et le dialogue politique à l'oeuvre permettent, au-delà des mots parfois durs qui peuvent être échangés, un réel travail de fond.

Les messages de haine et de vengeance ne peuvent pas être une solution pour la Côte d'Ivoire, dont la population aspire à la paix.

*

* *

L'achèvement du processus de réconciliation nationale et la normalisation de la vie politique ivoirienne constituent le socle sur lequel doit s'appuyer le redémarrage de l'économie ivoirienne, afin que la Côte d'Ivoire puisse s'inscrire, sur le long terme, dans une trajectoire positive de développement.

Conférence de presse à l'issue de l'entretien
avec le Président ministre ivoirien, M. Daniel Kablan Duncan

Visite du chantier du pont Henri Konan Bédié

CONCLUSION

La délégation de votre groupe interparlementaire d'amitié se réjouit des échanges fructueux conduits lors de ce déplacement au Burkina Faso, au Ghana et en Côte d'Ivoire.

Ces trois pays, s'ils connaissent chacun des situations spécifiques, partagent également des problématiques et des centres d'intérêts communs qu'il était particulièrement intéressant d'aborder au cours d'un même déplacement.

Celui-ci a également permis de mettre en évidence la montée en puissance de la structure de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui comprend 15 États membres.

Cet élément justifie pleinement l'organisation actuelle de votre groupe interparlementaire d'amitié, lequel couvre l'ensemble des membres de la CEDEAO ainsi que la Mauritanie, ce qui lui permet de porter une analyse globale sur les intérêts de la sous-région d'Afrique de l'Ouest et d'échanger de manière efficace avec les acteurs de la zone.


* 1 Source : RFI, « Burkina Faso: Blaise Compaoré confirme la mise en place du Sénat », 13 décembre 2013.

* 2 International Crisis Group, Rapport Afrique n° 205, « Burkina Faso : avec ou sans Compaoré, le temps des incertitudes », 22 juillet 2013, p. 44.

* 3 L'article 25 de la loi du 21 mai 2013 dispose qu'en cas de désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat ou si le Sénat ne s'est pas prononcé dans les délais requis, l'Assemblée nationale statue définitivement, sauf pour les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et des instances des Burkinabè vivant à l'étranger. Ces derniers sont soumis en premier lieu au Sénat et celui-ci est appelé à statuer définitivement en cas de désaccord entre les deux chambres.

* 4 Source : RFI, « Burkina Faso : Blaise Compaoré confirme la mise en place du Sénat », 13 décembre 2013.

* 5 La précédente s'était tenue à Ouagadougou le 18 novembre 2011.

* 6 Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali.

* 7 Selon la définition de l'Agence française de développement, un programme est un ensemble de projets ou d'opérations, structuré pour atteindre des objectifs de développement spécifiques à l'échelle d'un secteur, d'un pays, d'une région. L'aide programme peut prendre plusieurs formes : aide à la balance des paiements, soutien à un secteur déterminé (aide sectorielle) ou soutien à certaines dépenses budgétaires (aide ou appui budgétaire). Ces aides sont en général mises en oeuvre en harmonie avec les procédures financières et budgétaires du pays bénéficiaire.

* 8 Rapport d'information n° 104 (2013-2014), fait au nom du groupe de travail de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sur la présence de la France dans une Afrique convoitée.

* 9 Source : Perspectives économiques en Afrique, fiche Burkina Faso.

* 10 La République populaire de Chine n'a pas de représentation diplomatique au Burkina Faso, qui accueille en revanche une représentation diplomatique de la République de Chine (Taïwan).

* 11 Ceci a conduit les autorités ghanéennes à adopter certaines mesures fiscales correctrices, et en particulier, une hausse de la fiscalité applicable aux entreprises dans certains secteurs.

* 12 Société de promotion et de participation pour la coopération économique.

* 13 Discours de M. Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale, à l'occasion de la clôture de la seconde session ordinaire de la deuxième législature, le 20 décembre 2013.

* 14 Cet embargo a été mis en place par la résolution 1572 du Conseil de sécurité des Nations Unies, en date du 15 novembre 2004, pour une durée de treize mois. Il a depuis été constamment prorogé, la dernière fois par la résolution 2101 (2013) le prorogeant jusqu'au 30 avril 2014. Il interdit ainsi à tous les États de fournir, vendre ou transférer, directement ou indirectement, des armes et du matériel connexe au gouvernement ivoirien, à partir de leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, que ces armes et ce matériel aient ou non leur origine sur leur territoire.

* 15 Ces différentes données sont reprises de la conférence de presse donnée par M. Charles Konan Banny, président de la Commission « dialogue, vérité et réconciliation », le 30 décembre 2013.

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