Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 20 novembre 2007


Table des matières

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Subsidiarité

Dialogue avec la Commission européenne :
bilan d'une année d'application

Rapport d'information de M. Hubert Haenel

M. Hubert Haenel :

Tout d'abord, pourquoi ce rapport ?

Le dialogue sur la subsidiarité a été lancé le 1er septembre 2006. Je rappelle qu'il s'agissait, au départ, d'une initiative de la Commission. Nous étions alors dans la « période de réflexion » consécutive aux référendums négatifs en France et aux Pays-Bas. La présidence autrichienne avait particulièrement mis l'accent sur le problème de la subsidiarité. La Commission européenne a déclaré qu'elle était prête à un dialogue direct avec les parlements nationaux sur ce sujet : elle leur adresserait directement tous ses textes, et recevrait leurs observations. Le Conseil européen a approuvé cette démarche en mentionnant explicitement la subsidiarité et la proportionnalité, et le dialogue a été lancé sur cette base, il y a donc un peu plus d'un an.

J'ai pensé qu'après cette expérience d'une année, il était bon de faire un premier bilan. Il faut ajouter que certains de nos homologues européens semblaient demandeurs. Dans toutes les assemblées, ce dialogue pose un problème d'adaptation. C'est une procédure nouvelle, certains hésitent à s'engager, d'autres tâtonnent. Or, nous sommes apparus plutôt en pointe, puisque c'est apparemment la délégation qui a envoyé à la Commission le plus grand nombre d'observations. C'est pourquoi, lors des réunions de la COSAC, j'ai constaté une demande d'informations sur la manière dont les choses se passaient au Sénat.

D'où ce rapport, dont le principal objectif est de faire le point.

1) Comment s'est déroulé le dialogue ?

> Nous avons été, en fait, le seul organe du Sénat à participer au dialogue. Cette situation n'a rien d'anormal :

- les questions de subsidiarité et de proportionnalité sont des questions « transversales » : il ne s'agit pas de se prononcer sur le fond même du texte, mais de savoir si des principes généraux sont respectés ;

- or, la délégation est précisément un organe « transversal », où siègent des membres de toutes les commissions, et qui a une mission générale de suivi des questions européennes ;

- de plus, il faut examiner un grand nombre de textes dans un délai relativement réduit : sur une année, nous avons reçu 787 textes, et nous disposons de six semaines pour adresser une observation à la Commission. Pour faire face à cet afflux de documents, il faut impérativement avoir une « jurisprudence » qui permette de se concentrer sur les textes réellement litigieux. Cela plaide pour qu'une même instance s'occupe de tous les documents ;

- enfin, l'efficacité du dialogue repose en partie sur un effort de concertation interparlementaire au sein de la COSAC. Or, la délégation est l'organe du Sénat qui est représenté au sein de la COSAC.

J'observe d'ailleurs que le rapport du « Comité Balladur » propose que l'organe chargé des affaires européennes dans chaque assemblée - qui serait baptisé « comité des Affaires européennes » - soit compétent pour les questions relatives à la subsidiarité.

> Comment avons-nous procédé pour nous concerter sur les textes litigieux ? Je rappelle que nous avons appliqué quatre critères :

- nous avons éliminé d'office tous les documents n'ayant pas de portée normative et ne préfigurant pas une proposition d'acte. Ces textes sont des rapports sur la mise en oeuvre de directive ou de règlements, des communications à visée informative, des documents de travail, des documents d'orientation de portée très générale... Ils sont très nombreux : 44 % des textes transmis par la Commission ont été classés dans cette catégorie.

- nous avons également éliminé les textes qui n'étaient pas susceptibles, en raison de leur objet, d'appeler des observations concernant la subsidiarité et la proportionnalité. Restent dans cette catégorie les textes de gestion intervenant dans le cadre des politiques communes, les accords internationaux de nature économique, les textes liés à la mise en oeuvre du processus d'élargissement, ou encore les propositions de nature essentiellement technique liées au fonctionnement du marché intérieur. Ces documents sont également très nombreux : 39 % des textes transmis ont été classés dans cette catégorie.

- nous avons également éliminé les textes de codification (3 % des textes transmis).

- enfin, nous n'avons pas non plus examiné les textes intervenant à un stade avancé du processus de décision : il s'agit de propositions modifiées présentées par la Commission pour traduire ou favoriser un accord. Il est manifestement trop tard pour engager un dialogue à ce stade. Ces textes ont représenté 6 % des textes transmis.

On voit que, finalement, les textes appelant un examen plus approfondi sont relativement peu nombreux : ils ont représenté, sur une année, 8 % du total. Encore faut-il noter que certains de ces documents sont liés entre eux : ainsi, une proposition de directive est souvent accompagnée d'un document de travail apportant des informations complémentaires. Le nombre de sujets à aborder est donc inférieur à celui des documents.

Au total, sur les 787 documents qu'elle a reçus de la Commission, la délégation a sélectionné 60 documents pour un examen plus approfondi, ces 60 textes correspondant en réalité à 35 sujets différents. Et nous avons adressé 31 observations à la Commission.

> Par ailleurs, la délégation a participé, autant que possible, aux différentes formes de coopération concernant la subsidiarité.

Tout d'abord, les observations adoptées par la délégation ont été rendues disponibles sur le réseau IPEX (qui est le site Internet chargé de faciliter l'échange d'informations entre les parlements de l'Union européenne).

Ensuite, la délégation a participé aux « expériences-pilotes » de contrôle de la subsidiarité organisées par la COSAC :

- la première (organisée en 2005) a porté sur le « troisième paquet ferroviaire » ;

- la seconde (organisée en 2006) a porté sur une proposition de règlement relative à la loi applicable en matière matrimoniale ;

- la troisième (organisée également en 2006) a porté sur la proposition de directive concernant les services postaux ;

- une quatrième expérience est en cours et porte sur une proposition concernant la lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, sur proposition de notre collègue Jacques Blanc, qui est tout à la fois membre de la délégation et membre du Comité des régions, la délégation a également participé - en considérant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République - au réseau de monitorage du Comité des régions.

Enfin, le thème de la subsidiarité a été un des principaux sujets de la coopération entre la délégation et la commission homologue du Bundesrat allemand. Il a été abordé lors des deux rencontres (janvier 2006 et octobre 2007) qui ont eu lieu jusqu'à présent, et, dans l'intervalle, l'échange d'informations sur ce sujet s'est poursuivi à l'échelon administratif.

 Que s'est-il passé chez nos voisins ? La participation au dialogue a été assez variable. Au dernier pointage, la Commission avait reçu 142 observations. Mais elles émanaient en majorité d'une petite dizaine d'assemblées, dont la nôtre : Bundesrat allemand, Sénat tchèque, première et deuxième chambre du Parlement néerlandais, Chambre des Lords, Parlement danois, Parlement portugais, Parlement suédois. Les autres assemblées sont intervenues plus ponctuellement, et certains n'ont pas pris part au dialogue.

Il n'y a pas d'essoufflement de la procédure, mais celle-ci, pour l'instant, est portée par une partie seulement des 40 assemblées parlementaires que compte l'Union (13 pays sont bicaméraux et 14 monocaméraux).

Les textes les plus critiqués portaient sur :

- les conflits de lois en matière matrimoniale ;

- le marché intérieur des services postaux ;

- la protection des sols ;

- la sécurité des infrastructures routières ;

- la protection des infrastructures critiques ;

- l'institut européen de technologie ;

- la protection diplomatique et consulaire ;

- le Livre vert « Une Europe sans fumée de tabac » ;

- le Livre vert sur la modernisation du droit du travail ;

- la communication « Une vision européenne des mers et océans » ;

- la communication présentant la stratégie de la Commission pour 2008.

2) Quels enseignements tirer d'une année de dialogue ?

 Tout d'abord, la Commission s'est prêtée au jeu : nos observations ne sont pas restées sans réponse. Certes, le nombre des réponses que nous avons reçues - qui est de 24 - est inférieur au nombre de nos observations - 31. Mais cela vient du fait que, dans les premiers temps de la procédure, nous informions aussi la Commission des cas où, après débat, nous avions conclu qu'il n'y avait pas de difficulté. Ensuite, nous avons cessé de le faire. Nous avons donc envoyé un certain nombre d'observations qui n'appelaient pas de réponse. Dans les autres cas, la Commission a répondu. Le seul cas litigieux est celui du projet de programme européen de protection des infrastructures critiques : la délégation l'avait certes estimé conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, mais à la condition de respecter certaines conditions. Ces réserves n'ont pas reçu de réponse.

En revanche, le délai de réponse de la Commission ne peut être jugé satisfaisant. Le délai de trois mois qu'elle s'était fixé n'a pas toujours été respecté. Si quelques réponses ont été relativement rapides, d'autres n'ont été fournies qu'après un délai de cinq à six mois. Or, passé un certain délai, le dialogue n'a plus guère de sens, le processus de décision étant de toute manière trop avancé pour que les questions de subsidiarité et de proportionnalité aient une chance d'être prises en compte.

 La qualité du dialogue s'est en revanche révélée inégale.

Quelques motifs de satisfaction

Dans certains cas, la Commission a admis la nécessité de motiver davantage sa proposition et a fourni des justifications supplémentaires que nous avons jugées suffisantes.

Dans quelques cas, la Commission a fait droit à nos arguments :

- pour certains textes, la Commission avait considéré que le problème de la subsidiarité ne se posait pas, car on était dans une « compétence exclusive » de l'Union. Nous avons fait remarquer que la Commission faisait un usage abusif de cette notion de « compétence exclusive », qui concerne en réalité un très petit nombre de domaines : l'union douanière, la concurrence, l'euro, les ressources de pêche, la politique commerciale commune. La Commission s'est rangée à notre argument ;

- de même, à propos de la proposition sur l'OCM « fruits et légumes », nous avions souligné la nécessité de motiver les textes au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité, même dans le cas d'un texte relevant de la PAC ; là également, la Commission s'est rangée à notre argument.

Des motifs de déception

Mais dans d'autres cas, la Commission s'est bornée à reprendre les justifications figurant dans l'exposé des motifs ou les considérants de la proposition : or, si nous avions formulé une observation, c'était au minimum pour obtenir une justification plus complète.

Il est même arrivé que la Commission réponde en termes d'opportunité à des observations portant sur la subsidiarité. Ainsi, dans ses observations concernant la proposition de réforme de l'OCM vitivinicole, la délégation avait estimé que, pour être pleinement conforme au principe de subsidiarité, ce texte devrait accorder une plus grande latitude aux États membres quant aux mesures susceptibles d'être financées dans le cadre des « enveloppes nationales » qu'il était prévu d'accorder. Dans sa réponse, la Commission se borne à indiquer qu'elle n'est « pas favorable » aux mesures citées en exemple par la délégation « à cause de leurs nombreux inconvénients ». Or, la question était seulement de savoir si le principe de subsidiarité devait conduire, en l'occurrence, à laisser une plus grande latitude aux États membres ; à supposer qu'il en soit ainsi, c'était à ceux-ci d'évaluer les avantages et inconvénients des mesures possibles, sous réserve du contrôle de la Commission sur d'éventuelles distorsions de concurrence.

Des motifs d'inquiétude

Dans certains cas, la Commission emploie des arguments extrêmement critiquables.

Il en est ainsi lorsque la Commission, dans l'exposé des motifs d'une proposition, fonde son argumentation en matière de subsidiarité sur l'existence de différences de situation entre les États membres. Ainsi, pour justifier sa proposition sur la question des infrastructures routières, la Commission met en avant la diversité des mesures prises et l'inégalité des performances selon les États membres. De même, pour justifier une proposition concernant les incitations fiscales en faveur de la recherche-développement, elle souligne que le régime des fondations est caractérisé par une très grande diversité en matière d'organisation, de gestion administrative, de conditions de fonctionnement, de statut juridique et de traitement fiscal.

De telles justifications sont préoccupantes. Si l'existence de différences de situation entre les États membres peut tenir lieu de justification au regard du principe de subsidiarité, alors autant rayer ce principe des traités, car il n'existe pas de secteur d'action possible de l'Union où cet argument ne pourrait être employé. Un tel raisonnement revient, en réalité, à priver l'énoncé du principe de subsidiarité de tout effet utile.

Tout aussi critiquable est l'argument employé par la Commission à propos de la proposition de directive sur la sécurité des infrastructures routières : la Commission justifie son texte par le fait que les infrastructures routières sont souvent cofinancées par les fonds structurels ou le fonds de cohésion. Là également, entrer dans une telle logique reviendrait à neutraliser le principe de subsidiarité, tant les réalisations financées par les fonds européens sont variées et touchent à des domaines divers.

 Ainsi, le bilan du dialogue avec la Commission se ramène à un plus grand effort de justification de ses propositions, effort parfois convaincant, parfois moins convaincant, pour ne pas dire plus.

La minceur de ce résultat peut d'autant plus décevoir que les préoccupations exprimées par la délégation, au moins dans certains cas, n'étaient manifestement pas sans fondement, puisque certains des textes en cause ont suscité un débat sur la subsidiarité au sein du Parlement européen ou du Conseil.

Les débats du Conseil ont ainsi accordé une place à l'exigence de subsidiarité dans des domaines comme les capacités aéroportuaires, la protection des sols, la sécurité des infrastructures routières, la réforme de l'OCM « fruits et légumes », la gestion des risques d'inondation ; il en a été de même, dans le cas du Parlement européen, pour les textes relatifs aux infrastructures critiques, à la protection des sols, à la réforme de l'OCM vitivinicole, à la gestion des risques d'inondation...

L'existence de tels débats montre que la problématique de la subsidiarité est désormais prise davantage au sérieux par le législateur de l'Union ; cela suggère qu'il aurait été utile, pour la Commission, de l'aborder plus à fond au stade plus précoce du dialogue avec les parlements nationaux.

3) Quelles perspectives pour le dialogue direct ?

 Le lancement du dialogue direct a été, au départ, une initiative du président de la Commission européenne. Au sein de celle-ci, le soutien à cette démarche était probablement loin d'être unanime.

Du côté des parlements nationaux, les réticences de principe semblent très rares, mais le dialogue direct avec la Commission réclame des évolutions en termes de culture politique et d'habitudes de fonctionnement. Le « réflexe européen » est encore loin d'être la règle au sein des parlements.

On ne peut s'étonner qu'au bout d'une année, le bilan s'apparente plus à un démarrage laborieux qu'à une marche triomphale. En même temps, les leçons de cette première expérience doivent être tirées pour donner toute sa portée au dialogue.

Tout d'abord, il faut faire commencer le dialogue très en amont, au stade des « Livres verts ». Il s'agit certes de documents de consultation : à ce stade, la Commission nous a fait savoir qu'elle n'avait pas à motiver au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité les différentes mesures possibles qu'elle soumet à la consultation, puisqu'il ne s'agit pas encore de propositions. Et nous avons été convaincus par cet argument. Mais nous avons fait valoir que les parlements nationaux sont fondés, quant à eux, à attirer l'attention sur les problèmes de subsidiarité et de proportionnalité que soulèverait telle ou telle mesure envisagée, si elle devenait une proposition. Et, si leurs observations ne leur semblent pas prises en compte à l'étape suivante, celle du « Livre blanc » qui préfigure une proposition législative, ils peuvent revenir à la charge.

Ainsi, intervenir très en amont permet de réunir les conditions d'un dialogue avant qu'une proposition formelle ne soit présentée, avec de meilleures chances de voir les préoccupations concernant la subsidiarité et la proportionnalité être prises en compte. De ce fait, on peut espérer que le dialogue avec la Commission portera plus de fruits et apportera davantage de satisfaction lorsque nous aurons plus de recul, et que les nouvelles propositions découleront de Livres verts sur lesquels nous aurons pu nous faire entendre de la Commission.

Ensuite, l'information sur les observations des parlements nationaux doit être plus largement diffusée. L'information réciproque entre parlements nationaux se heurte encore à des obstacles. En même temps, le Conseil et le Parlement européen ne semblent pas toujours bien informés de l'existence ou de la teneur des observations des parlements. Pour que le dialogue sur la subsidiarité ait de meilleures chances de faire évoluer certaines attitudes de la Commission, il faut en réalité que ce dialogue soit le point de départ d'un débat appelé à se poursuivre aux différents stades du processus de décision.

Enfin, la concertation interparlementaire doit s'intensifier. Il est clair que plus nombreuses seront les assemblées à soulever un problème de subsidiarité au sujet d'un texte, meilleures seront les chances de voir la Commission prendre au sérieux les préoccupations exprimées. D'ailleurs, on peut constater que la proposition qui avait été la plus débattue dans le cadre de la COSAC - celle sur les conflits de lois en matière matrimoniale - a été aussi la plus débattue au Conseil sous l'angle de la subsidiarité ; lorsqu'un grand nombre de parlements nationaux s'impliquent, il y a donc un retentissement certain.

Mais, pour harmoniser la convergence des prises de position, un effort de réflexion collective s'impose pour disposer, autant que possible, de critères communs, de points de repère facilitant le rapprochement des points de vue des assemblées dans les délais relativement limités dont elles disposent. La COSAC apparaît comme le lieu approprié pour une réflexion sur ces critères communs, qui pourrait d'ailleurs tirer profit de celle qui est déjà engagée au sein du Comité des régions.

 Le dialogue direct sur la subsidiarité et la proportionnalité a été lancé à un moment où le processus de révision des traités semblait dans l'impasse. Garde-t-il encore son intérêt alors que le traité de Lisbonne va consacrer un contrôle de subsidiarité reposant en grande partie sur l'intervention des parlements nationaux ?

En réalité, le contrôle de subsidiarité prévu par le traité de Lisbonne se distingue très nettement du dialogue direct engagé depuis un an : organisé par les traités, le contrôle de subsidiarité est associé au processus de décision de l'Union, qu'il peut interrompre ou dont il peut faire annuler le résultat ; par ailleurs, il concerne uniquement les propositions d'acte législatif et porte exclusivement sur la subsidiarité, quelles que soient les difficultés qui risquent d'apparaître pour considérer ce principe indépendamment de tout autre.

Le dialogue direct avec la Commission conserve donc une utilité spécifique : comme l'ont noté les contributions des COSAC de Berlin et de Lisbonne, il apporte des possibilités supplémentaires - qui, en réalité, peuvent compléter le mécanisme de contrôle prévu par la révision du traité.

Le dialogue direct porte sur un domaine bien plus vaste, puisqu'il comprend l'ensemble des documents émanant de la Commission, notamment les Livres verts et Livres blancs, et non les seules propositions législatives. Comme on l'a vu, sa vocation est d'intervenir le plus en amont possible, et donc de préférence avant qu'une proposition législative ne soit présentée.

Le champ du dialogue est également plus large, puisqu'il porte à la fois sur la subsidiarité et la proportionnalité et que, s'agissant d'un dialogue informel, il paraît possible de l'étendre à des questions connexes comme celle de la base juridique.

Le dialogue direct conserve donc un intérêt propre et peut se combiner avec le mécanisme de contrôle prévu par le traité de Lisbonne.

* *

*

En conclusion, je dirai que les résultats du dialogue direct avec la Commission ont été, pour sa première année, très peu spectaculaires. On doit cependant tenir compte de la difficulté de l'objectif poursuivi : il s'agit de développer une « culture de subsidiarité » qui n'existe aujourd'hui ni dans la plupart des États membres, ni à l'échelon européen.

Et c'est sans doute seulement lorsqu'il se combinera avec le mécanisme de contrôle prévu par le traité de Lisbonne que le dialogue direct prendra une plus grande portée. En tout état de cause, beaucoup dépendra de la coopération interparlementaire, dont le développement sera indispensable pour faire vivre le dialogue direct tout comme le mécanisme de contrôle prévu par le traité de Lisbonne.

Compte rendu sommaire du débat

M. Simon Sutour :

Je souscris à votre analyse du dialogue direct avec la Commission européenne. Dans un autre ordre d'idées, je voudrais souligner aussi l'intérêt des contacts informels que nous pouvons avoir avec des membres de la Commission lorsque nous nous rendons à Bruxelles. Aujourd'hui, ces contacts ne sont plus rares. Dans le passé, on nous voyait un peu comme des gêneurs : pourquoi les parlementaires nationaux se préoccupaient-ils des questions européennes, alors qu'il y avait une Commission, un Parlement et un Conseil pour cela ? Je crois qu'il y a eu une évolution. Lorsque j'ai été reçu par Mme Fisher-Boel, pour la préparation de mon rapport sur l'OCM vitivinicole, j'ai eu l'impression d'une écoute, d'une attention qui reflétait le sentiment que nos prises de position pouvaient avoir une influence sur le gouvernement. Lors de notre dernier déplacement collectif à Bruxelles, j'ai également senti une disposition au dialogue de la part de la Commission, mais aussi des parlementaires européens que nous avons rencontrés.

Je perçois donc un progrès, qui est peut-être dû en partie - à quelque chose malheur est bon - au résultat du référendum, qui a mis au jour un sentiment de déficit démocratique et d'incompréhension. J'approuve tout à fait le passage du rapport qui souligne que, pour construire l'Europe, on n'avait pas besoin de légiférer sur les eaux de baignade ou les habitats naturels. Cette législation superflue nuit à l'image de la construction européenne chez les citoyens. Une plus grande vigilance sur la subsidiarité me paraît justifiée.

M. Hubert Haenel :

Votre propos me fait penser à une remarque de Willi Stächele, ministre du Land de Bade-Wurtemberg et président de la commission des affaires européennes du Bundesrat, lors de notre rencontre avec nos homologues du Bundesrat. Il estimait que, depuis les référendums, les membres du Bundesrat étaient pris plus au sérieux à Bruxelles. Mais, à mon avis, le changement avait commencé auparavant. Au début de la Convention sur l'avenir de l'Europe, nous sentions encore de fortes réticences à reconnaître un rôle aux parlements nationaux, puis, peu à peu, il y a eu malgré tout une évolution.

M. Roland Ries :

Je trouve ce rapport éclairant, c'est une synthèse utile. Je voudrais souligner que notre rôle n'est pas d'arbitrer entre les institutions européennes, mais de veiller au respect de la subsidiarité par les institutions de l'Union prises globalement. Toute institution a tendance à accroître son champ d'action ; et plus une institution est jeune, plus elle cherche à élargir son périmètre.

Le rapport souligne à juste titre que certains arguments avancés par la Commission sont très critiquables. Si l'on admet que l'existence d'une diversité des situations suffit à justifier une intervention européenne malgré le principe de subsidiarité, alors il n'y a plus de limite aux interventions. De même, l'argument selon lequel un cofinancement donne le droit d'intervenir me paraît inquiétant. C'est un problème plus général : jusqu'où un cofinancement peut-il donner un droit de regard ? Lorsque j'étais maire de Strasbourg, j'avais fait le tour des institutions locales afin de chercher des subventions pour notre projet de tramway. Devant le Conseil général, j'avais eu le malheur de dire : « Votre point de vue sur le projet m'intéresse, mais si vous voulez aider Strasbourg, laissez-la choisir la solution ». Le président du Conseil général - c'était alors Daniel Hoeffel - m'avait répondu : « Si nous finançons, nous voulons avoir notre mot à dire sur la solution ». Pour ma part, je ne suis pas favorable à la conditionnalité des subventions, ou alors elle doit être la plus limitée possible. J'examine en ce moment le texte européen sur la mobilité urbaine : la Commission propose une labellisation des villes, avec des conditions à remplir ; cela reviendrait à la laisser choisir à la place des premiers intéressés.

M. Simon Sutour :

Pour ma part, je ne suis pas choqué que l'instance qui subventionne, que ce soit l'Union ou un autre échelon, veuille avoir son mot à dire sur l'utilisation des fonds. Ce qui me paraît critiquable dans le raisonnement de l'Union à propos du texte sur les infrastructures routières, c'est qu'il va beaucoup plus loin : il suggère que, dès lors que l'Union cofinance des routes, elle peut poser des règles. C'est aller trop loin.

M. Roland Ries :

Ceci montre bien, justement, qu'il faut se méfier de la tendance à la « conditionnalisation » toujours plus poussée des subventions. Lorsqu'on soumet les subventions à des conditions trop précises, on ne respecte pas le pouvoir d'appréciation des autorités locales, on décide pratiquement à leur place. Je reconnais que le problème n'est pas simple, mais pour ma part, je crois que la formule « je cofinance, donc je codécide » est dangereuse.

M. Charles Josselin :

J'ai également été intéressé par ce rapport. Je souhaiterais faire quelques remarques.

Certains des textes qui nous sont transmis sont très techniques. Je crois que c'est une tâche de notre délégation que de discerner les enjeux politiques sous-jacents de certains textes techniques, même si c'est parfois difficile.

Je crois qu'il y a une responsabilité des gouvernements en matière de subsidiarité. Le Gouvernement est prévenu très tôt des perspectives de présentation des textes. Le Conseil conserve un grand pouvoir. Les ministres font-ils leur travail en ce qui concerne la subsidiarité ? Je n'en suis pas sûr. Dans le même ordre d'idées, la Représentation permanente de la France joue-t-elle un rôle positif ? Avons-nous des relations satisfaisantes avec elle ?

J'ai également une interrogation sur le fait que, dans ce dialogue avec la Commission, nous abordons tous les textes, et pas seulement ceux qui sont législatifs au sens de notre Constitution. Est-ce qu'on ne risque pas de nous reprocher d'outrepasser nos compétences ?

Je voudrais également souligner l'intérêt du dialogue avec le Parlement européen. J'ai été président de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale pendant neuf ans, à partir de 1981 ; à cette date, le Parlement européen était élu au suffrage direct depuis deux ans et avait un grand appétit de pouvoir. Il ne comprenait même pas que les parlements nationaux puissent avoir un rôle à jouer en matière européenne. Aujourd'hui, il existe une attitude plus ouverte, plus constructive. Néanmoins, le Parlement européen est encore loin d'avoir une culture de la subsidiarité : la tentation de vouloir que l'Europe s'occupe de tout est toujours là, d'autant qu'il n'existe pas à l'échelon européen un domaine de la loi bornant le champ d'intervention du Parlement, comme c'est le cas en France. Est-ce qu'il ne serait pas utile de développer des liens avec les commissions du Parlement européen pour faire valoir nos préoccupations ?

Enfin le rapport Balladur évoque la création d'un « comité des Affaires européennes ». Cela devrait être l'occasion de mieux définir les relations entre l'organe chargé des questions européennes et les commissions permanentes. Pour les questions les plus importantes, il nous faudrait parvenir à associer les différentes instances compétentes, et à nous prononcer autant que possible en séance plénière. D'autres parlements abordent plus souvent en séance plénière les questions européennes. La création du « comité » pourrait favoriser cette évolution.

M. Bernard Frimat :

J'ai également vu dans le rapport que vous venez de nous présenter une intéressante synthèse. La subsidiarité est effectivement un sujet important.

Le rapport critique à juste titre l'idée que le cofinancement pourrait entraîner la compétence. Ce serait vider le principe de subsidiarité de son contenu. On ne peut s'en tenir non plus à la formule : « qui paye décide ». J'ai eu une expérience de la politique régionale ; c'est d'ailleurs là, me semble-t-il, que le principe de subsidiarité a commencé à prendre tout son sens. L'Europe était présente pour fixer les grandes règles du jeu, mais les régions étaient au coeur de la décision. Les objectifs étant définis, il y avait une liberté pour affecter les moyens ; il aurait été exorbitant que ce soit la Commission qui décide de leur emploi. Dans un domaine de ce type, la Commission doit définir le cadre général, il doit exister un partenariat, mais une Commission omniprésente n'est pas souhaitable.

Un des intérêts du dialogue sur la subsidiarité, c'est de nous inciter à nous saisir des textes au moment opportun, c'est-à-dire en amont. Cela vaut pour les questions de subsidiarité, mais aussi les questions de fond. Le grand risque pour les parlements nationaux, c'est d'arriver après la bataille. Si nous intervenons après la première lecture du texte, c'est trop tard pour avoir quelque utilité. Pour le « paquet énergie », nous voyons bien que c'est maintenant que tout se passe, avant la première lecture. La veille permanente que nous exerçons sur la subsidiarité et la proportionnalité doit nous aider à être plus réactifs aussi sur le fond ; elle bonifie la capacité d'alerte et permet d'attirer l'attention plus tôt. Il faut que les commissions permanentes interviennent le plus rapidement possible : l'orientation choisie ne sera pas forcément conforme à mes voeux, je le sais, mais au moins l'intervention aura une utilité. Je crois également que nous devons essayer d'intervenir auprès de tous les acteurs : Commission, Conseil, mais aussi Parlement européen.

M. Christian Cointat :

Je ne conteste pas l'intérêt du rapport. Mais il me donne du vague à l'âme. La vogue de la subsidiarité me paraît être l'habillage d'un retour des égoïsmes nationaux. La foi dans la construction européenne, en réalité, va en diminuant. On se réclame de l'idée européenne, mais, au niveau national, on agit en sens contraire. La construction européenne a beaucoup progressé, mais il n'y a plus aujourd'hui le même élan. On le sent même dans le traité de Lisbonne, que je voterai tout de même sans hésiter !

J'aimerais que nous donnions à la subsidiarité un sens plus positif. Lorsqu'il y a un financement communautaire, il est clair que cela n'habilite pas l'autorité européenne à tout décider, mais elle peut fixer des grandes lignes. Il faut un juste milieu.

La subsidiarité ne doit pas être invoquée seulement pour freiner. Les institutions doivent pouvoir fonctionner ; à cet égard, évitons d'imputer tout le mal à la Commission : il vient plutôt du Conseil qui cumule les rôles d'exécutif et de législatif et fait souvent triompher les égoïsmes nationaux et la raison d'État, bien loin des considérations démocratiques. Nous devons avoir une approche politique. La subsidiarité doit être maniée avec intelligence et discernement. Elle ne doit surtout pas servir à donner l'absolution aux égoïsmes nationaux : mieux vaut accepter quelques péchés véniels dans l'autre sens.

M. Bernard Frimat :

Je ne poursuivrai pas les comparaisons théologiques, qui ne sont pas mon fort ! Je reconnais que la subsidiarité est une notion complexe. Il ne faut pas l'entendre comme un encouragement à la renationalisation. Schématiquement, j'y vois pour ma part un antidote à la bureaucratie européenne. Il faut que l'Europe soit ressentie par le citoyen comme un instrument pour l'aider, et non pour le gêner.

M. Christian Cointat :

C'est le Conseil qui est responsable ! La Commission ne décide pas.

M. Bernard Frimat :

La Commission a le monopole de la proposition, c'est un pouvoir très important. Je ne veux pas pour autant blanchir les gouvernements, qui ont trop tendance à dire : « Ce qui est bon l'est grâce à moi, ce qui est mauvais vient de Bruxelles » ! Mais c'est un bon principe que de chercher à ce que la décision soit prise au niveau le mieux approprié : cela vaut aussi à l'échelon national. Chacun comprend que, si c'est la direction nationale de la poste qui choisit l'emplacement des boîtes aux lettres, le résultat sera moins bon que si le choix est fait localement. Ce n'est pas injurier les institutions européennes que de dire qu'il y a des pesanteurs bureaucratiques.

M. Simon Sutour :

J'espère qu'on me pardonnera une comparaison tauromachique. J'ai l'impression que nous avons agité la cape devant notre collègue Cointat, ancien fonctionnaire européen et représentant des Français établis hors de France ; maintenant, nous allons essayer de réussir une belle passe !

Je ne crois pas qu'il faille voir dans la subsidiarité une orientation négative, même s'il faut bien, aujourd'hui, tordre un peu le bâton dans l'autre sens pour corriger certains excès.

Il faut un ancrage local de la politique ; il faut être au contact des réalités locales. C'est vrai pour la politique nationale : par exemple ceux qui évoquent l'idée de supprimer les sous-préfectures sont ceux qui ignorent le rôle qu'elles jouent sur le terrain. Tout est plus simple depuis un bureau. Cela vaut aussi pour l'Europe, quelles que soient les institutions. Nous avons fait des circonscriptions pour l'élection des députés européens, en principe pour les rapprocher des électeurs. Je peux dire que certains d'entre eux n'entretiennent aucun rapport avec leur circonscription ! Or, rien ne remplace l'ancrage local. Il n'est pas prestigieux de participer aux réunions d'un syndicat d'électrification de petites communes, mais qui ne l'a pas fait ne comprend pas certaines réalités. On ne peut pas regarder les gens de haut et s'étonner que, ensuite, ils votent « non » quand ils en ont l'occasion.

M. Charles Josselin :

Quand j'étais ministre, je disais volontiers que la Belgique était un plat pays, mais qu'à Bruxelles il y avait des montagnes à soulever ! Je suis européen, mais je suis aussi décentralisateur. Les fonctionnaires de la Commission sont de très grande qualité, et l'on comprend qu'ils se sentent tenus d'intervenir quand ils constatent la faiblesse des administrations dans un certain nombre de pays membres. Pourtant, il faut plaider pour la neutralité technologique du bailleur de fonds, qui n'a pas à imposer ses solutions, et même pour sa neutralité idéologique : quand la Banque mondiale subventionne un système d'adduction d'eau, elle n'a pas à imposer le recours à un opérateur privé plutôt qu'à une régie. Il faut faire confiance aux responsables locaux. Nous sommes dans notre rôle en mettant en avant la subsidiarité qui doit être la contrepartie de l'intégration européenne.

M. Pierre Bernard-Reymond :

La subsidiarité est un principe qu'on ne peut codifier ; ce n'est pas un critère qui pourrait jouer de manière automatique. Il y a un équilibre à trouver au cas par cas.

Il y a aussi une demande d'Europe. J'étais au Gouvernement lors de la controverse qu'avait suscité le fameux texte sur les fromages à pâte molle ; nous avions fini, non sans mal, par trouver une solution. Nous sentions qu'on commençait à s'alarmer du développement de la réglementation européenne. Or, juste après, j'ai été saisi d'une demande de réglementation européenne venant des fabricants français et allemands d'explosifs. Ils nous disaient : dans nos deux pays, les règles de sécurité sont plus strictes que dans les autres ; il faut une harmonisation européenne, sinon nous serons obligés de nous délocaliser vers d'autres pays membres. On voit qu'il existe aussi une demande d'intervention européenne venant des professions, qui est légitime et dont il faut tenir compte.

Je suis d'accord en tout cas pour dire que la subsidiarité doit jouer à tous les échelons : j'ai été maire pendant 18 ans, premier adjoint aussi longtemps, et j'aurais aimé que les présidents de conseil régional et de conseil général s'en inspirent !

M. Yann Gaillard :

En tout cas, je constate que cette notion de subsidiarité, qui peut paraître abstraite, est très parlante pour beaucoup d'entre nous, car nous avons vu affleurer les expériences personnelles, celle de l'ancien fonctionnaire européen, celle de l'ancien fonctionnaire territorial, celles des anciens ministres... J'en tire que la subsidiarité est bien une question fondamentale. Il faut éviter que les parlements nationaux et les pouvoirs locaux ne soient peu à peu marginalisés. Tout en étant européen, il faut savoir se défendre contre trop d'Europe.

M. Hubert Haenel :

Au moment du référendum, je me suis beaucoup investi en faveur du « oui », et j'ai remarqué dans les réunions ce sentiment que l'Europe en fait trop. On juge en même temps que l'Europe n'en fait pas assez dans des domaines comme la coopération judiciaire et policière, la politique étrangère, la défense, mais il y a un sentiment d'une Europe un peu trop pesante. Je suis d'accord pour dire qu'on ne peut codifier la subsidiarité, mais elle correspond à une préoccupation réelle.

J'approuve l'idée que nous devons essayer de cerner les enjeux politiques de textes apparemment techniques : c'est bien le sens de ce que nous faisons.

Y a-t-il une responsabilité des gouvernements dans l'insuffisante prise en compte de la subsidiarité ? Je réponds oui. Dans le groupe de travail « subsidiarité » de la Convention, c'est un point qui apparaissait clairement : le Conseil est un lieu de marchandages, de compromis, et c'est la subsidiarité qui en fait les frais. Dès lors qu'une mesure ne le gêne pas, aucun gouvernement ne va causer un déplaisir à un autre gouvernement demandeur de cette mesure, même si à l'évidence le bon niveau d'intervention est national et non pas européen. Aussi bien le jurisconsulte Jean-Claude Piris que le commissaire européen Antonio Vittorino l'avaient reconnu. Je dis souvent qu'un technocrate est un fonctionnaire qui n'est pas commandé. S'il y a eu des abus, c'est parce que les responsables politiques n'ont pas veillé à la subsidiarité.

L'existence en France d'un domaine de la loi peut-il faire obstacle à notre contrôle ? La réponse est non. Le critère législatif s'applique seulement lorsque nous mettons en oeuvre l'article 88-4 de la Constitution qui nous permet de voter des résolutions à destination de notre Gouvernement : encore pouvons-nous alors demander à être saisis de textes non législatifs, et dans ce cas le Gouvernement accède généralement à notre demande. Mais le dialogue sur la subsidiarité est très différent : l'interlocuteur est la Commission européenne, et nous sommes saisis directement de tous les textes, quelle que soit leur nature. Il en résulte que nous sommes saisis par la Commission de deux fois plus de textes que par le Gouvernement en application de l'article 88-4.

Je réponds également à la question concernant la coopération avec la Représentation permanente : elle est très bonne. Notre antenne administrative dispose d'un bureau dans ses locaux, il y a une relation de confiance car Pierre Vimont, puis Pierre Sellal, ont pu constater que nous étions des interlocuteurs responsables.

Sur les relations avec le Parlement européen, nous avons tous, je crois, le sentiment d'un progrès. À la Convention, au départ, on sentait une méfiance du Parlement européen à l'égard des parlements nationaux. On avait fait des groupes de travail distincts pour la subsidiarité et le rôle des parlements nationaux ; celui sur la subsidiarité était présidé par un parlementaire européen ; quant à celui sur le rôle des parlements nationaux, il était présidé par une sympathique députée travailliste, Gisela Stuart, qui avait fort à faire avec les pasionarias du Parlement européen. Il a fallu du temps pour que le climat devienne un peu plus constructif. Aujourd'hui, le Parlement européen a compris qu'il fallait un partenariat avec les parlements nationaux. Nous ne sommes pas là pour empêcher l'Europe de progresser, au contraire ! Ce que nous voulons, c'est qu'elle réponde mieux aux attentes des citoyens, qu'elle recentre son action.

Sur les relations de la délégation avec les commissions compétentes au fond, je dirai que nous avons d'abord la responsabilité d'assurer une alerte précoce. Les commissions permanentes n'ont pas le temps et la disponibilité nécessaires pour cela. C'est ce que nous avons fait en nous saisissant très en amont de sujets comme la réforme de l'OCM vitivinicole ou, auparavant, de la directive « services ». C'est ce que nous avons commencé à faire pour la réforme de la politique agricole commune et les perspectives financières. Le problème est que nos alertes ne déclenchent pas toujours une réaction assez rapide. Il faudrait une plus grande imprégnation européenne de tous les organes du Sénat.

Je suis d'accord avec Bernard Frimat pour définir la subsidiarité comme un antidote à la bureaucratie. Je crois que c'est de mieux en mieux compris ; il y a une évolution des esprits, même si elle ne s'est pas encore tout à fait concrétisée.

Pour ma part, je n'ai pas été gêné par les références théologiques de Christian Cointat, bien au contraire, et je lui répondrai précisément : « N'ayez pas peur ! ». La subsidiarité n'est pas là pour freiner la construction européenne, mais pour faire en sorte que les décisions soient prises au bon échelon. Et pour cela, il ne faut pas laisser aux institutions européennes la bride sur le cou. Cela ne veut pas dire qu'il faut mettre en avant la subsidiarité sans aucun discernement : cela n'a jamais été notre intention. Pendant les débats de la Convention, j'avais parfois le sentiment que les parlementaires nationaux étaient suspects. J'avais fini par intervenir pour dire : « Arrêtons de considérer que les `bon européens' sont à Bruxelles et les `mauvais européens' dans les pays membres ! ». Je ne dirai pas que c'est aujourd'hui l'attitude de la Commission : on peut - heureusement - mettre l'accent sur la subsidiarité sans être taxé d'euroscepticisme.

M. Pierre Bernard-Reymond :

En tous cas, je souhaite que ce rapport soit adressé à la Commission afin qu'elle en prenne connaissance et qu'elle nous fasse connaître sa réaction.

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À l'issue du débat, la délégation a autorisé la publication du rapport.