Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mercredi 2 avril 2008


Table des matières

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Institutions européennes

Rencontre avec une délégation de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale de Bulgarie

M. Hubert Haenel :

Je suis très heureux d'accueillir une délégation de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale de Bulgarie, conduite par son président, M. Mladen Tchervenyakov.

Notre délégation a toujours entretenu de très bonnes relations avec la Bulgarie, avant même l'adhésion de ce pays à l'Union européenne. Pendant les négociations d'adhésion, l'un des membres de la délégation, Aymeri de Montesquiou, nous a présenté régulièrement un état de la préparation de la Bulgarie et je me félicite que le Sénat ait approuvé à l'unanimité l'entrée de la Bulgarie dans l'Union.

Je ne puis également que me réjouir que la Bulgarie ait ratifié le traité de Lisbonne le 21 mars dernier, c'est-à-dire à peine quelques semaines après la France.

Notre délégation pour l'Union européenne a pour principale mission d'informer le Sénat sur l'action européenne du gouvernement français, de contrôler celle-ci et d'examiner les projets de textes européens. L'ensemble des groupes politiques et des commissions du Sénat sont représentés au sein de la délégation. Celle-ci a expérimenté, depuis le 1er septembre 2006, le contrôle des principes de subsidiarité et de proportionnalité à la suite de l'initiative du président Barroso qui, d'une certaine manière, préfigurait une des dispositions du traité de Lisbonne. Les États membres doivent désormais se préparer à mettre en oeuvre les dispositions de ce traité, notamment celles qui concernent les parlements nationaux. Cette tâche sera facilitée par un travail en commun des différents parlements, en particulier pour ce qui concerne le respect du principe de subsidiarité.

M. Mladen Tchervenyakov, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale de Bulgarie :

C'est un grand honneur pour nous de rencontrer le Sénat français et de poursuivre les relations traditionnellement bonnes entre nos deux pays. En dépit de ces bonnes relations, aucun président d'une assemblée parlementaire française ne s'est jamais rendu en Bulgarie. C'est pourquoi une invitation a été adressée au président du Sénat pour qu'il se rende dans notre pays.

Je remercie le Sénat d'avoir unanimement voté en faveur de l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne. Notre pays est le sixième à avoir ratifié le traité de Lisbonne, après la France. Et je me réjouis que le parlement polonais soit sur le point de ratifier ce traité de façon imminente.

Le règlement du parlement bulgare comporte un chapitre spécifique pour le contrôle de l'action communautaire du gouvernement. Le parlement contrôle notamment le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il vote également des programmes annuels sur les questions européennes. En 2007, le parlement bulgare a approuvé 76 projets d'actes communautaires et 34 depuis le début de l'année 2008. Après avis des commissions spécialisées, la commission des affaires européennes élabore son avis qui est adressé à la Commission européenne.

De plus, avant chaque réunion du Conseil des ministres européen, la commission des affaires européennes entend les ministres sur la position que défendra la Bulgarie sur les principaux dossiers. Toutefois, à la différence des pays scandinaves, le parlement bulgare ne donne pas de mandat impératif à chaque ministre, même si l'avis de la commission définit en grande partie la position de notre pays. En outre, la commission des affaires européennes entend le Premier ministre afin qu'il expose la position du gouvernement bulgare sur les grandes questions européennes avant chaque nouvelle présidence de l'Union.

Nous considérons qu'il est très important que le traité de Lisbonne ait donné de substantielles prérogatives aux parlements nationaux. Pour la première fois, le rôle de ceux-ci a été consacré puisque ce traité comporte six grands axes définissant l'activité des parlements nationaux en matière européenne. Il est également très important que ces derniers aient la possibilité d'être informés par d'autres institutions que la Commission européenne, par exemple par le Parlement européen, par la Banque centrale européenne ou encore par la Cour des comptes européenne. Le parlement bulgare est très attaché à la possibilité d'utiliser le « carton jaune » et le « carton orange » en cas d'atteinte portée aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Je souhaite que les principes posés par la présidence slovène pour affirmer le rôle nouveau des parlements nationaux après l'entrée en vigueur du traité, le 1er janvier 2009, soient repris par la présidence française.

M. Jacques Blanc :

J'ai eu l'honneur d'être le rapporteur du projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne et je dois dire que mon travail a été facilité par les rapports que notre collègue Aymeri de Montesquiou avait établis, au nom de la délégation pour l'Union européenne, qui l'avait chargé d'évaluer la marche de la Bulgarie vers cette adhésion.

M. Aymeri de Montesquiou :

J'ai en effet présenté deux rapports sur l'adhésion de la Bulgarie. Le premier, en 2000, avait été considéré à l'époque comme très sévère par le gouvernement bulgare. Le second rapport, en 2006, avait présenté les efforts et les progrès de la Bulgarie et avait conclu que ce pays était prêt à adhérer à l'Union européenne.

Je rends hommage à la Bulgarie, qui a dû accomplir des réformes très profondes, dont les conséquences ont été très lourdes pour la population, mais qui ont été finalement relativement bien acceptées.

M. Mladen Tchervenyakov :

Le chemin parcouru depuis lors n'a pas émoussé l'enthousiasme européen des Bulgares. Un an et demi après l'adhésion, l'opinion publique bulgare demeure très majoritairement favorable à l'Union européenne. La croissance économique en Bulgarie reste soutenue puisqu'elle atteint 6 % par an depuis le début du processus d'adhésion. Quant au taux de chômage, il est passé de 17 % à 6 % de la population active.

Toutefois, des problèmes persistent, notamment en matière de corruption et de criminalité organisée, en dépit des réformes judiciaires intervenues. De même, des efforts importants ont été entrepris pour démanteler des groupes criminels et lutter contre la corruption dans l'administration de l'État. Par ailleurs, plusieurs institutions internationales ont relevé une amélioration du contrôle aux frontières de la Bulgarie. Les efforts de notre pays doivent encore être poursuivis, en particulier dans le domaine de la santé et de l'éducation. Mais y a-t-il des pays européens qui ne rencontrent pas ce type de problèmes ?

Je conclurai donc que, depuis l'adhésion, les succès sont évidents et les difficultés aussi. Mais l'espoir dans l'avenir reste important.

M. Pierre Fauchon :

Je voudrais d'abord obtenir une précision. Je voudrais savoir, d'une part, si les avis que rend votre commission des affaires européennes sur les projets d'actes communautaires sont transmis directement à la Commission européenne ou s'ils sont adressés au gouvernement bulgare et, d'autre part, s'ils sont soumis au vote de l'ensemble du parlement bulgare.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître l'opinion de nos collègues bulgares sur l'indépendance du Kosovo et sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

M. Mladen Tchervenyakov :

Les avis de la commission des affaires européennes du parlement bulgare sont transmis à la Commission, sans que l'assemblée plénière ne soit appelée à voter. Les projets d'actes communautaires sont transmis au parlement, accompagnés de l'avis du gouvernement. Ces projets sont alors examinés par l'ensemble des commissions permanentes dont les avis sont transmis à la commission des affaires européennes qui arrête sa position, envoyée à Bruxelles.

M. Konstantin Dimitrov, membre de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale de Bulgarie :

La Bulgarie a reconnu l'indépendance du Kosovo, mais il doit être clair que cette indépendance doit être exercée sous surveillance internationale. Le Kosovo se situait sous protectorat international de fait depuis plusieurs années. Il s'agissait d'une conséquence de la politique agressive de Slobodan Milosevic, qui, à l'époque, avait refusé les conditions qui auraient pu assurer le maintien du Kosovo dans le territoire serbe.

Pour la Bulgarie, le Kosovo ne pouvait devenir un « conflit gelé », ce qui aurait constitué un obstacle à la stabilité des Balkans occidentaux et à l'adhésion future de plusieurs pays de la région à l'Union européenne. Le Kosovo doit devenir un État stable, collaborer avec l'Union européenne et l'OTAN, et adopter un comportement constructif avec ses voisins, en particulier la Serbie. Les autorités du Kosovo doivent stabiliser rapidement les frontières du nouvel État afin de renforcer ses institutions. Celui-ci doit prendre garde à ne pas céder aux tentations nationalistes favorables à la « Grande Albanie », ni à chercher à déstabiliser la Macédoine, ni à créer des tensions dans les enclaves albanaises en Serbie. La Bulgarie estime également que le territoire kosovar ne doit pas être divisé sur des bases ethniques. Elle est en effet attachée au respect du droit des minorités, en particulier des Serbes et des Bulgares qui vivent au Kosovo.

Quant à la Turquie, la plupart des forces politiques bulgares soutiennent son adhésion à l'Union européenne, à condition qu'elle ne soit pas trop rapide et qu'elle ne donne pas lieu à une baisse des critères d'adhésion qui, à l'époque, ont été exigés de la Bulgarie.

Selon moi, la Bulgarie a tout à gagner à la construction d'une Union européenne forte, économiquement et socialement intégrée. Il me paraît également important de garantir l'intégration de la région des Balkans occidentaux.

M. Pierre Bernard-Reymond :

Quelle est la position de la Bulgarie sur le bouclier anti-missiles que les États-Unis proposent de déployer en Europe et qui provoque des inquiétudes en Russie ?

M. Mladen Tchervenyakov :

La Bulgarie n'a pas arrêté de décision sur ce dossier puisque son territoire n'est pas concerné par un éventuel déploiement du bouclier anti-missiles.

M. Charles Josselin :

Comment qualifieriez-vous les relations entre la Bulgarie et la Russie ? Sont-elles cordiales, amicales, réservées ou tendues ? Je souhaiterais en outre obtenir des précisions sur les relations énergétiques entretenues par la Bulgarie avec la Russie.

M. Mladen Tchervenyakov :

Historiquement, les relations entre la Bulgarie et la Russie sont proches et chaleureuses. Nos deux pays défendent actuellement des intérêts communs sur la base de partenariats qui sont appelés à se développer.

En matière énergétique, la Russie est le premier partenaire commercial de la Bulgarie. Depuis quelque temps, ces relations se développent et doivent donner lieu à la construction d'un oléoduc entre la Russie, la Bulgarie et la Grèce, d'un gazoduc sous la Mer Noire, en direction de l'Europe et notamment de l'Italie, et d'une nouvelle centrale nucléaire au bord du Danube, avec une participation française. Ces projets sont d'une grande importance stratégique pour le développement futur de la Bulgarie et de ses relations avec la Russie.

M. Jacques Blanc :

La Bulgarie réussit-elle à consommer les fonds communautaires qui lui sont versés, notamment dans le cadre de la politique agricole commune ? Je voudrais également obtenir des précisions sur l'appréciation portée par la Bulgarie sur le projet français d'Union pour la Méditerranée.

M. Radoslav Ivanov, membre de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale de Bulgarie, président de la sous-commission chargée de l'utilisation des ressources de l'Union européenne :

La Bulgarie bénéficie des instruments financiers européens, à hauteur de 250 millions d'euros en 2007 et 400 millions en 2008. Sur la période 2007-2013, notre pays devrait percevoir 13 milliards d'euros au titre de l'ensemble des politiques communes, dont un peu plus de 3 milliards versés dans le cadre de la politique agricole commune. Le ministre bulgare de l'agriculture, au cours d'une récente réunion avec ses collègues européens, a exprimé les positions de notre pays sur l'avenir de la politique agricole commune, qui sont communes à celles de la France.

M. Mladen Tchervenyakov :

Fin novembre 2007, à Bruxelles, s'est tenue une réunion sur la politique de l'Union européenne dans la région de la Mer Noire. À cette occasion, il a été indiqué que la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie pourraient définir des priorités communes en matière d'énergie, de transport, d'environnement et de coopération transfrontalière, puis développer des projets concrets dans cette région.

Le projet français d'Union pour la Méditerranée mérite, selon nous, d'être sérieusement débattu par les pays appelés à y participer. Les résultats du processus de Barcelone se font attendre. Le projet français peut contribuer à relancer la coopération euro-méditerranéenne. Il ne s'oppose pas en tout cas au projet d'Union de la Mer Noire. Le gouvernement bulgare n'a toutefois pas encore arrêté une position officielle sur le projet d'Union pour la Méditerranée.

M. Charles Josselin :

La commission des affaires européennes du parlement bulgare entretient-elle des relations étroites avec les députés bulgares au Parlement européen ?

M. Mladen Tchervenyakov :

Ces relations sont très bonnes. Les députés bulgares au Parlement européen sont régulièrement invités à participer aux réunions de notre commission. En outre, le parlement bulgare dispose depuis peu d'un représentant à Bruxelles.

M. Konstantin Dimitrov :

Je voudrais revenir sur la question du bouclier anti-missiles. Pour l'instant, aucune proposition visant à installer des éléments du bouclier anti-missiles sur le territoire bulgare n'a été formulée. Toutefois, la Bulgarie n'est pas satisfaite des déséquilibres qu'elle constate en matière de sécurité entre les différents États membres de l'OTAN. Le bouclier anti-missiles américain ne couvrira vraisemblablement pas le territoire de certains d'entre eux, dont la Bulgarie. Notre pays attend donc un système de défense plus équilibré.

M. Mladen Tchervenyakov :

Je souhaiterais connaître la position du Sénat français sur le projet du président de la République d'un partenariat stratégique entre la France et la Bulgarie.

M. Jacques Blanc :

Ce projet n'a pas encore été débattu au Sénat, mais le Sénat est traditionnellement favorable à tout ce qui peut rapprocher la France et la Bulgarie.