Fermeture des classes et mise en place de la carte scolaire dans les départements

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Je lirai l'intervention de mon collègue Max Brisson, qui devait intervenir, mais a dû s'absenter.

Voilà un an, il posait une question d'actualité à votre prédécesseur, madame la ministre, en narrant l'histoire d'un inspecteur qui, chaque année, se rend dans un village de France pour calculer le nombre d'élèves attendus à la prochaine rentrée. Par la fenêtre du bâtiment, que le maire ne peut rénover, car l'appui de l'État tarde, on aperçoit des maisons en construction : un projet d'ampleur voulu par la municipalité pour accueillir des familles avec enfants et redynamiser la commune. Mais ce qui se passera dans deux ou trois ans n'intéresse pas M. l'inspecteur, tenu de respecter le rituel de l'immuable carte scolaire.

Strictement codifié, il conduit chaque année les inspecteurs d'académie de France et de Navarre à sortir leurs règles, à calculer pour compter les élèves et décider du sort des classes.

En voici le déroulé pour les écoles maternelles et élémentaires : en octobre, transmission au rectorat et au ministère des prévisions d'effectifs pour l'année suivante ; en décembre, notification par le ministère du nombre de postes et répartition par le rectorat entre les départements, puis avis consultatif des comités techniques paritaires et préparation des projets de retraits et d'affectations de postes ; en janvier, information des maires concernés, pour la forme ; en février, avis consultatif du conseil départemental de l'éducation nationale et décision de l'inspecteur ; en mai, communication des inscriptions par les directeurs d'école ; en juin, ajustement des retraits et affectations après un nouveau comité technique paritaire départemental ; en septembre, ultimes ajustements au regard des effectifs le jour de la rentrée.

Quelques jours après la rentrée, après onze mois de procédure, l'usine à gaz redémarre pour l'année suivante...

Pour notre petite école, c'est le couperet. Le calcul a été simple pour M. l'inspecteur : trois élèves en moins, c'est un poste en moins, donc une classe qui ferme. Qu'importent les projets de la commune, l'administration s'est prononcée et sa sentence est irrévocable.

Telle est l'issue de ce rituel immuable qui ressemble de plus en plus à un paroxysme de bureaucratie : chaque strate administrative est appelée à se prononcer, mais, en définitive, seule compte la décision du Dasen. La complexité de la procédure pourrait faire sourire, s'il ne s'agissait de l'avenir de nos écoles et de nos communes.

Dans ce rituel très interne à l'éducation nationale, la consultation des élus locaux, lorsqu'elle a lieu, est réduite à une simple information, doublée, parfois, de l'écoute de la colère qui monte et des soutiens mobilisés.

Annuel, ce rituel est terriblement obsolète au moment où l'État ne cesse d'enjoindre les élus d'inscrire leurs politiques d'urbanisme dans une multitude de schémas de planification leur imposant de voir loin.

Jusqu'à quand l'éducation nationale restera-t-elle le seul ministère à ne pas planifier - s'agissant des effectifs du premier degré ? Le seul à adapter chaque année ses postes au décompte à l'unité près de ses usagers ? Ne serait-il pas temps de prendre en considération les demandes des acteurs du terrain, qui réclament visibilité et souplesse ?

Nous appelons de nos voeux une refonte en profondeur de la carte scolaire, notamment dans une perspective pluriannuelle. Nous voulons une contractualisation sur trois ans au moins, construite dans le cadre d'un dialogue formalisé.

Contractualisation ne signifie pas moratoire : les maires sont des élus responsables et connaissent les évolutions démographiques ; mais ils savent aussi qu'elles doivent être gérées avec discernement et tenir compte des spécificités locales - éducation prioritaire, grande ruralité, montagne... Votre prédécesseur Gabriel Attal s'était d'ailleurs engagé à maintenir 2 500 postes d'enseignant qui devaient être supprimés.

Nous avons besoin d'une démarche emboîtée entre évolution à moyen terme de l'offre scolaire et politiques de rénovation du bâti scolaire à l'heure de la transition écologique. Or la priorité donnée au bâti scolaire dans la gestion des fonds déconcentrés de l'État, répétée à l'envi rue de Grenelle, ne se retrouve pas toujours dans les consignes données aux préfets...

Il faut ouvrir le chantier de la carte scolaire pour doter l'éducation nationale de la vision de long terme qui lui fait cruellement défaut. Puisse ce débat en poser les premières pierres, en permettant la confrontation des idées dans l'esprit constructif dont le Sénat est coutumier.

Construisons un nouveau partenariat entre l'éducation nationale et les collectivités, pour que l'école tienne la promesse républicaine de n'oublier aucun territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - (M. Martin Lévrier applaudit.) On parle souvent de la France des 36 000 communes ; je parlerai ce soir de la France des 48 000 écoles.

Notre pays peut s'enorgueillir de son maillage scolaire, dense et de proximité, qui totalisait l'année dernière 58 900 écoles et établissements du second degré accueillant 12,7 millions d'élèves et apprentis. C'est un atout pour le bien-être des élèves comme des personnels.

Nous sommes attachés à préserver ce maillage autant que possible, mais notre pays connaît un ralentissement structurel de sa démographie. Depuis 2017, nous avons perdu près de 400 000 élèves. Cela suppose d'adapter notre réseau de 48 220 écoles primaires, un nombre de structures très élevé - l'Allemagne, plus peuplée, en compte moins, et l'Espagne seulement 12 300. La déprise est marquée dans certains territoires, quand d'autres gagnent en population, parfois fortement. Les situations sont donc contrastées, y compris au sein d'un même département. L'éducation nationale doit suivre ces tendances pour assurer de bonnes conditions d'apprentissage à chaque élève et le bon déploiement des politiques éducatives.

Nous avons consenti des efforts importants pour l'éducation prioritaire avec le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1. Ces classes ont été plafonnées à 24 élèves hors enseignement prioritaire. En outre, de nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), structures dont l'efficacité est reconnue, ont été ouvertes.

L'éducation nationale est pleinement mobilisée pour maintenir sa présence dans les territoires autant que faire se peut. Ainsi, les ajustements annuels ne suivent pas du tout les évolutions démographiques. Nous tâchons d'en tirer parti pour améliorer le taux d'encadrement des élèves et favoriser de meilleures conditions d'enseignement.

Pas moins de 12 000 postes d'enseignants ont été créés depuis 2017. Grâce à cet effort important, le taux d'encadrement a progressé de 5,46 à 6,03 enseignants pour 100 élèves en six ans. Nous continuerons de maintenir un maillage scolaire dense en procédant aux ajustements nécessaires, afin de poursuivre l'amélioration de ce taux.

Au-delà de la question des ressources humaines, l'impact de la carte scolaire sur les territoires et le ressenti des habitants sont très importants. Ancienne rectrice de Limoges, je mesure la sensibilité de ces enjeux, notamment dans les territoires ruraux.

La carte scolaire est un outil, fruit d'un travail continu mené en liaison étroite avec les acteurs locaux, à commencer par les élus. Je remercie les Dasen, qui conduisent ces politiques difficiles avec une fermeté bienveillante et une grande disponibilité. Quel que soit le travail en amont, l'annonce d'une fermeture de classe est toujours vécue difficilement.

Le Gouvernement a proposé une nouvelle méthode. Le plan France Ruralités, présenté le 15 juin dernier par Élisabeth Borne, prévoit la création d'une instance de dialogue et de concertation entre l'État et les élus pour partager le constat de l'existant et les paramètres à prendre en compte, dont les constructions nouvelles, favoriser la cohérence des politiques publiques et établir une vision prospective sur trois ans. Cet observatoire des ruralités, comme on l'appelle souvent, doit favoriser le partage des données et une vision prospective dans un contexte local précis.

Cette visibilité est indispensable pour les élus, qui hésitent parfois à s'engager dans des travaux de rénovation du bâti scolaire, pourtant nécessaires - le rapport sénatorial sur le bâti scolaire en témoigne

Cette instance doit aussi permettre le développement d'initiatives comme les territoires éducatifs ruraux et les cités éducatives.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Il s'agit de favoriser la cohérence des politiques publiques et le dialogue avec les élus. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Colombe Brossel .  - À Paris, en 2013, vos services ont fermé 178 classes dans les écoles primaires publiques. Cette année, 137 fermetures de classes sont annoncées dans le premier degré, et les collèges subiront la fermeture de 58 divisions. L'enseignement privé, lui, ne verra qu'une cinquantaine de classes déconventionnées. L'enseignement public assume donc l'essentiel de la baisse démographique, ce qui le fragilise.

La baisse démographique serait pourtant l'occasion de diminuer le nombre d'élèves par classe et de réduire l'inégalité de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé, au lieu de l'entretenir.

Quand et comment les fermetures de classe dans l'enseignement privé seront-elles discutées dans le même cadre démocratique qu'un CDEN ? Quand et comment comptez-vous assurer une gestion transparente et équitable de ces décisions ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - La difficulté rencontrée à Paris est liée à une baisse très importante de la démographie scolaire : il y aura plus de 2 000 élèves de moins à la rentrée 2024.

Malgré les fermetures de classes, le taux d'encadrement demeure très favorable, le troisième plus favorable du pays. Le nombre d'élèves par classe dans le primaire est passé de 25 à 20 entre 2013 et 2023. Quelque 39 ouvertures de classes sont prévues, dont 21 liées à la politique de dédoublement en éducation prioritaire et 16 au plafonnement des classes à 24 élèves. Dix postes de remplaçants seront également ouverts.

S'agissant des relations avec le privé, nous fonctionnons comme cela a toujours été le cas. Je traiterai cette question avec le nouveau recteur de Paris.

Mme Colombe Brossel.  - Sauf votre respect, vous n'avez pas complètement répondu à ma question. Il n'est pas normal que les fermetures et ouvertures de classes ne soient pas traitées officiellement en CDEN. En pratique, le seuil de 24 élèves par classe sera dans bien des cas largement dépassé !

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il était une fois une commune de Doubs, Arcey, à qui l'inspecteur d'académie a demandé de regrouper les écoles de sept communes en un seul établissement. Un million d'euros ont été dépensés, des efforts ont été faits, mais, patatras, le conte de fées se termine mal : la fermeture d'une classe est décidée...

Il faut tenir compte de la ruralité et raisonner par bassin de vie. Vos annonces sur un cadre triennal nous intéressent. Mais l'observatoire des dynamiques rurales n'a pas de budget pluriannuel. Dans ces conditions, à quoi peut-il servir ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je crois beaucoup à cet observatoire pour partager avec les élus les constats et les données liées aux politiques menées et tracer une vision prospective. Cela n'enlève rien au choc que constitue l'annonce de la fermeture d'une classe, mais je crois possible de construire des politiques cohérentes et concertées.

Je ne connais pas la commune dont vous parlez, mais le Doubs connaît une baisse démographique importante : 2 628 élèves en moins pour la rentrée 2024. Le taux d'encadrement dans ce département n'en évolue pas moins favorablement dans la durée.

M. Jacques Grosperrin.  - Ma question portait sur le budget de l'observatoire, qui n'est pas pluriannuel. Il y a une contradiction forte entre les projets DETR permis par les préfets et les baisses d'effectifs dans les écoles. Le désarroi des maires est patent.

M. Dany Wattebled .  - En milieu rural, les familles sont les premières victimes des fermetures de classes, qui entraînent souvent des allongements de trajets. Les petites et moyennes communes perdent en attractivité. Diminuer l'offre éducative, c'est condamner ces territoires au déclin.

Nos maires, démunis, nous font part d'inégalités territoriales flagrantes. Même si les moins de 3 ans ne sont pas comptabilisés dans les effectifs scolaires, certains inspecteurs d'académie donnent pour consigne aux directeurs d'établissement de ne pas les accepter... Un cercle vicieux s'engage qui conduit à des déserts éducatifs. Ce sont parfois des fratries entières qui doivent changer d'établissement, voire de commune.

Nos enfants méritent mieux que cette logique comptable, fondée sur des chiffres déshumanisés. Des efforts ont été consentis pour les zones d'éducation prioritaire. Pourquoi ne pas faire les mêmes pour les écoles rurales ? Une cour de récréation sans enfants, c'est la mort de la commune !

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - La scolarisation des enfants dès 2 ans est un enjeu particulièrement suivi, notamment en matière d'égalité des chances.

Grâce à ce dispositif, nous avons pu ouvrir 60 nouvelles classes de très petite section, principalement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C'est un objectif complexe, car il suppose de construire un rapport de confiance avec les familles.

Le nombre d'enfants de 2 ans scolarisés a augmenté pour s'établir à 12 700 en 2022. Le taux de scolarisation des enfants de 2 ans est de 9,9 % et atteint 17 % dans l'éducation prioritaire.

Notre volonté en la matière ne s'applique pas seulement aux quartiers de la politique de la ville, mais aussi à la ruralité. Je comprends mal qu'on puisse s'opposer à la scolarisation d'enfants de 2 ans...

M. Dany Wattebled.  - Passez le message dans le Nord ! Des maires m'ont saisi sur le sujet.

M. Claude Kern .  - Les fermetures de classes dans nos territoires entraînent un bouleversement des investissements décidés par les élus pour préserver un service public de qualité.

L'élaboration de la carte scolaire ne peut plus être dictée par une seule logique comptable. Il est contradictoire et épuisant pour les élus de s'inscrire dans les dispositifs de redynamisation pour subir ensuite le couperet des fermetures de classes.

Il est urgent de développer une concertation humaine et pragmatique, ainsi qu'une approche fine et différenciée. Pouvez-vous garantir que l'engagement pris par vos prédécesseurs pour une carte scolaire stable sur trois ans sera respecté ? Allez-vous vous affranchir de la stricte application d'une logique démographique ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - La logique numérique n'est pas seule prise en compte. Nous tenons aussi compte de paramètres liés au positionnement socioprofessionnel des familles, à l'éloignement... L'administration centrale ne s'appuie donc pas sur les seules données démographiques. Je le répète : depuis 2017, moins 400 000 élèves, plus 12 000 enseignants.

Cela n'aboutira pas à un moratoire pour les trois ans qui viennent - cela ne serait pas possible. En revanche, je souhaite aboutir à une méthodologie claire et contractualisée avec l'AMF, pour une meilleure cohérence des politiques publiques et un dialogue soutenu avec les élus.

M. Claude Kern.  - Je compte sur vous pour faire passer le message, car, localement, il n'est pas toujours interprété de la même manière...

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le code de l'éducation énonce que l'éducation est la première priorité nationale et que le service public de l'éducation contribue à la lutte contre les inégalités sociales et territoriales.

Datant de 2015, la carte de l'éducation prioritaire est dépassée et ne correspond plus aux réalités actuelles de la pauvreté. Plusieurs communes soulignent que des écoles, exclues, mériteraient d'être accompagnées. En Gironde, par exemple, les écoles d'Ambès ne sont pas classées en REP, alors que les populations concernées sont en grande difficulté.

Dans mon académie, 40 postes sont supprimés dans le seul premier degré, dont 17 en Gironde. Dans ces conditions, l'école de la République, même portée à bout de bras par celles et ceux qui font la classe au quotidien, n'est plus en mesure d'endiguer les inégalités sociales et territoriales.

Allez-vous enfin réviser la carte de l'éducation prioritaire pour prendre en compte les réalités sociales actuelles ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Tout le monde parle de réviser cette carte, mais peu s'y attellent... Dans ma lettre de mission, le Premier ministre qui me demande d'y travailler. Je vais donc le faire, mais sans doute pas pour la rentrée prochaine, car cela doit se travailler très en amont, dans le dialogue avec les élus et les personnels.

On ne doit toucher à cette carte qu'avec des pincettes. Je vais m'y employer en prenant le temps de le faire bien et en allant vers une plus grande mixité scolaire et sociale.

Vous évoquez les fermetures de classes en Gironde. Il y en a 36, mais je note aussi un effort important pour l'école inclusive, une attention particulière portée à la ruralité avec quinze mesures de sauvegarde et un dialogue nourri avec les élus.

M. Gérard Lahellec .  - (Applaudissements à gauche) Dans les Côtes-d'Armor, le retrait de 19 postes en 2023 s'est soldé par 46 fermetures de classes dans le premier degré. Quelque 45 retraits de postes sont prévus pour la rentrée 2024. Des ajustements ont certes été annoncés, mais marginaux.

Ces révisions successives de la carte scolaire déstabilisent le financement d'un service public éducatif de qualité. Elles aboutissent à une remise en cause des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) et ne tiennent pas compte des investissements communaux. La suppression d'un poste oblige parfois la collectivité à envisager de nouvelles dépenses d'investissement pour aboutir à un service dégradé ! Il n'est pas concevable de ne pas associer les élus locaux aux décisions.

Il faut avant tout se poser la question de la qualité de l'offre éducative. Un établissement rural sur cinq dans mon département est concerné par des violences. Drôle de réponse que celle qui consiste à supprimer des emplois...

La laïcité est aussi contrariée, alors que la loi Blanquer de 2019 a opportunément consacré la scolarisation à 3 ans.

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je suis particulièrement attentive aux RPI. Dans votre département, le rectorat a souhaité revenir sur une suppression, à Lohuec, et même en ouvrir un nouveau, à Plusquellec. (M. Gérard Lahellec en convient.) Preuve que nous soutenons ce dispositif.

Le taux d'encadrement ne diminue pas dans votre département. Il compte même parmi les plus élevés de votre région académique.

La laïcité est un principe fondateur de l'école. Aucun enseignement efficace n'est possible sans ce terrain neutre. C'est pourquoi nous serons intransigeants en la matière.

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'éducation n'est certes pas une compétence régalienne, mais c'est un enjeu fondamental - et une mission difficile dans une société en perpétuelle évolution. Le Président de la République et le Premier ministre mobilisent toutes les énergies pour cette cause nationale.

Dès lors, pourquoi sommes-nous confrontés à tant de difficultés en matière de carte scolaire ? Pourquoi décider de fermetures de classes au trébuchet d'indicateurs démographiques sans consulter ceux sur lesquels le Gouvernement s'est appuyé pendant la pandémie : les maires, qui ont une connaissance fine, presque scientifique, de leur territoire ?

Si je me félicite des moyens substantiels accordés aux écoles de Marseille, je vous invite à venir à Mouriès, commune touchée par la fermeture de classes alors même que des logements sont en construction. Vous pourrez y constater les effets délétères d'une politique consistant à fermer des classes au gré de statistiques. La France des villages et des campagnes a le sentiment d'être tenue pour quantité négligeable ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je connais bien Mouriès, car je n'habite pas très loin... Le département des Bouches-du-Rhône a perdu plus de 5 000 élèves entre 2018 et 2023, ce qui aurait dû entraîner une perte de 234 emplois. Or l'État y a créé 360 emplois sur la même période.

Nous avons dédoublé la totalité des classes de grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire et plafonnons progressivement les classes ailleurs. Le taux d'encadrement s'est bien amélioré. Nous avons créé également 95 emplois pour les élèves en situation de handicap.

Pour la rentrée 2024, nous prévoyons 1 800 élèves de moins. Il devrait y avoir 82 retraits. Or la dotation au département est sanctuarisée, ce qui améliorera encore le taux d'encadrement.

Malgré le programme de construction de logements à Mouriès, la commune a perdu 47 élèves depuis 2018, soit l'équivalent de deux classes. Le taux d'encadrement est toutefois resté stable. La qualité éducative et l'attractivité du village sont donc maintenues.

J'espère que les modalités nouvelles d'élaboration de la carte scolaire permettront de mieux répondre à ces besoins.

M. Martin Lévrier .  - Assurer à tous les élèves une école publique de proximité, répartir équitablement les élèves entre les écoles, sont notamment des objectifs fixés dans le plan France ruralités.

Je suis interpellé souvent par des maires, à l'image de M. Solaro, maire de Gommecourt, dans les Yvelines, qui désespère de la fermeture d'une de ses trois classes.

Ce plan en trois axes vise à améliorer le service public de l'éducation en milieu rural. Il a suscité des moyens importants et permet de dynamiser les territoires ruraux par l'école, en renforçant leur attractivité et l'offre pédagogique. Un an après son lancement, pouvez-vous nous préciser les avancées réalisées ? Prévoyez-vous l'extension des territoires éducatifs ruraux à tous les territoires ruraux d'ici à 2026, et de financer des projets éducatifs locaux construits avec les acteurs du territoire ? Quelles priorités entendez-vous fixer pour poursuivre l'amélioration de l'éducation en milieu rural ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je suis attentive à ce qu'Élisabeth Borne a présenté dans le cadre du plan France ruralités voilà neuf mois.

Je crois beaucoup à la nouvelle instance de dialogue mise en place. Elle est déjà expérimentée dans certains territoires. Dans les Yvelines, il faut y apporter une attention soutenue. Son déploiement est assez inégal au niveau national. J'y veillerai pour l'année prochaine.

Nous comptons 190 territoires éducatifs ruraux et 212 environ sont en cours de déploiement. Cette modalité de travail entre écoles et collèges permet de mieux prendre en charge les enfants sur les temps scolaire et périscolaire, et offre de très bons résultats. Nous travaillons à la généralisation du dispositif.

Nous avons aussi des projets autour des places d'internat d'excellence. Certains jeunes n'ont pas l'audace d'aller plus loin, pour chercher la formation qui leur convient. Nous comptons y travailler.

M. Adel Ziane .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.) Madame la ministre, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation avec les représentants de la Seine-Saint-Denis.

Depuis le 26 février, professeurs, parents et élèves se mobilisent contre le manque de moyens de l'école publique en Seine-Saint-Denis. Ce constat alarmiste a été corroboré par le rapport des députés Stéphane Peu et Christine Decodts, qui estiment que l'école ne tient pas sa promesse républicaine dans ce département.

La fermeture de 227 classes -  contre l'ouverture de 198  - dans le premier degré exacerbe les inquiétudes. Seuls 40 postes sont prévus sur les 130 de l'académie de Créteil, dont 15 postes pour les brigades de remplacement en REP+.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en octobre 2023, 35 % des absences n'étaient pas remplacées dans le premier degré en Seine-Saint-Denis, contre 22 % au niveau national. Un élève de Seine-Saint-Denis aura cumulé un an de moins d'enseignement d'ici à son baccalauréat. La France est l'un des pays dans lequel l'origine sociale pèse le plus sur les destins scolaires. Or 60 % des élèves de mon département relèvent de l'éducation prioritaire, contre 20 % au niveau national.

Le développement d'une politique volontariste en matière de mixité scolaire comme la sectorisation appliquée en Haute-Garonne produit de très bons résultats. Aux côtés des élus de Seine-Saint-Denis, nous avons appelé à un choc d'égalité. Envisagez-vous un plan d'urgence ? Quelle est votre position sur le besoin de mixité sociale scolaire et la nécessité d'un brassage social dans la durée ? La carte scolaire est-elle un outil pour favoriser une telle mixité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - La décorrélation des inégalités scolaires et sociales est une priorité. Une offre de formation qualifiée et la sectorisation, avec d'autres outils, peuvent y remédier.

Pas moins de 1 500 postes ont été implantés en Seine-Saint-Denis dans le premier degré depuis 2017. Pour la rentrée prochaine, 1 240 élèves en moins sont prévus avec 40 moyens d'enseignement nouveaux prévus. Auxquels s'ajoutent des moyens liés aux décharges de direction, à la scolarisation des élèves en situation de handicap, au plafonnement à 24 élèves, au dédoublement des classes... Un effort est réellement fait pour traiter les différences de la Seine-Saint-Denis. Mon engagement est très fort en faveur de la mixité scolaire.

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À Paris, la situation est gravissime, car les familles subiront une vague de fermetures de classes.

En 2023, Paris était l'académie la plus touchée de France : 178 classes fermées et plus de 330 postes d'enseignants supprimés. En 2024, 134 classes seront fermées et 125 postes supprimés. Le second degré n'est pas épargné avec 78 postes supprimés, et plusieurs collèges sont menacés de fermeture. La baisse démographique de Paris ne justifie pas une telle saignée. Conserver ce rythme de suppression est un choix disproportionné.

Les parents et les personnels vous demandent de rompre avec cette logique statistique. Je vous ai écrit à ce sujet avec le maire du 15e arrondissement : à l'école Falguière, nous devons créer trois classes de double niveau CM1-CM2, avec 28 élèves par classe.

Ces fermetures sont d'autant plus graves qu'elles ont lieu dans les arrondissements de l'Est parisien où se trouvent des élèves scolairement fragiles. Que comptez-vous faire pour limiter ces fermetures de classes ? (Mme Colombe Brossel applaudit.)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - J'entends bien votre émotion.

Nous avons une exigence d'équité territoriale. En regardant les chiffres, Paris a le meilleur taux d'encadrement de France dans le premier degré, et de loin. Je ne parle pas d'égalité, mais d'équité entre les élèves.

L'académie de Paris a conduit des travaux auxquels les élus ont été associés. J'ai reçu quelques parents du 18e et du 19e arrondissement, mais les situations sont prises en compte dans le cadre de l'éducation prioritaire.

Mme Agnès Evren.  - On le sait, trop de déterminismes sociaux pèsent sur le système éducatif. L'objectif était de ne pas dépasser 24 élèves par classe, nous sommes à 28. Soyons plus vigilants, notamment dans les arrondissements les plus fragiles, pour relever le niveau des élèves.

Mme Annick Billon .  - Depuis 2019, l'article 25 de la loi pour l'école de la confiance impose de comptabiliser les élèves en situation de handicap bénéficiant d'un dispositif Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) dans les effectifs des établissements. Or ce n'est pas le cas dans une école primaire des Sables-d'Olonne. Dans un courrier de réponse adressé aux parents d'élèves, nous pouvons lire la phrase suivante : « le handicap des élèves orientés en Ulis ne permettant pas d'envisager une scolarisation individuelle continue dans une classe ordinaire, ils ne peuvent être comptabilisés dans la masse globale de l'école. » Les élèves Ulis de cet établissement passent plus de 80 % de leur temps scolaire dans leur classe aux côtés de leurs camarades. Au lieu de la loi c'est une circulaire obsolète de 2015 qui est appliquée.

La perspective de voir des classes surchargées inquiète parents d'élèves et enseignants. Le caractère obligatoire de la prise en compte des effectifs Ulis dans les effectifs globaux a été confirmé par votre ministère. Que comptez-vous faire pour remédier à ce comptage illégal ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Vous soulevez une question récurrente. La loi de 2019 pour une école de la confiance a modifié l'article L. 351-1 du code de l'éducation en imposant le décompte des élèves bénéficiant d'un dispositif Ulis.

Mais dans certaines académies ou départements, les dispositions de la loi ne sont pas strictement appliquées. Je vais donc reprendre mon bâton de pèlerin, peut-être par missives interposées, pour rappeler l'application de la règle et la façon dont ces élèves doivent être comptés.

Toutefois, nous pensons qu'il ne reste que des cas résiduels, peut-être que les Sables-d'Olonne en font partie. Je m'engage néanmoins à attirer l'attention des services académiques départementaux sur ce sujet.

Les dispositifs Ulis bénéficient notamment d'un enseignant spécialisé en plus et d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires pour prendre en charge les élèves pendant un temps donné.

Mme Karine Daniel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À la rentrée 2023, la balance entre ouvertures et fermetures se soldait par la suppression de 2 250 classes. Ce chiffre alarmant sera dépassé à la rentrée prochaine.

Partout sur le territoire national, parents d'élèves, syndicats, personnel scolaire et élus se mobilisent contre ces fermetures.

En Loire-Atlantique, 87 classes sont menacées de fermeture : comment ces fermetures sont-elles décidées ? Elles s'appuient sur des chiffres qui sont en contradiction avec les remontées de terrain. C'est le cas du collège Auguste Mailloux, au Loroux-Bottereau, où une classe de quatrième doit fermer, en raison de seulement quelques élèves en moins. Dans le secondaire, ces choix sont portés par les chefs d'établissement et les cadres de l'éducation nationale qui doivent choisir entre des activités et des fermetures de classe. Ils sont entre le marteau et l'enclume.

Le taux d'encadrement français est élevé au regard de la moyenne européenne. Qu'est-ce qui justifie d'augmenter les effectifs par classe alors que l'on constate une augmentation constante des troubles du comportement, des enfants en situation de handicap non accompagnés, abandonnés sans solution de scolarisation, du décrochage scolaire ? Les familles et les enseignants vous alertent, ils ne se sentent pas écoutés.

Par le dédoublement de classes, vous reconnaissez que les effectifs réduits sont un plus pour l'enseignement. Mais en parallèle, ils font que moins de professeurs sont disponibles pour d'autres zones, notamment rurales. Nous demandons que des rééquilibrages aient lieu et que la carte scolaire soit reprise. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je ne reviens pas sur la méthode. Dans votre département, vous avez perdu 1 500 élèves à la rentrée 2023 et ce sera 700 à la rentrée 2024 ; vous devrez rendre 25 postes. Au total, on comptabilise 87 fermetures, mais aussi 39 ouvertures, ce qui n'est pas négligeable.

L'observatoire des dynamiques rurales a été réuni au moins une fois, en janvier. Des réflexions ont été partagées sur la ruralité qui représente 25 % de votre département. Un dialogue avec les élus s'est noué et une attention a été portée aux écoles des communes rurales isolées. Pas moins de cinq fermetures n'auraient pas été prononcées dans des écoles de six classes ou moins alors qu'elles auraient pu l'être si nous avions suivi une logique purement arithmétique.

Une phase d'ajustement a lieu au mois de juin pour faire évoluer la situation.

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce débat est le bienvenu pour nos territoires ruraux dont le Cantal est un exemple. Nous recevons cependant des réponses déconnectées du terrain...

Ne me répondez pas sur le taux d'encadrement, ce n'est pas le débat. Le dispositif France ruralités devait instaurer un dialogue et inscrire l'élaboration de la carte scolaire dans une perspective pluriannuelle. Il n'en a rien été.

Allez-vous respecter la parole du Gouvernement et mettre en place un moratoire pour éviter toute fermeture de classe ? C'est une question de confiance et une question démocratique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Comme je suis complètement déconnectée du terrain, ma réponse ne vous satisfera pas. Cet observatoire des dynamiques rurales s'est tenu le 18 décembre et le 13 janvier dernier dans votre département.

Je ne raisonne pas qu'avec des chiffres ; ceux-ci ne sont que des indicateurs d'une politique qui doit rester humaine.

Le nombre d'élèves par classe sera de dix-sept dans votre département, aucune école n'aura plus de vingt élèves par classe.

M. Laurent Burgoa.  - Et la distance ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je souhaite qu'un dialogue s'instaure, fondé sur un partage des chiffres, articulé autour d'une cohérence des politiques de l'État, et que nous décidions ensemble des perspectives d'avenir d'un département ou d'un territoire.

M. Stéphane Sautarel.  - Je ne voulais pas vous offusquer, madame la ministre (Mme Nicole Belloubet s'en amuse), mais quand vous parlez de dialogue, de confiance et de concertation, il n'y en a pas.

Les réseaux d'éducation prioritaire (REP) sont concernés aussi par les coupes. J'entends les dix-sept élèves par classe, mais la réalité des territoires de montagne c'est l'éloignement, la fracture territoriale. Vous devez l'entendre. France ruralités devait être une réponse ; c'est une grande déception. Envoyez quelques signaux à notre territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Allez dans le Cantal !

M. Hugues Saury .  - Pas moins de 85 classes fermeront dans le Loiret, qui s'ajoutent aux 47 fermetures l'année dernière. Beaucoup sont en zone rurale. Ces fermetures suscitent la colère des habitants.

De nombreux élus des territoires ruraux font des efforts financiers pour mettre leurs écoles aux normes et préserver les services publics essentiels à leur village.

Or ces fermetures privent les territoires ruraux de perspectives d'installation de nouvelles familles. La carte scolaire aboutit à un déséquilibre entre la poursuite, louable, du dédoublement des classes en milieu urbain dense et l'accélération des fermetures de classes en zone rurale. Un moratoire doit être posé sur ces fermetures en milieu rural et pour éviter aux familles des contraintes de déplacement trop importantes.

Que comptez-vous faire pour y remédier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Toutes les évaluations le montrent : les élèves des territoires ruraux réussissent plutôt mieux. Leurs résultats aux examens sont supérieurs à la moyenne nationale. Nous devons travailler sur l'orientation de ces élèves qui ont parfois des freins, notamment en raison de leur éloignement géographique.

Cette dernière question est importante, pour le Cantal comme pour d'autres territoires.

Nos dotations académiques tiennent compte de l'éloignement.

Nous souhaitons encourager des dispositifs comme les territoires éducatifs ruraux afin de déployer un parcours d'orientation des élèves. Nous souhaitons développer également les internats d'excellence ruraux ; des crédits sont inscrits dans la loi de finances. Nous souhaitons aussi promouvoir les Cordées de la réussite, destinées aux territoires en éducation prioritaire des zones rurales et isolées et travailler sur le raccordement à l'internet à haut débit.

M. Hugues Saury.  - Ce n'est pas ce que je constate dans mon département. Il y a un traitement différencié entre l'écolier urbain et l'écolier rural. C'est une injustice scolaire, sociale et territoriale. Un tiers de la population française vit en milieu rural, selon l'Insee. En milieu rural, on n'a pas de médecin, pas de services publics et de moins en moins d'écoles. La survie de nos écoles de campagne est une priorité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Rojouan .  - La pédagogie étant l'art de la répétition, ne nous gênons pas ce soir... (Sourires) Je ne vais pas vous faire la liste des communes de l'Allier à qui on a annoncé des fermetures de classes. Depuis plusieurs années, la population de ce département vieillit. Pour autant, faut-il continuer à y fermer des classes ?

De nombreux efforts et crédits ont été déployés dans les zones urbaines, notamment dans les quartiers de la politique de la ville (QPV). Sans vouloir opposer banlieue et campagne, on constate néanmoins que de nombreuses zones rurales sont défavorisées. Dans ces zones fragilisées, les postes d'enseignant doivent être préservés, pour donner aux enfants les mêmes chances qu'ailleurs.

QPV doit signifier aussi bien Qualité pour nos villages que Quartiers prioritaires de la politique de la ville ! (M. Olivier Paccaud apprécie.)

Un moratoire de trois ans sur les suppressions de postes serait une garantie minimale apportée à ces territoires dont on parle peu, mais qui en ont tant besoin. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je ne peux pas instaurer un moratoire durant trois ans. Je suis prête à changer la méthode, à dialoguer, à prévoir une réponse sur la carte scolaire cohérente avec les politiques publiques. Mais je vous mentirais si je m'engageais sur un moratoire.

Je m'engage en revanche à instaurer le dialogue sérieux dont j'ai parlé, avec l'ensemble des services du ministère et des inspections académiques.

Sur l'idée de dessiner des quartiers de la ruralité à l'image des QPV, l'idée des territoires éducatifs ruraux est bien de stabiliser un nombre d'élèves, si possible, de sécuriser leur parcours culturel, éducatif et d'orientation et de prêter attention à l'évolution des effectifs.

M. Bruno Rojouan.  - J'allais dire : ah ! Le fameux taux d'encadrement des ministres de l'éducation nationale... (Sourires)

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je n'en ai pas parlé !

M. Bruno Rojouan.  - Sans école, impossible d'attirer les familles. C'est un défi à relever pour ces territoires.

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au regard de son ancrage dans l'espace du Rhin supérieur, l'académie de Strasbourg soutient le développement du bilinguisme, avec une priorité donnée à l'enseignement de l'allemand. Cette politique a des effets de bord sur la carte scolaire. Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Ferrette dans le Jura alsacien illustre bien ce problème.

Cette école, qui réunit sept communes, propose à la fois un enseignement monolingue et bilingue.

On attire mon attention sur les conséquences de son attractivité qui met en péril le précaire équilibre budgétaire des communes membres du syndicat, qui prennent intégralement à leur charge les frais de fonctionnement de la structure. Un tiers des élèves n'habite pas dans l'une des sept communes. Leurs communes de résidence ne sont pas tenues de participer à ces frais. Dans la majorité des cas, elles ne contribuent effectivement pas, arguant du fait qu'elles financent déjà leur propre école, ce qui est compréhensible, et que le succès du RPI menace la survie de classes.

Que faire pour soulager les communes membres de ce type de syndicat sans mettre en péril l'équilibre de la carte scolaire du secteur ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Je comprends ce que vous évoquez. Je ne suis pas certaine d'avoir la réponse à votre question.

La réalité de la commune de Ferrette est double, si je comprends bien : une attention portée au bilinguisme, incarnée par un RPI dynamique, et une déprise démographique, caractéristique de la zone dite du Sundgau.

Le RPI attire donc des élèves des communes limitrophes, dont les maires refusent de contribuer aux charges induites pour ne pas voir le nombre d'élèves de leurs écoles diminuer. L'État n'a pas les moyens de prendre en charge les besoins du RPI. Un dialogue entre maires doit s'installer. L'observatoire des dynamiques rurales pourrait être le lieu d'un dialogue à ce sujet. C'est l'espoir que je forme pour ce RPI qui mérite d'être soutenu.

M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) S'il est un triste marronnier, une ritournelle amère que personne n'entend avec plaisir quand vient l'hiver, c'est bien la litanie des fermetures de classes.

L'école occupe une place à part entière dans notre société depuis 150 ans. Premier bastion de la République conquérante, protectrice et fédératrice, elle fut incarnée entre 1890 et 1930 par ces mairies-écoles en brique rouge, expression concrète de l'égalité des droits et des chances promises par Marianne.

Dans notre France archipellisée où les communautarismes et les individualismes rongent notre unité, n'est-elle pas le dernier refuge de la République en souffrance, oasis du vivre-ensemble qui sombre dans les sables mouvants du consumérisme et du narcissisme ?

L'école, c'est encore un pré carré municipal que l'ogre intercommunal n'a pas mis à son menu. C'est bien plus qu'un simple lieu de transmission des savoirs.

Tous ces liens historiques, politiques et affectifs expliquent l'attachement charnel des Français à leur école, notamment dans la ruralité.

L'école, c'est la vie du village, répètent en choeur les maires des petites communes, qui font de leur mieux pour équiper et entretenir les bâtiments scolaires -  presque toujours leur priorité absolue.

Chaque année, des cohortes de parents d'élèves, enseignants, élus, s'indignent et manifestent contre les suppressions de postes annoncées. Le murmure va crescendo. Le couperet s'abat souvent trop brutalement, ressenti comme un diktat, sans concertation préalable avec les élus concernés. Leur justification se heurte à des contradictions de l'éducation nationale : est-il cohérent de voir certains inspecteurs de circonscription encourager des regroupements pédagogiques concentrés, dont la construction coûte plusieurs millions d'euros, pour y fermer une classe à la rentrée suivante ?

Si personne ne conteste les répercussions de la baisse de la natalité, si les chiffres brandis par la ministre devraient rassurer, il y a partout un profond malaise, car il se pose un problème de méthode et de philosophie. La bonne méthode, c'est le dialogue en amont, plutôt que la vision technocratique.

Est-il logique de fermer une classe en raison d'une baisse momentanée du nombre d'élèves dans une commune qui connaît pourtant une hausse de naissances ou plusieurs arrivées de familles avec enfants ? La bonne méthode, c'est peut-être un moratoire quand un programme de construction est en cours d'achèvement. La bonne méthode, c'est la confiance envers les élus.

Comment accepter, pour des parents, élus, enseignants, la fermeture d'une classe où il n'y a que 18 élèves alors qu'à quelques kilomètres de distance la même inspection académique se glorifie de bons résultats d'une classe dédoublée, de 12 élèves ? Cette même inspection académique ne sera pas gênée par des classes de 27 à 29 élèves à double ou triple niveau...

La misère sociale et scolaire n'existe pas que dans les QPV. N'oublions jamais les difficultés de la ruralité.

La révision de la carte de l'éducation prioritaire fait partie des solutions, chère Monique de Marco, tout comme le passage de la logique de réseau à celle d'écoles de l'éducation prioritaire : une logique de point de croix, au cas par cas.

La discrimination positive tristement sélective pose problème.

L'enjeu, c'est le maintien de l'égalité des chances partout, pour tous. Cela commence à l'école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. Jacques Grosperrin.  - Bravo !

La séance est suspendue à 20 h 15.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance est reprise à 21 h 45.