Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Production d'acier décarboné et filière d'hydrogène vert

M. Sebastien Pla .  - Y aurait-il du gaz dans l'hydrogène vert ? La réduction des émissions de CO2 des aciéries n'a de sens que si elle repose sur la production d'hydrogène issu d'énergies renouvelables décarbonées à bas coût. Cela développerait la filière industrielle, fondée sur l'éolien offshore et l'électrolyse, dans les ports verts méditerranéens, tels Fos-sur-Mer et Port-la-Nouvelle.

Or ArcelorMittal Europe, qui reçoit 850 millions d'euros d'aides de l'État pour se décarboner, déclare devoir recourir à des importations de Chine ou des États-Unis, faute de pouvoir fabriquer un acier compétitif à partir d'hydrogène vert.

Quelles sont les garanties pour la production d'acier français décarboné à partir de la filière d'hydrogène méditerranéenne et pour le maillage des réseaux de transport d'hydrogène et l'interconnexion de Port-la-Nouvelle au corridor BarMar-H2med ? Quid de la taxe carbone prévue d'ici à 2030 sur les marchandises importées de pays peu vertueux en émissions de CO2 ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - L'industrie représente 20 % des émissions nationales de gaz à effet de serre et la sidérurgie, 5 % ; leur décarbonation est au coeur de nos orientations stratégiques. Le 26 novembre dernier, le Gouvernement a signé un contrat de transition écologique avec les 50 sites les plus émetteurs de CO2, pour qu'ils divisent par deux leurs émissions en dix ans.

Dans la sidérurgie, au moins 200 kilotonnes par an d'hydrogène décarboné à l'horizon 2030 sont nécessaires pour une décarbonation compétitive de Fos-sur-Mer et Dunkerque. L'État a donc lancé un appel d'offres de soutien à la production d'hydrogène décarboné de 4 milliards d'euros et soutient l'adaptation des procédés industriels. Ces deux dispositifs pérenniseront la production d'acier décarboné sur le site de Fos-sur-Mer.

M. Sebastien Pla.  - Il faut avancer sur le projet d'interconnexion et accompagner les deux hubs dans la production d'électrolyseurs.

Mutualisation des antennes-relais

Mme Marta de Cidrac .  - Les maires sont tenus pour responsables de la pollution visuelle engendrée par les antennes-relais de téléphonie mobile ; ils sont parfois l'objet de la colère des riverains.

Or les opérateurs multiplient les demandes d'installation, chacun voulant sa propre antenne. Peu de territoires - sites classés, périmètre autour de monuments historiques - sont préservés de cette expansion malheureuse qui concernera, tôt ou tard, une majorité de nos concitoyens.

Mutualiser entre opérateurs les antennes-relais, solution existante mais pas systématiquement utilisée, remédierait à cette situation. Quelles mesures envisagez-vous pour rendre cette mutualisation plus contraignante sans affecter la qualité du réseau ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Les politiques publiques, telles le New Deal mobile, répondent aux défauts des opérateurs, qui n'ont pas vocation à s'implanter dans certains territoires pour des raisons de rendement.

Chaque opérateur a son propre réseau, qui le différencie de ses concurrents en termes de qualité de service. Toutefois, ils ont l'obligation de mutualiser leurs pylônes et les installations actives s'ils sont quatre sur une même zone. L'arrivée des towercos, qui ont intérêt à avoir le maximum d'opérateurs sur leurs antennes, favorise la mutualisation. S'y ajoutent les obligations légales relatives aux zones de montagne ou au déploiement 5G en zone peu dense.

La loi du 15 novembre 2021, issue d'une proposition de loi de Patrick Chaize, prévoit que les opérateurs doivent justifier auprès du maire de ne pas recourir à un partage de sites ou de pylônes. En outre, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) doit réaliser un état précis des partages des sites mobiles. Enfin, avant toute implantation d'antenne, un temps de dialogue via le dépôt des dossiers d'information au maire est requis.

Guichet unique

Mme Sonia de La Provôté .  - Le guichet unique destiné aux formalités artisanales, qui a remplacé en 2023 différents centres de formalités des entreprises (CFE) et alimente le registre national des entreprises (RNE), ne fonctionne pas de manière optimale. Les chefs des entreprises artisanales ne peuvent répondre à leurs obligations et faire valoir leurs droits. Résultat : les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) ont dû pallier les désordres ; leurs agents font face à une surcharge de travail et sont exposés à l'ire des chefs d'entreprise -  c'est le cas pour la CMA de Normandie.

J'ai été récemment alertée sur les difficultés des avocats du barreau de Caen qui réalisent l'immatriculation des entreprises pour leurs clients auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Des dossiers de fonds artisanaux sont en attente depuis plusieurs mois, ce qui met en difficulté les entreprises alors que le contexte leur est peu favorable.

Quelles mesures correctives envisagez-vous de prendre en urgence ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Le guichet unique est un dispositif de simplification remplaçant six réseaux de CFE et plus de cinquante formulaires Cerfa ; il traite 80 % des formalités.

Depuis début janvier 2024, une procédure de secours garantit à tous une solution : les entreprises relevant du registre du commerce et des sociétés peuvent utiliser Infogreffe et obtenir un extrait Kbis actualisé ; les autres peuvent exceptionnellement recourir à des formulaires papier.

Les fonctionnalités et l'ergonomie du guichet ainsi que du RNE progressent en tenant compte des avis des organismes destinataires des formalités -  avocats et panels d'entreprises, notamment. Un comité des utilisateurs auquel participe CMA France se réunit régulièrement, depuis l'été 2023, sous la présidence de l'INPI.

Madame la sénatrice, je vous propose d'échanger à la fin des questions orales afin de faire avancer les dossiers évoqués.

Situation des salariés de la grande distribution

M. Jean-Claude Tissot .  - Les 22 et 29 mars derniers, les salariés des magasins Auchan de mon département, la Loire, étaient en grève, comme leurs collègues, pour dénoncer une nouvelle perte de pouvoir d'achat, qui s'ajoute à plusieurs réorganisations visant à réduire les dépenses de personnel tout en exigeant plus de polyvalence des salariés. En outre, le rachat d'une centaine de magasins Casino pèsera sur la politique salariale, alors que le déficit du groupe s'élève à 379 millions d'euros.

Pour les consommateurs, on peut s'attendre à une augmentation des prix dans les zones où l'acquéreur d'un magasin Casino a déjà un point de vente. Pour les producteurs, le déséquilibre dans les négociations commerciales s'accentuera, en raison d'une concentration des acteurs.

Que compte faire le Gouvernement pour éviter que les salariés soient les grands perdants de la politique du groupe ? Comment préviendra-t-il les conséquences des grandes manoeuvres du secteur de la distribution ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Le Gouvernement veille à la préservation de l'activité et de l'emploi du groupe Casino. Aussi a-t-il autorisé le report de paiement de 300 millions d'euros d'échéances fiscales et sociales. Un accord global solide, conclu sous l'égide de l'État, devrait assurer la pérennité du groupe, de ses commerces de proximité et de l'essentiel de ses 50 000 emplois en France.

Toutefois, la dégradation de l'activité du groupe l'a contraint à céder ses hypermarchés et supermarchés à Auchan et au groupement Les Mousquetaires, ce qui offre des perspectives à la quasi-totalité des magasins et des salariés. Désormais, il faut accompagner les entrepôts logistiques et leur personnel.

Le Gouvernement soutient le pouvoir d'achat de l'ensemble des salariés et a transposé par la loi l'accord national interprofessionnel de 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.

Avenir du projet Écocombust

M. Philippe Grosvalet .  - Depuis 2016, pour concilier transition énergétique et maintien de l'activité sur le site de la plus grande centrale à charbon encore en activité en France, à Cordemais en Loire-Atlantique, des acteurs locaux défendent un projet de centrale à biomasse, Écocombust. En confirmant en septembre dernier, la fermeture des centrales à charbon d'ici à 2027 et leur conversion à la biomasse, le Président de la République a légitimé ce projet.

Or la direction d'EDF, entreprise détenue par l'État français, semble ambiguë : le rapport sur le coût prévisionnel du site s'appuie sur les hypothèses les plus pessimistes et projette un prix de l'électricité produite prohibitif. Il est inacceptable qu'une entreprise nationale agisse à l'encontre de politiques décidées au plus haut niveau.

Quelles sont les mesures envisagées pour convertir les centrales à charbon à la biomasse et quel est le sort d'Écocombust ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - La centrale de Cordemais, d'une puissance de 1 160 mégawatts, est l'une des deux dernières centrales à charbon en exploitation en France.

Le Président de la République s'est engagé à sortir du charbon d'ici au 1er janvier 2027 et l'ambition du Gouvernement est de faire de la France la première grande nation verte à sortir des énergies fossiles.

Un projet de conversion au combustible bois de la centrale de Cordemais, couplé à une production de pellets, Écocombust, a finalement été abandonné par EDF et Suez, faute d'un modèle économique et d'un retour d'expérience suffisant sur la technologie.

Néanmoins, les discussions ont repris autour d'un projet Écocombust 2 entre EDF, Paprec et l'État et le Gouvernement a lancé un appel à manifestation d'intérêt. Les travaux s'inscrivent dans le cadre du pacte de territoire, piloté par l'État.

M. Philippe Grosvalet.  - Les salariés attendent une réponse ; je serai à leurs côtés le 17 avril prochain pour manifester, avec l'ensemble des élus du territoire, notre soutien à ce projet.

Recouvrement des factures d'eau

M. Olivier Bitz, en remplacement de M. Didier Rambaud, auteur de la question .  - Les collectivités et les syndicats des eaux font face à des difficultés croissantes pour recouvrer les factures impayées, d'où des problèmes de trésorerie.

La loi Brottes du 15 avril 2013 a interdit non seulement les coupures d'eau, mais aussi les diminutions du débit de l'alimentation. Pourtant, la réduction du débit était un dispositif efficace, qui ne privait pas totalement l'usager d'une ressource essentielle. Or sa suppression résulte d'une maladresse rédactionnelle.

Les distributeurs se retrouvent démunis face aux impayés. Résultat : ils cessent d'investir et s'inquiètent de ne plus pouvoir payer les agents ou rembourser les emprunts.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour corriger cette anomalie ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - En effet, le droit français reconnaît le droit à l'eau, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'environnement.

L'article 19 de la loi Brottes interdit les coupures d'eau pour impayés à toute époque de l'année pour l'ensemble des résidences principales, sans condition de ressources. Mais cela n'emporte pas annulation de la dette : la facture impayée reste due par l'abonné.

Le Gouvernement est conscient des difficultés engendrées par ce cadre, susceptible d'engendrer des comportements non citoyens.

Fonds de solidarité pour le logement, aides directes des collectivités, accompagnement des foyers concernés : autant de solutions préventives améliorant le recouvrement des factures.

Dès la constatation du dépassement du délai de paiement, le distributeur peut engager une procédure amiable. Des solutions de paiement échelonné sont également possibles.

Si ces démarches restent vaines, l'entreprise peut aussi engager une procédure judiciaire ou saisir la médiation du crédit.

Prolifération des choucas des tours

M. Michel Canévet .  - Depuis plusieurs années, la prolifération des choucas des tours cause de nombreux dégâts sur les cultures et sur les habitations.

La réglementation européenne protège cette espèce, pourtant chassable dans certains pays.

Le Gouvernement a commandé une étude visant à évaluer la population des choucas des tours dans la région Bretagne. Nous sommes aujourd'hui débordés par la multiplication de ces oiseaux.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour éviter la prolifération des choucas des tours ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Le choucas des tours est inscrit à l'annexe 2 de la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages. Cette espèce est chassable dans certains États membres seulement ; ce n'est pas le cas en France.

Toutefois, des dérogations sont possibles en vue de prévenir les dégâts aux cultures, notamment dans le Finistère ou dans les Côtes d'Armor : le nombre de prélèvements est comparable à celui effectué pour les espèces chassables. Grâce aux travaux scientifiques menés en vue de dresser un tableau objectif de la situation, les arrêtés n'ont pas été suspendus par la justice administrative.

Au-delà des tirs létaux, une politique de prévention s'impose, via des dispositifs d'effarouchement et la limitation d'accès des oiseaux aux sources de nourriture ou aux lieux de nidification comme les cheminées.

Un plan d'action régional est en cours de préparation sous l'égide du préfet du Finistère. Le premier comité de pilotage s'est réuni en mars 2023 ; le second se réunira à la fin du mois, avec l'objectif de finaliser le plan d'action.

M. Michel Canévet.  - Le Gouvernement doit avancer sur le sujet, afin d'éviter des dégâts trop importants.

Cette espèce doit devenir chassable - c'est le cas en Espagne. Sans cela, nous ferons face à de nombreuses difficultés.

J'invite le Gouvernement à faire évoluer la réglementation européenne.

Accroissement des charges des syndicats des eaux

Mme Kristina Pluchet .  - De nombreux syndicats des eaux du département de l'Eure, en particulier celui du Roumois et du plateau du Neubourg (SERPN), connaissent une situation préoccupante. Ils s'inquiètent des investissements nécessaires pour se conformer aux prescriptions toujours plus strictes -  et parfois peu lisibles  - de l'ARS ou de l'Anses.

Dans un contexte marqué par l'inflation, les usagers et les collectivités peuvent plus absorber les hausses tarifaires.

L'ordonnance du 22 décembre 2022 transpose la directive Eau potable de 2020. Aux termes de son article 8, l'État compense l'accroissement des charges des collectivités en résultant. Or le Gouvernement n'a inscrit aucun crédit à cet effet dans la loi de finances pour 2024.

Comment soutenir les petits syndicats des eaux de mon département, qui n'ont plus la surface financière suffisante pour se conformer à leurs nouvelles obligations ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - La contamination des ressources en eau constitue une situation préoccupante pour de nombreuses collectivités. En cas de dépassement de la limite de qualité, une demande de dérogation, qui ne peut excéder trois ans, doit être assortie d'un plan d'action.

La Banque des territoires peut aider les collectivités concernées via des Aqua Prêts, qui connaissent un réel succès. L'enveloppe a été doublée, à 4 milliards d'euros pour la période 2023-2027. La Banque des territoires a aussi développé une offre gratuite, Aquagir, qui porte sur l'ensemble de la gestion du cycle de l'eau.

Malgré tout, il faut privilégier les solutions préventives aux traitements curatifs, plus coûteux. Je salue à ce titre l'action des agences de l'eau., dont le relèvement du plafond de recettes vise justement à financer la protection des aires d'alimentation de captage, avec le soutien aux pratiques agricoles ayant recours à peu d'intrants.

Communication de documents sensibles

M. Cédric Chevalier .  - Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 29 janvier 2007, la pose de pièges des animaux classés nuisibles doit faire l'objet d'une déclaration à la mairie, publiée sur l'emplacement réservé aux affichages officiels de la commune.

Dans un avis du 22 juillet 2021, la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) a rappelé que ces documents étaient communicables à toute personne qui en fait la demande. Or des maires décident volontairement de ne pas les transmettre, car des individus les utilisent pour détruire les pièges ou pour effacer les marquages. Dans les cas extrêmes, d'autres menacent même les piégeurs ou ceux qui les ont sollicités.

Résultat : beaucoup de piégeurs risquent de jeter l'éponge, alors que leur rôle est essentiel pour réguler la faune sauvage.

Afin que les élus locaux ne soient plus mis en difficulté, le Gouvernement compte-t-il exclure les déclarations de piégeage de la liste des documents transmissibles ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - L'accès aux informations relatives à l'environnement détenu par les autorités publiques est l'un des piliers de la convention d'Aarhus, ratifiée par la France le 8 juillet 2002 : ainsi prévaut le principe de la communication des documents administratifs, au nom de la transparence de l'action publique.

Toutefois, afin de protéger la vie privée des piégeurs, le Gouvernement a rappelé aux préfectures les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration : les documents qui porteraient atteinte à la protection de la vie privée ou à la sécurité des personnes ne sont pas communicables. Ainsi, les maires et les préfets peuvent répondre défavorablement à certaines requêtes.

Une éventuelle modification de l'article 11 de l'arrêté de 2007 a été évoquée lors de la dernière assemblée générale de l'Union nationale des associations de piégeurs agréés de France (Unapaf) : le Gouvernement engagera une réflexion à ce sujet.

Intégration du Réolais dans le dispositif France Ruralités Revitalisation

Mme Florence Lassarade .  - La communauté de communes du Réolais en Sud-Gironde n'a pas été intégrée au futur dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR), car la densité de sa population est légèrement supérieure au critère défini par la loi. Pourtant, elle coche tous les autres critères de la précarité ; la fragilité sociale et économique du territoire est reconnue par l'ensemble des institutions et l'offre de soins y est très déficitaire. Toutes les autres collectivités voisines du Réolais bénéficieront du FRR, d'où un risque de concurrence déloyale.

Mercredi dernier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, Dominique Faure indiquait vouloir trouver une solution pour les collectivités exclues du dispositif. Afin d'éviter de creuser les disparités, les conditions d'accès au FRR peuvent-elles être assouplies pour la communauté de communes du Réolais ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Il était indispensable de réformer les zones de revitalisation rurale (ZRR), qui arrivaient à échéance à la fin de l'année 2023 et qui étaient devenues injustes et inéquitables.

Après un an et demi de consultations, le FRR, qui bénéficiera à 17 700 communes, a été adopté à l'unanimité par le Sénat lors de l'examen de la loi de finances pour 2024.

La communauté de communes du Réolais compte 41 communes ; 30 hors du zonage, et 11 qui y avaient été maintenues artificiellement. Ces dernières ne bénéficieront pas du FRR : tout zonage comporte des entrants et des sortants.

Sur les 2 200 communes sortant du FRR, 1 802 ne répondaient déjà plus aux critères de zonage en 2015. Dominique Faure étudie des solutions alternatives afin de lisser au maximum les effets de seuil.

Avec 73,5 habitants au kilomètre carré, la communauté de communes du Réolais demeure très éloignée du seuil de 63,57 habitants. Cela dit, nous sommes conscients des difficultés du territoire : un accompagnement spécifique lui sera proposé.

Mme Florence Lassarade.  - Plus de médecins, moins d'agriculteurs qui s'installent... La population ne comprend rien aux ZRR et au FRR ! Merci de prendre en compte ces difficultés et d'y répondre de manière pragmatique.

Gestion déléguée des compétences eau et assainissement

M. Alain Joyandet .  - Dans le cadre du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement en 2026, il est prévu que les communautés de communes puissent déléguer tout ou partie de ces compétences à leurs communes membres ou à un syndicat existant au 1er janvier 2019.

Cet assouplissement, le plus important apporté au principe du transfert obligatoire, suscite plusieurs interrogations. Les communautés de communes souhaitent d'abord savoir si des tarifs différents pourront être prévus pour différents délégataires, et à qui il appartient de les fixer. Ensuite, elles demandent si les budgets annexes associés à ces compétences devront être transférés aux communautés de communes ou clôturés ; et, dans le second cas, quid du solde ? Elles ignorent enfin si chaque commune ou syndicat délégataire devra disposer d'un budget annexe ou s'il leur reviendra de gérer elles-mêmes autant de budgets annexes.

Pour répondre à ces questions importantes, il serait bon qu'un guide soit élaboré avant le transfert obligatoire.

M. le président.  - Question très technique, mais tout aussi importante...

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Je confirme que le transfert des compétences eau et assainissement devra s'accompagner d'une convergence tarifaire à l'échelle intercommunale. Toutefois, il n'implique pas une harmonisation immédiate : des différenciations tarifaires pourront exister, du fait du maintien des tarifs précédemment fixés par les communes. Une harmonisation devra intervenir dans un délai raisonnable, sans quoi le principe d'égalité serait méconnu.

La communauté de communes pourra déléguer tout ou partie de ces compétences à une commune ou à un syndicat infracommunautaire, qui l'exercera au nom et pour le compte de la communauté. La délégation ne pourra faire obstacle à l'égalité de traitement des usagers. Un budget annexe unique sera mis en place par la communauté pour chaque compétence. Pour les communes délégataires, il est préconisé d'ouvrir un budget annexe pour chaque compétence exercée. Pour les syndicats, il est admis qu'ils maintiennent les budgets annexes existants.

M. Alain Joyandet.  - Merci pour vos précisions, même s'il en manque certaines dans votre réponse. Je regrette que le transfert de ces compétences ne reste pas optionnel, d'autant que le cahier des charges pour la gestion déléguée est assez contraignant. Puissiez-vous oeuvrer pour la simplification...

Stérilisation des chats

M. Jean-Raymond Hugonet .  - La France a ratifié en 2003 la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, qui incite à réduire la reproduction non planifiée des chiens et des chats.

La population de chats en France est estimée à plus de 13 millions, et un couple de chats peut avoir 20 000 descendants en quatre ans. La stérilisation n'est toujours pas obligatoire, alors qu'il s'agit de la seule mesure efficace pour endiguer la prolifération des félins en liberté. L'article L. 211-27 du code rural et de la pêche maritime autorise les maires à faire procéder à la capture des chats errants en vue de les stériliser, mais les coûts d'intervention croissent avec l'ampleur du phénomène.

C'est pourquoi nous avons ouvert dans la dernière loi de finances une dotation exceptionnelle pour la stérilisation des chats. Mais aucune directive n'a été communiquée sur la procédure à suivre pour en bénéficier. Comment les communes peuvent-elles accéder à cette aide ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Une dotation exceptionnelle de 3 millions d'euros pour la stérilisation des chats a été inscrite, par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, dans la loi de finances pour 2024.

Ces crédits sont ouverts sur le programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mais la gestion opérationnelle du dispositif sera assurée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Un décret de transfert de crédits entre programmes est donc prévu, avant la fin du premier semestre.

Les modalités d'accès à cette aide seront précisées à cette occasion par le ministère de l'agriculture. Ces campagnes étant généralement mises en oeuvre juste avant l'été, une réunion se tiendra le 25 avril entre les services concernés pour préparer un déploiement rapide des crédits. À l'issue de cette réunion, nous communiquerons de manière très opérationnelle sur les modalités du dispositif.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Merci pour votre à-propos. Vous avez répondu concrètement à ma question sur ce qui est devenu un véritable fléau, notamment dans le sud de mon département. Une stérilisation coûte de 70 à 100 euros, et le poids de ces mesures devient insupportable pour les communes.

Accompagnement des communes bailleresses pour la rénovation énergétique

M. Fabien Genet .  - De nombreux maires de Saône-et-Loire m'interrogent sur l'accompagnement financier des communes bailleresses pour la rénovation énergétique. Il s'agit souvent de communes rurales propriétaires de bâtiments anciens, loués à des prix attractifs pour permettre l'installation de nouveaux habitants. Les loyers représentent pour elles un revenu non négligeable.

La loi Climat et résilience interdira bientôt la location des bâtiments classés G, considérés comme des passoires énergétiques. De nombreuses collectivités bailleresses vont ainsi devoir entreprendre d'importants travaux de rénovation. Comment l'État les accompagnera-t-elles ? Rendrez-vous les collectivités éligibles aux aides aux propriétaires, dont MaPrimeRénov' ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - MaPrimeRénov' est destinée à financer des travaux de performance énergétique dans le parc privé. Elle est accessible à tous les propriétaires et copropriétés pour les logements construits depuis au moins quinze ans et occupés à titre de résidence principale. Il n'est pas prévu, à ce stade, d'élargir cette aide au parc social ni aux logements détenus par les personnes publiques.

D'autres financements existent. Depuis un an, un dispositif spécifique du Fonds vert vise à accompagner les collectivités dans leurs projets de rénovation permettant une baisse de consommation d'au moins 40 % ; les logements communaux y sont éligibles. Toutefois, il convient de faire appel en priorité aux subventions destinées à la rénovation des logements, dont le Fonds national d'aide à la pierre pour les logements conventionnés à l'APL.

Par ailleurs, l'habitat est au coeur du plan France Ruralités, notamment pour sortir des logements de la vacance via une prime de 5 000 euros par logement rendu à la location. Je pense aussi aux opérations programmées pour l'amélioration de l'habitat et aux opérations de revitalisation du territoire, rurales ou urbaines.

M. Fabien Genet.  - Merci pour ces explications, que je transmettrai à mes interlocuteurs locaux. Nous partageons la conviction que l'enjeu est majeur et que les collectivités territoriales doivent jouer tout leur rôle pour améliorer la performance des bâtiments.

Comme président du groupe d'amitié France-Colombie, je salue M. l'ambassadeur de Colombie en France, présent dans notre tribune d'honneur.

M. le président.  - Nous nous associons tous à ce salut. (Applaudissements)

Suppression par Air France de la liaison Nice-Orly

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - En octobre dernier, Air France a annoncé l'arrêt de ses liaisons avec Orly. Notre compagnie -  pourtant nationale  - ne desservira donc plus Nice, mais aussi Marseille ou Toulouse, dès 2026.

Brutale, cette décision est lourde de conséquences pour les territoires concernés. Présidente du comité du tourisme Côte d'Azur-France, je le regrette d'autant plus que nous sommes la première destination touristique après Paris. Avec Éric Ciotti, j'ai rencontré les syndicats, très inquiets ; la semaine dernière, nous avons alerté une nouvelle fois le Premier ministre.

La compagnie doit prendre le temps de la concertation, la solution ferroviaire n'étant pas une option crédible pour nous. Or le président de Transavia a refusé de s'engager à maintenir les créneaux d'Air France, et la qualité du service sera inférieure - c'est le principe du low cost.

Le plus grave est le message envoyé : la province est méprisée et déclassée !

Le Gouvernement a publiquement regretté cette décision et s'est engagé à mener une concertation avec les élus. Mais quatre mois plus tard, toujours rien... Quand serons-nous associés au devenir des liaisons opérées par la filiale d'Air France entre Paris et nos territoires ? (Mmes Marie-Arlette Carlotti et Frédérique Puissat ainsi que M. Édouard Courtial applaudissent.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Les annonces d'Air France doivent être analysées au regard des évolutions structurelles du marché intérieur depuis la crise sanitaire. La fréquentation des lignes radiales n'est revenue l'année dernière qu'à 70 % du niveau d'avant-crise. Le trafic de la navette Orly-Nice a baissé de près de 60 % par rapport à 2019, dont 50 % pour la clientèle d'affaires.

Air France doit mettre en oeuvre des solutions pour améliorer sa rentabilité, afin d'assurer sa pérennité. Toutefois, le Gouvernement vous rejoint pour considérer que ces évolutions ne doivent pas nuire à la connectivité des territoires. Le groupe a confirmé la poursuite du renforcement des rotations Nice-Roissy assurées par Air France, dont le nombre quotidien sera déjà passé de sept à dix entre 2019 et l'été prochain. Par ailleurs, les liaisons de Transavia vers Orly seront accrues, notamment avec les nouveaux Airbus A320neo.

Le Gouvernement est conscient de l'importance du maintien de la connectivité de la Côte d'Azur. Le ministre des transports veillera à ce que le groupe Air France en reste un acteur majeur. Mon collègue chargé des transports suit avec grande attention le travail en cours entre la Région Sud, la Ville de Nice et le groupe sur l'avenir de la desserte.

Violences contre des élus

M. Édouard Courtial .  - Attend-on la mort d'un maire pour agir ? C'est la question posée par Christophe Dietrich, maire de l'Oise agressé en février dernier. Hélas, son cas n'est pas isolé : le même mois, trois autres maires du département ont été agressés en trois jours.

Les mots manquent pour qualifier ces actes odieux, intolérables contre les fantassins de la République. Malgré les discours de fermeté, la situation ne cesse de se dégrader. Le Sénat a pris ses responsabilités en adoptant un texte fort : il s'agit de mieux protéger les élus et de mieux les accompagner lorsqu'ils sont victimes.

Mais le mal est profond. Pour contrer la perte d'autorité de l'État, une extrême fermeté s'impose. La tolérance zéro doit être la règle ! La protection des élus est une condition sine qua non de l'État de droit.

Compte tenu des fractures de la société française, les élus locaux sont, plus que jamais, le ciment de notre vie démocratique. Entendrez-vous leur cri d'alarme, voire de détresse ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Les menaces, diffamations ou violences visant des élus sont un fléau - il faut le rappeler toujours.

La loi du 24 janvier 2023 permet aux associations d'élus de se constituer partie civile et la loi du 21 mars dernier renforce de manière importante notre arsenal pénal : sanctions aggravées, protection fonctionnelle automatique, meilleure information des maires par les parquets.

De premiers résultats sont perceptibles : 562 procédures ont déjà été engagées cette année, après 2 759 l'année dernière. La meilleure prise en charge de la parole et la systématisation du dépôt de plainte l'expliquent en partie.

Concrètement, le réseau des référents élus au sein des forces de l'ordre, coordonné par un centre national, est structuré et connu. Plus de 1 million d'euros ont déjà été alloués pour équiper nos forces de caméras judiciaires destinées à protéger le domicile des élus menacés, et 2,5 millions d'euros seront très prochainement engagés pour la protection physique des élus. Des boutons d'appel discrets pourront être prêtés aux élus particulièrement menacés. Enfin, une ligne de soutien psychologique est active depuis novembre dernier, grâce au concours de France Victimes.

M. Édouard Courtial.  - Les élus locaux comptent sur vous et sur nous. Chaque jour, ils vont au-delà de leur devoir. Ne lâchez rien ! (Mme Christine Herzog applaudit.)

Agrément du bail réel solidaire

M. Yves Bleunven .  - Dans certains territoires du Morbihan, les actifs locaux n'ont plus accès à une offre résidentielle abordable, entraînant des difficultés de recrutement.

Le bail réel solidaire (BRS), porté par les organismes de foncier solidaire (OFS), dissocie le foncier du bâti, baissant mécaniquement le prix. Mais il ne nécessite pas d'agrément de l'État ou de la collectivité délégataire des aides à la pierre, alors qu'il répond aux mêmes objectifs, cible les mêmes publics, bénéficie de la même TVA à 5,5 % que les autres dispositifs et pourrait être tout autant un outil de maîtrise de la production de logement. Outre le fait que ces logements ne sont comptabilisés qu'à la livraison et non à la délivrance de l'agrément, cela permettrait à un territoire de ne pas se laisser déborder par une production excessive. Je sollicite donc la création d'un tel agrément.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Le Gouvernement agit depuis la loi Élan pour accompagner et favoriser le développement du BRS - un beau produit. Seuls les OFS peuvent en proposer - donc des organismes à but non lucratif ou à lucrativité limitée agréés par le préfet de région après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH), comprenant des représentants des collectivités. Sont analysés le programme prévisionnel de l'organisme et les modalités de contrôle de l'affectation des baux qu'il entend pratiquer, principalement dans les zones tendues ou très tendues. Cette procédure sera renforcée réglementairement afin que le préfet puisse mieux examiner l'adéquation de la cible du futur OFS avec les politiques locales de l'habitat, définies notamment dans le programme local de l'habitat (PLH) : l'organisme devra, entre autres, présenter une étude de marché.

Par ailleurs, chaque OFS transmet annuellement un rapport d'activité au préfet comprenant la liste des bénéficiaires de BRS, ainsi qu'un bilan de suivi de la situation de ses bénéficiaires et un rapport de présentation des conditions de cession des droits réels au cours de l'exercice. Votre intention me semble donc déjà satisfaite.

Loi SRU

M. Olivier Paccaud .  - Dans l'Oise, Verneuil-en-Halatte vient de se voir infliger une pénalité de presque 50 000 euros pour n'avoir que 13 % de logements sociaux, sans voir que cette commune de 5 000 habitants ne comptait que 2 % de logements sociaux à l'entrée en vigueur de la loi SRU et a veillé depuis à ce que plus du tiers des nouvelles constructions soient des logements sociaux. Sanctionner des maires qui consacrent des centaines de milliers d'euros à des aménagements préparatoires indispensables à de nouveaux logements sociaux est une injure à leur bonne volonté, car ils ne peuvent atteindre cet objectif que progressivement. Il serait donc plus conforme à l'esprit de la loi SRU d'apprécier la part de logements sociaux dans les nouvelles constructions. Sans parler de l'arbitraire préfectoral, tantôt indulgent, tantôt intraitable...

Alors que l'injonction à la mixité sociale se conjugue à celle de la sobriété foncière pour des collectivités aux ressources financières plus contraintes que jamais, laisserez-vous cette aberration se perpétuer ? (Mme Marie Mercier applaudit.)

M. le président.  - Merci pour cette excellente question !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Plusieurs mécanismes permettent déjà d'adapter le dispositif SRU aux particularités des communes, en particulier les plus petites : le prélèvement, proportionnel au déficit en logements sociaux et à leur potentiel fiscal, est adapté à leur situation et aux efforts qu'elles déploient. Des exonérations sont prévues, notamment pour les 10 000 communes bénéficiant de la part cible de la dotation de solidarité rurale, sous réserve d'une part minimale de logements sociaux ; les communes peuvent diminuer leur prélèvement à hauteur des dépenses qu'elles ont engagées pour la production de logements sociaux. Rappelons que ce n'est pas une pénalité, mais un versement à l'intercommunalité délégataire des aides à la pierre, réservé à la construction de logements sociaux. Une commune peut enfin toujours s'engager dans un contrat de mixité sociale qui aménage ses objectifs de rattrapage. (Mme Marie Mercier le conteste.)

Le projet de loi que nous venons de transmettre au Conseil d'État, examiné au Sénat à la mi-juin, sera l'occasion de beaux débats législatifs sur ce sujet, notamment l'intégration de logement intermédiaire.

Décret tertiaire

Mme Frédérique Puissat .  - Le décret tertiaire, vertueux, impose aux collectivités de réduire d'au moins 40 % la consommation d'énergie finale de leurs bâtiments de plus de 1 000 m² d'ici à 2030, notamment par l'installation de panneaux photovoltaïques. Mais certaines collectivités, comme Vienne Condrieu agglomération, en Isère, se heurtent à une formulation qui exclue la possibilité d'un tiers investisseur. Nous avons demandé à plusieurs reprises que ce décret soit réécrit pour inclure cette possibilité, ce qui n'est guère coûteux. Est-ce prévu ? Dans quel délai ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Ce dispositif, dit Éco Énergie Tertiaire, vise à réduire de moitié la consommation énergétique finale d'ici à 2040, qu'elle soit d'origine renouvelable ou non ; il n'impose pas que l'installation photovoltaïque sur le toit soit financée par son propriétaire. L'origine renouvelable ne doit pas être considérée comme un droit à consommer davantage : attention à l'impact sur l'environnement de ces installations en l'absence d'efforts de réduction de la consommation, auxquels elles ne peuvent se substituer. Un financement privé des panneaux photovoltaïques et un retour sur investissement comportent enfin un risque de surconsommation.

Le Gouvernement soutient cependant la production d'énergie renouvelable : pour les projets de moins de 500 kW, les collectivités peuvent demander un tarif garanti de l'électricité par l'intermédiaire du guichet unique dit S21 ; au-delà, elles peuvent obtenir un tarif grâce à la mise en concurrence dans les appels d'offres lancés régulièrement par le ministère. Elles peuvent également bénéficier d'une prime à l'autoconsommation si cela répond à un besoin de consommation territoriale.

Mme Frédérique Puissat.  - Je ne comprends pas. Nous voulons tous que les bâtiments publics réduisent leur consommation. Si un tiers investisseur permet de réduire la consommation tout en gagnant de l'argent, où est le problème ? Ajouter une petite phrase au décret ne coûterait rien : veuillez transmettre mon incompréhension au ministre compétent.

Frais des associations patriotiques

Mme Christine Herzog .  - Notre calendrier est rythmé par les cérémonies de commémoration des anciens combattants, dans lesquelles les porte-drapeaux ont une mission hautement symbolique. L'importance de cette tradition n'est cependant reconnue par aucun financement public : la tenue, imposée par un certain code vestimentaire, les accessoires et le matériel pour les cérémonies ne sont pas toujours subventionnés par les collectivités, ou le sont insuffisamment : les associations, voire les bénévoles doivent les payer, ainsi que leurs frais de déplacement - sans parler des frais élevés de gestion bancaire. Ce n'est pas de nature à encourager l'implication des bénévoles, et encore moins des jeunes.

Alors que le Président de la République veut mettre l'accent sur la formation des jeunes à histoire et à l'unité de la Nation, pourquoi une participation financière de l'État n'est-elle pas prévue ? Le ministère de l'intérieur ne pourrait-il pas créer une section spéciale dans la réserve opérationnelle ou dans la réserve civile pour faciliter la participation aux commémorations et renforcer le lien entre le monde combattant et la communauté nationale ? (Mme Nathalie Goulet renchérit.)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - Le ministère des armées est particulièrement mobilisé pour faire vivre le lien entre les armées et la Nation. L'Office national des combattants et des victimes de guerre (Onacvg) contribue au financement de l'acquisition et de la rénovation des drapeaux des associations d'anciens combattants : doublée en 2023 - de 150 à 300 euros pour une acquisition et de 80 à 160 euros pour une réfection - l'aide forfaitaire est remplacée en 2024 par une aide proportionnelle de 100 à 500 euros. Après 14 119 euros dépensés en 2023, 40 000 euros ont été prévus pour 2024.

Les tenues sont à la charge du porte-drapeau ou de son association, car aucune tenue réglementaire n'est exigée, même s'il est d'usage de porter veste, chemise blanche et cravate. Lorsque les associations sont reconnues d'utilité publique, leurs membres peuvent obtenir une réduction d'impôt. Enfin, le ministère les subventionne sur la base des projets qu'elles mènent.

L'Onacvg subventionne les associations et collectivités soucieuses de former des jeunes et organise chaque année, lors du 14 juillet, un séjour parisien pour une vingtaine de jeunes porte-drapeaux. Ces derniers peuvent obtenir le grade de chevalier de l'Ordre national du mérite ou la médaille de la jeunesse, des sports et de l'engagement associatif.

Niger

M. Jean-Luc Ruelle .  - Le 22 décembre 2023, les derniers des 1 450 militaires français ont quitté le Niger, marquant la fin de plus de dix ans de lutte anti-jihadiste. En octobre dernier au Sénat, le ministre des armées avait mentionné un coût étalé sur trois mois de 200 à 400 millions d'euros, la fourchette haute étant la plus probable. En effet, plus de 2 500 containers auraient été évacués, une partie par avion depuis la base de Niamey, une autre transportée par la route via le Tchad jusqu'au port de Douala et une dernière, stockée dans la base militaire française de N'Djamena, devant rejoindre la France en janvier 2024 avec l'aide du Qatar.

Certaines informations de terrain portent à croire qu'une partie du matériel a donné lieu à des destructions volontaires. Le confirmez-vous ? Quel est le coût exact du désengagement ? Que prévoyez-vous pour la sécurisation des emprises françaises au Niger ou ailleurs ? Il faut tirer les enseignements de cette retraite précipitée pour la gestion des futures crises. (Mme Nathalie Goulet renchérit.)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - Le 24 septembre dernier, le Président de la République a annoncé la fin de la coopération de défense avec le Niger, le rappel de l'ambassadeur et le départ des militaires et des équipements avant la fin 2023. La dernière emprise militaire a été restituée le 22 décembre 2023. Le coût de la manoeuvre a été de 80 millions d'euros : transport, ressources humaines et autres.

L'écrasante majorité des matériels a été désengagée : 1 929 containers, 600 matériels roulants et 22 aéronefs, pour plus de 820 millions d'euros. Une petite partie, non critique, a été remise à l'armée nigérienne : infrastructures non démontables ou vétustes, matériel logistique, stations d'épuration, bungalows ou structures de tentes, pour moins de 2 % de la valeur du total.

Les effectifs au Tchad n'ont pas été renforcés, même si la moitié des 1 500 personnes désengagées y ont transité.

Les armées ont appuyé le désengagement de l'ambassade : neuf personnes, un conteneur et neuf véhicules ont été évacués par voie aérienne le 30 décembre. La sécurité des emprises diplomatiques relève du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, mais le ministère des armées a renforcé le dispositif dans l'attente d'un renfort que les Nigériens n'ont jamais accepté ; depuis la fermeture des bâtiments, ces derniers doivent en assurer la sécurité, au titre des articles 22 et 45 de la Convention de Vienne.

Équivalence entre permis C et D

M. Pierre Jean Rochette .  - Ma question allie pouvoir d'achat, monde agricole, ruralité et mobilité. Le monde rural déplore une pénurie de conducteurs de cars scolaires. La fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) dénombre 6 000 conducteurs manquants à la rentrée 2023, notamment du fait de la fin du service militaire, centre de formation important de conducteurs de poids lourds et d'autocars. Le désamour pour le métier pose des difficultés sur le terrain.

Est-il normal que le conducteur d'un 44 tonnes ne puisse être au volant d'un minibus de quinze enfants ? C'était le cas auparavant - même si je suppose un arrêt dû aux règles européennes. Les équivalences de l'article L. 221-1 du code de la route permettraient au moins une classification sur les minicars, ce qui réglerait un vrai problème en zone rurale.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - Si la situation était très difficile à la rentrée 2022, elle s'est améliorée en 2023, mais elle demeure fragile alors que les tensions de recrutement pour le transport de voyageurs demeurent. Les besoins augmentent, la pyramide des âges est défavorable, les rémunérations et les perspectives professionnelles sont peu attractives.

Votre proposition concerne les véhicules de plus de huit passagers. La directive du 20 décembre 2006 ne prévoit aucune équivalence entre transport de marchandises et de personnes, qui fait appel à des compétences propres, comme la sécurité des passagers.

En outre, le système d'équivalence de l'article L. 221-1 du code de la route permet de conduire des véhicules agricoles, car ils sont hors du champ de la directive. Il n'est donc, hélas, pas applicable aux véhicules de catégorie B.

M. Pierre Jean Rochette.  - C'est bien dommage, car c'était un levier de pouvoir d'achat pour les agriculteurs, auxquels le transport scolaire rapportait souvent 1 000 euros par mois. Je vous invite à étendre la dérogation au transport de voyageurs. Un conducteur de poids lourd est largement capable de conduire un minicar de type Renault Master.

Sécurité de la gare maritime de Dzaoudzi

M. Saïd Omar Oili .  - Ma question est simple : dans le cadre de Wuambushu 2, programmée le 15 avril prochain, l'absence de conformité de la gare maritime de Dzaoudzi ne risque-t-elle pas de gêner les reconduites à la frontière ?

Cette gare maritime stratégique a accueilli 23 000 étrangers en situation irrégulière en 2023 dans le cadre des reconduites - plus que pour tout l'Hexagone. Un blocage pour motifs de sûreté mettrait Wuambushu 2 en péril et nuirait à l'image de notre pays.

Pourriez-vous nous rassurer sur la mise aux normes de la gare maritime de Dzaoudzi ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - La gare internationale de Dzaoudzi fait l'objet d'audits nationaux réguliers, comme toute installation portuaire. Celui de 2023 a conclu à une nette amélioration en 2023, sans non-conformité majeure. En particulier, l'inspection-filtrage des passagers piétons est assurée par un personnel correctement formé.

Un projet de réfection totale est à l'étude pour optimiser l'accueil des passagers, en déplaçant le contrôle documentaire réalisé par la compagnie maritime en amont du point d'inspection-filtrage, avec des contrôles de sûreté par la police aux frontières.

M. Saïd Omar Oili.  - Je suis surpris de votre réponse. À Mayotte, il y a 15 jours, j'étais interpellé par les opérateurs des bateaux amenant les étrangers en situation irrégulière. Les autorités des Comores leur ont adressé un courrier selon lequel tous les problèmes aux Comores viennent de Mayotte, car aucun scanner ne permet de contrôler ce que transportent les passagers et ce qui entre dans les îles.

Si l'on ne fait rien, policiers et gendarmes se décourageront, car leur travail et toute l'opération seront réduits à néant.

Pour conclure : on ne vous reprochera jamais d'avoir été trop prudents.

Étudiants expulsés de leur logement pour les JOP

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - Chaque année, 70 % des étudiants sont logés par les Crous, y compris l'été. Or pour loger athlètes et personnel des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), le Gouvernement expulserait 2 200 étudiants, avec 100 euros et deux places à une épreuve en guise de dédommagent, loin de compenser les frais d'un déménagement.

Le Gouvernement a promis un relogement sans surcoût, promesse difficilement tenable compte tenu de la crise du logement. Depuis la pandémie de covid-19, étudiants et jeunes sont les grands oubliés du Gouvernement, alors qu'ils sont notre avenir. Vous les sacrifiez, à nouveau, à des fins publicitaires.

Relogerez-vous les étudiants ? Les dédommagerez-vous à hauteur du préjudice réel ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je reformulerai votre question : des étudiants seront-ils expulsés ou mis à la rue ? Non, aucun, je le réaffirme. La moitié des 6 000 logements des Crous inoccupés chaque été en Île-de-France seront mis à disposition des agents publics, pompiers, policiers, soignants, en renfort pour les Jeux, ce qui relève du bon sens.

Pour éviter la cohabitation entre étudiants et agents aux horaires décalés, ces logements vacants ont été regroupés dans douze résidences, d'où des relogements, estimés à 2 200 au maximum, avec 1 500 demandes à l'heure actuelle. Aucun ne sera sans logement : les propositions de logement estival ont commencé la semaine dernière.

Les Crous prendront en charge le déménagement. Ce mois-ci, 100 euros seront versés aux habitants des douze résidences, et les étudiants concernés recevront deux places pour les Jeux dès cette semaine. Ils ont reçu le calendrier le 4 avril.

Après le temps des polémiques, souvent mensongères, entrez avec nous dans une nouvelle phase : celle des engagements tenus.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Je souhaite que ces JOP soient un grand moment de fête pour tous, particulièrement pour une jeunesse qui galère. Je vous remercie de vos précisions, j'espère qu'ils en seront satisfaits.

Délocalisation du concours des instituts nationaux polytechniques

M. Francis Szpiner .  - Les épreuves des prépas ont lieu en juin et en juillet. Elles seront donc concernées par les jeux Olympiques (JO). Ainsi, 33 000 étudiants passeront des épreuves délocalisées à Toulouse, ville qui m'est chère, mais dont l'accès n'est pas le plus simple. Au stress des concours s'ajoutent un déplacement et des frais supplémentaires.

De nombreux étudiants sont donc inquiets. En réponse, on leur indique que l'on « fera au mieux pour lisser les difficultés inhérentes à cette situation ». N'étant pas agrégé de lettres, puis-je vous demander de traduire ces termes en français ?

Mme Nathalie Goulet.  - Excellent !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - Les oraux du concours commun des instituts nationaux polytechniques et de l'épreuve commune de travail d'initiative personnelle encadré (TIPE) sont organisés par le service de concours écoles d'ingénieurs (SCEI), qui est autonome. Il s'est, très tôt, rapproché de mon ministère du fait des JO.

Notre comité de pilotage a abouti à la décision consensuelle d'organiser ces épreuves à Toulouse, épreuves avancées pour finir le 21 juin, cinq jours avant le début des JO et de la période la plus tendue en termes de transport et d'hébergement.

L'an passé, 32 500 candidats admissibles ont passé les épreuves, dont 23 857 qui ne venaient pas d'Île-de-France, soit 75 %. Que l'épreuve se passe à Toulouse ou à Paris, de nombreux candidats doivent donc voyager.

Le ministère facilite la mise en relation avec le Crous Occitanie pour l'hébergement des candidats en ayant besoin, et mes services sensibiliseront la SNCF sur des conditions tarifaires adaptées.

M. Francis Szpiner.  - Novice au Sénat, je constatais que d'habitude, lorsqu'on pose des questions, on n'a jamais de réponse. J'en ai au moins deux : l'action du Crous et de la SNCF. Espérons que cela suffira. Je vous remercie.

Délinquance juvénile en Guadeloupe

M. Dominique Théophile .  - Le dimanche 28 janvier, un automobiliste et sa compagne ont subi plusieurs coups de feu d'un agresseur d'à peine 18 ans. Le vendredi 15 mars, un jeune de 19 ans est détenu pour vol avec violences. Enfin, le 3 avril, quatre jeunes de moins de 25 ans sont mis examen pour vol et meurtre. Ce n'est qu'un échantillon.

En 2023, en Guadeloupe, plus d'un vol avec arme à feu est commis par jour, par et sur des individus de plus en plus jeunes. Le Président de la République, à Tonneins en octobre dernier, annonçait une brigade mobile à Capesterre de Marie-Galante, une brigade nautique à Gourbeyre et un hôtel de police à Basse-Terre pour 2024-2025.

Mais cela ne suffira pas. Il faut aller à la source du problème et mobiliser parents et collectivités. Quelles mesures l'État prendra-t-il pour encadrer la jeunesse ? Quel est le calendrier des brigades ? Quelles réponses apporterez-vous aux parents de mineurs et de jeunes délinquants pour briser ce cycle de violence ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - En 2023, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) a alloué 376 000 euros, 14 % de l'enveloppe, aux outre-mer. Le préfet de la région Guadeloupe, avec le président du département, a lancé les assises départementales de prévention de la délinquance, avec, notamment, les rencontres du 5 décembre 2023.

L'un des ateliers, consacré à la parentalité, a dégagé de nouvelles propositions, comme la cartographie des dispositifs existants, l'élargissement de la démarche « cité éducative », qui me tient à coeur, et la formation des professionnels. Le Beauvau, le 23 mai prochain, déterminera une stratégie par et pour les territoires.

En parallèle, les forces de sécurité intérieure seront renforcées par l'hôtel de police de Basse-Terre, achevé en juin prochain. Avant la fin 2024, 80 nouvelles brigades seront créées, dont la brigade fixe de Goyave, prévue pour le 1er mai 2024.

Le calendrier des autres brigades n'est pas encore arrêté. Leur répartition dépend des impératifs opérationnels de la gendarmerie.

M. Dominique Théophile.  - Je relève la mise en mouvement de certains dispositifs, mais le problème dépasse la Guadeloupe. Il faut fédérer les énergies : collectivités, État et, surtout, parents.

Financement des associations locales à Bobigny

M. Fabien Gay .  - Les inégalités territoriales se creusent d'année en année en Seine-Saint-Denis, en décalage avec les annonces gouvernementales. La mobilisation d'ampleur pour un plan d'urgence pour l'éducation nationale en est une parfaite illustration. Cela rend d'autant plus cruciale la politique de la ville, dont les dotations sont en diminution, provoquant de nombreuses inquiétudes chez les Balbyniens. Alors que la population augmente de plus de 10 %, aucun abondement supplémentaire n'est prévu pour les prochains contrats de ville.

Plus grave, le fonds qui soutenait les petites structures associatives a été supprimé. Bobigny ne bénéficie que de 20 euros par habitant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), contre 37 euros pour la moyenne départementale, sans justification. C'est inadmissible. Les moyens de la politique de la ville ne sont pas une aumône, mais un levier pour rétablir l'égalité républicaine. La citoyenneté, que votre gouvernement réduit sans cesse à de vagues incantations pour contrôler et réprimer toujours plus les classes populaires, doit s'incarner par l'égalité républicaine.

Quelles mesures prendrez-vous pour renforcer les moyens de la politique de la ville en Seine-Saint-Denis, compte tenu de la hausse de la population, pour accompagner les petites structures associatives en remplacement du fonds d'initiatives associatives (FIA) et pour renforcer la dimension partenariale des contrats de ville ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - Les petites associations jouent un rôle important dans les QPV. Nous devons les soutenir, en faisant confiance a priori, et en les contrôlant a posteriori. Dans ma circulaire du 31 août 2023, j'ai autorisé les subventions en fonctionnement des petites associations afin de leur simplifier la vie. J'ai aussi fixé un objectif de 50 % de conventions pluriannuelles d'objectifs pour plus de visibilité. Le FIA, qui existe toujours, peut être utilisé conjointement par les services de l'État et les collectivités.

Depuis 2020, les crédits du budget opérationnel de programme (BOP) n°147 ont augmenté de 25 % avec la création du dispositif Quartiers d'été, que j'ai pérennisé l'année dernière.

Le BOP 147 n'échappe pas à la rigueur budgétaire, avec des annulations de crédits, mais l'enveloppe financière dédiée aux contrats de ville prendra en compte la réforme de la géographie prioritaire. Ainsi, 4 millions d'euros supplémentaires abonderont les régions dont la population augmente, tandis que les dotations ont été maintenues au niveau de 2023 pour celles dont la population en QPV diminue.

Les crédits du programme 147 n'ont pas vocation à compenser le manque des crédits de droit commun. Je souhaite que les deux assemblées évaluent ces crédits de droit commun pour agir plus efficacement.

M. Fabien Gay.  - Vous dites tout et son contraire : cela augmente et on annule des crédits... En réalité, la Seine-Saint-Denis est discriminée, et Édouard Philippe est le premier à le reconnaître. Rien ne bouge. Nous sommes discriminés dans tous les domaines : éducation, logement, santé, culture, emploi, associations... Arrêtons les mots, il faut des moyens. Nous ne réclamons pas l'aumône, mais l'égalité républicaine ; pas des plans de rattrapage, mais d'entrer dans les politiques communes. Donnez à la jeunesse les moyens de réussir !

Interdiction des réseaux d'influence des Frères musulmans en France et en Europe

Mme Nathalie Goulet .  - Je salue la volonté du ministre de l'intérieur de lutter contre l'islam radical, mais les dernières attaques contre la jeune Samara, la mort de Shemseddine et les attaques répétées contre le corps enseignant et la laïcité constituent des alertes que je dénonce depuis longtemps. L'évaluation par le Sénat de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République révèle de nombreuses failles, comme le financement des associations : lorsqu'on interdit une association en France, elle s'installe en Belgique et les réseaux sociaux font le reste...

Les Frères musulmans sont inscrits sur la liste des organisations terroristes de nombreux pays - Autriche, Émirats arabes unis, Arabie saoudite... Nos collègues britanniques sont en train d'enquêter contre la Muslim Association of Britain, Cage et Rend, associations suscitant des inquiétudes et dont les actions ne s'arrêtent pas au bord de la Manche.

La confrérie des Frères musulmans est très active dans les diatribes antisémites : hausse de 319 % d'augmentation des actes antisémites et des atteintes à la laïcité en 2023, selon le ministre. Que comptez-vous faire pour interdire les Frères musulmans et leur influence en France ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - La lutte contre le séparatisme et l'antisémitisme est une priorité du Gouvernement. Nous ne laisserons aucun répit à ceux qui veulent diviser notre société et s'en prennent aux valeurs de la République, ainsi qu'à nos compatriotes juifs.

Depuis plus de cinq ans, nous luttons contre les islamistes, dont ceux liés aux Frères musulmans. La loi de 2021 offre un arsenal juridique mobilisable contre les associations, lieux de culte ou individus en rupture avec les valeurs de la République. Depuis 2021, nous avons identifié une vingtaine de fonds de dotation douteux liés à l'islam politique ; quatre ont été dissous, cinq sont suspendus et trois font l'objet de mises en demeure.

Lutter contre les Frères musulmans, c'est aussi lutter contre les prédicateurs. Vous me trouverez toujours à vos côtés pour lutter contre l'antisémitisme, partout. La France a connu une hausse inédite et intolérable des actes antisémites en 2023 : hausse de 284 %, avec 1 676 actes enregistrés.

Depuis 2017, nous avons fermé seize lieux de culte. Depuis 2013, 38 décrets de dissolution d'associations ou groupements de faits ont été pris sur le fondement antisémite, dont 20 relevant de la mouvance islamiste. Je rappelle le travail remarquable des députés Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan. Vous nous trouverez toujours face aux diviseurs.

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiens nos services et le ministre, mais la division existe tous les jours. J'ai demandé la suppression d'applications, notamment Euro Fatwa en 2019, sans succès. Rien non plus pour le contrôle des financements, notamment européens, des associations. Il y a quelques jours, Al Jazeera prônait les vertus de la polygamie. Ce séparatisme nuit à la République et à sa cohésion. Tolérance zéro pour les ennemis de la République ! Évitons un mauvais remake de La Fièvre.

Délit de fuite et note 89

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Chaque semaine, des refus d'obtempérer sont constatés sur l'ensemble du territoire national, avec parfois des blessés, comme la sous-préfète de Moselle, ou des forces de l'ordre tuées, comme la jeune gendarme Mélanie Lemée en Lot-et-Garonne.

Ces refus d'obtempérer entraînent souvent une course-poursuite permettant dans la plupart des cas d'interpeller les délinquants fuyards. Or, depuis quelques mois, la fameuse note 89 exige des policiers que la poursuite d'un véhicule ne puisse être liée qu'à des faits d'une grande gravité, comme la fuite ou l'évasion d'un individu dangereux, ou encore la traque d'un auteur d'un crime de sang. Pour les autres situations, il ne doit pas y avoir de course-poursuite systématique.

Il est demandé aux forces de l'ordre d'évaluer en quelques secondes la raison pour laquelle un individu fuit, mais aussi l'éventuel danger d'une course-poursuite pour les riverains et les usagers de la route. On leur demande un discernement immédiat, précis et affûté, dans des situations souvent complexes. Une réécriture de la note 89 est en cours, mais, d'ici là, laisse-t-on les délinquants faire la loi en toute impunité ou envoie-t-on un message de fermeté ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté .  - On envoie un message de fermeté.

Délit de fuite et poursuite de véhicules en cas de refus d'obtempérer sont deux situations différentes. Dans ce dernier cas, une poursuite peut être engagée à la stricte condition que les faits soient d'une grande gravité : fuite ou évasion d'un individu armé ayant l'intention d'attenter à la vie d'un tiers ou crimes ou délits aggravés entraînant un préjudice corporel, selon l'instruction de commandement du 14 mai 1999 de la police nationale. Dans les autres situations, toute poursuite systématique est exclue, la surveillance devant être privilégiée en vue d'une interpellation.

Depuis le 3 juillet 2020, la préfecture de police autorise la poursuite d'un véhicule refusant d'obtempérer, après discernement et avec compte rendu immédiat au centre interministériel de crise qui en évalue le bien-fondé. L'avis hiérarchique est nécessaire, car les fonctionnaires de police doivent s'affranchir exceptionnellement du respect des règles du code de la route dès qu'ils font usage de leur avertisseur dans des cas justifiés par l'urgence, et sous réserve de ne pas mettre en danger les autres usagers de la route.

Du matériel récent et adapté permet de sécuriser l'action des policiers de terrain et d'apporter des preuves matérielles complémentaires.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - C'est d'une complexité aberrante. Je ne sais pas si les policiers s'y retrouvent... La maison police est en train de se fissurer ; ne la laissons pas s'effondrer !

Recours aux professionnels de santé diplômés hors Union européenne

M. Bruno Belin .  - Depuis 18 ans, j'alerte sur les déserts médicaux. Malgré les annonces pleines de bonne volonté, la prochaine décennie s'annonce sans solution pour les patients. Est-il possible de recourir aux praticiens diplômés en dehors de l'Union européenne (Padhue), sans vider ces pays de leurs professionnels ? Il faut que cela corresponde à un parcours de vie. Il y a quinze ans, nous n'avons pas autorisé une jeune médecin cubaine à s'installer en France ; désormais, elle fait le bonheur d'une célèbre agence onusienne à côté de Genève... Est-il possible d'avoir recours à ces professionnels pour pallier les carences des déserts médicaux ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Les Padhue sont autorisés à exercer en France, sous certaines conditions - différentes de celles valant pour les médecins issus de l'Union européenne. L'autorisation d'exercice des Padhue est un enjeu individuel mais aussi collectif, dans l'attente de l'augmentation des praticiens formés en France.

Le plein exercice des Padhue est permis par la réussite à une épreuve de vérification des connaissances (EVC), qui se déroule chaque année. Une refonte de cette procédure est envisagée pour faciliter les demandes d'autorisation d'exercice. Ces évolutions seront mises en oeuvre à partir de la session 2024.

En attendant, la loi du 27 décembre 2023 a créé une attestation d'exercice temporaire de 13 mois, après examen du dossier du Padhue par une commission d'autorisation d'exercice, en amont de la réussite à l'EVC et avec un renouvellement possible en cas de premier échec à l'épreuve, pour une meilleure préparation des épreuves et une installation plus durable sur les territoires. À partir de 2025, d'autres aménagements du concours seront réalisés.

M. Bruno Belin.  - Il faut tenter toutes les solutions pour les déserts médicaux. Nous allons aussi vers des déserts pharmaceutiques d'ici à la fin de la décennie. Dans les prochaines années, 15 à 20 % seulement des pharmaciens seront remplacés ; ce sera un séisme pour les territoires ruraux. Sans compter la pénurie de médicaments : ce matin, j'ai quitté mon officine avec quinze patients sans Trulicity ni visibilité sur le calendrier d'approvisionnement... C'est inadmissible de la part des laboratoires ! Nous alertons depuis deux ans sur cette situation dramatique pour de nombreux patients.

Situation alarmante de la santé mentale en France

Mme Annick Billon .  - J'apporte mon soutien au brancardier violemment agressé ce week-end à l'hôpital de Challans.

En 2017, un rapport d'information sénatorial formulait 52 recommandations pour sauver la pédopsychiatrie. En 2021, un autre rapport appelait à réinvestir la santé mentale après le choc de la crise sanitaire.

Les maladies mentales et troubles psychiques concerneraient 13 millions de Français, un sur cinq. Leur prise en charge - 23 milliards d'euros annuels - est le premier poste de dépenses de l'assurance maladie. L'OMS estime leur coût économique et social à 109 milliards d'euros par an.

La situation de la santé mentale en France ne fait qu'empirer, car les moyens, bien qu'importants, ne sont pas à la hauteur des besoins. Cela se traduit par des postes vacants, des fermetures de lits, des conditions de travail dégradées, des violences envers les soignants, des délais de prise en charge toujours plus longs, de la maltraitance, des défauts de prévention. Résultat : toujours plus de jeunes mettent fin à leurs jours.

Il est urgent de considérer la santé mentale comme une priorité, d'autant que la carence de moyens ajoute au manque d'attractivité de la spécialité. Selon les professionnels, c'est une bombe à retardement.

Comment attirer des personnels soignants et doter la santé mentale de moyens suffisants ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Il faut faire tomber le tabou de la santé mentale, notamment des enfants et des adolescents. Les troubles mentaux brisent des familles, encore plus depuis la crise covid. Le recours aux soins d'urgence et l'alerte sur les gestes suicidaires ont fortement augmenté depuis 2021 et restent à un niveau extrêmement élevé.

Les Assises de la santé mentale de septembre 2021 ont permis de structurer une feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie 2021-2026, renforcée par 13 nouvelles mesures par rapport à la feuille de route 2018-2021, régulièrement évaluée. Le comité stratégique se réunira à la fin du mois.

Concrètement, nous adoptons des mesures fortes de prévention : formation de secouristes en santé mentale, mise en place du 3114, renforcement de l'offre de soins grâce à l'augmentation de l'Ondam, qui atteint 12 milliards d'euros. Nous lançons un appel à projets sur le fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie, à la demande des professionnels. Plus de 216 millions d'euros seront alloués à des projets territoriaux portés par des collectifs de soins.

Nous renforçons l'attractivité de la discipline : le nombre de postes non choisis par les étudiants en psychiatrie est passé de 17 % en 2019 à 6 % en 2022.

La santé mentale est une priorité, et un Conseil national de la refondation (CNR) sur ce sujet débutera en mai. Mon soutien psy sera complètement rénové : le Premier ministre a annoncé ce week-end un dispositif plus attractif pour les psychologues et plus facile pour les Français.

Mme Annick Billon.  - La région Pays de la Loire se trouve en dernière position en termes de financement. L'établissement public de santé mentale Georges-Mazurelle de La Roche-sur-Yon dispose même du plus faible budget des hôpitaux psychiatriques de métropole... La psychiatrie souffre de non-assistance à spécialité en danger !

Tarifs des mutuelles santé

Mme Michelle Gréaume .  - Alors que l'assurance maladie se désengage toujours plus de la prise en charge des dépenses de santé, les 70 milliards d'exonérations de cotisations sociales fragilisent le budget de la sécurité sociale.

Les complémentaires santé devenant indispensables pour se soigner, certaines en profitent pour augmenter leurs tarifs : plus 8 % en moyenne, et jusqu'à 30 % pour ceux qui n'ont pas de contrat collectif. S'y ajoute la taxation : 14 % sur les contrats solidaires, 21 % sur les individuels.

Ces hausses sont insupportables dans le contexte d'inflation et de baisse du pouvoir d'achat et peuvent conduire à un renoncement aux soins. Quelque 4 millions de nos concitoyens sont sans complémentaire santé, dont 925 000 dans le Nord. Le doublement des franchises médicales et l'explosion des dépassements d'honoraires n'arrangeront rien...

Il faut une prise en charge intégrale des soins par l'assurance maladie. Qu'allez-vous faire pour endiguer ces hausses tarifaires injustifiées ? Envisagez-vous des sanctions ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Je partage pleinement votre inquiétude. Le Gouvernement prendra connaissance des conclusions de la mission d'information du Sénat. Bien que la fixation des tarifs relève de la liberté contractuelle, le ministre de la santé y est très attentif.

Plusieurs dispositifs existent : portabilité de la couverture santé pendant un an après la fin du contrat de travail, possibilité pour les branches de prendre en charge d'anciens salariés, résiliation infra-annuelle sans frais et sans pénalité, entre autres. Pour les plus modestes, la complémentaire santé solidaire (C2S) permet un remboursement intégral, dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.

L'assurance maladie obligatoire ne se désengage pas : sa part dans les dépenses de santé n'a cessé d'augmenter sur les quinze dernières années : plus trois points depuis 2010, plus deux points depuis 2019, pour atteindre 80 %.

Asalée

M. Patrice Joly .  - Le dispositif Action de santé libérale en équipe (Asalée), créé en 2004, vise à améliorer la prise en charge des patients souffrant de pathologies chroniques. C'est une incontestable réussite et un très bel exemple de délégation des tâches en direction des infirmières. La prise en charge des patients y est excellente et permet le dépistage précoce de certaines pathologies.

Or la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a décidé, brutalement et sans concertation, de ne plus prendre en charge les loyers à partir du 31 décembre dernier. De surcroît, dans la Nièvre, les infirmières ont perçu leur salaire de février avec retard.

Prenez-vous le risque qu'Asalée disparaisse ? Sinon, quelles mesures urgentes entendez-vous mettre en oeuvre ? Quid de la nouvelle convention ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Ce dispositif d'intérêt majeur a fait ses preuves, notamment pour l'accès aux soins des malades chroniques. Il n'est pas question de le remettre en cause.

Les pouvoirs publics l'accompagnent depuis sa création, et l'assurance maladie participe, depuis 2022, à la formation et au déploiement des 1 200 infirmières, à hauteur de 80 millions d'euros par an. Mais la prise en charge des loyers n'est pas prévue, et le ministre est attaché à la bonne utilisation de l'argent public.

Sachez que l'assurance maladie n'a ni retardé ni suspendu ses versements. Les échanges se poursuivent afin de finaliser la convention pour 2024. Asalée est un acteur important des soins primaires, que le Gouvernement soutient.

Oniam et Dépakine

M. Christian Klinger .  - Les victimes de la Dépakine rencontrent des difficultés pour être indemnisées. Le législateur avait souhaité un dispositif simple, objectif et rapide. Pourtant, en 2017, la Cour des comptes a considéré que le système mis en place par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) était onéreux, inadapté et inefficace, ce qu'a également souligné mon rapport de 2022.

Trente mois après leur reconnaissance officielle, des victimes de la Dépakine ne sont pas toujours indemnisées - et ce n'est pas un problème de budget ! Qu'envisagez pour que ces indemnisations soient rapidement versées ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Les effets tératogènes de la Dépakine - malformations et troubles du développement chez l'enfant exposé in utero - sont connus depuis les années quatre-vingt. Le système d'indemnisation, confié à l'Oniam, est entré en vigueur en 2017. La réforme de 2019 a permis de raccourcir les délais, mais ils restent trop longs.

La crise sanitaire et le réexamen, par un nouveau collège unique d'experts, de nombreux avis précédemment rendus ont perturbé les délais, mais sachez que les dossiers de 2023 ont été examinés dans l'année. Au 31 mars 2024, 1 946 victimes ont reçu une offre d'indemnisation, pour un montant de 85 millions d'euros ; 1 219 l'ont acceptée, pour 61 millions d'euros.

Le ministre de la santé y est particulièrement attentif, notamment dans la perspective du prochain contrat d'objectifs et de performance.

M. Christian Klinger.  - La reconnaissance des handicaps causés par la Dépakine est une première victoire, mais l'indemnisation vise à répondre aux besoins du quotidien. Les délais sont inacceptables - le délai initialement envisagé était de six mois... Il faut exercer une amicale pression sur l'Oniam, pour qu'il accentue ses efforts.

Pénurie de médicaments

M. Hugues Saury .  - Depuis 2018, les signalements de pénuries de médicaments essentiels ont décuplé. En 2023, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a enregistré près de 5 000 signalements de ruptures de stock et de risques de rupture, en hausse de 30 % sur un an, de 128 % sur deux ans. Ce phénomène, qui concerne toutes les classes thérapeutiques, est dangereux pour les patients, avec un risque de perte de chance.

Une nouvelle feuille de route gouvernementale a été présentée en février 2024. Mais ces plans à répétition sont sans effet. Les pistes ne manquent pourtant pas : autoriser le remplacement par le pharmacien sans solliciter le prescripteur, assouplir les règles de fabrication en officine, suivre les recommandations de bon sens de la commission d'enquête du Sénat.

Quels sont vos objectifs pour enrayer ces pénuries ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Oui, malgré la mobilisation totale du Gouvernement, nous subissons encore des pénuries. Les déclarations de ruptures de stock et de risques de ruptures de stock ont augmenté ces dernières années, comme dans d'autres pays.

Depuis 2019, malgré des mesures fortes - interdiction d'exportation en période de tension et obligation de constituer un stock de sécurité pour le marché national -, la situation a continué à se dégrader. Notre nouvelle feuille de route tient compte des conclusions du rapport du Sénat de juillet 2023 en proposant d'agir sur la répartition des stocks, de libérer des stocks d'État, d'adapter le conditionnement aux prescriptions et de donner plus de visibilité sur les stocks disponibles. Une charte des bonnes pratiques et des travaux européens sont également en cours.

Retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Jean-Jacques Michau .  - Les sapeurs-pompiers volontaires s'inquiètent de l'application de la réforme des retraites de 2023, qui prévoyait l'octroi de trimestres supplémentaires à ceux d'entre eux ayant accompli au moins dix années de service. Cette demande ancienne des pompiers est une mesure de reconnaissance de la Nation et de renforcement de l'attractivité du volontariat, mais surtout de justice sociale au regard des lourdes contraintes qui pèsent sur leur vie familiale et personnelle.

D'après les responsables des pompiers de l'Ariège, le projet de décret, attendu depuis plus d'un an, réserverait la bonification aux seuls sapeurs-pompiers ayant eu une carrière hachée, ce qui est contraire à la volonté du Sénat. Qu'en est-il ? Quand la bonification sera-t-elle effective ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Nos sapeurs-pompiers sont la pierre angulaire de notre dispositif de protection civile. Leur rôle sur nos territoires est essentiel, et nous leur en sommes reconnaissants.

Grâce à la réforme des retraites, leur volontariat ne pèsera plus sur leur future pension. Le Gouvernement tiendra cet engagement de façon rétroactive au bénéfice de ceux qui présentent au moins dix ans de service. Le décret prévoira l'attribution de trimestres supplémentaires pour les années question incomplètes, afin de corriger les interruptions de carrière.

Cette avancée correspond à l'esprit de vos débats, car les amendements adoptés ici ne visaient que les carrières incomplètes, et le coût évalué à 30 millions d'euros correspond à la correction des interruptions de carrière. Aller au-delà quadruplerait le coût de la mesure et nous ne pouvons faire peser une telle charge sur le budget de la sécurité sociale.

M. Jean-Jacques Michau.  - Cela ne satisfera probablement pas nos sapeurs-pompiers volontaires, engagés pour la sécurité de la population.

Centre hospitalier Camille-Claudel en Charente

Mme Nicole Bonnefoy .  - Le déficit prévisionnel du centre hospitalier Camille-Claudel pour l'exercice 2023 dépasse le million d'euros et celui de 2024 serait supérieur à 3 millions d'euros, en raison d'une évolution des recettes insuffisante au regard de l'inflation. La psychiatrie en Charente est historiquement sous-financée : 146,20 euros par habitant, contre 175,10 euros en moyenne en Nouvelle-Aquitaine.

Contraint de puiser dans son fonds de roulement pour financer ses dépenses de fonctionnement, le centre hospitalier n'est plus en mesure de réaliser son programme d'investissements, destiné à humaniser ses locaux et à les mettre aux normes. C'est pourquoi ses instances demandent une revalorisation de sa dotation annuelle à hauteur, a minima, de la moyenne régionale, ainsi qu'une aide à l'investissement.

Quelles réponses le Gouvernement apportera-t-il à ces demandes légitimes ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - L'agence régionale de santé va examiner avec l'établissement comment améliorer sa situation financière et ajuster, le cas échéant, son programme d'investissements. L'État fera le nécessaire pour l'accompagner et lui permettre de continuer à accueillir les patients dans de bonnes conditions. L'alerte a bien été bien reçue, et des réponses seront apportées.

Le déficit annoncé pour 2023 n'a pas pris en compte les crédits apportés par l'ARS le mois dernier. Oui, la Charente présente un ratio de financement en psychiatrie par habitant inférieur à la moyenne régionale ; l'ARS en tiendra compte.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Tous les efforts d'économies ont déjà été réalisés. Certains bâtiments sont vétustes, et le manque de personnel est criant. J'espère que vos annonces seront à la hauteur des attentes des personnels et des patients.

Centre médico-psychologique pour enfants et adolescents au Vigan

M. Laurent Burgoa .  - Depuis la fin des années quatre-vingt, l'association éducative du Mas Cavaillac (AEMC) gérait l'antenne du centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) au Vigan pour le secteur nord-ouest du Gard, comprenant également Ganges et Saint-Hippolyte-du-Fort. Or le CMPEA du Vigan est fermé depuis le début de l'été dernier, à la suite du départ du psychiatre, ce qui compromet la prise en charge d'environ 500 enfants et adolescents.

Un médecin interviendrait ponctuellement pour assurer la continuité du suivi, mais aucun nouveau patient ne peut être accueilli. Un arbitrage en cours au sein de l'agence régionale de santé du Gard tendrait à rattacher le CMPEA à l'hôpital d'Uzès. Or aucun médecin d'Uzès n'accepte de se rendre dans ce secteur. Ce centre aide pourtant les familles à réaliser les bilans indispensables à la constitution des dossiers destinés aux maisons départementales des personnes handicapée : son maintien est donc fondamental.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Le Gouvernement envisage de confier la gestion du CMPEA au centre hospitalier d'Alès ou à un autre centre hospitalier, ce sujet ayant fait l'objet d'une réunion avec ces établissements en septembre 2023. En attendant, une offre minimale est maintenue pour les situations urgentes. Il existe aussi un centre médico-psychologique relevant du centre hospitalier Mas Careiron et un hôpital pédiatrique de jour porté par le centre hospitalier d'Alès.

Une nouvelle réunion aura lieu dans les prochaines semaines avec les élus du territoire et toutes les parties prenantes. Il n'est aucunement envisagé que l'activité du CMPEA cesse sur votre territoire. Nous travaillons à la mise en oeuvre d'un conventionnement adéquat.

M. Laurent Burgoa.  - L'État doit demander à l'ARS de faire preuve de bon sens. L'hôpital d'Uzès est à plus de 50 kilomètres du Vigan ! (Mme Else Joseph applaudit.)

Maison d'arrêt de Béthune

Mme Amel Gacquerre .  - Le contexte d'insécurité autour de la maison d'arrêt de Béthune appelle une attention particulière.

Des travaux d'aménagement ont été engagés par l'État, pour 810 000 euros. Cependant, la question du devenir de cette maison d'arrêt se pose. Elle connaît une surpopulation préoccupante - 370 détenus pour une capacité de 180 places, soit un taux d'occupation de plus de 200 % -, qui engendre violences et trafics.

Quelles réponses le Gouvernement prévoit-il en matière d'infrastructures pénitentiaires pour répondre aux besoins du deuxième tribunal judiciaire des Hauts-de-France, qui concerne un bassin de plus de 600 000 habitants ? La construction d'une structure supplémentaire pourrait-elle être intégrée dans le plan de construction de 15 000 places de prison d'ici à 2027, annoncé par le Président de la République ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Le chantier de sécurisation de la maison d'arrêt de Béthune a été terminé le 15 janvier dernier. Des caillebotis ont notamment été posés sur l'ensemble des fenêtres des cellules. La vidéosurveillance a été renforcée. Des bardages ont été installés, et des filins seront posés devant les façades des hébergements d'ici à la fin du mois. Des travaux supplémentaires devraient suivre, notamment sur la structure du bâtiment 1. Pas moins de 500 000 euros sont également prévus pour les douches, et 4 millions d'euros pour la réfection de la toiture.

Le programme « 15 000 places de prison » est déjà complet. La construction d'un nouvel établissement sur la commune de Béthune n'est pas prévue. Cependant, trois nouveaux établissements sont programmés dans la région : à Saint-Saulve, pour 700 places, à Loos, pour 120 places, et à Arras, pour 180 places.

Mme Amel Gacquerre.  - La surpopulation carcérale record que nous connaissons est dénoncée partout en France. La question n'est pas close. Une discussion doit être engagée sur notre territoire.

Surpopulation carcérale

Mme Marion Canalès .  - Le taux d'occupation des prisons s'élève à 123 % au total - 200 % dans certains établissements.

Le centre pénitentiaire de Riom, pourtant censé garantir aux personnes privées de liberté des conditions de vie dignes, affiche un taux d'occupation de 125 % et manque de 30 surveillants. Il faut améliorer le processus de réinsertion pour éviter la récidive, notamment l'accès à l'enseignement supérieur. Or la circulaire de 2019 interdit l'usage de clés USB.

La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme, notamment en juillet 2023. Le mois dernier, le comité des ministres du Conseil de l'Europe l'a invitée à réfléchir à un mécanisme national contraignant de régulation carcérale. Or le ministère a décidé de lancer plusieurs projets d'infrastructure, alors même que la surpopulation carcérale augmente à mesure que le nombre de places s'accroît. Envisagez-vous d'actualiser la circulaire de 2019 et d'instaurer un mécanisme contraignant de régulation carcérale ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Dans le cadre du programme « 15 000 places de prison », dix-neuf établissements pénitentiaires ont été livrés au 1er janvier 2024, soit 4 103 places nettes. Près de la moitié des établissements du programme seront opérationnels cette année. Les transferts accélérés des condamnés vers les établissements pour peine seront poursuivis. Un dialogue a été instauré au niveau de chaque cour d'appel avec le concours des directions interrégionales de l'administration pénitentiaire.

Créer un mécanisme généralisé de régulation carcérale semble contraire aux enjeux qui sont les nôtres en matière de traitement de la délinquance et d'efficacité de la réponse pénale ; en outre, cela soulèverait des questions juridiques, voire constitutionnelles, notamment au regard de l'égalité devant la loi.

Je transmettrai au garde des sceaux votre alerte concernant l'accès à l'enseignement supérieur et la réinsertion.

Rentrée scolaire 2024 en Guadeloupe

Mme Solanges Nadille .  - L'académie de Guadeloupe perdra 107 postes d'enseignant à la rentrée 2024 - 52 postes dans le premier degré, et 55 dans le second degré - du fait d'une chute attendue du nombre d'élèves. Or l'académie manque déjà de moyens de remplacement, d'enseignants spécialisés, de psychologues, d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et d'assistants d'éducation. La communauté scolaire est marquée par la précarité. La Guadeloupe est arrivée 30e sur 33 en mathématiques et en français dans les résultats des évaluations nationales des élèves de sixième réalisées en septembre dernier. Les six dernières places de ce classement sont d'ailleurs occupées par les académies de territoires ultramarins, soit ceux qui concentrent le plus de difficultés, et où l'inclusion scolaire est également compromise faute de moyens.

Le Gouvernement pourrait-il réétudier les suppressions de postes annoncées, qui sont incompréhensibles ? Quelle stratégie compte-t-il mener pour pallier les difficultés scolaires dans les outre-mer ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Les effectifs d'écoliers ont diminué en Guadeloupe de 34 % sur les quinze dernières années et cette tendance se prolonge en 2024, moyennant une baisse prévisionnelle de plus de 500 élèves. Les moyens de l'enseignement n'ont cependant pas été réduits, comme le montrent les taux d'encadrement : le nombre moyen d'élèves par classe est de 16 en éducation prioritaire et 20 hors éducation prioritaire, contre 18 et 22 dans l'Hexagone. On recense huit postes d'enseignant pour 100 élèves en Guadeloupe contre six postes pour 100 élèves au niveau national.

Il faut toutefois accompagner de manière qualitative les spécificités des outre-mer, notamment en matière de continuité éducative, ou par l'intermédiaire d'établissements efficaces pour l'insertion professionnelle comme le régiment du service militaire adapté de La Réunion (RSMA).

Arrêt du financement de l'éducation à la sexualité

Mme Laurence Rossignol .  - Plusieurs agences régionales de santé ont invoqué une instruction interministérielle du 19 août 2022 concernant la stratégie de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes pour justifier l'arrêt des financements alloués à l'éducation à la vie affective et sexuelle auprès des associations compétentes.

Confirmez-vous qu'il s'agit d'une erreur et qu'aucune réduction des financements de ces associations n'est prévue ? Le ministère précisera-t-il rapidement aux ARS que ces financements sont maintenus ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - La ministre chargée du travail, de la santé et des solidarités n'a transmis aucune consigne aux ARS concernant un éventuel arrêt des financements des programmes d'éducation à la sexualité. Une instruction ministérielle du 23 juin 2023 relative au dispositif de soutien par le Fonds de lutte contre les addictions (FLCA) aux actions régionales contribuant à la lutte contre les addictions insiste sur l'intérêt de poursuivre le financement des programmes probants, avec renvoi à l'instruction interministérielle d'août 2022.

Certaines ARS engagent une réflexion afin d'obtenir une montée en compétences des acteurs associatifs sur les compétences psychosociales. Le développement de ces dernières sera explicitement mentionné dans le programme d'éducation à la sexualité.

Mme Laurence Rossignol.  - Les ARS, cherchant probablement des financements pour répondre aux consignes de la circulaire sur les addictions, se demandent s'il ne serait pas possible de prélever certains crédits dédiés à l'éducation à la vie affective et sexuelle. Une instruction de la ministre soulignant l'impossibilité de retirer des crédits aux associations chargées de cette éducation serait bienvenue.

Organisation des festivals pendant les JOP de Paris 2024

Mme Else Joseph .  - Si notre pays se réjouit de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) cet été, l'inquiétude est de mise concernant l'organisation des festivals. Nous craignons que la vague positive de 2023, marquée par des millions de places vendues, soit enrayée. Or rien ne semble avoir été anticipé à cet égard. Certains festivals, à partir de juin, envisagent une annulation de dernière minute en raison d'un manque de disponibilités en ressources humaines ou en matériel. Les sapeurs-pompiers, les forces de sécurité ou encore la Croix-Rouge seront abondamment sollicités. Comment habiller Pierre sans déshabiller Paul ?

Aucun référent « festival » n'a été désigné dans les Ardennes. Or nous avons besoin d'un pilotage. Comment accompagner les festivals, petits et grands, dans ce moment délicat et maintenir une offre culturelle dans nos départements ? Ne transformons pas une année prometteuse en année désastreuse !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - La sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques fait l'objet d'une mobilisation historique. Du 18 juillet au 11 août 2024, aucun événement d'ampleur ne pourra être organisé. Toutefois, le Cabaret vert, prévu dans les Ardennes du 15 au 18 août, ne sera pas concerné. Les événements de moindre ampleur auront vocation à se tenir, moyennant un usage modéré des forces de l'ordre et un dialogue avec les collectivités territoriales. Les traditionnelles fêtes de la Sainte-Anne se dérouleront bien du 27 juillet au 4 août à Rethel. Les services préfectoraux assurent la coordination des acteurs mobilisés. Aucun festival n'est annulé à ce jour sur votre territoire.

Je suis convaincue de l'importance des animations culturelles qui génèrent de l'emploi, du lien social et de l'attractivité touristique. Nous nous efforcerons de les préserver.

Filière des plantes à parfum aromatiques et médicinales

M. Lucien Stanzione .  - On constate une hausse de la concentration en alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les préparations pour les cosmétiques, l'aromathérapie, les compléments alimentaires, la pharmacie, issues de plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM) : lavande, mélisse, thym, menthe poivrée, origan et autres. Cette hausse des niveaux de contamination tient à la suppression des traitements chimiques de désherbage. Les conséquences sanitaires et économiques sont énormes, avec des surcoûts liés à l'élimination des mauvaises herbes et 20 à 30 % des lots qui sont refusés.

Or les alternatives existantes au désherbage chimique ne sont pas viables économiquement, surtout pour les petites structures. Les producteurs réclament un investissement massif dans la recherche de moyens efficaces pour lutter contre les alcaloïdes pyrrolizidiniques. Il faut agir vite : une vingtaine de PPAM pourraient ne plus être cultivées en France. Le maraîchage est également concerné.

Allez-vous doter la recherche des moyens nécessaires ? Aiderez-vous les producteurs, et à quel niveau ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont naturellement présents dans des plantes adventices qui peuvent contaminer les récoltes. L'exposition à ces contaminants suscite des préoccupations sanitaires depuis une dizaine d'années. Un avis de 2017 de l'Autorité européenne de sécurité des aliments confirme que certains sont cancérogènes et génotoxiques, d'où les teneurs maximales réglementaires publiées dès décembre 2020.

Des produits phytopharmaceutiques peuvent être utilisés contre les adventices susceptibles de produire ce type d'alcaloïdes. Des spécialités commerciales à base de pyridate, de 2,4 D, de métazachlore peuvent être utilisées seules ou en association avec d'autres produits à base de clomazone, aclonifen et pendimethaline. Par ailleurs, pour 2024, une demande d'autorisation pour un produit à base de pyridate est expertisée.

« Pas d'interdiction sans solution ». C'est pourquoi nous avons investi 250 millions d'euros dans le cadre du Parsada (Plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures) pour proposer des innovations, avec un conventionnement direct de la direction générale de l'alimentation dans le cadre de projets ciblés à hauteur de 4 millions d'euros. Nous envisageons également un projet ciblé de l'Institut technique de la filière.

Enfin, j'ai récemment mis en place un comité des solutions pour répondre à ces situations d'impasse et trouver des alternatives à réglementation constante, comme des autorisations de mise sur le marché (AMM) qui n'auraient pas été étendues, ou la reconnaissance mutuelle de produits utilisés en sécurité dans d'autres pays européens.

M. Lucien Stanzione.  - Je prends acte de votre réponse, fort complète, mais vous n'avez pas précisé comment vous comptiez aider les producteurs touchés. Seront-ils indemnisés ?

Dispositifs anti-grêle

Mme Monique de Marco .  - Les dispositifs anti-grêle se multiplient : canons anti-grêle dont les explosions génèrent de puissantes ondes de choc jusqu'à la stratosphère, ou, comme en Gironde, ensemencement des nuages par l'iodure d'argent : 137 générateurs envoient ainsi dans l'atmosphère des milliards de particules censées transformer la grêle en pluie ou réduire la taille des grêlons.

Or la pulvérisation d'aérosols d'iodure d'argent peut contaminer les sols et les milieux aquatiques, dixit la fiche toxicologique. Le laboratoire EPOC souligne que l'iodure d'argent se bioaccumule notamment dans les sols et pointe l'absence de réglementation.

Le Gouvernement déclarait en octobre 2018 qu'il n'existe pas de démonstration robuste de son efficacité. Impossible dès lors d'en évaluer la pertinence économique. Météo-France estime que l'utilité des dispositifs anti-grêle n'est pas démontrée - d'autant qu'en cas de sècheresse, les concentrations seraient plus importantes.

Allez-vous engager une politique de recherche pour faire la lumière sur les impacts sanitaires et météorologiques de ces pratiques ? Au nom du principe de précaution, avez-vous prévu de les encadrer en attendant des études complémentaires ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les dispositifs d'ensemencement de nuages à base d'iodure d'argent, utilisés notamment en Chine, font en Europe l'objet d'un examen attentif avant toute autorisation. Le procédé étant nouveau, il faut analyser son impact complet sur les équilibres écosystémiques et conforter les premières évaluations de l'Organisation météorologique mondiale sur santé humaine, l'environnement ou la cinétique du dérèglement climatique.

C'est dans ce cadre que s'inscrit l'action du Gouvernement pour accompagner les agriculteurs face au changement climatique. Car il faut des solutions immédiates ! Cela repose sur la réforme de l'assurance récolte, avec un engagement budgétaire massif de l'État ; sur le financement de la recherche et de l'innovation, en plus du plan Eau ; sur les 1,8 milliard d'euros mobilisés dans le cadre de France 2030 pour adapter l'agriculture au dérèglement climatique.

Vous le voyez, nous choisissons l'adaptation et la résilience plutôt qu'une science sans conscience.

Mme Monique de Marco.  - « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

Utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000

M. Jean-Yves Roux .  - Le décret du 28 novembre 2022, pris à la suite d'une condamnation de la France, encadre l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000. Depuis le 17 novembre 2023, les préfets doivent recenser les sites concernés et appliquer strictement les interdictions, d'imposer la contractualisation de mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), voire la conversion en bio. On est bien loin de la démarche concertée et volontaire des origines.

Dans les Alpes de Haute-Provence, les agriculteurs concernés cherchent des solutions adaptées aux réalités locales. Les lavandiculteurs du plateau de Valensole, déjà fragilisés et confrontés à une forte concurrence, sont fortement touchés par ces restrictions, sur un périmètre de près de 15 000 hectares, sans concertation ni contrepartie.

Les arboriculteurs dénombrent plusieurs vergers situés dans des zones classées a posteriori en Natura 2000, zonages qui ne tiennent pas compte des progrès réalisés depuis 1999, notamment l'usage de phytosanitaires et de la ressource en eau, ou la lutte contre la grêle et le gel qui ont permis la classification de ces vergers en haute valeur environnementale niveau 3. Cela fragilise notre filière arboricole, alors que nous importons 71 % de nos fruits, avec des distorsions de concurrence majeures.

Je vous demande d'ouvrir des concertations et si besoin, de prévoir des mesures d'indemnisation. Des exceptions sont possibles, votre décision du 5 avril concernant la betterave sucrière en témoigne.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Votre question montre ce que la gestion environnementale de l'agriculture suppose de nuance et de concertation.

La gestion des sites Natura 2000 repose sur des mesures de protection de la faune et de la flore adaptées et formalisées dans des contrats et chartes. Le réseau français comporte plus de 1 700 sites terrestres et marins, sur 7 millions d'hectares, dont 10 % de la surface agricole utile nationale. La moitié est en prairie permanente ; l'autre doit concilier protection de l'environnement et production, dans un contexte de défense de notre souveraineté et de protection de nos filières, alors que notre agriculture est mieux-disante environnementalement que bien d'autres.

L'instruction aux préfets prévoit l'encadrement de l'utilisation des produits phytosanitaires en deux temps.

D'abord à court terme, en identifiant les sites Natura 2000 à enjeux particuliers, où seront privilégiées des mesures volontaires. Nous ne souhaitons pas que le futur plan Ecophyto 2030 comporte un nouveau zonage - sans renier l'objectif de baisse de 50 % des produits phytosanitaires. Ce plan doit être coconstruit avec toutes les parties.

Ensuite, à long terme, dans le cadre de la décentralisation de l'autorité de gestion des sites Natura 2000, l'État assurera une articulation avec les régions.

Notre objectif est clair : protéger l'environnement tout en préservant nos filières, pour continuer à produire en France.

La séance est suspendue à 12 h 50.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance est reprise à 14 h 30.