Réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, présentée par MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Hervé Marseille, Guillaume Gontard, Jean-Pierre Sueur et François Noël Buffet.

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MMJean-Pierre Sueur et Patrick Kanner applaudissent également.) Notre initiative est transpartisane - le fait est suffisamment rare pour être souligné ! Elle doit beaucoup à Jean-Pierre Sueur, que je salue.

Il ne s'agit ni de nier nos divergences - comptez sur nous pour tenir ferme sur nos convictions ! - ni de nous liguer contre le Gouvernement pour lui jouer un mauvais coup. Il s'agit de nous rassembler sur un socle commun de convictions. Ce socle existe, et c'est heureux : nous ne sommes pas en guerre civile, nous sommes en France, dans le même hémicycle.

Ces convictions portent sur les droits du Parlement et sur le fonctionnement de l'État.

Sur le premier aspect, la question est de forme, mais fondamentale. Jamais aucun Gouvernement depuis le début de la Ve République n'aura autant recouru aux ordonnances - 304 ordonnances publiées - ni aussi peu, en proportion, inscrit à l'ordre du jour leur ratification  - 55 fois seulement. Contestez-vous ces chiffres ?

Les ordonnances sont une fois et demie plus nombreuses que pendant l'avant-dernier quinquennat, mais moins de 20 % d'entre elles ont été ratifiées. Le Gouvernement fait la loi ...

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Seul !

M. Bruno Retailleau.  - ...en dehors du Parlement. L'article 38 est pourtant très clair : « les ordonnances ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »

J'ai lu ce matin vos propos : ils sont une insulte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - Une insulte non pour ce que nous sommes individuellement -  si peu - mais pour ce que nous sommes collectivement : la représentation nationale.

Savez-vous ce qu'est un « naufrage », comme vous dites ? Un gouvernement qui rejette jusqu'au débat ! Un gouvernement qui se défausse de ses responsabilités sur la haute fonction publique, dont elle fait un bouc émissaire ! Car toucher à la haute administration, c'est toucher à l'État.

Nous avons fait des propositions sur la fonction publique et son statut. Nous sommes pour le statut, mais aussi pour un recours plus large à la contractualisation, hors des fonctions régaliennes. Une réforme de l'École nationale d'administration (ENA) ne fait pas une réforme de l'État. Si vous lancez cette réforme à six mois de la présidentielle, c'est en réalité pour masquer votre inaction. Où sont les promesses du Président de la République ? Où sont les 50 000 postes qui devaient être supprimés ? À la fin du quinquennat, y en aura-t-il seulement un seul ?

L'esprit de cette réforme est l'archétype de « l'en même temps ». Qui a tenu l'État pendant la crise des gilets jaunes, sinon les forces de l'ordre avec le corps préfectoral ? Qui a parlé du couple maire-préfet, sinon le Premier ministre lui-même ? Être préfet, ce n'est pas une sinécure, un titre, c'est un long apprentissage de l'État régalien. Commander des policiers, des gendarmes, des pompiers, cela s'apprend ! Mais je crois qu'en la matière, votre usine à gaz débouchera sur un cadre d'emploi équivalent, et que « tout changera pour que rien ne change »...

Votre réforme remet en cause l'État tel qu'il fut refondé par le général de Gaulle, qui dit en juillet 1944 : « Dans l'ordre politique, nous avons choisi. Nous avons choisi la démocratie et la République. » La démocratie, c'est « rendre la parole au peuple. » La République, c'est remettre sur pied l'administration, à Paris comme dans les territoires. Car la mission particulière de la fonction publique est d'articuler le cycle court de la démocratie et le cycle long de la République. Vous risquez d'enfermer l'administration dans un cycle court, alors qu'il faut relever des défis de long terme comme la transition écologique ou la lutte contre le communautarisme.

Toucher à l'administration, c'est toucher à l'État. Votre idée - faussement moderne et réellement anglo-saxonne - du système des dépouilles imite les États-Unis en oubliant les contrepoids qui y existent : le fédéralisme et un Parlement autrement plus puissant que le nôtre.

En France, c'est l'État qui fait la Nation, non l'inverse. En cassant la confiance des Français envers l'État, vous risquez d'aggraver la crise démocratique.

On a souvent reproché à l'ENA une certaine consanguinité sociale. Mais le problème est plus général. C'est toute l'école qui reproduit les inégalités. Il eût fallu s'atteler à la réforme du système éducatif, en commençant par le bas ! (M. Guillaume Chevrollier applaudit.)

Nous souffrons de voir l'État se défaire. Vous avez tort de vous défausser sur un bouc émissaire : quand il y a un problème, c'est au patron d'assumer, et non à ses collaborateurs. Il aurait fallu viser beaucoup plus haut.

Notre haute fonction publique est reconnue internationalement. La remettre en cause de la sorte relève soit de l'angélisme, soit du populisme. Nous n'entendons céder ni à l'un ni à l'autre, car le dévouement des agents publics mérite mieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - Cette ordonnance modifie en profondeur la haute fonction publique et les principes définis par l'ordonnance du 9 octobre 1945 prise par le général de Gaulle : primat d'une fonction publique de carrière, logique de corps, indépendance des fonctions juridictionnelles et des inspections générales.

C'est un changement de paradigme. Le fonctionnement même de l'État est en jeu. Le Gouvernement réforme la haute fonction publique par ordonnance, sans inscrire sa ratification à l'ordre du jour, profitant sans doute des décisions QPC des 28 mai et 3 juillet 2020 du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Je remercie les auteurs de la proposition de loi d'avoir permis ce débat.

Cette ordonnance concrétise l'annonce-phare par le Président de la République de la suppression de l'École nationale d'administration (ENA) et du système des « grands corps » ; ses dispositions découlent du rapport Thiriez remis en février 2020.

Elle se fonde sur l'article 59 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, dont j'étais co-rapporteur avec Loïc Hervé. Ce dernier avait envisagé de supprimer cet article, le champ de l'habilitation trop ample étant douteux sur le plan constitutionnel. Mais le Sénat avait alors choisi d'apporter des précisions. Les seuls garde-fous dans le texte voté procèdent d'ailleurs de notre rédaction.

L'ordonnance vise à dynamiser les carrières, rénover la formation et décloisonner la fonction publique.

L'article 5 crée l'Institut national du service public (INSP) en lieu et place de l'ENA, et les administrateurs de l'État deviennent le corps unique de sortie d'école. Notons pourtant qu'à la sortie de l'ENA, la répartition n'est pas si éclatée, puisque plus de la moitié des anciens élèves deviennent administrateurs civils et que les « grands corps » en accueillent moins du quart.

Les dispositions relatives aux corps autres que juridictionnels relèvent du règlement. L'article 6 prévoit que les emplois au sein des services d'inspection générale seront désormais recrutés, nommés et affectés pour une durée renouvelable. L'article 10 généralise les statuts d'emplois qui pourront déroger à certaines dispositions du statut général de la fonction publique -  dont peut-être les fonctions diplomatiques et préfectorales.

Le Conseil d'État et la Cour des comptes demeureront des corps, mais accessibles seulement après une première expérience. Le grade d'auditeur dans ces juridictions sera ainsi remplacé par un statut d'emploi d'une durée maximale de trois ans, un comité consultatif étant chargé de sélectionner les candidats, tandis que l'entrée dans le corps sera conditionnée à l'avis rendu par une commission d'intégration.

Les fonctions juridictionnelles de maître de requêtes au Conseil d'État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes, seront accessibles à des contractuels - en service extraordinaire.

Le chantier réglementaire devrait aboutir au premier semestre 2022. La portée en est incertaine. Il est donc difficile de se prononcer. Nombre d'inspections générales, telles que celles de l'agriculture, des affaires culturelles ou de l'éducation, du sport et de la recherche seront aussi concernées. Cette ordonnance n'est donc que la partie émergée de l'iceberg. Pouvons-nous donner un blanc-seing au Gouvernement ? Je ne le pense pas.

Ajoutons à cela une certaine incertitude juridictionnelle. L'ordonnance a fait l'objet de plusieurs QPC. Le 20 septembre, le rapporteur public du Conseil d'État a demandé le renvoi de certaines d'entre elles au Conseil Constitutionnel, ce qui épaissit encore le brouillard...

La commission ne peut donc pas mener la réflexion de fond nécessaire ni recommander d'adopter cette proposition de loi.

Nous voulons en revanche un vrai débat. Il n'est pas tolérable que le Parlement soit tenu à l'écart d'une réforme de cette importance, qui touche au fonctionnement de l'État et au lien de confiance avec les Français.

La construction de la loi se fait par le dialogue et non par le passage en force ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Je vous remercie de me donner l'opportunité de défendre cette réforme de la haute fonction publique, la plus ambitieuse depuis 1945. Après les fausses informations, la mauvaise foi et les mensonges prononcés par M. Retailleau, il convient de dissiper le brouillard - s'il existe.

La majorité dont est issu M. Retailleau a essayé de mener une telle réforme par le passé ; mais elle a échoué. Je m'étonne donc qu'elle ne dépose aujourd'hui pas un seul amendement ! (M. Pierre Médevielle renchérit.)

Il faut toujours se référer aux engagements pris : Emmanuel Macron, candidat, annonçait que le statut des fonctionnaires ne serait pas remis en cause, mais assoupli et décloisonné. Il s'engageait à supprimer les grands corps. Cette réforme est donc, ne vous déplaise, une promesse tenue.

Le Gouvernement conduit cette réforme avec détermination. La loi sur la fonction publique de 2019 permet plus d'ouverture et de mobilité.

Replaçons cette réforme dans le temps long. En 1945, notre pays sortait exsangue d'une guerre qui commandait de tout reconstruire. Furent créés - par ordonnances et non sans protestations - l'ENA et le corps des administrateurs civils, afin d'incarner la méritocratie républicaine conformément au projet de Michel Debré.

Aujourd'hui, notre pays fait face à des besoins totalement nouveaux : défis technologiques, urgence climatique, crise sanitaire, besoin réaffirmé de proximité. La France du XXIe siècle n'est plus celle de 1945.

M. Julien Bargeton.  - C'est l'évidence.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - L'État doit s'adapter. Pourtant, il s'est rigidifié. Les corporatismes se sont renforcés, nourrissant la bureaucratie et le centralisme. Combien de gouvernements ont-ils promis de s'y attaquer ? Tous ont échoué.

La suppression de l'ENA figurait déjà au programme commun de la gauche en 1972. En 1995, Jacques Chirac promettait de mettre fin à un « système de castes qui se cooptent ». En 1997, Alain Juppé disait qu'il voulait supprimer l'ENA

M. Pierre Médevielle.  - Eh oui !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Rien ne s'est passé. En 2008, une commission mandatée par le président Sarkozy promettait d'aboutir à un nouveau mode de recrutement moderne et transparent ; c'est le Sénat qui a fait obstacle à la suppression du classement de sortie de l'ENA. François Hollande, à son tour, a renoncé à toute réforme face à la levée de boucliers des élèves et des corporations.

Contrairement aux majorités précédentes, ce Gouvernement a enfin le courage de mener cette réforme à son terme. C'est vous qui avez habilité le Gouvernement à la mener : nous avons pris nos responsabilités.

Nous voulons une transformation qui réponde à une ambition claire. Nos concitoyens ont des attentes différentes de celles d'il y a 30 ou 70 ans. Ils demandent la proximité, l'efficacité, l'égalité.

Nous devons modifier la formation initiale et continue pour que nos fonctionnaires comprennent mieux la France dans son intimité et sa complexité. Demain, les administrateurs de l'État, les directeurs d'hôpitaux, les magistrats judiciaires, les commissaires de police auront une culture commune sur la transition écologique, la laïcité, les valeurs de la République, le numérique, la lutte contre les inégalités et la pauvreté, afin que les décisions ne soient plus prises en silo.

Nous voulons une école qui forme, pas une école qui classe.

M. Bruno Retailleau.  - On est chez les Bisounours !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous voulons renforcer la formation continue, développer les liens avec le monde académique et universitaire et amplifier le rayonnement européen et international de la France.

Nous voulons changer le déroulé des carrières pour que nos fonctionnaires occupent des fonctions opérationnelles concrètes dans les territoires...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Langue de bois !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Avant de pouvoir juger, contrôler, inspecter, il faut avoir administré, il faut s'être confronté aux réalités du terrain...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est ce que font les sous-préfets !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - ... et non édicter des normes depuis une administration centrale à Paris. Ce n'est pas cette assemblée qui me contredira.

En 2021, nous avons doublé le nombre de postes de sortie de l'ENA dans les ministères du travail et de la santé et divisé par deux les postes dans les grands corps.

La confiance, monsieur Retailleau, suppose que l'État s'adapte aux exigences de son époque, notamment dans les secteurs du travail et de la santé. Cette réforme est irréversible.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Non ! C'est à nous de la voter.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Il est inédit d'inscrire à l'ordre du jour une ratification pour la rejeter...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Votre agression aussi est une première !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Le Gouvernement était prêt à un débat en profondeur...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Déposez un projet de loi !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Quelle est votre vision ? Vous ne déposez aucun amendement !

M. Jean Louis Masson.  - N'importe quoi ! Et les miens ?

M. Bruno Retailleau.  - Mme le rapporteur vous a répondu.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je veux parler d'amendements déposés par les auteurs. Faut-il en déduire que vous n'avez pas la même vision de l'État ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas du tout !

Mme Cécile Cukierman.  - Nous avons la même vision de la démocratie !

M. Julien Bargeton.  - Ce sont des conservateurs !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je vois là une alliance contre-nature et sans vision, destinée à ne rien changer, en opposition stérile au Gouvernement. (Protestations à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous faites exprès de ne pas comprendre.

Mme Cécile Cukierman.  - Caricature !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - J'ai lu le programme des Républicains sur la fonction publique, monsieur Retailleau : il prévoit la suppression du statut et la conservation des grands corps. À gauche, je n'ai vu aucun projet.

J'entends dire que cette réforme n'aurait pas été concertée, qu'elle aurait été fomentée dans le secret des dieux...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous le savez bien !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - C'est faux. Vous avez habilité le Gouvernement à agir. Vous avez enrichi l'article 59 de la loi pour la transformation de la fonction publique ; vous avez adopté cette loi et l'avez confirmée en CMP.

M. Julien Bargeton.  - Eh oui !

M. Bruno Retailleau.  - Inscrivez donc la ratification à l'ordre du jour !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Personne n'a été laissé à l'écart de la réforme. Nous avons consulté les hauts fonctionnaires, nous avons reçu 7 300 réponses et sommes soucieux de satisfaire leurs attentes, par exemple en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)

Nous ne reculerons pas devant les réflexes corporatistes, souvent bruyants, mais que nous savons peu représentatifs.

Je regrette ce débat stérile qui ne permet pas de débattre projet contre projet. (M. Julien Bargeton renchérit ; marques d'indignation sur les travées des groupes SER et Les Républicains)

M. Jacques Grosperrin.  - Quelle agressivité !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous poursuivrons cette réforme -  la plus ambitieuse depuis 1945  - coûte que coûte ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un passage en force !

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°19, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi n° 807 (2020-2021) tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État.

M. Jean Louis Masson .  - Avec cette réforme, vous voulez introduire en France l'arbitraire du système américain de spoliation. C'est extrêmement grave. Non, cette réforme ne donne pas plus de chances au pauvre petit gars qui vient de la base. Ceux qui auront plus de chance, ce sont les pistonnés ! C'est profondément antidémocratique, contraire à l'esprit de 1945.

Jusqu'à présent, seul le mérite était pris en compte. Ce système, à défaut d'être parfait, était au moins juste.

Votre logique de nomination au jour le jour, qui généralise les nominations au tour extérieur à des fonctions aussi saugrenues qu'ambassadeur aux pôles, conduira à un favoritisme systématique.

On ne sera plus nommé en fonction de ses compétences mais de ses relations ou de son appartenance à des réseaux occultes comme la franc-maçonnerie. (Mme Cécile Cukierman s'indigne.) Ce n'est pas en dénigrant ceux qui contestent vos méthodes que vous les convaincrez !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - La commission n'a pas eu le temps d'examiner cette motion. À titre personnel, avis défavorable.

Nous tenons à un vrai débat. Madame la ministre, il n'y a pas d'alliance contre-nature, mais une volonté commune de dialoguer.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Même avis. Il n'y aurait pas lieu de délibérer ? Alors, pourquoi avoir inscrit cette proposition de loi ? Je suis prête à débattre sur le fond et regrette l'absence d'amendements de proposition.

M. Jean Louis Masson.  - J'aurais aimé que la commission des lois aille au bout de la logique en abrogeant l'article 59, donc l'ordonnance. C'est la raison de ma motion. Mais je la retire, car je ne souhaite pas qu'elle soit adoptée... (Sourires)

M. Claude Malhuret.  - C'est la journée des dupes !

La motion n° 19 est retirée.

Renvoi en commission

Mme la présidente.  - Motion n°20, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission la proposition de loi n° 807 (2020-2021) tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État.

M. Jean Louis Masson .  - Lors de la séance de questions d'actualités du 9 septembre 2021, je vous demandais, madame la ministre, si la carrière des fonctionnaires allait désormais dépendre d'appréciations arbitraires et de passe-droits.

Je défendais la fonction publique dans l'esprit de 1945. Or vous m'avez répondu de façon inqualifiable en tenant à mon encontre des propos de totale mauvaise foi : « à coups de fakes news et de complotisme », j'aurais « remis en cause la compétence et l'engagement des fonctionnaires » ?

Faire dire à un parlementaire ce qu'il n'a jamais dit est honteux. Ce n'est pas digne de votre fonction ! Vous ne faites pas honneur au Gouvernement !

M. Jean-Claude Requier.  - Ni vous au Parlement !

M. Jean Louis Masson.  - Votre réponse était indigne, scandaleuse même ! J'ai déposé cette motion pour vous dire ce que je pense de vous.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Même position que sur la motion précédente.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Avis défavorable. Je ne m'étendrais pas sur le reste.

La motion n°20 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. François Patriat .  - Madame la ministre, je considère, moi, que vous faites honneur à votre fonction. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Cet exercice est singulier, d'autant que les auteurs du texte voteront contre. C'est pour le moins paradoxal...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Innovant !

M. François Patriat.  - Nos collègues affichent un rejet en bloc, alors qu'ils auraient pu modifier la réforme, proposer des alternatives de fond. Nous ne contestons pas le principe, certes disruptif, d'une proposition de loi de ratification, sachant que le chantier réglementaire qui s'annonce sera colossal.

En réalité, certains fustigent l'idée même de la réforme, tandis que d'autres invoquent une impossibilité matérielle pour amender. Mais l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi est le fait de la seule majorité sénatoriale. Des points de convergence, des objectifs communs auraient pu se dessiner.

Le débat sur la haute fonction publique est ancien. Je ne remonterai pas jusqu'au rapport Bloch-Lainé de 1969, à l'abandon sous la présidence Sarkozy de la suppression du classement de sortie de l'ENA ou aux tentatives d'Alain Juppé et de François Hollande.

Il faut approfondir l'interministérialité -  suivant en cela le même mouvement qu'en 1945  - décloisonner la fonction publique et renforcer les mobilités et la formation déontologique. En particulier, il faut dynamiser et individualiser les parcours et mieux valoriser les fonctions opérationnelles. Le terrain doit être la première compétence.

En 2019, le rapport du Sénat défendait les objectifs qui se retrouvent dans l'actuelle réforme... Dommage que ces thèmes communs n'aient pas été repris.

Avec courage et détermination, le RDPI soutiendra la ratification. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI) Cette proposition de loi apporte une réponse incompréhensible à des questions importantes.

Depuis des décennies, les ordonnances sont de moins en moins souvent expressément ratifiées. Le défaut de ratification n'entraîne pas la caducité des ordonnances, le Conseil Constitutionnel estimant que le dépôt du projet de loi suffit. Les gouvernements en abusent, contournant la procédure, en se dispensant de la ratification expresse qu'exige pourtant l'article 38 de la Constitution. Cette proposition de loi a le mérite de soulever le problème.

Sur le fond, cette réforme est souhaitée depuis longtemps par la droite et le centre. En 2008, Nicolas Sarkozy trouvait déjà choquant que toute la carrière des hauts fonctionnaires soit déterminée à 25 ans et voulait supprimer le classement de sortie de l'ENA.

Aujourd'hui, le Gouvernement oblige tous les anciens élèves à se frotter au terrain. Pour conseiller et juger, les fonctions opérationnelles sont indispensables, tout comme la mobilité. Il est sain que les carrières évoluent en fonction de l'évaluation du travail des fonctionnaires.

Cette réforme n'est pas parfaite, mais c'est la plus ambitieuse depuis 1945. Les auteurs de la proposition de loi se tirent deux balles dans le pied et une troisième on ne sait où ! (Sourires) Je rappelle d'abord que le Parlement peut modifier une ordonnance. Pourquoi, dans ce cas, ne pas améliorer le texte ? Mais il semble plus compliqué de s'entendre sur une réforme commune que de censurer le texte du Gouvernement...

Cette démarche est inédite et incompréhensible pour nos concitoyens. Le dépôt d'une proposition de loi de ratification, dans le but de la repousser, figurera sans doute parmi les moments savoureux du Sénat...

Enfin, en votant contre ce texte, ses auteurs empêcheront son cheminement ultérieur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas du tout : le Gouvernement pourra l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Pierre Médevielle.  - Nous resterons logiques avec nous-même et voterons cette proposition de loi, hélas mort-née. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre, nous goûtons modérément les propos que vous avez tenus dans Le Figaro de ce matin à l'égard du Sénat, aussi bien que la manière polémique dont vous avez abordé cette discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER)

Je croyais que l'entente entre droite et gauche était dans l'ADN de la macronie. Vous devriez être satisfaite que nous nous soyons retrouvés sur l'inscription de votre ordonnance à l'ordre du jour de notre assemblée, alors que vous ne l'aviez pas obtenue du Gouvernement.

Je suis aussi surpris que nous ne puissions, selon vous, qu'approuver ou amender votre texte. Mais le rejet est toujours une option, lorsque l'on considère le texte comme non amendable !

Admettez que nos convictions ne soient pas les vôtres. C'est l'essence du débat parlementaire que de les confronter.

Votre ordonnance ne respecte ni la lettre ni l'esprit de la Constitution et ne nous satisfait pas sur ses effets sur la qualité de la haute fonction publique. Nous la rejetterons donc, en espérant que l'Assemblée nationale se saisisse de ce texte.

D'abord, il y a abus d'ordonnances. Ensuite, il y a carence de ratification. Cela fait beaucoup !

Historiquement, l'article 38 de la Constitution est essentiel : le Parlement peut autoriser le Gouvernement à légiférer pour accomplir son « programme », mentionné aussi à l'article 49 : « le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sur son programme ». C'est dire le niveau du pouvoir d'habilitation du Parlement ! J'observe que la réforme de la haute fonction publique ne faisait pas partie de la déclaration de politique générale du Premier ministre.

J'en viens à l'abus d'ordonnances : 14 par an entre 1984 et 2007, 30 entre 2007 et 2012, 54 entre 2012 et 2017. On atteint 64 ordonnances par an depuis 2017 ! Je veux bien en défalquer les ordonnances liées à l'urgence sanitaire, mais cela laisse un total considérable.

Nous voulons mettre un coup d'arrêt à cette pratique abusivement utilisée.

Le pire, c'est que, contrairement à toute logique, on fait aussi plus de lois : il y a saturation de l'action publique par la loi. La confusion croît, les Français ne s'y retrouvent plus. Les entreprises, les administrations, les associations et les collectivités territoriales n'y comprennent plus rien. Mettons un terme à cette inflation législative.

Enfin, votre Gouvernement est mauvais élève en ce qui concerne les ratifications : 62 % des ordonnances ont été ratifiées sous Nicolas Sarkozy, 30 % sous François Hollande, 18 % durant ce quinquennat. Ce n'est pas correct !

Quant au fond de votre réforme, je ne l'approuve pas. Rebaptiser l'ENA en INSP n'est pas un progrès. Pourquoi fondre toutes les formations des hauts fonctionnaires dans un grand magma ? Ce n'est plus le mérite intellectuel mais la pratique administrative qui va dominer dans le recrutement. Est-ce cela dont ont besoin la Cour des comptes et le Conseil d'État ?

Quant au corps des administrateurs civils, il est déjà interministériel. Peut-être faut-il corriger la pratique, mais pourquoi casser ce qui marche ?

Enfin, les quatre premiers articles de votre ordonnance relèvent de la circulaire. Nous ne pouvons l'approuver et je remercie les présidents de différents groupes de nous avoir donné le moyen d'en débattre au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le Gouvernement a pris la regrettable habitude de court-circuiter le Parlement par la pratique des ordonnances. Votre absence de considération pour le pouvoir législatif n'a plus de limite et nous voilà obligés à nous autosaisir de la ratification de vos ordonnances pour pouvoir en débattre !

Ni l'urgence ni la technicité du sujet ne justifiaient le recours aux ordonnances. Ne faites pas semblant, madame la ministre, de ne pas comprendre notre démarche.

L'ordonnance n'est certes pas à rejeter en bloc : la réforme de l'ENA et l'obligation d'exercer pendant cinq ans dans les services déconcentrés de l'État sont bienvenues.

Créer un corps unique d'administrateurs laisse espérer davantage de mobilité. Inclure des modules de formation sur la transition écologique, la transformation numérique et les enjeux de la pauvreté est de bon sens.

En revanche, nous n'avons guère d'illusions sur l'évolution du contenu pédagogique. On y apprendra toujours, en bon néolibéraux, que la dépense publique est un problème ! Nous redoutons l'affaiblissement du sens du service public chez les fonctionnaires et les conflits d'intérêts liés aux allers-retours dans le privé.

Cette ordonnance favorisera le pantouflage, d'autant qu'elle renvoie à beaucoup de textes réglementaires. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre sa ratification.

Nous souhaitons un débat annuel au Parlement sur la gestion des ressources humaines de l'État.

D'après une récente étude, 80 % des agents publics seraient confrontés à un sentiment d'absurdité dans l'exercice de leur travail. L'heure est grave !

Mme Cécile Cukierman .  - La multiplication des ordonnances s'est accélérée sous ce quinquennat. La force de l'ordonnance réside dans une utilisation parcimonieuse : à trop y recourir, on empêche le Parlement de légiférer. J'y ajoute la jurisprudence qui permet à une ordonnance de devenir loi sans repasser devant le Parlement.

Une telle évolution va à rebours de l'esprit de la République des temps révolutionnaires, fondé sur la séparation des pouvoirs.

Oui, une réforme de la fonction publique est nécessaire pour garantir son indépendance et sa capacité, non à décider à la place des ministres mais à les éclairer et les conseiller dans le temps long.

Nous partageons aussi le constat des dérives dans la formation. Mais attention de ne pas remplacer un entre soi social par un autre entre soi, dépendant du pouvoir en place !

Comment assurer l'égalité républicaine dans la formation ? Supprimer l'ENA ne suffit pas : redonnons toute sa place à la politique éducative.

Créée en 1945 en raison de la compromission de l'administration avec Vichy, l'ENA devait former des hommes, non des rouages. Votre réforme ne répond pas à ce défi, qui reste d'actualité.

Nous avons le droit de nous y opposer, madame la ministre. La démocratie, ce n'est pas changer pour changer mais c'est débattre et proposer.

Être d'accord entre groupes politiques pour s'opposer ne signifie pas avoir les mêmes propositions.

Le naufrage politique n'est pas celui du Sénat ! Aucune réforme n'est irréversible. Se retrouver face à un chroniqueur prônant la haine des autres plutôt que l'amour de la République ne peut marquer la réussite d'un quinquennat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Yves Bouloux et Mme Marie Mercier applaudissent également)

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 8avril, devant la Convention managériale de l'État, le Président de la République a annoncé la suppression de l'ENA. L'ordonnance du 2 juin 2019 concrétise l'engagement présidentiel de réformer l'encadrement supérieur de la fonction publique, notamment en supprimant les grands corps de l'État et l'ENA, en prévoyant des évaluations régulières des pratiques professionnelles et en valorisant la prise de risques.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Si le Gouvernement a bien déposé un projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale, il ne l'inscrit pas à l'ordre du jour et esquive ainsi le débat parlementaire sur une importante réforme de l'administration.

L'initiative du Sénat est nouvelle et dépasse les clivages politiques, puisque cette proposition de loi est co-signée par quatre présidents de groupes. Je regrette la polémique sur un sujet qui ne le méritait pas.

Ce débat est l'occasion d'évoquer l'usage des ordonnances par ce Gouvernement : 303 depuis 2017, 46 % de plus par rapport au quinquennat précédent, même s'il faut tenir compte de la crise sanitaire.

Le Conseil d'État dénonce d'ailleurs ce recours massif aux ordonnances qui entraîne un déséquilibre entre le pouvoir exécutif et législatif. La victime est toujours le Parlement !

Des décisions du Conseil constitutionnel, en mai et juillet 2021, ont reconnu aux ordonnances non ratifiées une valeur législative. Or l'article 38 exige une ratification expresse.

Que peut faire le Sénat face à cela ? Notre Règlement prévoit désormais un suivi des ordonnances par les commissions permanentes et un renforcement de l'information sur les intentions du Gouvernement quant à leur publication et leur ratification.

Sur le fond, le Sénat a certes accepté cette habilitation en 2019 - mais il ne s'agissait pas d'un blanc-seing. Pourquoi supprimer l'ENA alors que rien ne change ? On la remplace par une structure dont les modalités de recrutement et de formation sont les mêmes ! Pourquoi supprimer les grands corps de l'État ?

Certains craignent une politisation des fonctionnaires, notamment des ambassadeurs et des préfets. Fonctionnaliser les postes de préfets instillera le doute sur des nominations qui pourraient apparaître politiques.

Nous sommes déçus sur la forme par le refus du Gouvernement de débattre et sur le fond par des mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le groupe UC ne prendra donc pas part au vote. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Claude Requier .  - Professeur d'histoire-géographie, je sais que l'histoire de France a des passages incontournables, comme les dernières années de l'Ancien régime avec la convocation des États généraux. Selon le juriste Guillaume Le Trosne, qu'il soit roi, ministre ou administrateur, « s'il veut entreprendre de tout diriger par lui-même, de la distance où il se trouve, celui qui administre risque de ne rien voir, de confondre les objets dans l'éloignement et de porter un jugement faux et incertain sur des détails mal aperçus, ou d'après des rapports infidèles ».

Avec les ordonnances, le Gouvernement entend décider de tout par lui-même. Le RDSE y est par principe réticent.

Ce détour historique enseigne la nécessité de réformer la haute fonction publique pour éviter qu'une nouvelle noblesse ne se substitue aux représentants de la Nation. L'administration doit être un outil au service des élus nationaux et locaux.

Je salue donc l'initiative des auteurs de cette proposition de loi. Le mode de recrutement est trop marqué par la consanguinité sociale et les réseaux de pouvoir. Les allers-retours entre public et privé sont en outre source de conflits d'intérêts.

La suppression de l'ENA est attendue mais n'est pas satisfaisante en elle-même. Tout est dans les modalités d'organisation : comment former des hauts fonctionnaires plus en phase avec nos territoires ?

Les contours du futur corpus d'administrateurs de l'État sont flous. La logique interministérielle de ce nouveau métier mérite elle aussi des éclaircissements.

Nous comprenons les intentions des auteurs de ce texte, même s'il est étonnant qu'ils votent contre... Nous sommes favorables sur le fond mais défavorables sur la forme : le RDSE s'abstiendra donc.

M. Jean Louis Masson .  - Ceux qui sont contre cette réforme seraient d'horribles conservateurs partisan du statu quo...

Or, nous sommes là pour réformer ce qui doit l'être. Le concours d'entrée de l'ENA et surtout le classement de sortie doivent être revus : ayant côtoyé pendant quarante ans de vie parlementaire des gens issus de cette école, je m'interroge sur les critères de sélection tant à l'entrée qu'à la sortie.

Mais cette ordonnance introduit de la subjectivité ; c'est pourquoi je suis farouchement contre. Je ne comprends pas la commission des lois, dont le manque de logique est flagrant. Si elle est opposée à cette réforme, il fallait qu'elle présente un texte d'abrogation de l'article 59 de la loi habilitant le Gouvernement à prendre ces ordonnances ! Pour ma part, je n'avais pas voté l'article.

Pour une fois, je suis d'accord avec Mme la ministre. De quoi le Sénat, qui a voté l'habilitation, se plaint-il ?

C'est le sens de mes amendements.

Mme la présidente.  - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Jean Louis Masson.  - Je déposerai une troisième motion la prochaine fois !

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'ordonnance qui nous intéresse bouleverse notre conception républicaine de la haute fonction publique d'État issue de l'ordonnance de 1945 et de l'esprit du Conseil national de la Résistance qui réunissait gaullistes, communistes, socialistes et radicaux.

Le président de la République a annoncé en grande pompe qu'il allait supprimer l'ENA ! L'ordonnance se propose d'ouvrir, de dynamiser, de diversifier... Répétés à l'envie, les mots, issus du lexique vaporeux de la start-up nation, lassent et perdent leur force.

L'égalité doit retrouver son sens : donner plus à ceux qui ont moins, pour accéder aux plus hautes fonctions publiques. Méritocratie républicaine doit rimer avec promesse républicaine.

La réussite de quelques transfuges de classe ne masque pas les inégalités structurelles.

Ce Gouvernement détricote la haute fonction publique en vase clos : préfets par intérim, disparition des inspecteurs généraux de l'éducation nationale, fait du prince, même encadré, qui deviendra la règle...

Madame la ministre, votre méconnaissance de la fonction publique est grande et votre volonté d'importer les méthodes du privé dans la haute fonction publique d'État est surannée. (Mme la ministre s'exclame.)

Rien d'étonnant venant d'un Président de la République qui vante les mérites du spoil system, ou système de dépouille, à l'américaine...

Vous croyez à la main invisible du marché et à son avatar macronien, la théorie du ruissellement ; mais comment ne pas voir le fossé qui se creuse entre l'État et les Français ?

La solution n'est pas de déliter notre haute fonction publique.

Et pourtant, vous avez pensé qu'une telle remise en cause, lourde, structurelle, ne méritait pas un examen par le Parlement !

Le président Sueur vous demandait, le 2 juin, lors des questions au Gouvernement, de vous engager à une ratification de cette ordonnance. Vous vous êtes bien gardée de répondre. Madame la ministre, nous ne voulons pas donner de blanc-seing au Gouvernement.

Le groupe SER et le CRCE s'étaient opposés à cette habilitation en 2019. Depuis, nos collègues de droite nous ont rejoints. Nous disons aujourd'hui que cela suffit.

Le Gouvernement prend deux fois plus d'ordonnances que sous la présidence Sarkozy, 20 % de plus que sous la présidence Hollande, qui a dû faire face aux attaques terroristes. Et ce chiffre ne tient pas compte des ordonnances de 2020 liées à la pandémie...

En 2020, un record de 73 % de textes pris par ordonnances a été atteint, et pas sur des sujets mineurs : privatisation de la SNCF, santé publique, réforme de la fonction publique d'État... Rien ne justifie ce recours immodéré à l'article 38.

Tout semble urgent à ce Gouvernement : procédure accélérée, habilitations, projets de lois déguisés en propositions de lois... Le Gouvernement a raison, tout seul, contre tout le monde.

Cette réforme n'aurait-elle pas mérité quelques semaines de débats ?

Vos textes sont de plus en plus réactionnels : un fait divers, une loi ; l'action d'un lobby, une loi ! Cela dégrade le travail parlementaire.

Vous êtes dans l'instant, vous ne vous projetez pas à l'horizon d'une génération. Ces ordonnances illustrent les dérives jupitériennes du président de la République et la précipitation d'un pouvoir à bout de souffle. En refusant le dialogue, vous faites le lit des populismes.

Le Parlement n'est pas le supplétif du pouvoir exécutif mais un partenaire dans un dialogue respectueux et fructueux, si le Gouvernement le veut bien.

Enfin, vos propos à l'égard de la représentation nationale ce matin dans le Figaro sont scandaleux et indignes de vos fonctions. J'espère que décence et responsabilité vous seront de bon conseil. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a une administration de qualité, loyale et performante, avec des fonctionnaires qui servent l'État. La crise sanitaire en témoigne. Or l'ordonnance remet en cause le primat d'une fonction publique de carrière, la logique de corps et l'indépendance des inspections générales.

La mission Thiriez a identifié de nombreux problèmes : faible diversité sociale, formation continue faible, voire inexistante, carrières déterminées par le concours, inspecteurs nommés sans expérience...

Mais votre réforme va beaucoup plus loin en créant un corps A+ sans distinction et des zones d'ombre demeurent puisque des textes d'application doivent être publiés dans les prochains mois.

Madame la ministre, le 2 septembre 2019 vous avez lancé une réflexion sur les corps techniques avec la volonté de les agréger aux grands corps des administrateurs de l'État.

Quelle erreur de ne pas maintenir la distinction des métiers et des compétences ! Seuls des grands corps, avec des effectifs moins nombreux, permettent de construire de vrais parcours interministériels. Je peux en témoigner.

L'ouverture aux contractuels, c'est recruter des compétences sur le marché privé pour un temps limité. Cela remet en question le modèle d'une fonction publique de carrière, qui ne sert pas les intérêts privés.

Pour les ingénieurs, le problème du modèle se double d'un problème de compétence. Un ingénieur n'est pas un cadre A+, interchangeable avec un juriste ou un comptable (Mme Cécile Cukierman applaudit) ; il raisonne en projet, non en processus.

Le corps unique et standardisé des administrateurs ne reflétera plus la diversité des métiers. Le modèle promu par l'ordonnance se rapproche du mode de gestion des enseignants. Faudra-t-il bientôt qu'un haut fonctionnaire capitalise un nombre de points suffisant pour faire mobilité, comme c'est le cas pour changer d'académie ?

Je ne suis pas convaincue que le modèle proposé permette à l'État de mener une politique industrielle, environnementale, d'armement ou d'aménagement à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Merci au président Patriat, à M. Médevielle, au président Requier de rappeler que le débat n'est pas nouveau et que certains sujets font consensus. Monsieur Bas, vous avez rappelé la qualité du service public et la nécessité d'adapter la formation aux enjeux de notre temps.

Le programme commun de 1972, puis MM. Chirac, Juppé, Hollande, tous ont dit qu'il fallait réformer les conditions dans lesquelles les hauts fonctionnaires exercent leur métier.

Monsieur Kanner, vous me faites un procès en illégitimité, au prétexte que je ne suis pas fonctionnaire et que je suis jeune.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas du tout !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Oui, nous allons vite, parce que cela fait trente ans que l'on parle de cette réforme et que rien ne bouge.

Sur les préfets, nous faisons la réforme que M. Valls a proposée. En matière d'ordonnances, hors crise sanitaire, nous n'avons pas fait plus que le quinquennat précédent.

M. Philippe Bas.  - C'était trop !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je regrette que nous n'ayons pas l'occasion de confronter nos visions.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Vous faites tout pour l'éviter !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nos propositions sont publiques. S'il y a un problème avec les ordonnances...

M. Bruno Retailleau.  - Avec leur ratification !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - ...il faut changer de Constitution !

Monsieur Bas, je ne remets pas en question l'alliance gauche-droite mais nous voulons vous réunir pour agir, pas pour bloquer !

Je suis honorée de défendre la création des classes « talents du service public ». À Roubaix, à Tourcoing, à Valenciennes et à Lille, des centaines de jeunes, souvent boursiers, peuvent préparer des concours que l'on préparait jusqu'ici uniquement rue Saint-Guillaume.

Dans d'autres régions, nous avons créé des classes pour former une nouvelle génération de fonctionnaires, quels que soient leur origine et leur milieu social. Plus de 1 500 étudiants venus des territoires les plus ruraux et populaires ou des outremers y participent.

Nous ne défendrions pas l'égalité républicaine ? Bien au contraire !

L'INSP est bien plus que l'ENA ; il ne s'agit pas d'un simple changement de nom. Nous revoyons les formations initiales, en lien avec le monde universitaire et de la recherche. Nous sommes le seul pays au monde où les prix Nobel et nos meilleurs chercheurs donnent des conférences dans le monde entier et pas devant nos hauts fonctionnaires.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Il faut que tous, au cours de leur carrière, apprennent les uns des autres en échangeant. On ne peut tout apprendre en une seule fois à l'ENA !

Sur les valeurs de la République, la laïcité, l'égalité de traitement, il n'y avait pas de formation commune aux magistrats, préfets, commissaires, directeurs d'hôpitaux. (On ironise à droite.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est absurde !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - (Se tournant vers la gauche) Vous n'arriverez jamais à rien si la formation écologique reste le monopole du ministère de la transition écologique !

La politisation sera du passé. Depuis Napoléon, les préfets sont nommés par le pouvoir exécutif ; les ambassadeurs, depuis François Ier. Le système de nomination en Conseil des ministres ne sera pas modifié.

En revanche, nous réduisons le tour extérieur, notamment au Conseil d'État et à la Cour des comptes. Nous mettons en avant les compétences, la transparence, pour en finir avec les nominations liées à des appartenances politiques ou des accointances personnelles.

Être préfet est un métier, non un titre ou un statut. C'est l'engagement de servir un territoire et ses projets, de faire travailler ensemble tous les acteurs. Il y aura toujours des préfets et des sous-préfets, nommés par le pouvoir exécutif. Mais il n'y aura plus de préfet sans affectation territoriale. Nul besoin d'appartenir à un corps pour exercer ce métier. Il y a 270 préfets et 140 postes territoriaux. Que fait-on des 130 restants ? Que grade et emploi se confondent est une bizarrerie.

S'agissant des administrateurs civils, le cloisonnement entre corps crée des hiérarchies implicites. Nous voulons renouer avec la promesse de 1945 : revaloriser les fonctions, améliorer la mobilité entre métiers, mais aussi mieux évaluer.

Je suivrai avec attention la mission sur les corps techniques.

Selon M. Kanner, nous aurions du mal avec le dialogue social... C'est pourtant ce qui m'occupe matin, midi et soir, depuis ma nomination ! Sur le sujet de la mutuelle des fonctionnaires, vieux de quinze ans, nous avons conclu un accord majoritaire pour que l'ensemble des agents bénéficient d'ici 2026 d'une prise en charge de 50 % par l'employeur, comme dans le privé. C'est un progrès social majeur, issu du dialogue social. Un autre accord majoritaire est intervenu sur la négociation collective. Nous avons également trouvé un accord unanime sur le télétravail, qui traite du droit à la déconnexion et de l'égalité homme-femme, car la fonction publique doit être à la pointe du progrès.

Je revendique toutes ces avancées comme étant collectives. Certains sujets ne se règlent pas en un après-midi, à coups de points d'indice.

M. Patrick Kanner.  - Rien depuis 2017 !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Je mène le dialogue social avec les syndicats, que j'associe dans des instances formelles et informelles. J'ai reçu le soutien des uns et des autres sur des points essentiels de la réforme. Il est caricatural de dire que nous passerions en force.

J'ai apprécié ce débat, mais j'aurais aimé connaître vos propositions ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Vous nous demandez une vision, mais nous aurions eu besoin d'un projet de loi pour débattre.

Les Français n'ont rien compris à votre histoire. Pour ma part, je la trouve technique, voire dangereuse.

Je ne vote presque jamais les ordonnances. Le Parlement doit se faire respecter ! Que non-ratification fasse loi est inacceptable. Mettons les pieds dans le plat.

Je suis pour une haute fonction publique neutre et indépendante, pas un État dans l'État. Nos fonctionnaires ne doivent être ni soumis à l'exécutif, ni ignorants du Parlement. Plus notre système institutionnel dévalorise le Parlement, plus le spoils system fonctionne, moins les fonctionnaires peuvent inscrire l'État dans le temps long.

Enfin, le problème majeur de la dépendance des hauts fonctionnaires à l'égard des lobbies et des puissances économiques n'est pas traité - 70 % des hauts fonctionnaires qui ont travaillé sur la loi de séparation bancaire sont aujourd'hui dans les grandes banques... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur de nombreuses travées du groupe SER)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Depuis le début, madame la ministre, vous prétendez réformer. En réalité, vous déconstruisez, article par article, le texte de 1945. C'est pourtant une construction républicaine qui nous réunit tous, depuis le général de Gaulle et Michel Debré. Pourquoi ne pas le reconnaître ?

Les corps d'inspection vont disparaître et l'indépendance des inspecteurs sera mise à mal.

Je travaille avec des préfets depuis quarante ans et j'ai une profonde estime pour eux. Nous aurons désormais des préfets intermittents. Je suis pour une décentralisation forte et un État fort. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Masson.

Rédiger ainsi cet article :

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État sont abrogées.

M. Jean Louis Masson.  - On est pour ou contre la réforme. On ne peut pas se quitter sans rien décider.

Cet amendement radical abroge l'ordonnance. Je suis la logique de ceux qui considèrent que cette réforme est néfaste.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Vous demandez également l'abrogation de la loi de transformation de la fonction publique. N'y touchons pas. Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - En effet, vous allez bien au-delà du sujet du jour. La loi de 2019 est porteuse de nombreuses avancées : avis défavorable.

M. Jean Louis Masson.  - Je n'ai pas voté cette loi. D'autres amendements de repli suppriment les différents éléments de l'ordonnance.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Masson.

Remplacer le mot :

ratifiée

par le mot :

abrogée

M. Jean Louis Masson.  - Je le retire.

L'amendement n°1 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article premier de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Il est retiré !

M. Jean Louis Masson.  - Pas du tout ! Cette ordonnance doit être réduite à néant. C'est l'objet de mes amendements.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement ainsi qu'aux suivants. Il n'est pas question d'abroger l'ordonnance ni ses articles, mais de ne refuser sa ratification, car nous manquons d'éléments.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Avis défavorable à cet amendement et aux suivants. Le chantier réglementaire se poursuit. Je vous détaillerai comment, loin de déconstruire, nous reconstruisons dans l'esprit de 1945, pour l'unité, l'efficacité et la proximité de l'administration.

Je me tiens évidemment à la disposition de ceux qui veulent savoir comment nous mettrons en oeuvre cette ordonnance.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'est trop aimable...

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 2 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Cet amendement est dans la logique du précédent. Mes collègues sont visiblement très contents d'avoir débattu pendant deux heures pour rien du tout...

L'amendement n°4 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 3 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°5 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 4 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°6 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 5 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°7 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 6 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°8 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 7 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°9 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 8 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°10 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°11 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 10 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Nous autres, non inscrits, avons peu de temps de parole. J'aurais pu utiliser mes deux minutes à chaque amendement, mais j'ai pitié de mes collègues...

L'amendement n°12 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 11 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°13 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 12 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°14 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 13 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°15 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 14 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°16 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 15 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°17 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Masson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article 16 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

L'amendement n°18 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur .  - Il est probable qu'à une large majorité, le texte ne sera pas ratifié. Madame la ministre, je vous pose une question en face : alors que l'une des deux assemblées du Parlement refuse ce texte - c'est notre droit, et même notre devoir -, que va faire le Gouvernement ? En prendra-t-il acte en saisissant l'Assemblée nationale, qui pourrait ainsi en débattre à son tour ? Ou choisira-t-il de ne donner aucune suite à la prise de position du Sénat ?

Si cette ordonnance est « irréversible » - je vous cite - et que l'une des deux assemblées s'y est opposée, continuer comme si de rien n'était serait profondément antirépublicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean Louis Masson .  - Je ne suis pas d'accord avec M. Sueur. Le Gouvernement n'est absolument pas tenu de soumettre un texte à l'Assemblée nationale. Le Sénat n'avait qu'à refuser l'habilitation à légiférer par ordonnance. Tout le reste est mascarade : je ne participerai pas au vote.

M. Bruno Retailleau .  - Nous voterons contre cette proposition de loi pour manifester notre opposition à l'ordonnance. Vous faites mine de ne pas comprendre : nous n'en pouvons plus de la dépossession du Parlement ! Du temps du général de Gaulle et de ses successeurs, les ordonnances étaient ratifiées. Toujours plus d'ordonnances et toujours moins de ratifications, 18 %...

Nous sommes d'autant plus choqués que cette ordonnance concerne la haute fonction publique et donc l'État qui traverse une grave crise de défiance.

Il faut refaire l'État, lui donner plus d'impulsion. Votre vision technocratique et pseudo-managériale ne résoudra rien.

Avant tout, notre vote sera une dénonciation de votre mépris du Parlement - si bien exprimé dans Le Figaro ce matin. (Mme Cécile Cukierman rit de bon coeur.)

Avec votre réforme, le politique abdique et se défausse sur la haute fonction publique. Je voudrais dire à nos fonctionnaires qu'ils sont l'honneur de notre République et que bien d'autres pays nous les envient. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Pierre Médevielle .  - À l'approche des élections présidentielles, nous voyons se former d'étonnantes alliances, incapables de formuler aucune proposition -  à l'exception de M. Masson  - , et qui ne savent que bloquer.

La droite et le centre avaient appelé cette réforme de leurs voeux. Pour notre part, nous resterons cohérents en votant, à une grande majorité, cette proposition de loi.

Mme Françoise Férat .  - Les arguments avancés, y compris par la ministre, ne nous permettent pas de participer au vote.

Mme Cécile Cukierman .  - Nous ne voterons pas la proposition de loi, car le recours abusif aux ordonnances et leur non-ratification posent un problème de séparation des pouvoirs.

De plus, nous ne partageons pas le contenu de la réforme envisagée pour la haute fonction publique.

Je ne vois pas d'alliance contre-nature. Le Sénat sait régulièrement adopter des positions transpartisanes, comme cela se passe souvent dans nos communes : c'est ainsi que l'on prend les bonnes décisions, en s'inspirant des réalités vécues. N'hystérisons pas le débat !

M. François Patriat .  - Cette réforme est attendue de très longue date et personne ne s'y était encore attelé. Elle répond aux nécessités du temps présent. Le Gouvernement tient ses engagements, en ayant largement consulté.

L'alliance de la carpe et du lapin, nous y sommes malheureusement habitués : c'est « tous contre Macron », une fois de plus. Ce soir, cela tourne au ridicule... Le RDPI votera la proposition de loi.

Mme Amélie de Montchalin, ministre .  - Cette réforme, promise de longue date, est nécessaire. Elle a fait l'objet de nombreuses concertations et le Conseil d'État l'a entérinée.

Monsieur Retailleau, quel est votre projet, à part abroger le statut des fonctionnaires comme le propose votre parti ?

Le Sénat aurait pu soit ratifier, soit abroger. Mais nous n'avons aucune réponse claire : votre vote de ce soir est illisible.

Je me tiens à votre disposition pour poursuivre le débat.

M. Patrick Kanner.  - Veuillez répondre à la question de M. Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je constate que Mme la ministre n'a pas répondu à une question précise et essentielle.

À la demande du groupe SER et du RDPI, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°1 :

Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 257
Pour l'adoption   32
Contre 225

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 7 octobre 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à 19 h 10.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 7 octobre 2021

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot Mme Marie Mercier

1. Questions orales

À 14 h 30

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président

2. Débat sur le thème : « Les droits des personnes en situation de handicap sont?ils effectifs et respectés ? » (demande du groupe CRCE)

3. - Débat sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement » (demande du groupe INDEP)