SÉANCE

du mercredi 30 juin 2021

118e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Férat, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au respect du temps de parole.

Variant Delta et vaccination

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI) Le variant Delta ouvre un nouvel épisode de l'épidémie de Covid, prenant le monde entier à contre-pied. Les pays qui ont misé sur la stratégie « zéro Covid », notamment en Asie, font face à une nouvelle flambée. Ceux qui ont choisi les vaccins chinois et russes pour des raisons de propagande sont massivement touchés.

L'Europe, naguère moquée, dispose aujourd'hui des vaccins les plus efficaces. Malgré les anti-vaccins et autres complotistes, ses populations sont les plus vaccinées après celles des États-Unis et d'Israël. Elle sera bientôt le premier producteur et le premier distributeur de vaccins au monde.

Mais la course contre la montre est remise en question par le nouveau variant, plus dangereux, alors que la vaccination marque le pas.

Le risque est clair : une quatrième vague à l'automne.

Beaucoup de scientifiques conseillent la vaccination obligatoire des soignants, alors que dans certaines catégories, leur taux de vaccination atteint seulement 50 %. Ne faudra-t-il pas en décider avant l'automne ? Ne convient-il pas de distinguer entre les tests PCR justifiés, gratuits, et les tests PCR de confort, utilisés pour échapper à la vaccination, qui devraient être payants ?

Nous sommes attachés à la liberté individuelle mais, quand elle consiste à refuser la vaccination, elle est un égoïsme qui met en danger la vie d'autrui. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Absolument !

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Nous prenons en compte ce nouveau variant Delta, à l'oeuvre dans de nombreux pays du monde, qui est beaucoup plus contagieux mais aussi, et c'est positif, sensible à la vaccination.

Il interroge notre propre situation sanitaire.

Grâce aux efforts collectifs, la situation française est favorable. Le nombre de patients en réanimation et de morts a baissé. Pour autant, il est de notre devoir d'anticiper les évolutions à l'oeuvre à l'étranger. Nous avons adapté notre stratégie pour détecter plus rapidement les cas, les séquencer, alerter et protéger. C'est possible grâce au faible nombre de cas. Nous obtenons de bons résultats.

Nous avons adopté des mesures de contrôle des entrées depuis les pays classés rouge, même s'il y a des voies d'assouplissements en vue des vacances.

Nous devons aller plus loin sur la vaccination, qui nous protège du virus. Elle marque le pas, même si les prises de rendez-vous pour les primo-vaccinations repartent à la hausse. Il faut la favoriser davantage.

J'ai été choqué, alors que les Ehpad ont payé un lourd tribut, de constater que le virus y était réintroduit par les soignants, dont la vocation est de protéger les autres.

Après avoir consulté les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, je consulterai les présidents d'associations d'élus locaux et les présidents des groupes politiques pour connaître leurs propositions, y compris celles qui nécessiteraient une nouvelle intervention du législateur.

Nous ne restons pas sans rien faire. Nous anticipons et mettrons tout en oeuvre pour éviter une quatrième vague, afin que les plus vulnérables ne contractent pas le virus.

Oui, monsieur le président Malhuret, nous devons rester vigilants et parer à toutes les éventualités. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Élections départementales et régionales (I)

M. Daniel Gueret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, les résultats sont tombés dimanche : votre majorité a subi un échec sans précédent.

Le secrétaire d'État chargé des retraites a recueilli 7,7 % des voix dans les Hauts-de-France, le garde des Sceaux, 8,67 % dans le Pas-de-Calais, le ministre de la transformation et de la fonction publique, 11,21 % dans l'Essonne...

Les déplacements du Président de la République n'ont rien changé : à Saint-Cirq-Lapopie, la liste LaREM a fait 3,7 %. Jamais le parti d'un Président de la République n'avait été autant rejeté. Comment expliquer cette déroute ? Et cette abstention ? Allez-vous changer de politique ?

Je suis un sénateur gaulliste, vous êtes Premier ministre et je respecte votre fonction, mais vous devez incarner l'unité. J'aurais aimé échanger avec vous, il y a trois jours, lors de votre visite en Eure-et-Loir. Mais vous avez snobé les sénateurs ... (On renchérit vivement sur les travées du groupe Les Républicains) Vous avez préféré la division à l'unité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement .  - (On proteste à droite.) Les élections régionales et départementales se sont tenues. (On feint de s'en émerveiller à droite) Ce que nous devons en retenir, c'est le niveau abyssal de l'abstention. Pourquoi ? Les causes sont probablement multiples. L'épidémie a fait que les Français avaient la tête ailleurs, comme pour les municipales ; ils ont aussi des difficultés à percevoir les compétences des uns et des autres ; il y a aussi eu des problèmes logistiques. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Nous devons y réfléchir collectivement. Mécaniquement, la plupart des présidents ont été reconduits...

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Grâce à leur bilan !

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - Y compris M. Ary Charles, membre du bureau de LaREM. Nous avons toutes et tous des leçons à tirer des résultats de ce scrutin. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Daniel Gueret.  - Monsieur le Premier ministre, si vous voulez réduire l'abstention, cessez de fustiger les électeurs, de manquer de clarté et de conviction, de mépriser les élus issus du suffrage universel en leur préférant des commissions de citoyens tirés au sort.

Écoutez le Sénat : ici, il n'a ici que des élus qui aiment la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

Réforme du baccalauréat

Mme Sonia de La Provôté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La suppression des épreuves communes du baccalauréat et leur remplacement par le contrôle continu libéreront du temps pour les élèves et les enseignants.

Mais faire reposer le baccalauréat à 40 % sur le contrôle continu entraîne un risque non négligeable de rupture d'égalité. Le bac, de national, devient local. Or les notes du contrôle continu sont déjà la base des choix pour Parcoursup. La crise sanitaire, avec un baccalauréat reposant essentiellement sur le contrôle continu, a montré de très importantes disparités de notation, sources de conflits et de critiques.

Il est inacceptable d'ajouter encore des inégalités là où, déjà, les déterminants géographiques et sociaux font peser un poids très lourd sur la réussite des élèves.

À peine mise en oeuvre, la réforme du bac évolue déjà. Quel cadrage pour garantir l'égalité réelle de la notation et son contrôle ? Qui évaluera la réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Le baccalauréat est important pour notre pays. Le cadre général ne change pas. Il conjugue les valeurs des deux régimes : contrôle général pour 60 % et contrôle continu pour 40 %. C'est à l'intérieur de cette part que nous abandonnerons les épreuves communes.

Le contrôle continu au sein de l'établissement est mis en place en liaison étroite avec les acteurs. Pourtant, les mêmes qui réclamaient 100 % de contrôle continu dans les manifestations il y a deux mois critiquent cet ajustement.

Notre position est équilibrée et simplificatrice. Les notes de contrôle continu seront objectivées. Le baccalauréat va être régénéré ; il aura plus que jamais de la valeur ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Sonia de La Provôté.  - Le flou de votre réponse aggrave mon inquiétude. Il faut que tous les jeunes aient les mêmes chances de réussite ! Les évaluations doivent être contrôlées de très près. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Recul de l'âge du départ à la retraite

M. Éric Bocquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Au lendemain d'une bérézina électorale sans précédent pour une majorité, le Gouvernement a annoncé le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Cela fait l'objet de quelques lignes à peine dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chaque parlementaire appréciera cette méthode pour le moins cavalière sur un sujet aussi structurant. Certains ministres craignent des troubles sociaux. D'où, semble-t-il, des hésitations.

Quelles sont exactement les intentions du Gouvernement sur les retraites ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Le Président de la République a rappelé que notre priorité absolue était la sortie de la crise sanitaire, le rebond de notre économie et la création d'un maximum d'emplois.

Mais les questions sur les retraites restent d'actualité, comme le souligne le rapport Tirole-Blanchard, qui conforte notre diagnostic.

Nous devons trouver les voies et moyens d'un système plus juste et plus soutenable ; 42 régimes, ce n'est pas adapté pour nos concitoyens. Le système actuel pénalise les carrières hachées et les temps partiels subis - donc souvent les femmes.

Il faudra travailler plus longtemps pour pérenniser le système et assurer la compétitivité de notre économie. Cela pose la question de l'emploi des seniors, de l'accompagnement des reconversions et de la prévention de l'usure professionnelle. Ce sujet figure à l'agenda social partagé avec les partenaires sociaux, qui seront entendus par le Président de la République. Le but est de pérenniser notre système par répartition. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - Au-delà de la forme, le fond amène une autre réponse, car 64 ans, c'est deux ans au-delà de l'espérance de vie en bonne santé. Or il y a dix ans d'écart d'espérance de vie entre un cadre de 69 ans et un ouvrier de 59 ans. Par ailleurs, 8 % des retraités survivent sous le seuil de pauvreté. Quelle part de la richesse nationale sommes-nous prêts à attribuer au financement du système par répartition ? Il faut élargir l'assiette aux revenus financiers et remettre à plat la logique des allègements de cotisations sociales. Depuis l'instauration du prélèvement forfaitaire unique, les revenus financiers ne sont plus soumis à l'impôt sur le revenu. Ces sujets relèvent d'un choix de société - je dis bien : un choix. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Politique agricole commune

Mme Marie Evrard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce lundi, les 27 ministres européens de l'agriculture ont trouvé un accord pour la PAC 2023-2027. Après trois années de négociations pour surmonter les divergences, la nouvelle PAC entrera en vigueur le 1er janvier 2023, après deux années de transition.

Le compromis était attendu surtout par les premiers concernés : les agriculteurs.

En juillet dernier, les chefs d'État s'étaient déjà accordés sur un projet renforcé. La France recevra 62,4 milliards d'euros d'ici 2027, soit 400 millions d'euros de plus que lors de la précédente programmation.

Après l'accord final, tout se jouera dans la déclinaison nationale, le Plan stratégique national (PSN). L'élaboration du PSN poursuit deux objectifs principaux : la création de valeur dans les exploitations agricoles et la reconquête de la souveraineté alimentaire. L'accord de ce lundi conforte-t-il les choix du PSN français ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Effectivement, après trois années de négociations, nous sommes arrivés à un accord politique il y a quelques heures à Bruxelles, avec l'ensemble de nos partenaires. C'est un bon accord pour la France et pour l'Europe. Notre agriculture bénéficiera chaque année de plus de 9 milliards d'euros de financements européens.

Nous avons une triple vision : économique, avec la consolidation du revenu des agriculteurs ; environnementale, avec l'investissement dans la transition agroécologique ; sociale, avec la lutte contre le dumping social par la conditionnalité sociale des aides - sujet ardemment défendu par la France.

C'est un bon accord. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Bruno Sido applaudit également.)

Élections départementales et régionales (II)

M. Patrick Kanner .  - (M. Patrick Kanner sollicite les applaudissements du groupe SER ; l'on se gausse à droite, puis l'on applaudit sur toutes les travées.) Le Gouvernement et le Président de la République sortent d'une séquence calamiteuse : fiasco de la propagande électorale, fiasco de la participation. Le Président de la République, avec une grande légèreté, répond : « Les gens n'avaient pas la tête à cela ! » (Marques d'ironie à droite) Quel mépris des citoyens ! C'est aussi un fiasco pour LaREM, un parti virtuel de cliqueurs - comme le dit le président Patriat lui-même. C'est un échec pour le Président de la République, la véritable tête de liste ! (M. le Premier ministre le nie.)

Les électeurs ont boudé votre politique et l'action du Président de la République.

M. François Patriat.  - Pas du tout !

M. Patrick Kanner.  - Je vous fais une proposition : au lieu de reprendre votre injuste réforme des retraites, respectez l'engagement pris par le Président de la République en 2017 de convoquer le Congrès. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons des choses à vous dire ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; on suggère à droite de rappeler M. François Hollande aux affaires.)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Pensez-vous que convoquer le Congrès fera baisser l'abstention ? Je vous laisse la responsabilité de cette affirmation. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. David Assouline.  - M. Kanner n'a pas dit cela !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - On nous reproche d'avoir cherché à nationaliser cette élection locale. Ce n'est pas le cas. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains)

M. Rémi Féraud.  - Si, vous l'avez fait !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Ces élections n'étaient pas secondaires. Je suis donc extrêmement préoccupé par l'abstention massive. De graves dysfonctionnements ont entravé l'acheminement de la propagande électorale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous répondrons à toutes les questions, comme l'a fait le ministre de l'Intérieur. L'objectif est que cela ne se reproduise pas. (Exclamations sur diverses travées) Il faudra faire évoluer le système.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Laissez faire les maires !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - L'abstention nous interpelle collectivement. Ne nous renvoyons pas la balle, cela alimenterait encore le désintérêt des Français pour la chose politique.

Ce ne sont pas des sujets de politique politicienne et nous prenons toute notre part à la réflexion. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Le président de l'Assemblée nationale a pris une initiative. Le Sénat aussi a fait des propositions. Les causes de l'abstention sont nombreuses, parfois anciennes.

Nous prenons acte des résultats et continuons de travailler avec les exécutifs locaux dans l'intérêt du pays. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et le Congrès ?

M. Patrick Kanner.  - Monsieur le Premier ministre, j'ai appris que vous étiez confirmé dans vos fonctions : félicitations... Mais quid de ma proposition sur le Congrès ? Sa convocation devient une évidence. Suggérez-le au Président de la République, qui s'était engagé à le réunir une fois par an. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Transfert de la médecine scolaire au département

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les effets médicaux et psychosociaux de la crise sanitaire affectent notre jeunesse, dès l'enfance. Des séquelles persisteront, malgré le maintien maximal de l'école.

Le suivi en médecine scolaire a été perturbé. L'indigence de ce secteur doit nous interpeller : un seul médecin pour 12 000 élèves !

Les protections maternelles et infantiles (PMI) rencontrent des problèmes de recrutement. Pourtant, la santé de nos enfants, c'est-à-dire leur état de bien-être physique, mental et social bénéficierait de la mutualisation et de la complémentarité de la médecine scolaire avec la PMI et les services sociaux des départements.

La préparation de la rentrée scolaire et le renouvellement des exécutifs départementaux ne sont-ils pas une formidable opportunité ?

Il y a une vraie logique de suivi des enfants, de la naissance à la fin de la scolarité.

Le 17 décembre, le Gouvernement annonçait le transfert de la médecine scolaire au département, avant d'y renoncer. Comment expliquer ce recul ? Ne pourrait-on a minima expérimenter la mesure dans certains départements volontaires ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État, chargé de la ruralité .  - L'articulation de la médecine scolaire avec le département et les PMI suscite depuis longtemps des propositions de réorganisation.

La création d'un service de santé de l'enfant réunissant PMI et santé scolaire est soutenue par l'Assemblée des départements de France. La visite médicale entre 3 et 4 ans, à l'école, est gérée par la PMI. Mais dans le contexte actuel de crise sanitaire, les conditions ne sont pas réunies pour débattre sereinement de cette mutualisation.

La gestion des PMI est très différente d'un département à l'autre. La santé de l'enfant est importante. Continuons à y travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Avenir de l'industrie automobile

M. Jacques Fernique .  - Y a-t-il un avenir pour l'industrie automobile en France ? Dans le Grand-Est, je suis interpellé par ceux qui craignent pour leur emploi : 40 % des postes chez les constructeurs et équipementiers y ont disparu depuis 2007 et 100 000 autres pourraient être détruits d'ici quinze ans, à cause de la fin des moteurs thermiques. Est-ce une fatalité ? Non, répondent la CFDT Métallurgie et la Fondation Nicolas Hulot.

M. François Bonhomme.  - C'est sérieux !

M. Jacques Fernique.  - Ils en appellent à des États généraux de l'automobile pour fixer une stratégie partagée, combinant emploi et écologie. Il faut un choc viable pour l'industrie automobile : seule une transition accélérée protégeant la production et les savoir-faire feront converger les constructeurs vers des scénarios positifs pour l'emploi et le climat.

Le Gouvernement est-il résolu à défendre l'accélération européenne nécessaire pour la fin de la vente des moteurs diesel et essence en 2030, hybrides en 2035 ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Non !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Merci pour votre plaidoyer pour l'industrie automobile et l'emploi. Il faudra que nous mettions en cohérence nos paroles et nos actes. C'est le sens de la loi ASAP, par exemple.

La transition écologique est soutenue par le Gouvernement depuis trois ans. Nous défendons l'innovation, l'investissement dans la recherche et le développement et la diversification des entreprises. Nous en accompagnons plus de 300 et consacrons plus de 170 millions d'euros à la R&D.

La transformation des emplois prend du temps. Des normes strictes pourraient la bloquer. Gardons-nous d'opposer écologie et économie et appuyons la transition sur une économie solide, grâce au plan de relance notamment.

Nous soutenons des projets autour de la batterie électrique, notamment dans les Hauts-de-France, créant plusieurs milliers d'emplois. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jacques Fernique.  - Ces plans sont court-termistes avec trois gigafactories - contre huit en Allemagne. La France, lors de sa présidence de l'Union européenne, devra porter haut l'ambition climatique et industrielle. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Discrimination positive dans les études supérieures

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les procédures Affelnet et Parcoursup prennent désormais en compte des indices de position sociale. Des points supplémentaires sont appliqués à certains concours de grandes écoles, dans une logique de discrimination positive.

Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, que ces pratiques portent atteinte au rayonnement de notre enseignement supérieur et à l'équité due aux élèves ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Il n'y a ici que des sénateurs - et des ministres - qui aiment la France. Nous sommes tous attachés à la promesse républicaine, fondée sur le mérite. Nous luttons contre l'autocensure et pour la réussite. Boursiers ou non, provinciaux ou parisiens, tous les étudiants doivent avoir la même chance.

Nous ne mettons pas en cause le principe du concours.

M. François Bonhomme.  - C'est pourtant ce qui s'est passé !

M. Gérard Longuet.  - Vous niez la réalité !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - La promotion au mérite ne fonctionne plus comme avant. Lorsque la moitié des polytechniciens viennent de moins de 10 classes prépas, toutes en Île-de-France, il faut tout de même se poser des questions ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Gérard Longuet.  - Faites en sorte que les lycées soient bons !

M. Max Brisson.  - Madame Vidal, Monsieur Blanquer, je n'aurais jamais cru que, sous votre magistère, nous nous éloignerions ainsi de la promesse républicaine, de l'excellence et du mérite. Souvenons-nous de Péguy, fils de rempailleuse de chaises, d'Albert Camus, fils d'une femme de ménage, devenus ce qu'ils sont sans quotas ! Fermons la porte aux délires wokistes venus d'outre-Atlantique. Défendons la méritocratie républicaine. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Contribution des communes forestières au budget de l'ONF (I)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Sénat a adopté le projet de loi Climat. Il n'était pas à la hauteur des enjeux et le groupe SER a voté contre.

Les forêts sont un puits de carbone. Il faut une politique forestière ambitieuse, rationnelle et durable. Pourtant, l'Office national des forêts (ONF) ne reçoit pas des pouvoirs publics l'attention qu'il mérite, alors qu'il est en déficit structurel et que son modèle économique ne lui garantit pas la stabilité. Il n'y a aucune stratégie cohérente.

Le nouveau cadre structurant est en cours de négociation : il prévoit encore une réduction du personnel alors que l'ONF a perdu 40 % de ses effectifs en vingt ans. Comment faire plus avec moins ?

La contribution des communes forestières est encore accrue : 30 millions d'euros d'ici 2025 ! Elles s'insurgent contre cette nouvelle ponction - qui ne suffira pas à rétablir l'équilibre. Comment renforcer les moyens de l'ONF pour répondre au changement climatique sans grever leurs budgets ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - L'ONF est indispensable et très précieux, le Gouvernement le soutient et soutient l'ensemble de son personnel. L'Office fait face à un défi climatique - la crise des scolytes en témoigne - mais aussi à un défi financier, avec une dette de 450 millions d'euros.

Reste-t-on les bras croisés, ou prend-on les bonnes décisions, avec courage, pour pérenniser l'ONF ? Des décisions difficiles sont à prendre.

L'État s'engage concrètement en renforçant le financement des missions avec un abondement de 12 millions d'euros en 2021, 22 millions en 2022 et jusqu'en 2024.

Nous prévoyons également 60 millions d'euros de subventions d'équilibre et 30 millions d'euros en 2021 dans le cadre du plan de relance.

L'Office doit aussi respecter la trajectoire des dépenses de fonctionnement et de personnel. Nous avons un objectif de 95 ETP en 2022, bien inférieur à ce qu'il a été les années précédentes. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Florence Blatrix Contat.  - Il faut donner plus de moyens à l'ONF sans grever davantage les budgets de nos communes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Port du burkini dans les piscines

M. Michel Savin .  - La polémique sur le burkini s'impose alors que l'été commence à peine. Grenoble en est l'épicentre, à cause de trois acteurs : un maire écologiste candidat à la présidentielle, qui pour séduire un certain électorat rejette la responsabilité sur le Gouvernement ; une association militante qui promeut un islamisme radical - selon les mots mêmes de Mme Schiappa - et appelle à la désobéissance civile ; une députée de votre majorité qui réclame un référendum local !

Mme Frédérique Puissat.  - Scandaleux !

M. Michel Savin.  - Nous avons besoin que le Gouvernement clarifie sa position : faut-il un référendum local ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Effectivement, des groupes communautaristes - à l'égard desquels certaines municipalités sont complaisantes - tentent de pousser la provocation. Les outils juridiques sont limités : les usagers du service public ne sont pas tenus aux mêmes obligations que les agents publics. Mais la grande majorité des règlements municipaux interdisent dans les piscines les tenues couvrantes pour les hommes comme pour les femmes.

J'ai saisi l'agence chargée de la sécurité et de l'hygiène afin d'étudier si une circulaire nationale peut appuyer les règlements locaux. Mais chaque maire doit prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Savin.  - Le Sénat a fait le choix de la clarté - un dispositif inscrit dans le projet de loi Principes de la République : il a été supprimé par votre majorité à l'Assemblée nationale... Vous cédez devant l'islam radical ! Prenez donc vos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Contribution des communes forestières au budget de l'ONF (II)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La forêt publique crée des richesses collectives non rémunérées. Les 14 000 communes forestières, souvent démunies, font face à de nombreuses obligations dans un contexte de crise forestière. Elles servent l'intérêt général, sans compensation. Pire, le Gouvernement envisage aujourd'hui de les ponctionner pour combler le déficit de l'Office national des forêts (ONF).

Il n'y a aucune stratégie d'avenir. Les élus locaux sont inquiets et en colère. Ils se sentent seuls et ignorés du Gouvernement.

Quelles suites allez-vous donner à ces mesures irréfléchies ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement n'aurait pas de stratégie forestière. Y a-t-il eu un gouvernement avant celui-ci qui ait consacré 200 millions d'euros à la forêt, grâce au plan de relance ? (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. François Patriat.  - Jamais.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Effectivement. (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'État s'engage financièrement pour l'ONF. Quant aux communes forestières, elles jouent un rôle fondamental. Ma première décision, à mon arrivée au ministère, fut de les réintroduire dans le conseil d'administration de l'ONF. Cela eût été folie de les en exclure !

Sur leur contribution à l'ONF, nous agissons avec méthode : comptabilité analytique et clause de revoyure dès 2022 sur la contribution, qui devrait être de 7,5 millions d'euros en 2023 et de 10 millions d'euros en 2024 et 2025. Nous étudierons la nature et les conditions de cet apport. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Prévention du risque de quatrième vague de Covid-19

Mme Catherine Procaccia .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs semaines, deux France s'affrontent : celle qui aspire au retour à la normale et à moins de restrictions, celle qui s'inquiète d'une quatrième vague de Covid-19. Comme Claude Malhuret je fais partie de la deuxième catégorie. Plus aucune restriction ne s'applique. Des clusters apparaissent, au moment où la vaccination stagne et où débutent les migrations estivales.

Le variant Delta, 0,1 % des contaminations en mai, 20 % aujourd'hui, sera bientôt majoritaire. Le Gouvernement dit qu'on peut y échapper. La France sera-t-elle l'un des rares pays dans ce cas ?

Vous allez engager une consultation. Très bien. Mais quelles actions allez-vous mener dès maintenant et pendant l'été, Monsieur le Premier ministre ? Les vacances et la rentrée ne sont même pas évoquées.

Avez-vous un plan dans les cartons ou allez-vous continuer de naviguer à vue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mle Premier ministre s'exclame.)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Le taux d'incidence est aujourd'hui de 18,5 pour 100 000, soit vingt fois inférieur à celui qui avait justifié le renforcement des mesures sanitaires. Le taux de positivité est inférieur à 1 %. Nous avons moins de 8 700 lits occupés, dont 1 260 seulement en réanimation.

Les mesures sanitaires portent leur fruit ; la vaccination est montée en charge conformément à nos objectifs. Un demi-million de Français ont reçu une dose hier ; 22 millions sont totalement vaccinés.

Nous avons toujours répondu très finement à la situation sanitaire.

Oui, certains variants plus contagieux arrivent dans notre pays. Nous tentons de les circonscrire au cas par cas. Dans les Landes, nous augmentons le nombre de doses, le « aller vers », le contact tracing, et nous prendrons des mesures de freinage en tant que de besoin.

S'ajoute à cela le pass sanitaire.

Voilà l'action de l'État. Mais c'est le civisme qui importe plus que tout. Je rappelle que les vaccins disponibles, avec une couverture complète, protègent à 90 % des formes graves. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Catherine Procaccia.  - Vous n'annoncez rien de nouveau... Que faire de plus alors qu'une nouvelle vague menace ? Comme des urgentistes le signalent, il ne faut pas attendre l'automne pour vacciner les soignants. Est-ce que seuls les non-vaccinés seront confinés ? Les Français sont inquiets : nous attendons des réponses rapides et de l'anticipation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Reconnaissance de vaccins administrés à l'étranger

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les Français de l'étranger ont été incités à se faire vacciner dans le pays de résidence. Mais le Spoutnik et le Sinovac ne sont pas reconnus par la France - alors qu'ils peuvent être financés à travers le mécanisme Covax, soutenu par la France.

Nos compatriotes qui rentrent sont soumis à quarantaine ou isolement.

De plus, certains vaccins peuvent être reconnus pour le passage des frontières, mais pas pour se rendre dans des rassemblements. Cela n'est pas acceptable. À ce jour, aucune stratégie globale n'a été fixée. Ces sujets sont essentiels également pour les touristes.

Quand cesseront l'hypocrisie et l'incohérence ? On soutient Covax sans reconnaître certains vaccins qu'elle finance !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - La solidarité vaccinale est un impératif moral et le seul moyen de mettre fin à la pandémie.

Dès le mois de décembre, des travaux ont été lancés et les premières doses ont été envoyées en Inde et à Madagascar en mai. Ces envois concernent à présent cinquante pays. Ce sont des opérations lourdes, avec l'accord des pays en question. Nous allons chercher à élargir la liste de ces pays et à inscrire la démarche dans le temps long.

Les Français de l'étranger peuvent se faire vacciner gratuitement sur le territoire national. Ceux de nos concitoyens qui reviennent de pays de la zone rouge sont soumis à la quarantaine et non à l'isolement, ils peuvent se déplacer quelques heures par jour.

La Commission européenne adapte sa stratégie face aux évolutions de l'épidémie ; la France est moteur de cette coordination au niveau européen.

Retraites des agents généraux d'assurance

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les agents généraux d'assurance sont inquiets. Leur retraite est financée par cofinancements. L'agent cotise sur son chiffre d'affaires, quel que soit son bénéfice. Les compagnies d'assurance entendent se désengager du financement de leurs retraites, ce qui est incompréhensible. Il faudrait alors augmenter les cotisations des actifs de 58 %, ou diminuer les droits des retraités de 33 %, sauf à provoquer l'épuisement de la Caisse dans les deux ans.

Quand comptez-vous intervenir pour rétablir les cotisations des compagnies ?

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Je vous adresse mes félicitations pour votre réélection comme conseiller départemental de l'Orne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 1952, les compagnies prennent en charge une partie des cotisations - environ 90 millions par an, soit un tiers des ressources du régime.

L'accord en vigueur expirera en fin d'année. Les compagnies souhaiteraient effectivement se retirer, ce qui compromettrait l'équilibre du régime, déjà précaire. L'État n'a pas vocation à se substituer à l'une des parties.

Pour autant, le désengagement brutal des compagnies mettrait à mal le régime. L'État sera donc attentif aux négociations en cours. Il sera vigilant pour que l'accord garantisse l'équilibre à long terme du régime, comme le prévoit la réglementation. (M. François Patriat applaudit.)

M. Vincent Segouin.  - Votre réponse est rassurante. Je compte sur vous pour que l'équilibre de la caisse soit préservé !

Renégociation des contrats de rachat de l'électricité photovoltaïque

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les agriculteurs sont inquiets de la révision du tarif de revente de l'électricité photovoltaïque. Le Sénat avait alerté sur la menace pesant sur les exploitations agricoles.

Le 2 juin ont été fixés les nouveaux tarifs. Alors que le Gouvernement annonçait une baisse de 55 % en moyenne, elle peut atteindre 95 %. Le Conseil constitutionnel avait pourtant demandé une évolution soutenable pour les agriculteurs.

L'État manquerait-il à sa parole ? C'est une double peine pour les agriculteurs, fondée sur une logique déconnectée du terrain et de l'activité économique. Avec un prix de vente divisé par dix, comment rembourser les emprunts et assurer la rentabilité de l'installation ?

Que compte faire le Gouvernement pour soutenir les agriculteurs engagés de bonne foi pour l'environnement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Nous entendons cette inquiétude. Ne sont concernés, je le précise, que 1 000 contrats sur 500 000. Ces 1 000 contrats bénéficient d'une surrentabilité ; les installations correspondantes sont déjà amorties. Si nous n'intervenons pas, elles coûteront 10 milliards d'euros de plus aux contribuables d'ici 2030.

Nous avons entendu tous les acteurs pour finaliser les textes réglementaires. Nous sommes vigilants, en particulier sur les zones non interconnectées, et nous prévoyons une clause de sauvegarde qui permet aux agriculteurs de demander à la Commission de régulation de l'énergie une analyse individuelle.

La révision s'applique uniquement aux installations d'une puissance supérieure à 250 kilowattheures, soit plus de 3 000 mètres carrés de panneaux solaires.

Cela ne remet pas en cause le soutien du Gouvernement aux énergies renouvelables (ENR) : 110 milliards d'euros engagés sur les vingt ans, augmentation de 25 % du soutien aux ENR, nouveaux appels d'offres pour 10 gigawattheures sur les cinq prochaines années. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Catherine Belrhiti.  - Le Sénat a lancé une mission flash sur le sujet. Son rapport sera clair et objectif, contrairement à votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)