Don de chèques-vacances au personnel sanitaire et médico-social (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de Covid-19.

Discussion générale

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Cette proposition de loi du député Christophe Blanchet, adoptée par l'Assemblée nationale le 2 juin dernier, a pour objet d'offrir des chèques-vacances aux soignants. Elle lève à cet effet les obstacles juridiques.

Elle n'a nullement vocation à se substituer aux politiques publiques qui doivent répondre, dans la durée, aux difficultés structurelles du secteur sanitaire. Des annonces ont été faites par Olivier Véran : versement de primes pour les soignants, mesures financières pour l'hôpital, dispositifs de prise en charge de la dépendance. Le Ségur de la santé qui réunit trois cents acteurs de la santé a pour vocation, en réponse à l'engagement du président de la République, de transformer les métiers et de revaloriser les carrières, d'investir massivement dans l'hôpital, de simplifier l'organisation au quotidien des équipes et de fédérer les acteurs de la santé dans les territoires. Les conclusions sont attendues fin juillet, pour tirer les leçons de l'épreuve, faire le lien avec Ma Santé 2022 et bâtir les fondements d'un système de santé plus moderne, plus résilient, à l'écoute des professionnels et des territoires.

Par ailleurs, les entreprises du tourisme bénéficieront d'un plan de soutien de 18 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros d'aides directes ; elles pourront recourir au chômage partiel à 100 % jusqu'en septembre 2020 et bénéficier du fonds de solidarité jusqu'en décembre 2020.

Ces deux politiques publiques - santé et tourisme - sont au coeur de votre travail de terrain. Elles feront l'objet de débats dans le PLFR 3, qu'il ne s'agit pas ici d'anticiper.

La proposition de loi permet simplement de répondre à l'élan de solidarité qui a traversé le pays, incarnant la vitalité de notre lien social. Traduisant une demande de nombreux concitoyens désireux de témoigner leur reconnaissance aux soignants, des parlementaires ont proposé de leur offrir des jours de repos sous la forme de chèques-vacances. Votre commission a souhaité matérialiser ce don sous la forme d'une retenue par l'employeur des sommes correspondant à la rémunération nette du salarié, versées à l'Agence nationale des chèques-vacances (ANCV). C'est une possibilité que nous souhaitons ouvrir dans le cadre du dialogue entre l'employeur et le salarié, sachant que le don en numéraire reste possible.

Le dispositif est expérimental, limité dans le temps, comme l'a utilement précisé votre commission. Le Gouvernement y est favorable, sous réserve de quelques précisions.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Le Sénat travaille depuis plusieurs semaines dans des conditions rendues difficiles par la profusion de textes à examiner en urgence, voire dans la précipitation.

Je sais votre ministère très mobilisé dans un contexte de forte hausse du chômage. Signe de l'importance qu'il accorde à ce texte, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. J'ai donc été surprise de la portée modeste d'un texte qui permet aux salariés qui le souhaitent de renoncer à des jours de congé non pris dont la valeur serait versée aux soignants sous forme de chèques-vacances, afin d'allier geste de reconnaissance et soutien au secteur touristique.

L'idée paraît généreuse et intéressante mais soulève plusieurs questions. La liste des bénéficiaires et les modalités de répartition sont renvoyées à un décret et le dispositif n'est pas borné dans le temps.

Certains salariés n'ont pas de RTT ou de jours de repos conventionnels - d'autant que les employeurs ont pu leur imposer de prendre leurs congés pendant le confinement. En outre, le mécanisme de monétisation fait peser le coût de la solidarité autant sur l'employeur que sur le salarié, notamment dans le secteur public, où les congés ne sont pas provisionnés. Tous les employeurs ne pourront hélas pas décaisser les sommes correspondant au souhait de solidarité de leurs salariés.

Si les soignants ont rempli leur rôle avec abnégation pendant le pic de l'épidémie, d'autres travailleurs - caissières, pompiers, forces de l'ordre - ont également été en première ligne, tandis que d'autres auraient aimé pouvoir travailler. Allouer des chèques-vacances pour quelques dizaines d'euros aux seuls soignants dans ce contexte peut donc sembler dérisoire.

Les soignants dénoncent d'ailleurs dans ce texte l'expression d'une charité maladroite, en décalage avec leurs attentes.

Le Sénat toutefois ne pouvait le rejeter sans tenter de l'amender. La commission a donc réécrit le dispositif qui passe d'un don, largement fictif, de jours de repos, à un don concret d'une partie de rémunération. Il s'appuie sur l'ANCV, les sommes correspondantes étant versées sur un compte dédié qui pourra également être alimenté par des dons volontaires. L'ANCV versera les sommes collectées aux établissements, désignés par arrêté, au prorata de leur masse salariale ; les personnels concernés devront avoir travaillé pendant la période de confinement et percevoir une rémunération inférieure à trois SMIC.

Nous avons également borné le dispositif dans le temps en retenant la date du 31 août 2020, ce qui suppose une application sans délai. J'ai une pensée pour les services de l'État auxquels il reviendra d'élaborer les décrets dans l'urgence, alors qu'ils ont par ailleurs tant à faire.

Mme Annick Billon.  - Très bien.

Mme Claudine Kauffmann .  - Si j'ai toujours exprimé mon soutien aux soignants engagés dans la lutte contre la pandémie, je m'interroge sur l'intérêt de ce texte. Certes, l'initiative est sympathique, tout comme l'idée de leur remettre une médaille. Reste que le Covid-19 aura mis en lumière le dénuement de nos services de santé et leurs conditions de travail impossibles. Notre pays, sixième puissance mondiale, a été dépassé par une pandémie qui a révélé sa totale impréparation.

La désertification médicale n'est que la partie émergée de la déliquescence de notre système de santé et de notre dépendance en matière de médecine : manque de personnels, de lits, de respirateurs, de masques, de médicaments - dont 80 % sont fabriqués en Inde ou en Chine ! La France a sacrifié son indépendance sanitaire sur l'autel du profit de quelques industriels.

Une aide-soignante ayant dix ans d'ancienneté touche 1 300 euros par mois, primes incluses - une rémunération indigne ! Ce débat sur le don de chèques-vacances n'est qu'un moyen de détourner l'attention. Nos compatriotes ne sont pas dupes. La santé doit primer sur toute considération financière.

Je soutiendrai néanmoins ce texte. (MM. Bernard Jomier et Martin Lévrier s'en étonnent.) Ce sont les soignants qui ont été en première ligne face à la pandémie, non des laboratoires avides de bénéfices.

On peut résumer la situation de notre système de santé par ce mot de Montaigne : « le profit de l'un est le dommage de l'autre ».

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Je suis scandalisée par cette proposition de loi décalée, injuste et indécente, qui insinue que les salariés qui ne donneraient pas leurs jours de congé n'ont pas de coeur. C'est toujours aux mêmes que sont demandés les sacrifices. L'idée de prendre dans la poche des riches ne vous a même pas effleurés ! (M. Martin Lévrier s'amuse.)

Nous avons tous applaudi les soignants à 20 heures pour leur engagement alors qu'ils manquaient cruellement de moyens. Avec cette proposition de loi, vous prenez dans la poche des salariés, dont vous réduisez les congés.

Dans mon territoire déjà sacrifié, les licenciements se multiplient - hier encore, je rencontrais les 69 salariés de Huchin, à Calais. Alors que le chômage explose, PSA Hordain fait venir 531 travailleurs polonais, moins chers que les intérimaires de l'usine. Et ce alors que PSA touche des aides de l'État et bénéficie du chômage partiel !

Comment ne pas comprendre la colère des Français ? Le virus devient prétexte à des réformes libérales et à une remise en cause du droit du travail.

La proposition de loi initiale ouvrait la porte à la monétisation des jours de congés. La droite sénatoriale va encore plus loin : c'est maintenant une fraction de la rémunération qui est transformée en chèques-vacances. Demain, les patrons proposeront-ils de remplacer des jours de congés par une augmentation de salaire correspondante, au détriment de la santé de leurs salariés ?

Primes à géométrie variable, médailles, défilé sur les Champs-Élysées : les soignants ne sont pas dupes. Ils ne veulent pas davantage de cette proposition de loi. Les syndicats d'infirmiers l'ont rappelé, ils ne font pas l'aumône. Le Gouvernement cherche à repousser le moment de la revalorisation salariale des soignants, et les salariés n'ont pas à se substituer à l'État ! Ce dernier doit recruter pour permettre aux soignants de prendre quelque repos après la crise.

La monétisation des jours de repos se fera sous forme de chèques-vacances car les personnels soignants n'arrivent pas même à prendre leurs jours de repos. L'État doit embaucher des soignants et améliorer leur rémunération. Voilà ce que réclament les manifestants, aux côtés desquels nous étions ce matin.

Notre groupe ne votera pas ce texte, même réécrit. Son seul but est de faire oublier la gestion calamiteuse de la crise par le Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot .  - Le don de jours de repos existe depuis la loi du 9 mai 2014 pour les parents d'enfant gravement malade, et a été élargi en 2018 aux proches aidants. C'est un geste de solidarité individuelle qui repose sur le volontariat et l'anonymat.

Dans le contexte actuel, il est proposé d'étendre cette possibilité au bénéfice du personnel soignant. De nombreuses objections ont été soulevées en commission, nous les comprenons. Chacun peut faire preuve de solidarité. De fait, de nombreux CHU ont reçu des dons pour acheter du matériel, tandis que des initiatives comme « le repos des héros » ont vu le jour.

La proposition de loi est complémentaire. Elle apporte une base juridique à l'organisation de la solidarité à l'échelle de l'entreprise. Ce geste symbolique ne répond pas au problème de la reconnaissance du métier de soignant, des conditions de travail, de la formation ou des évolutions de carrière, sujets qui seront abordés dans le cadre du Ségur.

La proposition de loi ne fait qu'accompagner les mesures que le Gouvernement s'est engagé à prendre. Il est vrai que le dispositif est complexe pour les employeurs et limité à certains salariés.

Nous soutenons l'effort de réécriture par la commission des affaires sociales, qui simplifie le système. Les soignants ne sont pas seuls à mériter un tel effort de solidarité ; des caissières aux éboueurs, chacun mérite reconnaissance.

Il ne s'agit pas d'enlever à l'État son rôle d'armature des solidarités, selon l'expression d'Alain Supiot. Les entreprises ont été durement touchées par la crise. Il n'est pas question de faire porter au monde économique le poids des dommages et intérêts.

La proposition de loi n'apporte pas la réponse attendue par les acteurs de la santé, dont les aspirations sont bien plus profondes. Elle ajoute néanmoins une pierre à l'édifice : nous la voterons.

Mme Jocelyne Guidez .  - Urgentistes, généralistes, internes, infirmiers, aides à domicile ont été en première ligne face à un ennemi invisible et redoutable. Malgré le manque de matériel, ils ont été présents, dans l'urgence, tenant leur poste avec dignité, avec la ferme ambition d'en finir avec le virus.

Les visages de ces héros resteront gravés dans le marbre de notre République. Sur les vitrines de nos commerces, dans la lumière des gyrophares aux abords des hôpitaux, un élan de solidarité s'est manifesté. Tout un pays a tenu à manifester avec émotion sa reconnaissance pour leur détermination vitale. Les moments de joie n'effaceront pas le courage de ceux qui ont payé de leur vie leur dévouement au service d'une grande cause. Leur héroïsme nous rappelle que la vie, si belle soit-elle, reste fragile. J'adresse nos pensées émues à leurs familles.

L'esprit d'unité de ces derniers mois ne me surprend pas. C'est celui de la France de l'engagement, de la persévérance, de la résistance à toute épreuve. La République ne pourrait tenir debout sans cette cohésion nationale face aux tempêtes.

Désormais, nous devons permettre à cette solidarité de s'exprimer sous une autre forme. Je remercie le député Christophe Blanchet et salue le rapport de Frédérique Puissat. Les modifications qu'elle propose étaient nécessaires, notamment la réécriture de l'article premier. Les salariés pourront renoncer à leur rémunération nette au titre d'une ou plusieurs journées de travail ; un abondement complémentaire de l'employeur sera également possible. En effet, la monétisation de jours de RTT ou de jours de repos conventionnels posait problème. Désormais tout salarié ou agent public pourra donner.

Reste la délicate question des bénéficiaires. Il est prévu que les chèques-vacances soient répartis entre les établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d'aide et d'accompagnement à domicile, au prorata de leur masse salariale, sous conditions de ressources, aux personnels qui ont travaillé pendant le confinement.

Je me réjouis que les aides à domicile n'aient pas été oubliés, ni les internes en médecine - au contraire des aidants familiaux, qui ont pourtant assumé un rôle essentiel, souvent sans matériel de protection, au prix d'un épuisement physique et moral. Il aurait été normal et juste qu'ils soient éligibles : c'est l'objet de mon amendement.

La même question se pose pour les caissières, les éboueurs, ou ceux qui vont perdre leur emploi... Ce fonds risque de ne pas être suffisant, même s'il peut être alimenté par des dons volontaires.

Enfin, comme la médaille tant décriée, ce texte ne suscite pas une adhésion unanime du personnel soignant, qui ne fait pas la manche !

Veillons à ce que cette mesure louable ne crée pas de frustration chez ceux qui ne peuvent faire un don, faute de moyens.

D'autres mesures sont attendues dans le cadre du Ségur de la santé, notamment sur la rémunération des soignants.

Le groupe centriste soutient l'esprit du texte mais s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Bernard Jomier .  - Je veux dire mon trouble à la lecture de cette proposition de loi. Sur la forme, le texte n'était ni abouti ni applicable en l'état et je salue le travail de la rapporteure, qui a dû remplacer le don de jours de repos par un don d'une partie de rémunération.

Passons sur le message sous-jacent, qui laissait entendre que les Français auraient trop de vacances, voire que le confinement revenait à des jours de repos - alors que les salariés ont parfois été obligés de poser des jours de congé.

La création d'un fonds pouvant être abondé par des dons est une avancée, mais dont la portée est limitée, faute d'incitation fiscale. La limitation dans le temps en est une autre.

Reste de nombreux écueils, à commencer par la question des bénéficiaires, qui gêne profondément.

Dans le train de six heures du matin, il y avait aussi les caissières, livreurs, les éboueurs, les agents du service public. En s'opposant à ce dispositif, les soignants refusent de fragmenter un peu plus notre société.

Les sommes à redistribuer risquent d'être assez faibles. La procédure accélérée mobilisera l'administration pour publier des décrets rapidement. Or nous avons de sérieux doutes sur l'opérabilité du dispositif dans un contexte de crise sociale où plus d'un tiers des salariés sont encore au chômage partiel. M. Darmanin annonçait hier que l'indemnisation passerait de 70 % à 60 %. (Mme le ministre le conteste.) Il a été démenti depuis, soit. Le Gouvernement a-t-il le sens des priorités ?

Ce texte génère aussi un malaise sur le fond. Le 2 juin dernier, son auteur reconnaissait qu'il n'avait pas vocation à répondre aux attentes du personnel soignant. Quel aveu !

Alors que le Ségur de la santé s'est ouvert le 25 mai et que des milliers de manifestants sont devant le ministère de la Santé pour exiger des réformes structurantes, de nombreuses questions sont encore en attente : sur le versement des primes exceptionnelles pour les aides à domicile, la revalorisation des salaires, les praticiens étrangers à diplômes hors Union européenne, en particulier ceux qui ont affronté le Covid dans les Ehpad...

Le Premier ministre a refusé d'inclure la question cruciale de la gouvernance et de la place des soignants et des élus locaux dans la refonte du processus décisionnel de l'hôpital.

Sourds aux revendications légitimes des professionnels, vous invoquez la solidarité et la générosité, en déshabillant l'un pour habiller l'autre : les salariés paieront les chèques vacances des soignants.

Vous travestissez l'impuissance de l'État mais démonétisez en réalité le principe de solidarité nationale.

Les cagnottes se sont multipliées pendant la crise. Bruno Le Maire a demandé aux actionnaires de ne pas être trop gourmands, tandis que le Gouvernement lançait un appel aux dons. En écho, les manifestants lui répondent que cette proposition de loi n'est pas recevable.

Les Français attendent autre chose que des médailles ou des lois « autorisant à se montrer solidaires ». Ils préféreraient une rémunération correcte des soignants ! Mais vous fermez la porte à toute hausse de la fiscalité sur les plus fortunés et faites peser le remboursement des 136 milliards de dette publique sur les cotisations sociales des Français.

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Véronique Guillotin .  - Nous voici de nouveau ici pour débattre d'une proposition de loi qui ne fait pas l'unanimité.

Pourtant, les problématiques et les solutions sont bien identifiées et partagées par la plupart d'entre nous. Impossible de les ignorer alors que les manifestations de soignants et les auditions que je mène sur les territoires font émerger les mêmes revendications.

Cette proposition de loi est en décalage par rapport aux demandes des soignants. Pourquoi débattre de ce texte alors que le Ségur devrait aboutir à des mesures structurantes ?

Cette proposition de loi a un sens économique : les bénéficiaires des dons de chèques-vacances participeront à la relance du secteur touristique, durement touché par la crise. Ce n'est bien sûr pas l'objectif premier de ce texte qui veut apporter au personnel du sanitaire et du médico-social la preuve de la reconnaissance de la Nation.

Nous espérons que la question du salaire sera traitée par le Ségur, mais aussi celle des recrutements et de la réorganisation du système de santé.

Les aides à domicile pourraient y voir une prime bienvenue, alors que celle négociée entre l'État et les départements tarde à venir. Mais même pour ces métiers précaires et dévalorisés, qui ont été en première ligne pendant la crise, la temporalité et le niveau de la mesure pourraient apparaître en décalage avec les réformes attendues.

Cette proposition de loi présente d'autres faiblesses. Alors que d'autres salariés continuent à travailler face au virus, comme ceux de la grande distribution et du secteur du nettoyage, pourquoi en limiter le bénéfice aux personnels soignants ?

Néanmoins, élargir l'assiette des bénéficiaires reviendrait à saupoudrer l'enveloppe disponible, dont nous ne connaissons pas le montant à l'avance. Sur ce point il ne semble pas y avoir de bonne réponse, ce qui démontre le caractère inabouti de la proposition de loi.

Des doutes subsistent sur la volonté des salariés à renoncer à une journée de salaire quand beaucoup ont déjà perdu une partie de leur rémunération.

Frédérique Puissat a néanmoins amélioré le dispositif tout en évitant d'alourdir les charges des entreprises. Je crains que le coût d'administration de ce dispositif soit disproportionné par rapport aux sommes collectées.

Ce texte est une marque d'attention, de reconnaissance et de solidarité adressée au monde médical et médico-social. Mais ces personnels attendent plus, beaucoup plus du Gouvernement. Il faut une réforme structurelle à la hauteur de l'enjeu. Le virus continue de circuler, d'autres suivront, sans compter les canicules.

L'intention est louable mais les personnels méritent mieux. Ils attendent que l'État investisse dans ce secteur d'avenir, qu'il recrute et qu'il place les soignants au coeur des dispositifs décisionnel et organisationnel.

Ce n'est qu'en complément de ces mesures structurantes, à l'issue du Ségur de la santé, que la majorité de notre groupe sera favorable à cette proposition de loi.

Les attentes sont fortes dans les territoires. Les médailles et les chèques-vacances ne suffisent pas. Il faut des réformes en profondeur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Martin Lévrier .  - Au cours de ces derniers mois, les Français ont inventé de nouvelles solidarités pour soutenir les personnels soignants sous pression face à l'épidémie. Ces manifestations de sympathie leur sont allées droit au coeur. Les personnels des secteurs sanitaire et médico-social, des hôpitaux, des Ehpad, des services d'aide à domicile, ont multiplié les heures de travail.

Notre tâche n'est pas de faire des lois d'émotion mais nous ne pouvons rester insensibles aux besoins de ces personnes.

Christophe Bouillon, Maxime Minot, Édouard Courtial ont ainsi déposé des propositions de loi. L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi de Christophe Blanchet afin de faire un geste original envers le personnel soignant en offrant des jours de congés sous forme de chèques-vacances et de permettre aux Français de prouver leur solidarité.

Ce dispositif ne vise pas à se substituer aux réformes structurelles profondes qui sont nécessaires et ont été annoncées. Rappelons les chantiers engagés avant la crise sanitaire avec le plan Ma Santé 2022. Rappelons aussi le versement de primes pour les personnels soignants, les mesures financières pour l'hôpital, la meilleure prise en charge de la dépendance, sans oublier le lancement du Ségur le 25 mai. Les conclusions de cette concertation regroupant 300 acteurs sont attendues pour juillet.

Cette proposition de loi n'est qu'un plus qui permet de lier les Français à ceux qu'ils ont soutenus pendant trois mois.

A l'Assemblée nationale, les députés ont souhaité créer un fonds spécifique géré par l'ANCV pour recueillir les dons des particuliers non-salariés.

Au Sénat, Frédérique Puissat a réécrit l'article premier de la proposition de loi. Sa proposition est intéressante puisqu'il s'agit d'offrir un ou plusieurs jours de travail, et non plus de congés, mais pourquoi la mettre en opposition à la proposition des députés ? C'est pourquoi nous déposerons un amendement pour permettre le don de jours de repos : ainsi, nos concitoyens auront deux possibilités à leur disposition.

Notre deuxième amendement abaisse le plafond de rémunération des bénéficiaires du dispositif à deux SMIC afin d'amplifier la mesure pour celles et ceux qui, en première ligne, en ont le plus besoin.

Nous voterons pour, si notre premier amendement est adopté. Sinon, nous nous abstiendrons.

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le secteur médical et hospitalier a connu une crise majeure qui a mis en lumière ses dysfonctionnements et la nécessité d'une réforme d'ampleur - énième réforme oserai-je dire.

Cette proposition de loi me laisse perplexe et je m'interroge sur son opportunité.

L'idée est généreuse. Durant la crise sanitaire, de nombreux Français ont témoigné leur soutien aux personnels soignants, exposés à la contamination, épuisés par le manque de moyens et par l'ampleur de l'épidémie : applaudissements, mise à disposition de logements, dons. Parmi ces initiatives, l'idée de donner des jours de RTT aux soignants pour se reposer a germé.

Aujourd'hui, il vous est proposé de convertir des jours de repos en chèques-vacances. Il ne s'agit pas d'une demande des soignants qui ont d'autres attentes : un meilleur salaire et de bonnes conditions de travail.

Le don de jours de congés n'est pas une priorité et pourrait apparaître comme une simple opération de communication si l'on se montrait un tant soit peu soupçonneux.

Nous ne sommes pas dans les cas que nous avons connus dans les lois de 2014 et 2018 qui permettaient le don de jours de repos entre salariés d'une même entreprise pour un enfant malade ou un proche aidant. Dans ces textes, le transfert était simple et neutre pour l'employeur.

Le dispositif que nous examinons s'apparente plus à la journée de solidarité avec une sortie de trésorerie vers l'ANCV. Le moment semble peu propice pour peser sur les entreprises ou le secteur public.

L'ANCV percevra-t-elle suffisamment de dons pour que l'opération garde un sens ? Aujourd'hui, les risques s'éloignent et le mouvement sincère de générosité peut s'épuiser. Les bénéficiaires risquent de ne bénéficier, chacun, que de quelques euros. L'absence d'étude d'impact ne permet pas de le savoir.

Cette proposition de loi pose de tels doutes sur son opportunité, sa praticité et son efficacité que nous nous sommes longuement interrogés en commission.

Mais il est difficile de rejeter un texte solidaire. Le Sénat a toujours soutenu ceux en faveur des personnels soignants. Nous ne pouvions néanmoins l'adopter en l'état. D'où les modifications adoptées en commission et je tiens à féliciter notre rapporteur Frédérique Puissat.

La proposition de loi a été totalement réécrite : elle repose désormais sur un don de rémunération plutôt que sur un don de jours de repos. La solidarité est ainsi attachée au salarié plutôt qu'à l'employeur. En outre, nous avons ajouté une limite au 31 août, et nous avons ciblé les personnels ayant travaillé durant le confinement. Si ce texte se révèle in fine peu utile, il témoigne d'une intention généreuse et doit être compris ainsi.

Nous devons maintenant faire face aux vrais enjeux de notre système de santé. Au-delà de la question des rémunérations et des primes, les personnels soignants doivent pouvoir se consacrer pleinement à leurs missions qu'ils exercent tel un sacerdoce. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Édouard Courtial .  - Certains sujets doivent dépasser les clivages partisans. Soutenir nos forces de l'ordre en est un, témoigner notre solidarité aux personnels soignants en est un autre. Souvenez-vous des applaudissements à 20 heures, lorsque le temps s'arrêtait dans une communion nationale pour ces héros qui surmontaient l'adversité avec un courage inouï. Tels des roseaux, ils pliaient mais ne rompaient pas face au vent néfaste du virus qui encore nous menace.

Comment traduire concrètement cette reconnaissance unanime ?

Sénateur de l'Oise comme Olivier Paccaud, je suis particulièrement touché par ce sujet. J'ai déposé dès le 22 mars une proposition de loi pour permettre le don de jours de repos. La possibilité pour les salariés d'offrir un jour de congé en l'état actuel du droit n'est ouverte que dans la même entreprise et pour venir en aide à un proche.

Je préfère cependant la solution des primes qui amélioreront le pouvoir d'achat des soignants, même temporairement.

Ce texte n'a pas pour ambition de répondre à la situation beaucoup plus profonde du mal-être du monde hospitalier et médico-social. Ces personnels réclament, aujourd'hui encore, une amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération. Il faudra plus qu'une prime pour répondre à leurs attentes.

La crise a révélé des insuffisances budgétaires profondes que les quatre plans de santé précédents n'ont pas résolues.

Mon texte était plus qu'un appel et il a été plagié par la majorité qui siège au Palais Bourbon. Je ne suis pas là pour dispenser bons et mauvais points, mais la méthode utilisée par les députés me laisse songeur sur leur déontologie. Ce nouveau monde pourrait s'avérer bien pire que l'ancien s'il revenait à remettre en cause une certaine honnêteté intellectuelle. La pâle copie votée par les députés a été améliorée par notre rapporteur, que je remercie pour son travail constructif.

Flécher les dons vers des chèques-vacances pour aider le tourisme réduit considérablement le périmètre de la proposition de loi. C'est le pouvoir d'achat des soignants qu'améliorerait un dispositif sous forme de primes. Les députés ne l'ont pas compris et je le regrette.

Permettre un abondement par l'employeur et la participation des non-salariés et des personnes morales est souhaitable.

Je suis heureux d'avoir contribué à mettre sur la table cette proposition de loi en faveur des soignants. Ce don, acte gratuit, solidaire et anonyme est un écho à la solidarité dont ils ont fait preuve. Ils ont été pendant la crise les héros de la Nation ; ne les décevons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Guillaume Chevrollier .  - Nous devons exprimer notre gratitude aux soignants qui ont fait preuve d'un dévouement total et d'une grande dignité.

Les salariés participent déjà au financement de notre système de santé à travers les cotisations sociales. Il revient donc à l'État de faire un geste pour les soignants.

Dans un contexte de sous-effectif, offrir des jours de repos aux soignants n'a guère de sens. Les soignants veulent avant tout des embauches, de meilleures conditions de travail, du matériel adéquat, des lits et une revalorisation salariale.

Ce texte de bonne intention n'est pas à la hauteur des enjeux de notre système de santé. Je souhaite que le Ségur aboutisse à des propositions concrètes, qu'il ne soit pas un débat de plus.

M. François Bonhomme .  - Ce texte présente les apparences de la vertu.

L'article premier permet aux salariés de renoncer à leurs jours de congés afin de les monétiser. Après le passage à la commission des affaires sociales, cet article permettra aux salariés qui le souhaiteront de reverser aux soignants le montant correspondant à une ou plusieurs journées de travail.

Cependant, ce dispositif n'est pas demandé par les soignants qui ne sont pas les seuls à s'être dévoués pendant la crise de la Covid. Un texte aussi flou et qui laisse tant l'initiative au pouvoir réglementaire n'est pas adéquat.

Les limites et même une certaine tartufferie de ce texte sont évidentes. Il ne peut tenir lieu de politique publique de santé.

Quant aux médailles, elles sont le symbole de l'incapacité des pouvoirs publics actuels. Le Gouvernement préfère agiter avec ostentation des amulettes devant nos concitoyens plutôt que de venir au secours d'un système hospitalier malade de lui-même.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 1

Après le mot :

travail

insérer les mots :

, ou, à sa demande et en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, dans une limite déterminée par décret, à des jours de repos acquis et non pris, qu'ils aient été affectés ou non sur un compte épargne-temps, en vue de leur monétisation,

M. Martin Lévrier.  - Cet amendement réintroduit la faculté donnée au salarié d'effectuer, en accord avec son employeur, un don de jours de repos afin de lui laisser le choix dans l'expression de sa solidarité.

On pourrait ainsi réconcilier tout le monde en offrant aux salariés le choix entre deux dispositifs.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis défavorable. En réintroduisant la rédaction de l'Assemblée nationale, on complexifie le texte. La commission ne s'oppose pas à ce qu'un salarié puisse monétiser un jour de congé dans les conditions prévues par le droit actuel.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis favorable, en cohérence avec nos premiers propos.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Guidez, M. Détraigne, Mmes Lopez et de la Provôté, MM. Menonville, Pierre, Le Nay et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Gabouty, Canevet et Mouiller, Mme Vermeillet, MM. Laugier et Decool, Mmes Sollogoub et Gatel, M. Vogel, Mme Billon, MM. Cazabonne et Kern, Mme Férat, M. P. Martin, Mme Dindar, MM. Cigolotti et Médevielle, Mme Bonfanti-Dossat, M. Houpert, Mmes N. Delattre et Kauffmann, M. Delcros, Mmes Canayer et F. Gerbaud, MM. Longeot et Fouché et Mme Noël.

I.  -  Alinéa 1

Après le mot :

personnels

insérer les mots :

et des proches aidants

II.  - Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

, et les aidants familiaux mentionnés à l'article L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles à l'exception des bénéficiaires de la prestation mentionnée à l'article L. 245-11 du même code restés confinés dans leur établissement et les proches aidants mentionnés à l'article L. 113-1-3 dudit code à l'exception des bénéficiaires de l'allocation mentionnée au L. 232-8 du même code

III.  -  Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions d'attribution et de distribution des chèques vacances pour les aidants familiaux et les proches aidants mentionnés au premier alinéa du présent II sont fixées par décret.

Mme Jocelyne Guidez.  - Sans l'action précieuse des proches aidants, des millions de Français n'auraient pas pu bénéficier d'accompagnement et d'assistance dans leur quotidien.

De plus, beaucoup ont dû cumuler ce qui semble être un « devoir naturel » avec une activité salariée et ce, dans des conditions sanitaires parfois compliquées.

Sans eux, c'est tout un pan de notre solidarité nationale qui se serait effondrée. Cela n'a pas été sans conséquences sur leur santé physique et morale, notamment lorsque les personnes aidées n'ont pas pu retourner dans leur structure d'accueil en raison des mesures prises dans le cadre du confinement. C'est la raison pour laquelle cet amendement exclut des bénéficiaires les aidants qui ont été séparés de leur proche durant la période de confinement.

Il convient de rendre éligibles à ce dispositif les personnes qui ont été mobilisées pendant le Covid-19 en aidant un proche handicapé ou en perte d'autonomie.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Cet amendement, dont nous avons discuté en commission, a le mérite d'ouvrir le débat sur les proches aidants. Cependant, élargir la liste des bénéficiaires complexifierait le dispositif et compliquerait la tâche de l'ANCV en matière de répartition des fonds.

Retrait, mais je tiens à remercier tous les aidants mobilisés pendant la crise.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis. Retrait ?

Mme Jocelyne Guidez.  - Depuis le début de cette crise, tous mes amendements se sont heurtés à des refus. Surtout, mes chers collègues, que les proches aidants ne redeviennent pas invisibles. (Mme Florence Lassarade applaudit.)

L'amendement n°1 rectifié quater est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ce cas

par les mots :

le cas de la renonciation du salarié à la rémunération au titre d'une ou plusieurs journées de travail

M. Martin Lévrier.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

correspondante

par les mots :

correspondant à cette fraction ou celle correspondant aux jours de repos monétisés

M. Martin Lévrier.  - Défendu.

Les amendements nos4 et 5 sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Savin et Piednoir, Mmes Lavarde et Billon, MM. Charon, Chasseing, Houpert et Laugier, Mme Bruguière, M. Brisson, Mme Richer, M. Menonville, Mme Duranton, MM. Cuypers, J.M. Boyer, Dallier, A. Marc, Théophile et Le Gleut, Mme Férat, M. Dufaut, Mme Gruny, M. Détraigne, Mmes Deromedi et Lamure, MM. Pointereau, Bonhomme et Vaspart, Mmes Ramond et Canayer, MM. Gremillet et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Longeot et Decool, Mmes Noël et Mélot, MM. Lagourgue et Fouché, Mme Kauffmann et MM. Laménie et Sido.

I.  -  Alinéa 8

Après les mots :

de chèques-vacances

insérer les mots :

et de coupons sport

II.  -  Alinéa 9

Après les mots :

des chèques-vacances

insérer les mots :

et des coupons sport

III.  -  Alinéa 10

Après le mot :

chèques-vacances

insérer les mots :

et des coupons sport

IV.  -  Alinéa 11

Après les mots :

de chèques-vacances

insérer les mots :

ou de coupons sport

M. Michel Savin.  - Cet amendement autorise l'ANCV à distribuer aussi des coupons-sport aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de Covid-19.

L'ouverture aux coupons-sport permet d'élargir le bénéfice du dispositif prévu à près de 8 000 organismes supplémentaires tout en promouvant la pratique sportive, qui est essentielle pour le bien-être de chacun.

Un décret s'assurera de la bonne répartition des chèques-vacances et des coupons-sport au regard des besoins.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Pas moins de 84 % des lieux qui acceptent les coupons-sport acceptent aussi les chèques-vacances. Votre amendement est donc quasiment satisfait. Ne complexifions pas davantage le dispositif. Retrait ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis.

M. Michel Savin.  - Madame la rapporteure a raison, mais 84 % ce n'est pas 100 %. Il reste 8 000 structures qui passeront à côté des coupons-sport. Toutefois, pour ne pas mettre en difficulté notre rapporteure, je vais retirer mon amendement car si nous le mettions au vote, il serait adopté. (Sourires)

M. le président.  - Quelle sagesse !

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 10

Remplacer le mot :

triple

par le mot :

double

M. Martin Lévrier.  - Cet amendement priorise le bénéfice de ce dispositif aux personnels et étudiants des secteurs sanitaire et médico-social percevant une rémunération n'excédant le double du Smic, soit 3 500 euros. Le quotidien est revenu et le risque d'une participation assez faible au dispositif n'est pas à écarter.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Je crains les effets de bord. En fin de carrière, la rémunération de certaines infirmières peut dépasser deux smic. Elles seraient alors écartées du dispositif. L'avis est donc défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

L'article premier bis est supprimé.

L'article 2 demeure supprimé.

Explications de vote

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Je regrette que l'on prenne à nouveau dans la poche des salariés les plus modestes, qui ont subi la crise de plein fouet, pour offrir des chèques-vacances aux soignants.

L'État s'est défaussé et n'a pas joué son rôle pendant la crise. Ce serait un crime que de rétablir l'ISF ou de prendre à ceux qui se réfugient dans les paradis fiscaux.

Certaines aides à domicile et assistantes familiales ont dû prendre en charge des patients ou des enfants en situation de handicap sans soutien des familles pendant le temps de la crise.

Les départements sont mis à contribution pour verser les primes à ces personnels alors que les conseils départementaux sont déjà en grande difficulté. Celui du Pas-de-Calais a choisi d'offrir la cantine scolaire durant les trois premiers mois de la rentrée de septembre aux enfants, car la situation économique sera terrible à la rentrée.

La prime ne vaudra que dans certains départements, ce qui accentuera la fracture territoriale.

M. Bernard Jomier .  - Je croyais que l'efficience de la loi prévalait. Ce texte, dont la mise en oeuvre cessera le 31 août, est anecdotique dans la mesure où les sommes récoltées seront très probablement faibles. Nous ne pouvons nous résoudre à légiférer ainsi.

En outre, qu'en est-il du respect du aux possibles récipiendaires du dispositif puisqu'ils n'en veulent pas ? Pourquoi vouloir à tout prix l'adopter ? S'agit-il de communication politique ? Ou bien est-ce la marque d'une coupure avec les soignants, très nombreux à manifester dans les rues aujourd'hui ?

Évitons d'envoyer des signaux qui ne font pas sens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Françoise Laborde .  - Je parlerai en mon nom propre car mon groupe est divisé sur la question.

J'ai beaucoup hésité ; finalement, je voterai pour. On ne va pas interdire de donner à ceux qui le souhaitent. Comme beaucoup ici, je place mes espoirs dans le Ségur de la santé.

Ce texte n'est qu'un cataplasme sur une jambe de bois. On peut offrir du temps, des chèques-vacances, des résidences et même des médailles en chocolat... mais c'est à l'État d'assumer et de prendre ses responsabilités. Mais jamais je n'empêcherai un élan de solidarité.

M. Franck Menonville .  - La proposition est accessoire, certes, mais elle est basée sur le volontariat. Nous voterons pour.

M. Guillaume Gontard .  - Je reviens des manifestations. Le personnel soignant est inquiet mais ne demande nullement un tel dispositif. J'ai vu en revanche des panneaux « Faire l'aumône, on n'en veut pas » face à un dispositif qui suscite un sentiment d'irrespect.

On en arrive à demander à la caissière de donner ses congés à l'infirmier, lequel, via le système Darmanin, va donner au commerçant ? Il faut agir en profondeur ! Hélas, lorsque nous débattons de l'ISF, on nous répond que cela est anecdotique.

Je regrette l'image que nous donnons aux soignants...

À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°121 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 258
Pour l'adoption 169
Contre 89

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance, mercredi 17 juin 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 16 h 10.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication