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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'anciens sénateurs

Accord en CMP

Élection à la Cour de justice de la République

Ouverture du scrutin

Polynésie française (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois

Mme Lana Tetuanui

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Claude Requier

M. François Bonhomme

Cour de justice de la République

Résultat du scrutin

Prestation de serment

Polynésie française (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

Collectivité européenne d'Alsace (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Claude Kern

M. Dany Wattebled

Mme Patricia Schillinger

Mme Éliane Assassi

M. Jacques Bigot

Mme Maryse Carrère

Questions d'actualité

Sécheresse (I)

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Violences urbaines à Limeil-Brévannes

Mme Catherine Procaccia

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Sécheresse (II)

M. Jean-Marie Janssens

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

CHU de Guadeloupe

M. Dominique Théophile

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Limitation de la vitesse à 80 km/h

M. Jean-Claude Requier

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Fermeture des magasins Conforama

M. Pierre Ouzoulias

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Vallourec

M. Patrice Joly

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Situation des prisons

M. Antoine Lefèvre

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Bilan de parcoursup

Mme Françoise Cartron

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Assurance chômage et intermittents du spectacle

Mme Chantal Deseyne

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Français dans les couloirs de la mort

M. Michel Dagbert

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Liberté de la presse

Mme Sylvie Goy-Chavent

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Collectivité européenne d'Alsace (Conclusions de la CMP - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. René Danesi

M. André Reichardt

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 3

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. François Grosdidier

M. Guy-Dominique Kennel

M. Jean-Marie Mizzon

M. André Reichardt

M. Jean-Marc Todeschini

Transformation de la fonction publique (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

M. Dany Wattebled

M. Arnaud de Belenet

M. Pascal Savoldelli

M. Jérôme Durain

Mme Nathalie Delattre

M. Michel Savin

M. Michel Canevet

Mme Agnès Canayer

Vote sur le texte élaboré par la CMP

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Marc Laménie

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Didier Rambaud

M. Pascal Savoldelli

M. Rémi Féraud

M. Éric Jeansannetas

M. Vincent Delahaye

M. Jérôme Bignon

M. Jérôme Bascher

Discussion des articles

ARTICLE 4

M. Dominique de Legge

ARTICLE 8

Annexes

Ordre du jour du mercredi 24 juillet 2019

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 23 juillet 2019

10e séance de la session extraordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Décès d'anciens sénateurs

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Charles Ceccaldi-Raynaud, qui fut sénateur des Hauts-de-Seine de 1995 à 2004, et André Geoffroy, qui fut sénateur du Var de 2002 à 2004.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Élection à la Cour de justice de la République

Ouverture du scrutin

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République.

Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 86 bis du Règlement au scrutin secret pour l'élection à la Cour de justice de la République.

Ce scrutin se déroulera dans la Salle des Conférences et la séance ne sera pas suspendue durant les opérations de vote. Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour être élu. Pour le cas du vote pour un titulaire assorti du nom de son suppléant, la radiation de l'un des deux noms entraîne la nullité du vote pour l'autre. Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je remercie nos collègues Mmes Jacky Deromedi et Patricia Schillinger, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Les juges à la Cour de justice de la République nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.

Je déclare ouvert le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République. Il sera clos dans une demi-heure.

Polynésie française (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la Polynésie française.

Discussion générale

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les dispositions en discussion sont très attendues en Polynésie française, comme je l'ai constaté sur place il y a encore quelques heures. Les Polynésiens fondent beaucoup d'espoir sur la réforme de l'indivision foncière. Je viens d'inaugurer le tribunal foncier de Papeete.

Ces mesures, le Sénat les a déjà adoptées dans la loi du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, mais elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juin 2019 comme étant des cavaliers.

Le député Guillaume Vuilletet, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, a souhaité soumettre à nouveau les dispositions annulées dans un nouveau vecteur dédié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Sauf deux !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire ce texte qui a fait l'objet d'un travail minutieux avec le Gouvernement de Polynésie, les magistrats, notaires, géomètres et généalogistes polynésiens.

La méthode retenue montre que la justice sait s'adapter aux réalités partout sur le territoire. Nous avons inversé la logique qui a longtemps prévalu pour les outre-mer : trop souvent, on a plaqué un modèle unique au lieu d'inventer des solutions adaptées. Il y a eu des progrès mais beaucoup reste à faire pour acquérir le « réflexe outre-mer », cher à Mme Girardin. Notre manière d'aborder la question foncière montre que nous voulons changer de logiciel.

Le rapport de 2016 de la délégation sénatoriale à l'outre-mer fait référence ; il fait le constat d'un état généralisé d'indivision transgénérationnelle, avec parfois une centaine de co-indivisaires. La dispersion des co-indivisaires sur un territoire aussi grand que l'Europe, l'absence fréquente d'adresse précise, le nombre important de contentieux sur le fondement de la prescription acquisitive avec un recours quasi systématique au partage judiciaire et l'absence de représentation obligatoire par un avocat en première instance conduit à des situations inextricables. Appeler tous les héritiers à la succession est impossible.

Je poursuis l'action entamée par Christiane Taubira et Jean-Jacques Urvoas, avec la création d'un tribunal foncier à Papeete, sur le modèle de l'échevinage, dans un bâtiment neuf. C'est une réussite : le stock de dossiers et la durée moyenne de traitement ont diminué, ce qui a apaisé la situation. Les Polynésiens, désormais dotés d'un tribunal dédié, se le sont approprié et le nombre de requêtes a augmenté.

M. Bruno Sido.  - Très bien !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Par ailleurs, le salariat d'avocats dédiés au contentieux fonciers par la Direction des affaires foncières de Polynésie a été consacré dans la loi organique du 5 juillet dernier.

Mais ces moyens devaient être accompagnés de mesures relatives au fond, demande ancienne des élus polynésiens et des magistrats.

Mme Lana Tetuanui avait mis en avant la spécificité polynésienne lors de la discussion de la loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer. Il fallait aller plus loin en Polynésie française, pour répondre à l'impossibilité d'attraire l'ensemble des indivisaires.

L'ampleur des dérogations au droit commun qui étaient sollicitées avait alors appelé des réserves à la Chancellerie. Nous devions trouver un équilibre entre outils pragmatiques et respect des principes fondamentaux : droit de propriété, droits de la défense de l'ensemble des indivisaires, droits des conjoints survivants.

Je m'étais engagée à ce que la Chancellerie se saisisse rapidement de la question. Un groupe de travail a ainsi réuni les directions générales des affaires civiles et du sceau, la Direction générale de l'outre-mer, la Direction des affaires foncières de Polynésie ainsi que des magistrats, avocats, notaires de Papeete. Cette collaboration a été fructueuse.

Ce texte propose ainsi des dispositifs innovants, certains déjà applicables dans les autres outre-mer, d'autres spécifiques à la Polynésie, avec le partage par souche et le droit de retour légal des frères et soeurs. Sur le partage par souche, nous renvoyons le détail à la loi du Pays, preuve de notre volonté d'avancer ensemble avec le gouvernement de la Polynésie.

Avec Édouard Fritch et plusieurs de ses ministres, nous avons passé en revue les nombreuses actions engagées par son gouvernement pour s'attaquer à l'indivision. J'ai été impressionnée par le souci constant de tenir compte des réalités de chaque île.

Ce texte comporte également une disposition relative au contrat de concession d'un aérodrome relevant de la compétence de l'État en Polynésie française, elle aussi censurée par le Conseil constitutionnel.

La réactivité du député Vuilletet et votre engagement sur le sujet nous laissent espérer un vote conforme et une entrée en vigueur rapide, moins d'un mois après la décision du Conseil constitutionnel. Des îles Marquises aux Australes en passant par les îles de la Société et les Tuamotu-Gambier, on attend ce texte.

Cette rapidité a conduit à laisser de côté deux dispositions également censurées, mais nous y reviendrons à la rentrée.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Conseil constitutionnel dira à nouveau que c'est hors-sujet !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement y sera attentif, comme il l'est toujours à l'égard de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi a été déposée le 1er juillet par le député Vuilletet réagissant à la censure d'office prononcée par le Conseil constitutionnel le 27 juin 2019, sur le fondement de l'article 45 de la Constitution.

Mais seuls six des huit articles censurés ont été repris dans la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Ont été laissés de côté les articles relatifs aux crématoriums - la crémation est juridiquement impossible en Polynésie - et à la dépénalisation du stationnement payant, qui empiète sur une compétence locale.

Ces deux sujets méritaient d'être repris dans le texte initial. Mais passé le dépôt du texte, ils se heurtaient aux règles de recevabilité de l'article 45.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Telles qu'interprétées...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Nous regrettons que rapidité ait primé sur l'exhaustivité. (M. Jean-Pierre Sueur renchérit.) Il faudra trouver une solution rapidement, dans le projet de loi Engagement et proximité prévu à la rentrée ou via une nouvelle proposition de loi.

Les dispositions relatives aux indivisions successorales s'inspirent pour l'essentiel du rapport de la délégation aux outre-mer de 2016 sur la sécurisation des titres fonciers.

L'article premier adapte aux spécificités polynésiennes, en particulier l'ancienneté des successions, la condition de résidence exigée.

L'article 2 prévoit une dérogation pour le retour à la famille du défunt sans descendants des biens immobiliers qu'il détenait en indivision avec celle-ci.

L'article 3 empêche la remise en cause d'un partage judiciaire par un héritier omis.

L'article 4 prévoit un dispositif dérogatoire et temporaire, jusqu'au 31 décembre 2028, favorisant les sorties d'indivision.

L'article 5 institue une expérimentation, jusqu'au 31 décembre 2028, du partage par souche tel qu'il est opéré par la cour d'appel de Papeete, en interprétant de manière extensive la notion de représentation.

Enfin, l'article 6 précise le cadre juridique dans lequel l'État peut concéder l'exploitation d'un aérodrome qui relève de sa compétence en Polynésie française.

Ces articles reprennent à l'identique le texte élaboré par la CMP le 7 mai 2019, la seule modification étant une simplification du titre.

Afin de permettre une entrée en vigueur rapide, je vous propose une adoption sans modification de ce texte malheureusement incomplet. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

Mme Lana Tetuanui .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ; M. Bernard Lalande applaudit également.) Après vingt heures d'avion, madame la ministre, je vous souhaite un bon décalage horaire ! (Rires)

Nous avons déjà voté ces dispositions, il est donc inutile d'y revenir.

Je salue le député Vuilletet qui a pris l'initiative de cette proposition de loi après la censure par le Conseil constitutionnel.

J'ai relevé le déclassement en loi ordinaire de la disposition, hautement symbolique, portant sur la contribution des Polynésiens à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et à la défense de la Nation. C'était hélas prévisible à la lecture de l'avis du Conseil d'État du 29 novembre 2018. L'article 74 de la Constitution ne nous permet pas de lui conférer de valeur organique, dont acte. Lors d'une prochaine révision constitutionnelle, il m'appartiendra donc de réclamer sa modification pour intégrer cette reconnaissance particulière de l'État à l'égard de la Polynésie française et sanctuariser la dette nucléaire.

Comptez sur moi, le moment venu !

Avec la censure de nombreux articles, je découvre une jurisprudence sévère du Conseil constitutionnel et, partant, un droit d'amendement très limité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

Mme Lana Tetuanui.  - Néanmoins le Gouvernement central s'est aussitôt engagé à reprendre les dispositions censurées. Les articles sur l'indivision, reprenant les préconisations du rapport de la délégation sénatoriale à l'outre-mer de 2016, répondent parfaitement à la pratique polynésienne, avec un dispositif d'attribution préférentielle, un retour à la famille du défunt des biens immobiliers qu'il détenait en indivision, des droits spécifiques de l'héritier omis, et un partage possible par souche.

Madame la garde des sceaux, vous avez confirmé ces adaptations sur place la semaine dernière, et je vous en remercie.

Le dernier article de la proposition de loi porte sur l'exploitation de l'aéroport de Tahiti-Faa'a. Je comprends l'urgence à légiférer mais je regrette que les articles sur la crémation et le stationnement aient été écartés. J'ai renoncé à déposer de nouveaux amendements de peur d'une nouvelle censure ; nos collègues du groupe socialiste ont osé.

Je remercie le rapporteur, devenu expert des spécificités polynésiennes. Le groupe UC votera à l'unanimité cette proposition de loi. (Applaudissements)

Le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République est clos.

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Ce texte vise à rétablir rapidement des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte initial. Le dépôt de cette proposition de loi, dans la foulée, est à saluer mais je regrette que seulement six articles sur les huit censurés aient été repris. Les dispositions relatives à la crémation et à la dépénalisation du stationnement payant ont été laissées de côté. Sur le premier point, il est regrettable que les familles des défunts n'aient d'autre choix que de se rendre en Nouvelle-Zélande.

Les dispositions sur l'indivision successorale s'inspirent largement du rapport de la délégation sénatoriale à l'outre-mer sur le sujet. C'est heureux car la question est particulièrement complexe en Polynésie française où les indivisaires, après quatre ou cinq générations, peuvent être une centaine.

La proposition de loi inclut également un article fixant le cadre juridique de l'exploitation de l'aérodrome.

Les élus polynésiens ne souhaitent pas que l'adoption de cette proposition de loi soit retardée, car ces dispositions sont attendues de longue date. Aussi, le groupe Les Indépendants, tout en regrettant l'absence des deux articles évoqués, votera-t-il cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Lors de l'examen du dernier texte sur la Polynésie française, le groupe LaREM avait déposé des amendements identiques à ceux de Mme Tetuanui et M. Laurey sur le droit des successions. Issus du rapport que j'ai signé avec M. Laufoaulu, ils visaient à faciliter la sortie de l'indivision qui stérilise une grande partie du foncier disponible, pourtant déjà rare.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions au titre de l'article 45 de la Constitution, sur la forme donc et non sur le fond. Elles prévoyaient notamment l'attribution préférentielle du bien à un héritier qui l'a occupé de façon continue, paisible et publique pendant dix années ; un droit de retour légal des frères et soeurs pour les biens en indivision ; la possibilité d'un partage par souche.

Dans sa décision du 27 juin 2019, le Conseil constitutionnel a également censuré une disposition, introduite par le Gouvernement au Sénat, permettant d'encadrer la concession d'aéroports polynésiens. Le présent texte remédie à ce contretemps. Le groupe LaREM le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi .  - Cette proposition de loi reprend des dispositions déjà votées lors de l'examen des projets de loi sur la Polynésie française en avril dernier, adoptés au Sénat à l'unanimité. La censure du Conseil constitutionnel nous amène à y revenir, mais il est de notre devoir de légiférer régulièrement sur les outre-mer, délaissés par le Gouvernement.

Madame la garde des sceaux, vous avez inauguré la semaine dernière le tribunal foncier de Papeete.

L'indivision est liée à l'histoire et à la culture polynésienne, attachée à la terre des ancêtres.

C'est aussi une conséquence de la période coloniale : marqués dans leur chair, les Polynésiens redoutent toujours de perdre leurs terres.

La moitié des terres polynésiennes seraient en situation d'indivision, avec un droit de propriété exercé à plusieurs en attente d'un partage rendu complexe par le fort recours à la justice, qui engorge les tribunaux et freine le développement économique et la fiscalité locale.

Le groupe CRCE approuve l'adaptation du droit commun aux spécificités de la Polynésie française. Il ne suffit pas de créer un tribunal foncier, il faut aussi donner les moyens aux juges polynésiens de résoudre les situations locales. Il s'agit aussi de reconnaître la jurisprudence de la cour d'appel de Papeete jusqu'à présent rejetée par la Cour de cassation.

L'article sur la concession aéroportuaire devrait pour sa part inciter à relancer l'appel d'offres pour l'aéroport de Tahiti-Faa'a.

Tout en respectant l'indépendance du pouvoir politique polynésien, nous souhaitons encourager le Gouvernement et le Parlement à légiférer plus régulièrement sur l'outre-mer.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Comme vous avez raison.

Mme Éliane Assassi.  - Il faut toutefois évaluer l'efficacité et l'impact sur les réalités locales et rester à l'écoute des ultramarins, qui doivent être associés.

Le groupe CRCE votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et RDSE.)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Bravo !

M. Jean-Pierre Sueur .  - Nous sommes tous d'accord pour voter de tout coeur les dispositions sur l'indivision successorale et l'aérodrome de Tahiti-Faa'a.

Des questions de procédure se posent. Le Sénat a voté le projet de loi sur la Polynésie française, tout comme l'Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel, saisi par le Gouvernement, juge plusieurs articles non conformes à l'article 45 de la Constitution. J'ai été plus de dix ans député, puis sénateur, sans jamais entendre parler d'irrecevabilité au titre de cet article.

M. Loïc Hervé.  - C'était le bon vieux temps !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Au bon vieux temps, nous produisions pourtant des lois d'un moindre volume, preuve que l'application zélée de l'article 45 n'est aucunement de nature à juguler la production législative...

Madame Tetuanui, je comprends que vous souhaitiez un vote conforme et nous voterons cette proposition de loi. Toutefois, en votant ce texte conforme, puisqu'il compte six articles au lieu de huit à cause de la précipitation des députés, le Sénat s'autocensure.

Relisons l'article 45 de la Constitution ; tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il existe un lien « même indirect » avec le projet de loi initial. N'est-ce pas le cas ? La pratique tout à fait excessive du recours à l'article 45 aboutit à porter atteinte à notre droit fondamental d'amendement.

M. André Reichardt.  - Ce ne sera pas la première fois.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les dispositions sur la crémation avaient pourtant été votées à l'unanimité par le Sénat et l'Assemblée nationale. Pourquoi les écarter ? C'est bizarre, étrange, absurde. Pourquoi la crémation serait-elle autorisée partout sauf en Polynésie française ? Pourquoi les familles des défunts doivent-elles payer un avion pour aller jusqu'en Nouvelle-Zélande ?

Il faut une réflexion sur l'article 45. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ainsi que sur certains bancs du groupe UC)

M. Jean-Claude Requier .  - Cette proposition de loi, qui reprend des dispositions qualifiées de cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel, s'éloigne de l'image de carte postale que nous avons de la Polynésie française. Mieux vaudrait examiner un texte global plutôt que de légiférer au coup par coup, au gré des décisions du Conseil constitutionnel.

L'indivision successorale est un problème endémique dans les territoires ultramarins. La coutume y joue un rôle important dans la régulation des rapports sociaux, et il ne serait ni aisé ni souhaitable de plaquer les règles patrimoniales de la métropole sur la Polynésie.

Toute utilisation de la terre est rendue difficile par l'indivision transgénérationnelle ; bien souvent, les demandes de partage doivent être réglées par voie judiciaire. La proposition de loi répond en partie à ces difficultés, aux articles premier, 2 et 3.

Cela dit, la Polynésie française étant une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution, ces questions ne devraient-elles pas relever des autorités locales ? Quel peut être le rôle de la collectivité ?

La proposition de loi traite aussi des conditions d'exploitation, en Polynésie, d'un aérodrome relevant de la compétence de l'État.

Ces dispositions consensuelles seront votées par le groupe RDSE. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC ; M. Bernard Lalande applaudit également.)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le contenu de cette proposition de loi nous est relativement familier puisqu'elle reprend le texte portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française adopté ici le 22 mai dernier, à l'unanimité.

Il porte principalement sur l'indivision successorale et l'aéroport de Tahiti-Faa'a.

L'indivision successorale est un mécanisme de droit civil des biens permettant de maintenir l'unité d'un bien ou d'un ensemble de biens après la mort de son propriétaire.

Les territoires ultramarins présentent des caractéristiques rendant les situations foncières inextricables et source de contentieux. D'où les propositions de M. Thani Mohamed Soilihi et Mme Lana Tetuanui en faveur du partage d'un bien par souche, quand le partage par tête est impossible.

Hélas, les sages du Conseil constitutionnel ont estimé ces dispositions relatives à l'indivision, ainsi qu'un certain nombre d'autres, portant sur le cadre du fonctionnement de l'aéroport d'État de Tahiti-Faa'a, l'exploitation des crématoriums et la dépénalisation du stationnement payant étaient des cavaliers législatifs. Elles furent donc censurées pour des raisons de simple procédure, contre l'avis du Gouvernement.

L'Assemblée nationale a souhaité y remédier.

Ce texte porte néanmoins la marque du Sénat : les articles 1 à 5 sont largement issus de nos travaux, et notamment du rapport d'information sur le foncier ultramarin de nos collègues Darnaud, Mohamed Soilihi et Laufoaulu. Ces articles permettent l'attribution préférentielle d'un bien au conjoint survivant ou au copropriétaire, facilitent le retour du bien à la famille du défunt, sécurisent les partages déjà intervenus, et assouplissent les conditions de partage des biens indivis pour une dizaine d'années. En cela, ils se rapprochent des dispositions déjà en vigueur dans d'autres territoires ultramarins.

En outre, l'article 5 comprend un dispositif expérimental de partage par souche, qui devrait permettre de tester sur place une pratique qui était déjà appliquée par les juges de première instance, mais souffrait d'un risque de cassation systématique. Il s'agit à la fois d'adapter le droit des successions aux conditions locales, et de permettre un bon fonctionnement du service public de la justice.

L'article 6 précise les conditions juridiques d'exploitation de l'aéroport principal du territoire, et ne pose pas problème.

Tout au plus, regrettera-t-on que les auteurs de la proposition de loi n'aient pas jugé bon d'y inclure également les dispositions censurées relatives aux crématoriums et au stationnement payant.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Cour de justice de la République

Résultat du scrutin

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : 258

Suffrages exprimés : 244

Majorité absolue des suffrages exprimés : 123

Bulletins blancs : 11

Bulletins nuls : 3

Ont obtenu :

Mme Catherine Di Folco, titulaire : 244 voix (Applaudissements)

Mme Muriel Jourda, suppléante : 244 voix (Applaudissements)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, suppléante au poste de juge titulaire que vous m'avez fait l'honneur de me confier : 244 voix (Applaudissements)

Ces candidates ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elles sont proclamées juges à la Cour de justice de la République. (Applaudissements)

Prestation de serment

Mme la présidente.  - Mme Catherine Di Folco, juge titulaire, et Mmes Muriel Jourda et Jacqueline Eustache-Brinio, juges suppléantes, à la Cour de justice de la République vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l'article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Mme Catherine Di Folco, juge titulaire, se lève et prête serment.

Mme Muriel Jourda, juge suppléante, se lève et prête serment.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, juge suppléante, se lève et prête serment.

Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui. (Applaudissements)

Polynésie française (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 sont successivement adoptés.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue pour quelques instants.

Collectivité européenne d'Alsace (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La CMP a débouché le 11 juillet sur un accord avec l'Assemblée nationale pour donner vie à la nouvelle Collectivité européenne d'Alsace (CEA). C'est le fruit de la volonté des présidents des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et de la région Grand Est de redonner naissance à l'Alsace dissoute lors du découpage des nouvelles grandes régions. L'accord repose sur la déclaration commune de Matignon du 29 octobre dernier et qui a servi de base à ce projet de loi.

Afin d'en faire plus qu'un simple département mais moins qu'une collectivité autonome revendiquée par certains, le texte confie à la nouvelle collectivité des compétences nouvelles liées aux particularismes alsaciens sur le transfrontalier, le bilinguisme ou la gestion du trafic routier.

Le Sénat, lors de la première lecture, et après des débats houleux, avait souhaité aller beaucoup plus loin afin de donner à l'Alsace les véritables moyens de sa différenciation et d'offrir aux autres départements transfrontaliers la possibilité d'expérimenter.

L'Assemblée nationale a préféré revenir à une version plus proche de l'accord signé à Matignon, tout en préservant des avancées significatives introduites par le Sénat.

Ainsi, le texte issu de la CMP reprend les apports du Sénat concernant le transfrontalier et le bilinguisme : la mise en cohérence du schéma de coopération transfrontalier de l'Eurométropole de Strasbourg avec celui de la CEA, la possibilité pour les EPCI de déléguer certaines de leurs compétences à la CEA pour la mise en oeuvre du schéma transfrontalier, ainsi que la possibilité de recruter des enseignants pour assurer l'enseignement des langues et cultures régionales.

Concernant la sécurisation des compensations du transfert des routes et autoroutes non concédées, certaines avancées du Sénat ont été maintenues comme le transfert de personnel, le pouvoir de police et la compensation financière. Si l'accord ne retient pas toutes les garanties introduites par le Sénat, notamment l'introduction dans la base de calcul des dépenses d'entretien courantes inscrites au Contrat de Plan État-Région, l'Assemblée a accepté que l'éventuelle écotaxe ne vienne pas en déduction des compensations financières : c'est une avancée significative.

La CMP a surtout conservé la neutralisation des conséquences pour la CEA des engagements pris par l'État à l'égard de la société concessionnaire de l'autoroute de contournement ouest de Strasbourg. En effet, la CEA ne disposera plus des pouvoirs nécessaires pour réguler le trafic vers la A 35 puisque non seulement le préfet gardera le pouvoir de police mais surtout les voies de circulation sur lesquelles doivent être interdits les poids lourds seront directement transférées à l'Eurométropole de Strasbourg.

Les dispositions sur les élections sénatoriales, introduites dans le corps du texte, ont aussi été validées.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a maintenu diverses dispositions ajoutées par le Sénat comme la possibilité pour l'État de déléguer la gestion des actions relevant du fonds social européen (FSE), la création d'un conseil de développement, cher à Guy-Dominique Kennel et la possibilité de créer des chaînes de télévision locale, chères à la présidente Catherine Troendlé.

Enfin, l'Assemblée a inséré des dispositions nouvelles comme la dénomination des conseillers d'Alsace, l'ajout des liaisons fluviales dans le volet du schéma transfrontalier et la possibilité pour les ordres professionnels, les fédérations sportives et culturelles de s'organiser sur le territoire de la CEA.

Au final, ce texte ressemble à une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine selon le point de vue. Étant de nature plutôt optimiste, j'ai le sentiment que cette loi n'est pas vide. Le Sénat a rempli son rôle de chambre des territoires et je remercie les élus alsaciens pour leurs conseils et leurs encouragements.

Ce texte donne un avant-goût des débats sur le droit à la différenciation.

Comme le dit un proverbe alsacien, la moitié d'un oeuf vaut mieux qu'une coquille entière ; je vous invite donc à voter ce texte de compromis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je me réjouis que la CMP soit parvenue à un accord sur ce texte emblématique de la relation nouvelle que le Gouvernement veut promouvoir avec les collectivités territoriales, fondé sur les principes de confiance et de responsabilité. La contribution des deux chambres est dans ce cadre indispensable. Selon cette approche, l'action sur les territoires doit être le fruit d'une coproduction entre l'ensemble des acteurs. L'État assure la garantie de la cohésion des territoires et veut être le catalyseur du développement local.

C'est ce que nous avons pu, avec vous, démontrer, depuis l'engagement des travaux de concertation en janvier 2018, pour répondre au « désir d'Alsace ». Dans un délai très court, nous avons réussi à élaborer un schéma institutionnel original à droit constant, en assurant la concertation avec tous les acteurs et en préservant l'unité de la République. (M. François Grosdidier s'exclame.)

Je voudrais revenir sur les conditions d'émergence de ce projet de loi. Il importe d'abord de rappeler que ce dernier est attendu par les acteurs locaux, depuis l'échec du référendum de 2013 sur la collectivité territoriale unique d'Alsace, et la création en 2015 de la région Grand Est.

Le préfet de région a rempli sa mission avec intelligence et je veux ici l'en remercier.

Au terme de nombreux échanges, une déclaration commune engageant le Gouvernement a été conclue le 27 octobre 2018, que ce texte concrétise.

Ainsi, la création de la CEA se matérialise par plusieurs étapes : le regroupement des deux départements sera effectif au 1er janvier 2021, aux termes du décret du 27 février dernier, l'ajout de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports et le développement des politiques culturelles, économiques ou sportives dont les orientations étaient fixées dans la déclaration commune.

Ces nouvelles compétences seront précisées et se traduiront par des actes réglementaires. Je songe au pôle d'excellence sur le plurilinguisme ou, plus prosaïquement, aux plaques minéralogiques alsaciennes.

Le projet de loi est donc une composante centrale du dispositif que nous avons envisagé pour l'Alsace. Il s'attache à donner à l'Alsace des compétences suffisamment justifiées par des spécificités alsaciennes pour que le cadre constitutionnel actuel permette de les attribuer de façon pérenne et circonscrite à ce territoire.

Au 1er janvier 2021, la CEA exercera le socle classique des compétences départementales auquel s'ajouteront quatre principales compétences et, tout d'abord, des compétences en matière transfrontalière : la collectivité aura la capacité d'organiser l'action collective, à travers un schéma de coopération transfrontalière. En cohérence avec la stratégie régionale, il pourra décliner un volet opérationnel sur les projets structurants. La CEA pourra ainsi se voir déléguer des compétences par l'État, la région ou des EPCI.

En second lieu, la CEA aura des compétences en matière de bilinguisme pour renforcer ce vecteur culturel et ce facteur de mobilité professionnelle que constitue la langue régionale, avec l'amélioration de l'attractivité des postes d'enseignant d'allemand, la possibilité de recruter des intervenants, la constitution d'un vivier d'enseignants.

Ensuite, la CEA aura des compétences en matière touristique et en matière d'infrastructures routières. La CEA pourra lever des ressources spécifiques sur le trafic de marchandises.

L'ensemble de ces composantes permettra de donner à la CEA une véritable substance institutionnelle, tout en préservant le nécessaire équilibre avec les autres collectivités locales.

Plusieurs dispositions sénatoriales ont été conservées et je m'en réjouis : compétences sanitaires, délégation des intercommunalités à la Collectivité européenne d'Alsace, conseil de développement, référence aux FSE - invitation à poursuivre le travail engagé sur le guichet unique pour les porteurs de projets.

Ce texte est donc en conformité avec la déclaration de Matignon et augure bien des relations futures entre l'État et les collectivités territoriales. Je souhaite particulièrement remercier Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, et Jean Rottner, président de la région Grand-Est. Je remercie également le président Bas et la rapporteure Canayer.

Ce texte a été enrichi par le Parlement et reste équilibré. Par lui, la République reconnaît la diversité et la force des territoires, sans nuire à son unité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cinq ans après la création des grandes régions et la disparition administrative de l'Alsace sur un coin de table, nous allons créer la CEA. Il reste néanmoins un sentiment de déception, tant le champ des possibles a été réduit à la portion congrue. Je pense particulièrement aux potentielles avancées que le Sénat avait envisagées mais qui finalement ont été retoquées par l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Le texte a néanmoins le mérite d'exister et reflète des années d'échanges à tous les niveaux. Mais il reste loin des attentes des Alsaciens.

Le désir d'Alsace, revendication positive identifiée par le préfet Marx, a entendu fonder par une voie originale un projet politique d'avenir, profondément européen.

Nous n'étions pas dupes sur les difficultés d'explorer des voies du droit novatrices, à l'heure où on laisse peu de place à l'audace.

Nous avons pourtant tenu à affirmer cette singularité territoriale en créant cette CEA. Nous nous sommes inscrits en tant que législateur dans le cadre des articles 34 et 72 de la Constitution.

La différenciation du nom au sein d'une catégorie de collectivité territoriale de droit commun constitue une expérimentation intéressante. La différence du spectre de compétences de la CEA au regard des départements classiques est absolument manifeste, l'absence de reconnaissance de son caractère singulier par une appellation dédiée aurait constitué un manquement.

Concernant les compétences, nous devrons faire avec un département doté de compétences différenciées. La jurisprudence constitutionnelle est claire : rien ne s'oppose à ce que le législateur traite différemment des situations différentes et déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que les différences soient en rapport avec l'objet de la loi.

Nous nous inscrivons dans un périmètre juridique justifiant ces particularités. Ainsi en est-il de ces avancées qui ont trait au plan sanitaire, au bilinguisme, mais aussi à la prise en compte, certes à minima, de la situation très tendue du réseau routier national en Alsace du fait de l'existence de réseaux parallèles entre la France et l'Allemagne. Il était important de fonder la particularité alsacienne autour d'un coeur de compétences confié à la CEA.

Nous nous sommes malheureusement heurtés à la volonté du Gouvernement de préserver la réforme régionale de 2015.

Même si l'alsacien que je suis aurait préféré aller beaucoup plus loin, je salue cette première étape de la démarche que nous avons entamée.

Je remercie la rapporteure pour son excellent travail : elle pourrait presque être alsacienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Agnès Canayer, rapporteure, dessine un large sourire sur son visage.)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Ce projet de loi est un texte fort. Il englobe le sujet plus large de la décentralisation et répond à une demande des habitants et des acteurs locaux. Je salue les présidents du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, Mme la ministre Gourault, et tous ceux qui ont rendu ce texte possible.

L'Alsace est un territoire sensible, siège du Parlement européen et du Conseil de l'Europe et zone d'échanges privilégiée avec 62 000 travailleurs frontaliers.

C'est un territoire agréable : cigognes sur le clocher des églises, balcons fleuris, des forêts et même du vin ! L'Alsace est un seul et même territoire (M. André Reichardt le conteste.) et une attractivité touristique exceptionnelle.

L'Alsace est au coeur de l'amitié franco-allemande. Elle est un exemple à suivre. On y vit pleinement et quotidiennement la citoyenneté européenne.

Les Indépendants se félicitent de la création de la CEA. Le Gouvernement a su prendre en compte la spécificité de ce territoire, ce qui augure bien de la suite.

Confiance dans les acteurs locaux, confiance dans les territoires, écoute des citoyens, tels sont les principes qui prévaudront dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.

La diversité des territoires de la France fait sa richesse. Le Gouvernement doit la respecter. La décentralisation est avant tout une marque de respect envers la différence de ces territoires. Par la flexibilité qu'elle permet, la décentralisation est un élément décisif de la réussite économique. La cohésion territoriale passe par plus de souplesse, encourageant ainsi une dynamique de l'emploi, et une concurrence saine.

Ce projet de loi est un exemple à suivre par d'autres départements.

M. Loïc Hervé.  - La Savoie, par exemple !

M. Dany Wattebled.  - Faisons confiance aux territoires et aux acteurs locaux.

Les Indépendants voteront majoritairement ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Je veux saluer le travail accompli par toutes les parties prenantes. Fruit d'une initiative locale, discuté maintes fois avec le Gouvernement, ce projet de loi est issu de la déclaration de Matignon.

Cette initiative législative est née d'une initiative alsacienne. Dans un esprit de consensus, il n'appartient pas au Sénat de s'opposer à une volonté locale et il était impératif de conforter la région Grand-Est dans ses compétences.

Il revenait au Parlement de s'emparer du débat sur la différenciation territoriale et de parvenir à un point d'équilibre acceptable.

Fort heureusement, le retour au droit commun s'est imposé sur le transfert des routes nationales.

Ce texte nous offre aussi une leçon d'humilité : pas de modèle de législation unique qui aplanirait la diversité locale sous un grossier universalisme. La décentralisation ne doit plus être un simple habillage, un prêt à porter. Elle exige des habits neufs, du sur-mesure. La haute couture parisienne ne doit plus dicter quel sera l'habillage territorial de telle ou telle collectivité, dont elle ne connaît guère finement les enjeux réels. (On admire la métaphore sur les bancs des groupes LaREM et Les Républicains.) Mais percevoir les enjeux selon le prisme Girondin ne suffira pas à renforcer notre République territoriale.

La liberté locale ne se décrète pas à la faveur d'une révision constitutionnelle. Nous devons engager une révolution culturelle pour une société reconnaissant le droit à l'imagination créative des élus locaux. Les lois de la République sont faites pour les citoyens et doivent être adaptées aux singularités locales.

Je salue le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale porté par Sébastien Lecornu, dont le second volet se traduira dès le premier trimestre 2020 par la mise en oeuvre d'un acte de différenciation et de décentralisation.

Je témoigne de notre pleine adhésion au texte de la CMP. Et maintenant, en avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - L'Assemblée nationale n'aura pas mis fin à la création de la CEA ; elle l'aura à peine modifiée.

Ce projet de loi brouillon corrige les effets néfastes des dernières lois territoriales votées. La future CEA redonne vie à l'Alsace dissoute par la loi de 2015. Faut-il comprendre que la réforme des grandes régions était une mauvaise loi ? Et si l'Alsace renaît sous d'autres formes, pourquoi l'empêcherions-nous pour d'autres collectivités départementales ou régionales qui en feraient la demande ?

On transfère à la CEA des compétences qui ne recouvrent ni totalement celle des régions, ni celles des départements. On crée ainsi un super-département dont l'existence n'est pas constitutionnelle. (Mme la ministre le conteste.)

Doit-on comprendre que la suppression de la clause de compétence générale des départements était une erreur ? Que cette suppression ne permet plus l'expression des particularismes locaux ? Ou est-ce enfin la reconnaissance de l'échec de la loi NOTRe ? On le nie, en la corrigeant à la marge.

On nous fait croire, avec ce texte, qu'en l'état actuel, il serait impossible à ces départements de mettre en place des politiques de coopérations transfrontalières. C'est faux. Ces collectivités n'ont pas attendu cette loi pour s'allier. Consacrer l'existence d'une zone franche franco-allemande ne peut en revanche que nous inquiéter : nous craignons un alignement par le bas.

Les membres du groupe CRCE continuent de penser que le jacobinisme français est un étrange mélange de centralisme et de particularités locales. Le triptyque commune/département/État issu de la Révolution française reste d'une grande efficacité et d'une grande souplesse qui a permis de prendre en compte les particularismes. Par conséquent, nous ne pouvons soutenir ce texte qui consacre le trio EPCI/régions/Europe qui signe la fin de l'État-Nation.

L'article 2 est une usine à gaz, d'autant que la possibilité pour la CEA d'expérimenter la gestion des aides aux entreprises a été supprimée.

La taxe carbone a été retirée du texte, mais le transfert de la gestion des routes nationales et des autoroutes à la collectivité a été conservé. Qu'est-ce donc, sinon un recul de l'État ? Ce bricolage législatif est ni fait ni à faire.

Le groupe CRCE ne votera pas ce texte, étape au démembrement de la République indivisible. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jacques Bigot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Lorsque les guides font visiter le Palais de Marie de Médicis, ils rappellent la Journée des dupes, où Richelieu convainquit Louis XIII d'envoyer sa mère en exil. J'espère qu'il n'y aura pas une nouvelle journée des dupes sur ce texte. (Sourires ; M. André Reichardt approuve.)

M. François Grosdidier.  - Il n'y a que les Lorrains qui s'en félicitent.

M. Jacques Bigot.  - Demandé par les présidents des deux départements du Rhin, il porte la revendication d'une collectivité à statut particulier. Le président de la République l'a refusé et il n'est pas question non plus de remettre en cause l'organisation des treize régions. À l'issue de son rapport, le préfet Jean-Luc Marx a suggéré la fusion des deux départements et l'attribution de quelques compétences spécifiques supplémentaires.

La première journée des dupes a sans doute été celle de la déclaration de Matignon, car les compétences accordées ont été pour le moins vides.

En première lecture, nous avions tenté d'examiner la manière dont l'État pourrait donner des compétences déléguées à des collectivités frontalières, sous la forme d'un schéma inédit. La nouvelle CEA sera-t-elle chef de file en matière de coopération transfrontalière ? C'est un leurre.

Sur le volet sanitaire, idem. L'Assemblée nationale s'est empressée d'ajouter dans le texte « en cohérence avec le projet de santé des ARS. » L'État sera donc toujours là.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Encore heureux !

M. Jacques Bigot.  - Quant au bilinguisme, Guy-Dominique Kennel qui fut président du conseil départemental du Haut-Rhin nous l'a bien dit, rien de neuf hormis la création d'un comité de coordination du bilinguisme consacré à l'Assemblée nationale...

M. André Reichardt.  - ... qui ne fera rien de neuf !

M. Jacques Bigot.  - Les fédérations sportives et culturelles et les ordres professionnels pourront s'organiser dans le cadre de la CEA. Si elles avaient adopté la grande région, c'est que quelques Alsaciens n'y étaient pas si opposés. (M. Bruno Sido en doute.) Cela n'apporte rien.

Quant aux routes, les départements recevront dès 2021 le transfert de la compétence afin de mettre en place une taxe sur les poids lourds.

Pour ce faire, il faudra une ordonnance, alors même que dans la déclaration de Matignon, le Gouvernement s'engageait à des simulations juridiques et financières qui auraient pu être élargies à la Lorraine par exemple ; le Sénat avait ainsi, à la demande de nos collègues lorrains, voté à l'unanimité, y compris des Alsaciens présents, l'extension aux routes de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges. Mais cette disposition a disparu de notre texte de la CMP.

Notre groupe s'abstiendra sur ce texte. Nos collègues lorrains auraient voté contre en cas de scrutin public.

M. François Grosdidier.  - Les autres Lorrains voteront contre !

M. Jacques Bigot.  - Finalement, deux départements veulent fusionner et nous ne voulons pas nous y opposer. Ce texte est trop vide pour que nous le soutenions. Dès lors qu'il n'apporte, ni ne retire rien, (M. André Reichardt le conteste.) pourquoi nous y opposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Maryse Carrère .  - Depuis plusieurs années, les départements ont vocation à s'effacer, absorbés par les régions, happés par les métropoles. Le rapport Attali de 2008 annonçait leur disparition dans un délai de dix ans.

Cependant est créé un nouveau grand département d'Alsace appelé CEA, doté de compétences supplémentaires, notamment étatiques.

Un désir d'Alsace a émergé, mais nous devons examiner ce projet de loi à l'aune du caractère indivisible de notre République.

L'accord de Matignon a été du cousu main. Pourquoi rectifier les erreurs des lois Maptam et NOTRe au cas par cas ?

Les débats au Sénat ont conduit à l'adoption à l'article premier de l'amendement de notre collègue François Grosdidier généralisant à tous les départements qui en feraient la demande, les compétences attribuées à la nouvelle collectivité européenne d'Alsace, disposition par la suite supprimée en CMP.

Pour des raisons de cohérence, nous étions opposés à cette vision d'une France du cousu main. Le caractère spécifique de l'Alsace ne peut pas justifier un nouveau statut sur-mesure.

Il a également été soutenu que cette nouvelle entité serait un prélude à un mouvement plus large, fondé sur le futur droit à la différenciation. Nous aimerions que cet accord qui procède strictement d'un tête à tête entre deux départements, une Région et l'État ne vienne pas préfigurer le futur droit à la différenciation sur lequel les parlementaires ont encore à s'accorder. Ce droit est un risque pour l'égalité territoriale et il faut l'accompagner de garde-fous.

L'organisation territoriale et administrative prévue dans le texte ne fait pas l'économie des doublons avec deux circonscriptions administratives.

À l'image des intercommunalités XXL, les autres départements ont-ils vocation à se livrer à des jeux de fusion pour continuer à se développer ?

D'autres solutions sont possibles pour une libre administration, principe auquel le RDSE est viscéralement attaché.

Ce projet de loi ouvre la voie à une organisation territoriale à géométrie variable que nous réfutons. La loi ne doit pas régler les cas particuliers. Un projet de loi sur la décentralisation aurait mieux valu pour traiter la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

La séance est suspendue à 16 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et aura encore 24 heures de patience avant de rejoindre les territoires chers à son coeur, pour quelques semaines. (Sourires et marques d'approbation)

Sécheresse (I)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Jean-Marie Janssens applaudit également.) Comme l'an dernier, la France connaît une grave sécheresse, en métropole, mais aussi à La Réunion ou à la Martinique. Le monde agricole en est l'une des premières victimes.

Comme l'an dernier, le dispositif applicable aux calamités agricoles sera activé, les retenues d'eau et les flux de fourrages seront autorisés. Vous allez solliciter de l'Union européenne une avance de trésorerie de 70 % des aides de la PAC au lieu de 50 %, mais elle arrivera trop tard.

Il ne faut pas que les éleveurs se voient contraints d'envoyer leurs bêtes à l'abattoir parce qu'ils n'ont plus de quoi les nourrir. La France doit se préparer à subir régulièrement des épisodes de canicule. Quelles mesures envisagez-vous à court et moyen terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Oui, la canicule et la sécheresse sont là pour la deuxième fois de la saison et pour la deuxième année consécutive. Le réchauffement climatique entraînera vraisemblablement de nouveaux phénomènes de ce type, répétés chaque année. Les éleveurs ont prélevé dans leur stock et en ont de moins en moins.

Première réponse : l'irrigation. L'agriculture sera résiliente sinon un grand pan de l'agriculture disparaîtra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Bruno Sido applaudit également.) Elle emploie aujourd'hui 30 % d'eau en moins par rapport à ce qu'elle utilisait il y a 10 ou 15 ans. S'il y avait eu des pâtures irriguées, le foin n'aurait pas manqué.

Avec Mme Borne, nous avons diffusé à cette fin une instruction pour encourager la construction des retenues d'eau multi-usages. (On s'en réjouit sur les bancs des groupes UC, Les Républicains, Les Indépendants et LaREM.) Comme vous le savez, il est fréquent que des comités de défense multiplient les recours. C'est pourquoi le Gouvernement sera preneur d'une proposition de loi ou d'une ordonnance pour améliorer cela. Il fera appel des décisions attaquées comme ce fut le cas récemment en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains)

M. Jean-Louis Lagourgue.  - Je suis satisfait.

Violences urbaines à Limeil-Brévannes

Mme Catherine Procaccia .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'Intérieur, dans un État de droit, l'État garantit le respect de la République et la sécurité de chacun des concitoyens partout sur le territoire.

Mais, après neuf mois de rendez-vous hebdomadaires avec les dégâts causés par les gilets jaunes, certains ont compris qu'ils pouvaient agresser et casser en toute impunité. Dans mon département, des caméras de vidéosurveillance, à peine installées, ont été sciées à la meuleuse par des dealers.

L'hôtel de ville et le centre d'action culturelle de Limeil-Brévannes, victime d'une violence inédite, ont été la cible d'une attaque à la voiture bélier. Le trafic de stupéfiants a augmenté de 100 % en à peine cinq ans.

Que comptez-vous faire pour rétablir l'ordre républicain notamment à Limeil-Brévannes ? Nous attendons une réponse forte, ferme et durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - J'ai reçu hier la maire de la commune et le député Laurent Saint-Martin le 1er juillet. Nous avons mis fin à un important trafic de drogue, saisi 100 000 euros et arrêté sept personnes ; depuis, nous subissons les représailles de ces voyous.

Mais je vous le dis : nous ne céderons pas. Nous avons même renforcé les BAC, car la République est partout chez elle et nous mettrons sous main de justice les individus qui méprisent ses lois. Aucun mètre carré de notre République ne sera en recul, nous mettrons les moyens nécessaires pour lutter contre le trafic de stupéfiants, ce qui est l'une des mères des batailles contre l'insécurité dans nos quartiers et nos villes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants)

Mme Catherine Procaccia.  - Merci d'avoir reçu sa maire, qui a créé une police municipale. Cette ville, comme d'autres dans le Val-de-Marne, notamment Sucy et Villejuif a bien besoin du soutien de l'État. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Sécheresse (II)

M. Jean-Marie Janssens .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Monsieur le ministre de l'Agriculture, vous étiez hier en visite dans le Loir-et-Cher, l'un des départements les plus touchés par la sécheresse. Je salue votre engagement.

Vous avez annoncé le versement par avance d'aides de la PAC et l'autorisation d'exploiter des jachères. Mais il faut des mesures de long terme. Cela passe par le développement de l'irrigation. Mais tant que la France n'adoptera pas des procédures de captage d'eau plus efficaces, nous serons en retard. Il faut simplifier les procédures administratives d'autorisation des retenues collinaires.

Monsieur le ministre, je vous sais très impliqué. La sécheresse montre qu'il faut aller plus vite et plus loin, fixer un calendrier précis et des objectifs concrets, en levant les barrières administratives.

Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour l'eau dans le secteur agricole ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Monsieur le député (Vives exclamations et nombreux rires)... J'ai peut-être besoin de vacances... (Sourires) Dans une situation exceptionnelle, il faut des réponses exceptionnelles. Il a fallu batailler pendant des jours avec la Commission européenne pour obtenir l'autorisation de faucher les jachères dans 33 départements, afin de donner à manger au bétail. Je vais continuer à me battre pour l'autoriser dans le plus de territoires possible. Idem pour les céréaliers qui sont prêts à faire preuve de solidarité avec les éleveurs.

Enfin, nos amis agriculteurs ne doivent plus broyer les pailles pour alimenter les méthaniseurs. L'heure est grave. Mais je sais le monde agricole très solidaire. L'objectif du Gouvernement est de diminuer la consommation d'eau de 10 % d'ici 2025. Mais l'été risque d'être chaud. (Applaudissements sur les bancs des groupes LREM, Les Indépendants, RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

CHU de Guadeloupe

M. Dominique Théophile .  - À la suite de l'incendie du CHU de Guadeloupe le 28 novembre 2017, ce dernier est désorganisé. La situation est catastrophique et la réponse n'est pas satisfaisante malgré les signalements multiples. Le personnel est en grève. Tous les jours il réalise des prouesses. La situation financière du CHU est dégradée : la dette vis-à-vis des fournisseurs s'élève à 49 millions d'euros. L'aide de 20 millions d'euros promise n'a toujours pas été versée, et les attentes sont fortes. Il faut un vrai plan Marshall et reconquérir la confiance de la population envers son CHU. Le fait qu'un nouvel établissement ouvre prochainement ne doit pas occulter les efforts actuels à mener.

La collectivité régionale soutient le projet d'une salle de coronographie interventionnelle.

Que comptez-vous faire pour améliorer la situation ? Quels sont les engagements de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Le CHU de la Guadeloupe tient une place centrale dans l'offre de soins de ce territoire. Je veille à ce que l'établissement remplisse les missions attendues. La situation particulière du paiement des fournisseurs est suivie attentivement par l'ARS. L'apurement de la dette ainsi qu'une aide exceptionnelle débloquée début juillet atteignent 48 millions d'euros pour les six premiers mois de 2019. S'ajoute une ligne de trésorerie d'urgence à la demande du président de la République, sous la forme d'un bon à tirer par le directeur, en cas de nécessité. Je tiens à saluer l'engagement des équipes du CHU qui travaillent dans des conditions difficiles sur plusieurs sites. La situation structurelle de l'établissement devrait être stabilisée l'année prochaine dans le cadre du plan de réorganisation de l'offre de soins.

Un budget de 54 millions d'euros a été prévu pour un nouveau pôle parents-enfants et les urgences. Les blocs devraient être opérationnels au premier semestre 2020.

Je réitère ma confiance à la directrice de l'ARS et au directeur général du CHU. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC)

Limitation de la vitesse à 80 km/h

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, vous connaissez l'attachement de mon groupe à l'égalité réelle de tous les citoyens, quels que soient les territoires. La limitation de vitesse à 80 km/h a été reçue par beaucoup comme une décision vexatoire déconnectée des réalités. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a voté la possibilité d'y déroger localement, et la loi sur les mobilités, qui sera examinée en nouvelle lecture à la rentrée, n'y revient pas. La cause semblait donc entendue. Mais de nombreux conseils départementaux s'interrogent sur les recommandations administratives qui ont été émises récemment par le Conseil national de la sécurité routière, comme par exemple de les limiter à des « tronçons de 10 km minimum sans traversée d'agglomération ».

Ferez-vous confiance aux élus locaux, qui connaissent les territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC ; MM. Antoine Lefèvre et Pierre Cuypers applaudissent également.)

M. Alain Fouché.  - Bravo !

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Le projet de loi sur les mobilités permet aux présidents de conseils départementaux de remonter la vitesse maximale à 90 km/h sur les tronçons dont ils ont la gestion. Cette faculté s'accompagne d'une consultation et d'une instruction par les comités départementaux de la sécurité routière. Il ne s'agit pas de revenir sur cette possibilité, qui leur sera ouverte quand la loi sera publiée, dont certains ont annoncé vouloir se saisir - tandis que d'autres y renoncent.

Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) est composé de 67 membres et présidé par le maire de Flers dans le magnifique département de l'Orne...

M. le président.  - Oui, magnifique ! (Sourires et marques d'approbation)

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Absolument, monsieur le président, comme tous les départements normands (Sourires)... Le Conseil n'a formulé que des recommandations. Son rôle n'est que d'aider à la décision.

Il appartiendra aux présidents des conseils départementaux d'utiliser la faculté qui leur est donnée par la loi. Les choses sont claires mais je suis heureux que vous me donniez l'occasion de les préciser ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jérôme Bignon applaudit également ; M. Alain Fouché proteste.)

Fermeture des magasins Conforama

M. Pierre Ouzoulias .  - Quelque 1 900 salariés et 32 magasins sont en passe d'être abandonnés par la direction de Conforama, au coeur de l'été comme on abandonne un chien au bord de la route des vacances. (Quelques exclamations à droite) L'histoire de Conforama, c'est l'histoire trop banale du capitalisme mondialisé : un groupe qui n'investit plus et se contente de gérer une rente, une entreprise fragilisée, un investisseur étranger douteux, déguisé en chevalier blanc, attiré par une proie juteuse, un État qui lui octroie 63 millions d'euros d'avantages fiscaux, une reprise qui tourne au fiasco et menace 9 000 salariés...

Les actionnaires du groupe prédateur Steinhoff ont déjà vendu tout ce qu'ils pouvaient !

Où en êtes-vous sur les garanties de la direction de Conforama ?

Quand conditionnerez-vous les aides de l'État au respect d'engagements sur l'emploi, l'investissement et le respect des droits sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le groupe Conforama est en difficulté financière depuis décembre 2017 à la suite des difficultés financières traversées par son actionnaire. Conforama doit faire face à la transformation des modes de consommation et de la concurrence de l'économie numérique, en conséquence de quoi il perd des clients. Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a mené un important travail pour maintenir la confiance des partenaires du groupe. Nous accompagnons le plan de la direction.

Après l'émotion légitime qui a suivi l'annonce de la fermeture de 32 magasins Conforama et 10 magasins Maison Dépôt, le Gouvernement, attaché à la pérennité du groupe, est particulièrement vigilant sur les efforts de reclassement et les mesures d'accompagnement, dans la cadre des négociations entre la direction et les syndicats qui commencent à présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Pierre Ouzoulias.  - Vos déclarations rappellent trop celles sur Ford ou General Electric. Les ménages qui participent pour 60 % aux prélèvements obligatoires ont l'impression que leurs impôts servent à engraisser les actionnaires. Bonnes vacances, ils vous remercient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

Vallourec

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je souhaite associer Viviane Artigalas à ma question.

Le groupe Altifort-Vallourec, alors qu'il prévoyait de reprendre Ascoval, a été mis en redressement judiciaire, ce qui fait craindre la fermeture définitive des sites de Cosne et de Tarbes.

Deux ans après sa recapitalisation, Vallourec a cédé deux sites à Altifort. L'engagement de ce dernier à conserver les salariés ne sera pas tenu. Quelque trois milliards d'euros ont été transférés à la holding, qui font aujourd'hui défaut. L'État a apporté sa caution.

Si l'ouverture d'une usine Safran est prévue près de Lyon, avec la création de 250 emplois à la clé, quel est l'avenir de deux régions qui souhaitent avoir un avenir industriel ? Au minimum, les salariés se verront-ils proposer un PSE au moins aussi généreux que celui de l'année dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - La politique industrielle passe notamment par les dispositifs Territoires d'industrie et les contrats stratégiques de filière. En 2017, 2018, 2019, des emplois ont été créés dans l'industrie, ce qui n'était pas arrivé depuis 2000.

Ces résultats fragiles n'empêchent pas de nous confronter aux situations de sites en difficultés comme celles de Cosne-sur-Loire - 117 salariés - et de Tarbes - 47 salariés.

Altifort, à qui les sites avaient été cédés, ne peut pas continuer son activité. Les équipes sont mobilisées pour assurer le rebond des salariés concernés - alors que 50 000 emplois industriels sont à pourvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Situation des prisons

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En juillet 2017, vous annonciez, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement tiendrait l'engagement du candidat Macron de créer 15 000 places de prison. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, y voyait une mesure nécessaire. Hélas, c'est un objectif de 7 000 places qui a été traduit dans la loi de programmation et l'objectif de celle-ci, cinq mois après, ne sera pas tenu. On peut craindre un différentiel de 200 millions d'euros. Rapporteur de la mission Justice, je sais que les effets seront désastreux.

Monsieur le Premier ministre, donnerez-vous à notre justice des moyens dignes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je vous rassure : l'engagement des 15 000 places sera tenu...

Une voix à droite.  - Par qui ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - ... mais en deux temps. Nous livrerons un certain nombre de places en 2022 et lancerons à cette date un nouveau programme qui prendra fin en 2027. (Exclamations ironiques à droite)

M. Alain Fouché.  - Rien n'a été fait depuis Jean-Pierre Raffarin !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Ce décalage est dû au retard accumulé, mais qui se justifie par le nécessaire dialogue avec les riverains et les communes - ainsi aux Baumettes à Marseille - ou par la difficulté à trouver du foncier. Certains élus locaux sont en effet quelque peu ambivalents. Je pense à la maire d'une commune dont il a été question tout à l'heure, qui réclame une priorisation de sécurité, mais s'oppose à tout établissement pénitentiaire.

M. François Grosdidier.  - C'est scandaleux ! Il y a des communes candidates en Moselle ! (Nombreuses marques d'approbation sur divers bancs, à droite comme à gauche)

M. Michel Raison.  - Lure est volontaire !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je fais remarquer que de nombreuses places théoriquement créées en 2002 ont été livrées bien après 2007...

J'insiste encore pour préciser que nous entendons créer des places de prison adaptées à des conditions de détention dignes.

M. Antoine Lefèvre.  - Vous ne m'avez pas rassuré sur les 7 000 places manquantes. Les professionnels de la justice craignent une baisse de leurs marges d'action.

Nous vous donnons rendez-vous lors de la discussion du prochain budget de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Bilan de parcoursup

Mme Françoise Cartron .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Depuis deux ans, l'orientation des étudiants passe par Parcoursup. Il s'agissait de réparer les difficultés de l'ancien système APB. Face aux critiques, vous avez répondu que dès la première année Parcoursup était plus performant que son prédécesseur (Exclamations à droite) notamment pour mieux brasser les publics et valoriser les boursiers. Déjà neuf bacheliers sur dix ont une affectation. Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que Parcoursup a encore mieux fonctionné que l'an passé ? (On ironise sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.) Quel accompagnement est prévu pour les bacheliers restant sans affectation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; rires sur plusieurs bancs, notamment à droite, où l'on scande « Allô, allô ! »)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Le logiciel Parcoursup remplace APB, qui tirait au sort les jeunes pour les affecter dans l'enseignement supérieur. (Exclamations à droite)

Cette année, les commissions d'accès à l'enseignement supérieur ont reçu un peu plus de 6 300 demandes au lieu de 23 000 l'an dernier.

Cette plateforme offre une réelle amélioration. Grâce au rapport du sénateur Lafon, l'Île-de-France est maintenant considérée comme une seule académie, ce qui augmente la mobilité de 15 % entre les académies de Paris, Créteil et Versailles.

Avec l'entrée des instituts de formation en soins infirmiers, ce sont 10 millions d'euros en moins dépensés par les familles, pour inscrire les jeunes auprès des concours parce que l'accès aux études d'infirmier se fait via Parcoursup.

Globalement, nous avons plus de 10 % de mobilité géographique supplémentaire et 20 % de boursiers supplémentaires dans l'enseignement supérieur. C'est donc une amélioration permanente. Nous avons en outre créé 30 000 places dans les filières où c'était nécessaire, dont 10 000 en IUT, en Île-de-France, par exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Assurance chômage et intermittents du spectacle

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'équité et la justice doivent guider la réforme de l'assurance chômage. Le Gouvernement vient de porter la part de la participation de l'Unedic au financement de Pôle Emploi de 10 à 11 %, soit une ponction de 4,2 milliards d'euros - cette contribution étant la principale source de l'endettement de l'Unedic, qui est de 33,7 milliards d'euros.

C'est d'autant plus choquant que certains sont dispensés de tout effort. Ainsi, les intermittents du spectacle ne sont pas concernés par la réforme de l'assurance chômage. En 2017, l'accompagnement de 120 000 intermittents a coûté 1,3 milliard d'euros, pour 367 millions d'euros de recettes : autant dire qu'ils sont largement bénéficiaires du système.

Après la crise des gilets jaunes, les Français demandent des réformes équitables et justes. Tout le monde doit plus que jamais contribuer. Ce sont les salariés, via la CSG et les cotisations, qui financent le service public de l'emploi. Pourquoi les intermittents du spectacle seraient-ils intouchables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - La dette de l'assurance chômage est de 35 milliards d'euros. Notre réforme poursuit plusieurs objectifs : responsabiliser les employeurs sur les contrats courts qui coûtent 8 milliards d'euros à l'assurance chômage ; encourager le retour à l'emploi ; mieux accompagner les demandeurs d'emploi et les entreprises.

Le passage de la participation de 10 à 11 % financera un renforcement inégalé de l'accompagnement ; en favorisant le retour rapide à l'emploi, on allège la charge de l'Unedic !

Les intermittents du spectacle ont un régime dans le régime, voulu par les partenaires sociaux et confirmé par les gouvernements successifs. La cotisation employeurs n'est pas de 4,05 %, mais de 9,05 % et si la cotisation des salariés a été supprimée, il y a toujours une surcotisation pour les salariés du secteur du spectacle.

Il n'y a pas lieu de revenir sur la convention de 2016, qui doit être évaluée. Le meilleur moyen de réduire la dette de l'Unedic, c'est de réduire le chômage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

Mme Chantal Deseyne.  - Si le régime des intermittents du spectacle relève d'une politique culturelle, que le Gouvernement l'assume, mais ne le fasse pas financer par les salariés via la CSG et l'Unedic. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Français dans les couloirs de la mort

M. Michel Dagbert .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, le 18 septembre 1981, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi abolissant la peine de mort, porté par Robert Badinter. Depuis, quel que soit le crime, la justice rendue au nom du peuple français ne s'abaisse plus à cette barbarie. Aux Nations unies et ailleurs, la France ne cesse de défendre ses convictions abolitionnistes.

Pourtant, certains de nos compatriotes sont toujours sous le coup d'une condamnation à mort dans certains pays. Un Béthunois de 35 ans a été condamné le 20 mai dernier à la peine capitale en Indonésie, rejoignant la triste liste de nos compatriotes dans les couloirs de la mort dans le monde. Sans remettre en cause la souveraineté judiciaire des autres États, la France ne peut rester inerte.

Que fait le Gouvernement pour assurer la protection de nos compatriotes et soutenir et informer leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Dix-huit Français sont actuellement condamnés à mort à l'étranger : un en Algérie, un en Chine, deux en Indonésie, un aux États-Unis, onze en Irak et deux au Maroc.

La France a toujours rappelé son opposition totale à la peine de mort, quels que soient le crime, le lieu, les circonstances. Le combat en faveur de l'abolition universelle est un axe fort de sa diplomatie. Nous agissons, dans les enceintes multilatérales et auprès des pays non abolitionnistes pour cet élément fondamental du vivre ensemble.

Détenu en Indonésie, Félix Dorfin bénéficie de la protection consulaire, de contacts réguliers et de visites ; nous accompagnons sa famille et plaidons auprès des autorités indonésiennes pour la commutation de sa peine. C'est une méthode qui porte parfois ses fruits. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Liberté de la presse

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Dans un régime démocratique, la presse a pour fonction de développer le sens critique des concitoyens. Hélas, les entraves à la liberté d'expression se multiplient. La transposition de la directive européenne sur le secret des affaires permettra aux grands groupes de faire taire la presse ; la loi sur les fake news risque de se traduire par un retour à la censure ; la loi contre la haine sur internet permettra à des hébergeurs, voire à des algorithmes, de supprimer arbitrairement certains contenus. S'ajoute la proposition du Gouvernement - avant rétropédalage - de créer un conseil de l'ordre des journalistes, sommés de dévoiler leurs sources aux services de renseignement dans le cadre des Yemen papers ou de l'affaire Benalla.

Ces textes de loi répondant à des problèmes réels mais, mal utilisés, peuvent s'avérer dangereux.

Que comptez-vous faire pour protéger la liberté de la presse ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser l'absence de Franck Riester, retenu à l'Assemblée nationale.

Je partage la conviction que l'État doit être le garant de la liberté d'information : selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, c'est un des droits les plus précieux de l'Homme. Elle a pour corollaire la protection de l'exercice libre de la profession de journaliste, indispensable à l'exercice de la démocratie.

La CEDH a fait de la protection des sources une pierre angulaire de la liberté de la presse. La loi de 1881 prévoit qu'il ne peut être porté atteinte au secret des sources qu'en cas d'impératif prépondérant d'intérêt public.

Une mission sur la création d'un conseil de déontologie des médias a été confiée à Emmanuel Hoog. Il ne s'agirait nullement d'un conseil de l'ordre mais d'une instance d'autorégulation, comme il en existe chez nos voisins. Des réflexions sont menées dans la profession. Le Gouvernement y est attentif et défendra toujours la liberté de la presse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - En matière de libertés publiques, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Je m'étonne au passage que, pour vous, l'affaire Benalla ait été un impératif d'intérêt public... Sous couvert de sécurité nationale, de lutte contre les fake news ou contre la haine sur internet, ne construisons-nous pas, brique par brique, le mur de la désinformation ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 55.

Collectivité européenne d'Alsace (Conclusions de la CMP - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. René Danesi .  - La bonne politique, c'est l'art du possible. La récente histoire institutionnelle de l'Alsace l'illustre. Depuis son incorporation à la région Grand Est, elle cherchait à exister à nouveau dans les institutions de la République.

En mon nom et au nom des deux conseils départementaux rhénans, je remercie ceux qui ont participé à l'élaboration de cette loi, notamment Mme Gourault, M. Bas et Mme Canayer qui ont oeuvré pour la concrétisation du désir d'Alsace.

En tant que porteur de l'amendement qui a permis le rétablissement de la dénomination de Collectivité européenne d'Alsace, j'en remercie les cosignataires, Mme Keller, MM. Kern, Brisson, Laménie et Sido.

Cette loi redonne à l'Alsace son identité institutionnelle perdue et affirme son ancrage rhénan. Elle sera complétée par des mesures réglementaires : retour des statistiques à l'échelle de l'Alsace et plaques minéralogiques alsaciennes auront un impact politique évident.

L'État s'est engagé à maintenir les deux préfectures et l'élection des sénateurs dans chacun des deux départements.

La Collectivité européenne d'Alsace a été accueillie avec grande satisfaction par les deux conseils départementaux - à l'exception des socialistes, qui n'y voient qu'un leurre. Certains chez Les Républicains traitent la loi de coquille vide, tandis que les régionalistes-autonomisants réclament pour l'Alsace le statut particulier qu'ont Paris, Lyon ou la Corse. Cela supposait la fusion de deux assemblées de nature différente ; c'était le référendum raté de 2013...

Je suis d'un naturel optimiste et réaliste, ce qui m'a permis d'être élu depuis 48 ans au niveau local comme national. Je préfère voir le verre à moitié plein.

Cette loi va aussi loin que possible dans le cadre constitutionnel existant, sans détricoter la carte des régions. Le droit à la différenciation ouvrira de nouvelles perspectives. Si la Collectivité européenne d'Alsace fait la preuve de son efficacité, rien ne pourra s'opposer à ce qu'on aille plus loin à l'avenir. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous voici au bout du parcours parlementaire de ce texte et l'heure est au bilan. Le texte issu de la CMP correspond-il à la lettre et l'esprit de la déclaration de Matignon du 29 octobre 2018 ? Répond-il aux attentes des Alsaciens ? À la première question, difficile de répondre « oui ». Ce projet de loi s'éloigne beaucoup de la déclaration de Matignon, tant sur le bilinguisme que sur les compétences transfrontalières. Sur le transfert des routes, la compensation financière, condition sine qua non, sera-t-elle adéquate ? Pas sûr, la référence au montant de dépenses de l'exercice 2018, votée par le Sénat à l'initiative de notre rapporteur, ayant été supprimée à l'Assemblée nationale.

Que penser du renvoi à l'ordonnance pour instaurer des contributions spécifiques à la charge des usagers ? Là aussi, le dispositif précis voté par le Sénat a été supprimé.

Enfin, si les fédérations culturelles et sportives pourront organiser leur gouvernance à l'échelle infrarégionale, ce ne sera que dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État...

La Collectivité européenne d'Alsace répond-elle à l'attente des Alsaciens ? Non. Ils n'ont pas souhaité la disparition des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin au profit de ce qui n'est qu'un autre département. Attendons-nous à des divisions internes quand il s'agira de choisir le chef-lieu...

Dans quatre sondages, 80 % des Alsaciens ont dit vouloir le rétablissement d'une région Alsace dotée de toutes les compétences régionales. Or le rôle de chef de file dans la promotion du bilinguisme, la coordination de la politique touristique, la possibilité de se voir déléguer certaines aides aux entreprises, tout a été supprimé.

Certains se consolent en se disant que ce texte est un premier pas. Je ne suis pas de cet avis. Le Gouvernement aurait pu aller plus loin à droit constant, s'il l'avait souhaité, en instituant une collectivité à statut particulier. Il estime avoir répondu au désir d'Alsace. Je voterai contre ce texte. (M. Stéphane Piednoir applaudit.)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - En application de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéa 9

Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

premier

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Coordination rédactionnelle.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. François Grosdidier .  - J'avais voté pour le texte issu du Sénat. Nous sommes favorables à plus de décentralisation, nous voulons satisfaire le désir d'Alsace, nous voulons une République moins jacobine, moins rigide, faisant confiance au terrain.

Par nos amendements, nous avions ouvert aux autres départements les mêmes droits qu'aux Alsaciens. L'Assemblée nationale, à la demande du Gouvernement, a défait le travail du Sénat en allant jusqu'à supprimer l'extension de l'écotaxe poids-lourd à la Lorraine, ce qui revient à déporter le trafic de l'A35 vers l'A31 et donc le déport des poids-lourds d'Allemagne et de Suisse - où l'écotaxe est pratiquée - vers la Lorraine. Ce sera catastrophique. Je voterai contre, ainsi que tous les collègues lorrains.

M. Guy-Dominique Kennel .  - Étant donné l'estime personnelle que je porte à la ministre, j'aurais aimé voter en faveur de ce texte. C'était sans compter les modifications de la navette.

Le Sénat, ayant compris que l'Alsace souhaitait être terre d'expérimentation, avait fait un important travail de consolidation du texte. Malheureusement, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ont préféré produire de la mousse tout en faisant croire aux Alsaciens qu'ils leur servaient une vraie bière. (Sourires)

Un seul département, c'est une seule préfecture. La liste des insatisfactions est longue. Chef-de-filat transfrontalier uniquement organisationnel, charges routières non compensées, taxe transit liée à l'hypothétique ordonnance, bilinguisme réduit à un enseignement complémentaire : le texte risque d'engendrer des frustrations qui nourriront les extrémismes. Je m'abstiendrai.

M. Jean-Marie Mizzon .  - J'avais dans un premier temps voté pour le texte tel qu'amendé par le Sénat. Il nous revient sous une forme qui va créer un système dual et déséquilibré. Pourquoi refuser à des départements qui sont dans des situations comparables ce que l'on octroie à d'autres ?

Je voterai contre ce projet de loi. Le risque est grand qu'il renforce le trafic parasite qui transite par l'Alsace, mais aussi celui en provenance du Luxembourg qui transite par la Lorraine.

M. André Reichardt .  - Mon vote sera négatif. Ce texte ne décline pas la déclaration de Matignon sur le renforcement du bilinguisme ; loin de la sanctuarisation promise, le texte ne prévoit que la possibilité de proposer un enseignement facultatif complémentaire. L'esprit de la déclaration de Matignon n'est pas respecté dans le texte. Je vois mal les présidents des conseils départementaux accepter un tel recul par rapport à ce qu'ils avaient demandé.

De même, alors que la déclaration de Matignon prônait une nouvelle gouvernance pour l'enseignement des langues, on crée un comité stratégique de l'enseignement de la langue allemande qui réunit le rectorat et les collectivités concernées : autant dire, la même chose que la convention quadripartite qui existe déjà, à laquelle je participais en tant que président du conseil régional.

M. Jean-Marc Todeschini .  - Comme mes collègues mosellans, je m'étonne que la majorité de l'Assemblée nationale ait rejeté ce qui avait été voté à l'unanimité au Sénat. Il est regrettable que les députés mosellans aient été opportunément absents au moment du vote.

L'A31 est déjà saturée, avec 14 500 poids lourds par jour ; l'instauration d'une écotaxe en Alsace, conjugué au péage en Allemagne, risque d'entraîner le déport de plus de 16 000 poids lourds par jour. Les départements lorrains devront supporter le coût, économique, sanitaire et environnemental, de ce trafic supplémentaire. Je voterai contre le texte.

À la demande de la commission des lois, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°171 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l'adoption 212
Contre    55

Le Sénat a adopté.

Transformation de la fonction publique (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de transformation de la fonction publique.

Discussion générale

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Depuis le début, le Sénat a adopté une attitude pragmatique sur ce texte, cherchant non à « transformer » la fonction publique mais à offrir de nouvelles souplesses aux employeurs tout en maintenant les garanties du statut général.

Nous regrettons la procédure accélérée et des délais particulièrement contraints. Nous aurons adopté définitivement ce texte en quatre mois. Souhaitons que les décrets d'application viennent aussi rapidement.

Avec mon co-rapporteur, nous remercions les députés Émilie Chalas, rapporteure de l'Assemblée nationale, et Guillaume Gouffier-Cha, chef de file du groupe En Marche, avec qui nous avons eu des échanges sincères et constructifs. Merci, monsieur le ministre, pour votre écoute et la technicité de vos interventions en séance, même si quelques divergences subsistent entre nous.

Le texte initial reprenait déjà des propositions du Sénat, comme l'harmonisation du temps de travail et l'introduction de la rupture conventionnelle. Nous avons adopté au total 154 amendements en commission et 125 en séance publique.

Le texte de la CMP préserve de nombreuses avancées du Sénat. Citons le durcissement des règles applicables aux fonctionnaires territoriaux momentanément privés d'emploi ; la valorisation du mérite des agents, avec possibilité de prime collective ; l'assouplissement du recours aux contrats dans la fonction publique territoriale ; l'établissement d'une feuille de route triennale pour plus de visibilité ; l'amélioration des procédures disciplinaires ; la suppression d'un renvoi à un décret pour définir les missions des directeurs généraux des services au profit d'une charte de bonnes pratiques respectueuse du rôle des élus mais aussi nouvelles garanties pour les DGS.

Nous ne sous-estimons pas les efforts de l'Assemblée nationale pour parvenir à un accord. En contrepartie, nous avons fait des concessions, sur les commissions administratives paritaires, sur le devoir de réserve ou le licenciement pour insuffisance professionnelle. Nous avons accepté que le Gouvernement soit habilité à réformer le dialogue social par ordonnance, même si nous aurions préféré un projet de loi spécifique.

Merci au président Bas qui a su convaincre les députés d'accepter la modification de l'article 28 portée par Michel Savin sur les conseillers techniques sportifs.

Les apports du Sénat étant substantiels, je vous invite à voter ce texte de compromis. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - En séance publique, nous avions affirmé avec constance notre volonté de parvenir à un accord en CMP.

C'est chose faite. L'accord en CMP témoigne de la vitalité du bicamérisme.

Je salue les 5,5 millions d'agents de la fonction publique. Il fallait leur apporter des améliorations. L'habilitation à légiférer par ordonnance sur la haute fonction publique a été rétablie mais un tronc commun d'enseignement pour les agents de catégorie A a été conservé. Nous serons vigilants lors de la rédaction et de la ratification des ordonnances.

En matière de déontologie, nous avons soumis les membres de cabinets ministériels et les collaborateurs du président de la République au contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le renforcement de la transparence du remboursement de la pantoufle a été entériné. C'était un apport majeur du Sénat. En contrepartie, nous avons accepté la nomination par le Gouvernement de deux personnalités qualifiées à la HATVP.

Un point d'équilibre a été trouvé sur le financement de l'apprentissage. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) participera à hauteur de 50 %. Je regrette néanmoins le manque d'ambition du Gouvernement sur cette politique pourtant plébiscitée par les territoires.

Sur les mesures d'accompagnement des agents publics en situation de handicap, le rapport d'information Di Folco-Marie fournissait des pistes de travail. Les référents handicap sont généralisés.

Je salue la modernisation du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et la consultation des associations représentant les personnes handicapées. En revanche, le principe d'un bonus-malus selon la contribution des employeurs à ce fonds a été abandonné à mon grand regret. Je compte cependant sur l'ouverture d'un dialogue fructueux avec le Gouvernement pour avancer sur cette réforme en donnant aux parlementaires un accès aux bases de données de ce fonds.

Enfin, la CMP a préservé des apports substantiels du Sénat portant sur les droits et obligations des agents de la fonction publique. Le texte prévoit ainsi un meilleur encadrement du droit de grève dans la fonction publique territoriale pour éviter les grèves perlées.

De nouveaux droits sont créés : congé de proche aidant, droit au télétravail ponctuel et congé allaitement. Je vous invite donc à voter ce texte. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je suis très heureux de vous retrouver après la réussite de la CMP le 4 juillet. Je remercie l'ensemble des parlementaires qui ont rendu ce succès possible, en particulier le président Bas et les rapporteurs Di Folco et Hervé qui ont enrichi le projet de loi, dans un climat de respect et de volonté d'avancer. L'équilibre a été trouvé grâce à la volonté partagée de pondérer contraintes et droits nouveaux.

Sur de nombreux points, l'apport de votre assemblée a été substantiel. De nombreuses dispositions adoptées ici contribueront à la réussite du projet que nous portons avec Gérald Darmanin, mais aussi avec Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et Agnès Buzyn. Je pense notamment à l'amélioration de la qualité du dialogue social, avec la présentation au CSFPT d'une feuille de route ressources humaines du Gouvernement, à la mise en place d'un collège employeurs pour assister les présidents de centres de gestion dans l'examen des tableaux d'avancement, à l'élargissement du recours au contrat sur les emplois de catégorie C, à la prise en compte des objectifs collectifs du service dans la rémunération au mérite des agents territoriaux, à la création du congé de proche aidant pour les agents publics, à la création d'un entretien de carrière pour les agents exposés à des risques d'usure professionnelle, à la mise en place d'un service minimum dans certains services publics territoriaux, en complément des règles déjà applicables dans les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et qui ne s'y substituent pas. Enfin, vous avez aménagé les règles de détachement pour favoriser la promotion interne des agents territoriaux nommés sur des emplois fonctionnels, vous avez encadré le dispositif de prise en charge des fonctionnaires momentanément privé d'emploi dans la fonction publique territoriale, ou encore renforcé des droits des agents en situation de handicap, avec la portabilité des aménagements de poste, et de leurs parcours professionnels avec l'expérimentation d'un dispositif dérogatoire d'accès à la fonction publique pour les apprentis en situation de handicap.

Certaines dispositions entreront immédiatement en vigueur, comme le dispositif rénové des fonctionnaires momentanément privés d'emploi, la définition du service minimum ou la suppression du jour de carence maladie pour les femmes enceintes.

La plupart des dispositions nécessitant des décrets entreront en vigueur en 2020.

Je continuerai à travailler avec les administrations compétentes pour ouvrir dès la rentrée les concertations nécessaires à l'élaboration de la cinquantaine de textes qui doivent être publiés dans les prochains mois. Je continuerai à travailler sur diverses questions, notamment sur celle du handicap. Je rendrai des comptes sur les textes d'application. Merci à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur le banc de la commission) 

M. Dany Wattebled .  - La fonction publique est au coeur de notre vie démocratique et des attentes de nos concitoyens. Lors du grand débat, ils ont demandé plus de service public, plus de proximité sans augmenter les impôts.

Après les lois de 1946 et 1983, ce projet de loi comporte nombre de modifications. Il simplifie le dialogue social et les nouveaux outils managériaux, il élargit le recours aux contractuels et il renforce l'égalité hommes-femmes. Je me félicite que la CMP soit parvenue à un accord et ait conservé divers apports du Sénat.

Le travail du Sénat a été de mieux répondre aux attentes des employeurs locaux, notamment en luttant contre les grèves perlées qui perturbent le service public.

Le Sénat a également donné plus de prévisibilité aux élus locaux en obligeant l'État à publier une feuille de route triennale dans laquelle il indiquerait l'impact financier de ses décisions en matière de ressources humaines sur les budgets locaux.

Nous avons renforcé les obligations des fonctionnaires territoriaux en recherche d'emploi.

Nous avons amélioré les procédures disciplinaires et assoupli le recours aux contractuels, notamment de catégorie C.

Je me félicite que ce texte présente plusieurs avancées importantes, telles que la création d'un entretien de carrière, celle du congé de proche aidant, du droit à l'allaitement et du télétravail ponctuel.

Je me réjouis que ce texte généralise le référent handicap.

Je salue le travail considérable de Mme Di Folco et de M. Hervé. J'ai un petit regret sur l'engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement, qui est trop fréquente. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Arnaud de Belenet .  - L'intelligence collective semble saluée même dans le cadre d'une procédure accélérée. Ce texte est le fruit de longues concertations et d'échanges riches entre les deux chambres. Cette méthode mérite d'être confortée à l'avenir.

Je salue le travail du ministre Olivier Dussopt, la qualité des échanges avec les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale et les présidents des commissions des lois.

Ce texte commun conserve l'essentiel des apports de l'Assemblée nationale comme du Sénat. C'est aussi le fruit d'une grande concertation avec les partenaires sociaux. Réformer la fonction publique n'était pas une mince affaire. Le défi est relevé.

Le projet de loi répondait à l'enjeu indispensable de modernisation de la fonction publique à travers ses cinq titres, en adaptant et en renforçant le dialogue social dans la fonction publique à travers notamment la mise en place des futurs comités sociaux.

La création du rapport social unique représente également un nouvel outil de pilotage des ressources humaines. Si la réforme des commissions administratives paritaires (CAP) a suscité le débat, nous sommes arrivés à une position de compromis grâce aux propositions du Sénat.

Le titre II a été considérablement renforcé par nos deux assemblées. Je me réjouis du renforcement des obligations de formation au bénéfice de l'ensemble des agents publics et je salue le consensus autour de l'article 10 ter afin d'introduire une prime de précarité pour les contrats d'une durée inférieure à un an. Nous mettons fin à une inégalité avec le privé.

Sur les questions de transparence, nous pouvons être fiers du renforcement des prérogatives de la HATVP. Nous avons également avancé sur le droit grève avec une position de compromis qui reprend des éléments de l'amendement que j'avais pu déposer en première lecture.

Concernant l'habilitation prévue à l'article 22, nous avons abouti à une rédaction plus précise tout en laissant une latitude suffisante pour permettre à la mission de M. Frédéric Thiriez de travailler sans bride.

Nous avons généralisé les référents Handicap et autorisé la titularisation des apprentis handicapés.

Le Sénat a adopté 154 amendements en commission et 125 en séance publique, sans posture politicienne.

Je forme le voeu que le projet de loi prospère et que cette méthode de travail fasse jurisprudence. (Applaudissements sur le banc de la commission ; M. Michel Savin applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - La CMP aura donc abouti. Belle affaire ! Nous ne sommes pas surpris tant les convergences sont grandes entre majorité sénatoriale et la majorité présidentielle pour briser la fonction publique et la livrer aux intérêts privés.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est exactement cela. Vous lisez en nous à livre ouvert !

M. Pascal Savoldelli.  - Vous vous attaquez aux agents de la fonction publique que vous faites passer pour des privilégiés, après avoir détricoté les services publics.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Vous êtes encore en dessous de la réalité !

M. Pascal Savoldelli.  - Entendez-vous les urgentistes en grève qui disent qu'ils n'en peuvent plus et qu'il va y avoir non-assistance à personne en danger ? Disent-ils qu'ils veulent des saisonniers ? Non ! Ils veulent de la stabilité et des moyens supplémentaires.

N'entendez-vous pas les fonctionnaires de l'Éducation nationale qui vous alertent sur l'école inégalitaire qui se met en place, n'entendez-vous pas les difficultés des fonctionnaires aux petits traitements ? Non !

Mais vous écoutez les lobbies, les grandes entreprises, les exilés fiscaux, les vrais privilégiés, quoi !

Avec ce texte, la porosité entre public et privé est renforcée, tout comme les pratiques de pantouflage et de rétro-pantouflage.

Ce projet de loi s'inscrit dans une démarche cohérente. Vous bradez les biens publics qui sont le patrimoine de tous, vous libéralisez les services publics pour permettre à vos amis de faire des profits et maintenant vous remplacer les fonctionnaires par des contractuels afin « de promouvoir la diversification des viviers de recrutement » comme si ces hommes et ces femmes étaient de vulgaires poissons d'élevage !

Pour servir notre modèle républicain, notre État a créé les fonctionnaires de carrière, dont l'éthique repose sur la responsabilité, l'égalité et l'impartialité. Ce projet de loi y met fin. Ce sera le retour de l'arbitraire et du clientélisme. Ce projet marque la disparition de l'État et la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires.

Nous sommes satisfaits que la CMP ait permis de maintenir l'exclusion des CTS des détachements d'office, voté par le Sénat.

Pour le reste, toutes les aggravations ont été maintenues, notamment les attaques contre le droit de grève. Après la remise en cause du rôle des commissions administratives paritaires, voilà donc un nouvel exemple du peu de cas que vous faîtes du dialogue social et des droits fondamentaux.

Demain, les fonctionnaires de seconde zone justifieront la privatisation de pans entiers de service public et la captation de l'appareil d'État par des intérêts privés.

Le groupe CRCE votera contre ce projet de loi. (Applaudissements du groupe CRCE)

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Tout ce qui est excessif est dérisoire.

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Les sénateurs et sénatrices socialistes portent un regard nuancé sur ce texte de compromis.

Ce projet avait été profondément amélioré par son passage au Sénat grâce à l'écoute de la droite sénatoriale - cela n'a pas été le cas du groupe LaREM. Nombre d'apports socialistes au Sénat ont été supprimés lors de la CMP, hormis l'exclusion des CTS du détachement d'office et le contrôle de la HATVP lorsque les collaborateurs de l'Élysée et les membres de cabinets ministériels créent une entreprise, en cas de pantouflage et de rétro-pantouflage.

Pour le reste, les apports du groupe socialiste adoptés par le Sénat sont supprimés. La liste est assez longue : généralisation de la règle selon laquelle un emploi ne peut être réservé à un contractuel, délai minimal à dix-huit mois du « CDD de projet », définition des centres des intérêts matériels et moraux par décret, recouvrement automatique des sommes dues par un fonctionnaire qui n'a pas honoré son engagement de servir, l'interdiction par les représentants d'intérêts d'exercer toute action pour le compte ou auprès d'une personne morale de droit public dont ils ont été l'agent public au cours des trois dernières années, l'allongement à dix-huit mois du délai laissé aux employeurs pour négocier sur le temps de travail, évaluation à mi-parcours de l'expérimentation de la rupture conventionnelle, suppression du caractère obligatoire de la pénalité financière pour défaut d'élaboration d'un plan d'action d'égalité professionnelle entre femmes et hommes.

La majorité de la CMP a en revanche conservé l'élargissement du recours au contrat de projet à toutes les catégories d'emploi, une version de la prime de précarité réduite à la portion congrue puisque les plus précaires des contrats de la fonction publique hospitalière en sont exclus, la restriction du droit de grève dans la fonction publique territoriale, la cessation de la prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d'emploi au bout de cinq ans, la prise en charge par le CNFPT en matière d'apprentissage à hauteur de 50 %.

Nous voterons donc contre ce projet de loi, d'ailleurs rejeté par les syndicats de la fonction publique. M. Vallaud, à l'Assemblée nationale, a rappelé que nous sortions avec ce texte de la longue histoire de la fonction publique.

La santé au travail et les risques professionnels seront relégués au second plan avec la suppression des comités techniques paritaires (CTP). Une députée En Marche a proposé d'instaurer un jour de carence universel pour assurer l'égalité entre fonctionnaires et salariés du privé... Ce nivellement par le bas illustre bien la tendance à l'oeuvre aujourd'hui. Nous risquons de vivre la même histoire avec la réforme des retraites à venir.

Votre philosophie est de privilégier le recours aux contractuels pour répondre à des besoins selon vous trop difficiles à satisfaire à travers l'inertie supposée de la fonction publique. Mais ce faisant, vous courrez le risque de faire perdre à la fonction publique l'un de ses principaux avantages concurrentiels : le statut ! Nous voyons ce que de telles politiques ont engendré à la SNCF, qui peine à recruter sur les postes les plus exposés à la concurrence.

Le groupe socialiste rejettera ce texte, qui menace la fonction publique dans son ADN. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Delattre .  - Notre procédure législative a été efficace, puisque quatre mois ont suffi pour aboutir à un accord transpartisan sur des sujets aussi sensibles que le temps de travail, les CAP ou le droit de grève.

Si certains d'entre nous y voient de la précipitation, notre groupe en fait une tout autre lecture, considérant que ce texte donne force législative à des propositions restées en souffrance pendant plusieurs années. Il suffit pour cela de relire les comptes rendus d'auditions, de commissions ou de séances pour en prendre conscience.

À l'Assemblée nationale comme ici, les oppositions sont connues depuis longtemps. « Ce qu'il faudrait faire aujourd'hui, c'est un État plus ramassé, mais plus efficace dans l'accomplissement des missions qui sont les siennes », disait déjà Jacques Toubon le 3 mai 1983 à Anicet Le Pors.

Il fallait adapter le dispositif de mobilité, alors que les parcours professionnels des Français se diversifient et s'allongent depuis 1983. Le système retenu va simplifier la vie de la majorité des agents et je salue le travail des rapporteurs.

Nous saluons la version finale de l'article 16 retenue par la CMP, et notamment l'inscription d'un contrôle en cas de réintégration d'un fonctionnaire, et la publicité de la HATVP. Nous verrons à l'usage si les sanctions prévues et la composition du nouveau collège permettent de mettre fin aux travers attribués à la commission de déontologie.

Alors qu'en 1983, on débattait de la suppression de la catégorie D, ce sujet déontologique a fait émerger la question de la reconnaissance d'une catégorie A+. Une telle reconnaissance serait opportune, dès lors qu'elle concernerait les catégories d'emploi les plus proches du pouvoir politique, afin de pouvoir leur appliquer des règles spécifiques.

Nous nous réjouissons encore des dispositions favorables aux travailleurs handicapés et l'adaptation du supplément familial de traitement à notre initiative en cas de séparation de deux agents publics.

Les apports du Sénat ont été préservés sur la fonction publique territoriale, pour laquelle le ministre a une attention toute particulière.

Nous espérons que le texte facilitera le recrutement d'anciens agents du ministère de l'Intérieur dans les polices municipales.

Saluons enfin la création de la prime collective dans la fonction publique hospitalière.

Concernant la fonction publique d'État, les portées des modifications sont les plus difficiles à anticiper et divisent les membres de notre groupe. Pour certains d'entre nous, la marginalisation des CAP et les mesures visant à renforcer le recours aux contractuels menacent à terme le statut. D'autres y voient au contraire des moyens de revitaliser une machine étatique, par la diversification des modes de recrutement et le renforcement de la notion de carrière, qui peuvent s'avérer être un moyen de sauver le statut. Prenons garde, en toute hypothèse, à ne pas précariser les contractuels.

Les membres du groupe RDSE s'abstiendront majoritairement. Les autres se partagent entre pour et contre. (M. Loïc Hervé et Mme Catherine Di Folco, rapporteurs, applaudissent.)

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Mon intervention ne portera que sur l'alinéa 11 de l'article 28. Merci au président de la commission des lois et aux rapporteurs d'avoir obtenu le maintien de cet alinéa voté par le Sénat tout entier.

Le texte voté en première lecture, à l'Assemblée nationale, a fait l'objet d'une controverse qui n'a échappé à personne. En effet, le mouvement sportif y voyait un moyen détourné pour le Gouvernement de forcer le détachement automatique des conseillers techniques sportifs (CTS) auprès des fédérations. Les acteurs du monde sportif se sont sentis trompés par le Gouvernement car l'adoption de l'alinéa en question est intervenue alors même que des discussions venaient d'être entamées au sujet de l'avenir des CTS entre les fédérations, les syndicats et le ministère des Sports.

Or, les CTS occupent une place unique dans l'organisation du sport français : ils ont contribué à faire de la France un des pays qui a le plus développé des politiques de sport de haut niveau et de sport pour tous. Ils sont au coeur du modèle sportif français qui s'est construit à partir des années 60 autour des structures associatives, les fédérations sportives agréées d'une part, et d'autre part du ministère des Sports, chargé d'apporter de son côté une expertise sous la forme d'une mise à disposition de personnels qualifiés.

Le rôle des CTS est d'une importance d'autant plus capital que la France s'apprête à participer aux JO de Tokyo et à organiser ceux de 2024.

La place des CTS au sein du système français rend tout bonnement impensable leur transfert automatique voulu par le Gouvernement.

Notre amendement a pour objectif de retrouver un climat apaisé et de redonner confiance afin que des négociations sereines sur l'avenir des CTS soient ouvertes.

N'oublions pas non plus les conseillers d'animation sportive et les formateurs.

Pour calmer la crise, deux tiers de confiance ont été désignés, qui remettront leur rapport à l'automne.

Les missions des CTS portent sur de vrais enjeux de société et le sport joue un rôle majeur dans l'économie de notre pays. Il reste quelques mois à la ministre pour nous proposer un projet de loi présentant une vision globale du sport dans les politiques publiques. C'est donc avec une certaine confiance que nous voterons ce texte. (M. Loïc Hervé et Mme Catherine Di Folco, rapporteurs, applaudissent ; applaudissements également sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission) Je salue d'abord la diligence avec laquelle ce texte a été examiné, ainsi que le travail des rapporteurs, jusqu'à la CMP.

Ce texte introduit de la souplesse avec les contrats de projets qui fourniront un outil d'agilité bienvenu à la gestion des effectifs. Nous avons néanmoins besoin d'un retour à l'équilibre des finances publiques : il faut être attentif aux moyens affectés en personnel.

Le texte encadre également le droit de grève ; c'est heureux, car les usagers ne doivent pas être pris en otage. La rémunération au mérite sera encouragée.

La simplification des instances paritaires suit celle qui a eu lieu dans le secteur privé. La programmation pluriannuelle des effectifs permettra de mieux gérer les effectifs. Il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment de mieux connaître les effectifs de l'État.

Nous regrettons que les propositions de Jocelyne Guidez sur les proches aidants n'aient pu aboutir.

MM. Loïc Hervé, rapporteur, et Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Si !

M. Michel Canevet.  - Même chose pour l'apprentissage et Mme Gatel - malgré le pas qui a été néanmoins franchi. (Mme Françoise Gatel le confirme.)

Sur le handicap, il reste du chemin à faire. Les travailleurs handicapés sont 4,65 % dans la fonction publique d'État, 5,67 % dans la fonction publique hospitalière et 6,76 % dans la fonction publique territoriale, alors que le seuil légal est de 6 %. Les élus locaux respectent donc la loi ; de son côté, l'État devrait être exemplaire avant que d'exiger des efforts aux autres.

Le groupe UC votera ce texte dans sa grande sagesse... (Applaudissements sur le banc de la commission et sur les bancs du groupe UC)

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - À l'unanimité !

Mme Agnès Canayer .  - Ce projet de loi est le fruit d'un travail conjoint de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui a apaisé les craintes des CTS, notamment. Ses apports vont toutefois au-delà et permettront de mieux répondre aux attentes des employeurs territoriaux, de mieux récompenser le mérite des agents et de mieux accompagner les personnes en situation de handicap.

Les outils du privé sont introduits dans la fonction publique : rémunération au mérite collectif, encadrement du droit de grève, rupture conventionnelle expérimentale...

Le contrat de projet est un outil intelligent, il a été étendu aux catégories C pour faire de véritables équipes-projet. La société bouge, les carrières aussi : il faut faciliter les allers-retours public-privé. Le texte ne remet pas du tout en cause le statut.

En CMP, un outil qui déterminera la stratégie pluriannuelle de la collectivité en matière de ressources humaines a été confirmé : la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les orientations générales pour la promotion et la valorisation des parcours.

L'apprentissage dans la fonction publique a été au coeur des débats. C'est un outil d'insertion sociale majeur et j'y suis particulièrement sensible.

Le CNFPT participera à hauteur de 30 %, l'État à 40 %, le reste à charge sera assumé par les employeurs locaux - ceux ayant les finances les plus tendues n'embaucheront pas d'apprentis, ce qui est dommage.

Je me réjouis que la situation des travailleurs handicapés ait été prise en compte, à partir du rapport d'information de Catherine Di Folco.

Le texte est équilibré et répond à un besoin. Puisse son application être aussi facile que son adoption ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et sur le banc de la commission)

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Conformément à l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Je me félicite des simplifications apportées par ce texte pour les collectivités territoriales, ainsi que du retrait des dispositions sur les CTS - le temps de la concertation n'était pas encore écoulé...

Le besoin de montée en compétences numériques est encore grand pour tous les fonctionnaires. Dans la loi pour l'école de la confiance, votre collègue a soutenu les amendements que je présentais pour instaurer une obligation de formation pour les étudiants et les enseignants à l'heure du numérique.

Je regrette qu'il n'en soit pas de même dans cette loi et qu'en audition, le directeur interministériel au numérique n'ait parlé que de recrutement - et pas de formation.

Je regrette aussi que mon amendement renforçant notre souveraineté numérique n'ait pas été retenu en CMP. Cela me préoccupe d'autant plus que le directeur interministériel a paru souhaiter des allers et retours plus fréquents entre public et privé - alors que le pantouflage et le rétropantouflage entre fonction publique et des entreprises étrangères se multiplient.

J'espère que le sujet restera d'actualité, et je voterai le texte quand même.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Marc Laménie .  - Les trois fonctions publiques sont tout de même des secteurs très compliqués, car les missions sont infiniment variées. Restons vigilants et constructifs. Je voterai comme la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Merci !

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur le banc de la commission et sur les bancs du groupe UC)

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Il y a deux semaines, le Sénat n'a pas adopté le projet de la loi de règlement - qui n'est pourtant qu'une constatation a posteriori ; vous avez pourtant reconnu, comme le Haut Conseil des finances publiques, que les comptes étaient sincères. Peut-être était-ce plutôt les choix politiques que les budgets retracent, qui vous dérangeaient.

Constatons à nouveau que l'année dernière, le déficit public a diminué de 0,3 point de PIB, à 2,5 % contre 2,8 % en 2017, soit un montant inférieur de 10 milliards d'euros à la prévision initiale, que l'année dernière, le ratio de dépenses publiques est passé de 55 % à 54,4 % du PIB, crédibilisant notre objectif de baisse de 3 points sur le quinquennat ; que l'année dernière, le taux de prélèvements obligatoires a diminué de 0,2 point de PIB, pour s'établir à 45 % du PIB et, enfin, que l'année dernière, le résultat patrimonial de l'État s'est établi à - 51,9 milliards d'euros, soit le meilleur résultat depuis 2008 et que la dette publique s'est stabilisée à 98,4 % du PIB, ce qui n'était pas arrivé depuis des années.

C'est vrai, les collectivités territoriales ont joué le jeu de la contractualisation, avec une hausse des dépenses de moins de 0,4 %. Même chose pour la santé avec un Ondam en amélioration de 3,9 milliards d'euros, tandis que l'État présente un déficit inférieur de près de 10 milliards d'euros à la prévision en loi de finances initiale et une sous-exécution de 1,4 milliard d'euros par rapport à la norme de dépense.

Le Gouvernement sans renoncer à la baisse de la dépense publique de 3 points de PIB, finance malgré tout la plus forte baisse d'impôts depuis longtemps, avec notamment la suppression de la taxe d'habitation, la baisse de l'impôt sur le revenu et la montée en puissance des politiques prioritaires de sécurité, d'éducation et de transition énergétique.

Je suis convaincu que les efforts de sincérité n'ont de sens que si le Parlement se saisit pleinement de ses pouvoirs d'évaluation. Tout va dans le bon sens, à l'Assemblée nationale comme au Sénat : votre proposition de réforme de la TVA dans le e-commerce et la mobilisation de la commission des finances du code-source de l'impôt en témoignent. Il faudra aller plus loin ; je sais que le Parlement relèvera le défi. Ces encouragements sont sincères, bien sûr, parce que nous sommes tous d'accord pour que nos débats budgétaires soient plus transparents, plus informés et plus démocratiques, mais aussi intéressés : nous espérons en effet que vous pourrez ainsi mieux partager nos choix.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Je n'ai malheureusement pas été convaincu par l'excellent discours du ministre... (Sourires)

La CMP, réunie à la suite du vote négatif du Sénat, n'a pu arriver à un accord.

Nous ne contestons pas les chiffres, ni leur sincérité. Mais une loi de règlement est d'abord le résultat concret de la politique budgétaire et fiscal menée par le Gouvernement.

Le Parlement n'est pas un comptable comme peut l'être la Cour des comptes ; il juge aussi cette politique.

Les deux tiers de la réduction du déficit à 2,5 % en 2018 sont conjoncturels. La France ne respecte pas les règles européennes. (M. Jean Bizet s'en désole.) alors que les autres pays sont bien plus vertueux.

La dépense publique continue d'augmenter en volume, à 0,7 %, plus qu'en 2017.

Alors que les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale consolident leur excédent, l'État voit le déficit se creuser de plus de 8 milliards d'euros par rapport à 2017, jusqu'à 76 milliards d'euros en 2018. Les dépenses des ministères augmentent de 1,4 milliard d'euros. Le coût des dépenses fiscales dépasse 100 milliards d'euros. L'année 2018 a été celle de l'application d'une politique fiscale que le Sénat ne soutient pas.

Quant à l'avenir, le manque d'ambition pour le redressement des comptes publics se confirme comme en témoigne la Cour des comptes. Il ne faut pas reporter des efforts qu'il aurait été possible de fournir sans mettre en danger la croissance.

Compte tenu de ces éléments, la commission des finances propose au Sénat de ne pas adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

M. Didier Rambaud .  - Il y a dix jours, le Sénat a voté l'article liminaire de ce projet de loi, il a entériné la tenue des finances publiques - avec un déficit amélioré de 0,3 point de PIB par rapport à la prévision initiale du budget. Il a voté l'article premier, l'article 2, l'article 3, l'article 4, l'article 5, l'article 6... Il a voté l'article 7 et l'article 8. Il a ainsi voté chacun des articles du texte, avant de rejeter le texte dans son entier !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Décision politique !

M. Didier Rambaud.  - Au regard de la première lecture, nos concitoyens auront vu un passé politique qu'ils souhaitent révolu...

Grâce au premier document budgétaire favorable, nous saurons que les priorités iront à la lutte contre la pauvreté, l'investissement pour les armées et le capital humain, en augmentation de 1,7 milliard d'euros, les crédits de l'Éducation nationale, l'écologie, avec l'adoption d'un budget vert, dont chaque décision sera analysée par rapport à nos engagements environnementaux et à l'accord de Paris.

En parallèle, des chantiers de réforme majeure pour notre pays seront menés : réforme de l'assurance chômage, plus juste, en stoppant l'abus des contrats courts ; réforme des retraites, pour clarifier l'organisation complexe des différents régimes et les rendre plus équitables, avec des transferts entre ceux-ci ; réorganisation de l'État dans les territoires, conformément aux circulaires du 24 juillet 2018 et du 5 juin 2019 qui prévoient la simplification du paysage administratif et une nouvelle déconcentration.

Face à ces chantiers, nous devons nous rassembler autour de la réussite de notre pays. Le projet de loi « proximité et engagement » porté par Sébastien Lecornu corrigera de nombreux défauts et confortera les initiatives locales. Nous espérons que la discussion du projet de loi de finances pour 2020 sera l'occasion pour les membres de notre Assemblée qui voudront se tourner vers les Français, de le faire collectivement.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Pascal Savoldelli .  - Afin d'avoir un échange utile, j'ai choisi un poste particulier de dépense : les baisses d'impôt et de cotisations censées réduire le chômage. Un petit cadeau de 3,4 milliards d'euros avec la suppression de l'ISF que vous avez poursuivie, 1,2 milliard d'euros pour la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés, 3 milliards d'euros pour la première étape de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers, 1,6 milliard d'euros abandonnés à ceux qui touchent des revenus financiers grâce au prélèvement forfaitaire unique... Tout cela au nom de la lutte contre le chômage !

Pourtant, cela ne marche pas. Le taux marginal de l'impôt sur les revenus, à l'époque de 65 %, et celui de l'impôt sur les sociétés, alors de 45 %, est en baisse depuis 1986. Mais la courbe du chômage, elle, n'est jamais passée durablement depuis lors sous le seuil 9 %. Notre vote exprime notre refus de cette politique.

On parle souvent de la zone euro : bravo, monsieur le ministre ! Nous sommes le leader, le champion européen... des allègements de cotisations sociales ! Vous avez ajouté 3,5 milliards d'euros aux presque 100 milliards d'euros que nous a coûté le CICE depuis 2013... Pour quel effet tangible sur l'emploi ? Aucun ! Les premiers allègements ont été décidés en 1993, sous Balladur ! Dans le Val-de-Marne, le chômage est passé entre 1989 et 2000 de 6,2 % à 7,2 %. A suivi la ristourne Juppé en 1993, accentuée par celle de M. Fillon en 2003 et d'autres... sans la moindre efficacité : dans mon département, le taux de chômage grimpait à 8,3 % en 2005 !

Je vous en conjure : sortez des dogmes qui règnent depuis des décennies ! Imaginez que vous êtes salarié de Conforama...

M. Jean Bizet.  - Comme par hasard !

M. Pascal Savoldelli.  - ... et que vous apprenez que cette entreprise a touché 62 millions d'euros d'aides publiques ! Ne croyez-vous pas qu'une colère, sourde, pour le moins, soit justifiée ?

L'emploi est la première préoccupation des Français et vous réduisez les moyens de la lutte contre le chômage. Le niveau d'exécution de la mission Travail et emploi a baissé de 2 323 millions d'euros par rapport à 2017. C'est la fin de l'aide à l'embauche des PME et des contrats aidés. Les missions Travail et emploi ont diminué de 700 millions d'euros par rapport à ce que nous avions voté en projet de loi de finances initiale.

Mme la présidente.  - Concluez.

M. Pascal Savoldelli.  - Vous avez supprimé 280 ETP du ministère du travail. (M. Patrice Joly applaudit.)

M. Rémi Féraud .  - Nous voterons comme en première lecture. Nous reconnaissons les points positifs : réduction des sous-budgétisations, déficit inférieur à ce qui était prévu en projet de loi de finances initiale.

Mais ce résultat est en trompe-l'oeil. La croissance a été de 1,7 % en 2018, en recul par rapport à l'année précédente. La consommation y contribue à hauteur de 0,7 % du PIB. L'année 2018 n'a pas été celle du pouvoir d'achat et nous en avons vu les conséquences.

Le déficit budgétaire est loin du niveau qui permettrait de stabiliser la dette ; malgré une plus-value de 8,8 milliards d'euros de recettes fiscales.

La sous-consommation des crédits, en revanche, touche la défense, la justice, les collectivités territoriales. La mission Travail et emploi a été sacrifiée ; les actions dédiées à l'emploi et à la solidarité ont été amputées.

En 2018, 90 000 contrats aidés seulement ont été signés, contre 162 000 prévus. Ce sont donc bien les plus fragiles qui auront été sacrifiés. Le mouvement des gilets jaunes est dû autant au budget qu'aux coups de rabots de l'exécution.

En guise de réforme structurelle, l'année 2018 a consisté à aider les grandes fortunes, sans que le ruissellement annoncé soit autre chose qu'un mirage.

De ce fait, le groupe SOCR votera contre ce texte. (« Très Bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Éric Jeansannetas .  - En l'absence de modifications, les positions de notre groupe ne devraient pas varier : nous soutiendrons cette loi de règlement.

Comme en première lecture, je soulignerai la sincérité, la stabilisation de l'endettement... malgré une certaine thérapie de choc, qui pourrait avoir des effets récessifs. Il est trop tôt pour constater les conséquences de la crise des gilets jaunes, qui se traduiront davantage lors de l'exécution du budget 2019.

La loi de règlement permet de constater l'exécution et ses écarts avec la prévision. Outre la conjoncture, que le rapporteur général compare volontiers à la météorologie, certains d'entre eux sont révélateurs du respect de ses engagements par le Gouvernement.

On constate une mise en réserve des crédits plus faibles et un arrêt du recours aux décrets d'avance. On peut aussi saluer le retour d'un véritable budget rectificatif en fin d'année, et non d'un « second PLF ». Il est vrai toutefois que des mesures d'urgence ont été présentées en décembre...

On observe 6,6 milliards d'euros d'annulations d'autorisations d'engagement sur les missions Travail et emploi, Défense et Agriculture.

En crédits de paiement, les annulations se limitent à moins d'un milliard et portent sur le service de la dette, grâce aux taux d'intérêt faibles, mais aussi la cohésion des territoires, notamment les missions Urbanisme et habitat. Il faut remonter à 2015 pour constater des annulations supérieures.

Si l'exécution budgétaire est améliorée, la situation des finances publiques reste préoccupante avec un encours en valeur absolue qui continue d'augmenter. La France se trouve dans une situation paradoxale avec un fort taux d'endettement et une dépense qui continue d'augmenter. Pourtant, contrairement à l'Espagne ou à l'Italie, durement touchées par les mesures de rigueur consécutives à la crise de 2010, la France est parvenue à maintenir notre système social à l'instar des pays nordiques.

Si de nettes améliorations par rapport aux années précédentes justifient un vote favorable, l'inquiétude reste de mise. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le Sénat rejette aujourd'hui la loi de règlement après avoir rejeté la loi de finances initiale. C'est logique et respectable. Le groupe UC a choisi une autre logique, de la main tendue et des encouragements. Talleyrand disait : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. »

La France est incapable de se regarder et d'assainir ses dépenses publiques. Pour rembourser la dette, de 2 300 milliards d'euros, il faudrait multiplier nos impôts par sept, y compris la TVA, donc doubler le prix de tous les produits !

Si l'on se compare, on se désole encore plus...

M. Jérôme Bascher.  - Eh oui !

M. Vincent Delahaye.  - Alors que treize pays d'Europe sont en excédents budgétaires, nous sommes les seuls à ne pas baisser avec Chypre et la Roumanie.

Malgré cela, nous tenons à vous encourager. Le Premier ministre disait récemment que toute initiative en matière de réduction de dépense publique était forcément impopulaire. Mieux vaut être impopulaire qu'irresponsable ! Nous ne maîtrisons pas notre dépense publique et privilégions une logique de guichet ouvert, d'open bar... Preuve en est l'aide médicale d'État (AME) dont les dépenses ont augmenté de 400 millions d'euros, dont 100 millions d'euros l'an dernier.

Politiquement, vous avez sans doute raison de laisser filer la dépense. Peu de Français déterminent leur vote en fonction de la dépense publique. Mais vous avez moralement tort de faire peser lourd fardeau de cette dépense sur les générations futures. (M. Jean Bizet approuve.)

Le groupe centriste votera favorablement ce texte pour vous encourager à prendre des engagements en matière de baisse de la dépense publique. Les 6 milliards d'euros de baisse d'impôts ne seront compensés que très partiellement par les niches fiscales. Nous souhaitons de vrais engagements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains, RDSE et LaREM)

M. Jérôme Bignon .  - Je ne suis pas un habitué des discussions budgétaires. Je remplace mon collègue Emmanuel Capus. L'échec de la CMP était prévisible puisque le Sénat avait voté tous les articles, avant de rejeter l'ensemble du texte, situation pour le moins paradoxale, mais n'appelant aucun compromis.

Pourtant, l'exigence n'exclut pas la bienveillance. Nous avons la responsabilité collective de faire baisser la dette publique. Mais ne cédons pas à l'impatience : il nous faut tâcher de discerner avec lucidité ce qui va mieux et ce qui peut être amélioré.

La crédibilité de la puissance publique vis-à-vis de nos concitoyens et de nos partenaires européens, reconnaissons-le, s'est renforcée avec la diminution du déficit public et la stabilisation de la dette. Les collectivités territoriales ont su faire les efforts nécessaires dans l'intérêt général. Nous les saluons.

La sincérité dans l'exécution du budget n'est pas contestable, conformément au satisfecit délivré par le rapporteur général, puisqu'aucun décret d'avance n'a été pris.

Certes, nous sommes aussi d?accord avec la commission pour constater que les efforts de l'État en matière de réduction de ses dépenses n'ont pas été suffisants. La baisse des prélèvements obligatoires n'a pas été suivie d'une baisse équivalente des dépenses publiques. Les bons résultats de 2018 sont surtout dus à une conjoncture favorable.

Le groupe Les Indépendants ne rejette pas en bloc ce texte. S'il n'approuve pas aveuglément les comptes de l'année passée et ne signe pas un blanc-seing au Gouvernement pour l'avenir, il votera néanmoins ce projet de loi.

Le groupe Les Indépendants sera force de proposition pour réduire la dépense publique et le déficit.

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous n'allons pas reprendre le détail des arguments développés en première lecture pour justifier notre rejet de la politique budgétaire en 2018. Si la sincérité du budget est à noter, comment oublier que ce budget a aussi été celui de la crise des gilets jaunes, de la fiscalité punitive, comme le dit Jean-François Husson, de la baisse du pouvoir d'achat ?

Le déficit structurel repart à la hausse, ce qui représente une première depuis 2014 ! Si le déficit public diminue, c'est grâce aux collectivités territoriales, aux administrations de sécurité sociale, et à la bonne conjoncture. Notre vote est un signal d'alarme.

Les dépenses, notamment de personnel, continuent d'augmenter et la dette frôle 100 % du PIB.

Quand la commission des finances a rencontré le Gouverneur de la Banque de France, elle a été alertée par l'augmentation de la dette publique et privée : celle des entreprises et des ménages explose aussi !

Madame la ministre, ne nous rejouez pas le scénario du quinquennat précédent qui remettait systématiquement à demain les réformes. (M. Yannick Botrel proteste.)

Les fins de quinquennat ne sont pas propices aux grandes réformes et aux économies d'envergure. Il faut profiter de taux d'intérêt exceptionnellement bas pour mener des réformes vives.

Or les dépenses continuent de déraper, les économies sont toujours reportées et les Français ont le sentiment qu'ils n'en ont pas pour leur argent.

En conséquence, la grande majorité du groupe Les Républicains ne votera pas ce texte, ne pouvant cautionner l'absence de réduction des dépenses publiques et l'écart grandissant avec nos partenaires européens.

Il ne s'agit pas de faire des comptes pour faire des comptes mais pour veiller à la bonne situation financière de notre pays pour préparer son avenir. (Bravos et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article liminaire n'est pas adopté non plus que les articles premier, 2 et 3.

ARTICLE 4

M. Dominique de Legge .  - Beaucoup de collègues nous ont dit qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Le Gouvernement faisait cocorico en nous annonçant 1,8 milliard d'euros supplémentaires sur les crédits de la mission Défense ; or nous voilà à moins 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement et une centaine de millions d'euros supprimés en crédits de paiement, sans compter que le ministère de la Défense doit prendre en charge l'intégralité du surcoût des OPEX ! Les engagements n'ont pas été tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Rémi Féraud applaudit aussi.)

M. Didier Rambaud.  - Donc il faut plus de dépenses publiques !

L'article 4 n'est pas adopté, non plus que les articles 5, 6 et 7.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Si cet article n'est pas adopté, il n'y aurait pas lieu de voter sur l'ensemble du texte. Or, en application de l'article 59 de notre Règlement, le scrutin public est de droit sur l'ensemble du projet de loi de règlement.

En conséquence, l'article 8 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°172 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption   98
Contre 217

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Les articles du projet de loi ont été successivement supprimés par le Sénat.

Je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire puisqu'il n'y plus de texte.

En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 24 juillet 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 20.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 24 juillet 2019

Séance publique

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence : M. David Assouline, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer - Mme Françoise Gatel

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

3. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires

4. Clôture de la première session extraordinaire 2018-2019

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°171 sur l'ensemble du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace dans la rédaction du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par un amendement du Sénat avec accord du Gouvernement.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :267

Pour :212

Contre :55

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 130

Contre : 9 - MM. Marc-Philippe Daubresse, Laurent Duplomb, Daniel Gremillet, François Grosdidier, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Philippe Nachbar, Jackie Pierre, André Reichardt

Abstentions : 5 - Mme Chantal Deseyne, M. Jean-Raymond Hugonet, Mme Muriel Jourda, MM. Guy-Dominique Kennel, Gérard Longuet

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe SOCR (72)

Contre : 2 - MM. Olivier Jacquin, Jean-Marc Todeschini

Abstentions : 70

Groupe UC (50)

Pour : 46

Contre : 3 - MM. Yves Détraigne, Jean-Marie Mizzon, Mme Évelyne Perrot

Abstention : 1 - Mme Françoise Férat

Groupe du RDSE (23)

Contre : 23

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 12

Contre : 1 - M. Franck Menonville

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 1 - M. Philippe Adnot

Contre : 1 - M. Jean Louis Masson

N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Scrutin n°172 sur l'ensemble du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :339

Suffrages exprimés :315

Pour :98

Contre :217

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 2 - Mme Agnès Canayer, M. Jean-Pierre Grand

Contre : 130

Abstentions : 11 - MM. Yves Bouloux, Max Brisson, René Danesi, Mme Laure Darcos, MM. Charles Guené, Jean-François Husson, Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Marc Laménie, Mme Christine Lavarde, M. Albéric de Montgolfier

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Catherine Troendlé, président de séance

Groupe SOCR (72)

Contre : 70

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Olivier Jacquin, Jean-Marc Todeschini

Groupe UC (50)

Pour : 42

Abstentions : 8 - M. Olivier Cigolotti, Mmes Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Loïc Hervé, Mmes Valérie Létard, Anne-Catherine Loisier, Catherine Morin-Desailly, Sonia de la Provôté

Groupe du RDSE (23)

Pour : 18

Abstentions : 5 - MM. Henri Cabanel, Jean-Pierre Corbisez, Ronan Dantec, Joël Labbé, Olivier Léonhardt

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 13

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 1

N'ont pas pris part au vote : 5 - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier