Lutte contre le crime organisé et le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus aux amendements portant articles additionnels après l'article 16 septies.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié quater, présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent et Karoutchi, Mme Cayeux, MM. Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Rapin et Revet.

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 421-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les atteintes en matière de propriété intellectuelle définies aux articles L. 335-2 à L. 335-4-2, L. 521-1, L. 615-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle. »

M. Alain Vasselle.  - Cet amendement renforce la lutte contre la contrefaçon. Trop souvent considérée comme mineure, elle est devenue une véritable industrie criminelle mondiale. En moins de dix ans, ce trafic aurait plus que doublé, passant de 650 milliards de dollars en 2008 à 1 700 milliards de dollars en 2015. Il détruit environ 2,5 millions d'emplois et fait perdre environ 62 millions de recettes fiscales au sein des pays du G20. De plus, il constitue une source de financement privilégiée de la criminalité organisée et des organisations terroristes, plus importante encore que le trafic de drogue.

Le délit d'initié, le blanchiment et le recel de vol figurent à l'article 421-1 du code pénal ; ajoutons-y la contrefaçon, des infractions susceptibles d'être commises « en relations avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».

M. le président.  - Amendement identique n°54 rectifié bis, présenté par MM. Yung et Vincent.

M. Richard Yung.  - Ce amendement rencontre de la résistance chez les éminents juristes. On ne pourrait pas inscrire un délit dans le code pénal, disent-ils. Pourtant, le recel, le délit d'initiés et le blanchiment le sont. De plus, nous visons la contrefaçon, non en tant que telle mais en lien avec le terrorisme.

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois.  - Rassurez-vous, monsieur Yung, la catégorie des éminents juristes a disparu. On oublierait, à entendre des commentateurs à la radio ce matin, que nulle loi n'est rétroactive. C'est l'article 2 du code civil.

Ces amendements sont satisfaits par l'article 421-2-2 du code pénal. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Même avis. Nous aborderons la question de l'aggravation des peines sanctionnant la contrefaçon.

M. Alain Vasselle.  - Si le motif est que mon amendement est satisfait, le rapporteur et le ministre auraient pu m'inviter au retrait.

L'amendement n°32 rectifié quater est retiré.

M. Richard Yung.  - Il faut néanmoins que le Sénat envoie un signal fort sur la contrefaçon, qui est trop souvent vue comme un délit mineur.

L'amendement n°54 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°88 rectifié, présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Bouchet, Cardoux, Chaize, Charon, Chasseing, Danesi, de Legge et del Picchia, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et J.P. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Husson, Karoutchi, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne et Mandelli, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Milon, Morisset, Pellevat, Perrin, Pierre, Pinton, Raison, Revet, Trillard et Vasselle.

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue également une contrefaçon, l'importation, le transbordement ou la commercialisation, sur le territoire français, sans le consentement du titulaire de la marque, de produits en provenance d'un pays tiers à l'espace économique européen sur lesquels est apposée ladite marque. »

M. Charles Revet.  - Cet amendement met la définition de la contrefaçon en conformité avec celle de la jurisprudence européenne, en particulier l'arrêt Silhouette International Schmied GmbH & Co. KG contre Hartlauer Handelsgesellschaft mbH, rendu le 16 juillet 1998.

M. le président.  - Amendement identique n°135 rectifié ter, présenté par Mme N. Goulet, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Roche, Canevet, Bockel et Gabouty et Mme Férat.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement est sans doute satisfait, je le retire. Nous sommes là dans la guerre de l'obus et du blindage : plus nous nous efforçons de tarir les sources de financement du terrorisme, plus il en cherche et en trouve de nouvelles.

L'amendement n°135 rectifié ter est retiré.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Merci à Mme Goulet d'avoir montré la voie. Je demande à M. Revet le retrait de son amendement n°88 rectifié en rassurant d'emblée M. Vasselle : je lui ferai sous peu la même demande.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Il ne s'agit pas là de contrefaçon, mais d'objets de marque, authentiques, diffusés sur des circuits parallèles. La spoliation des marques relève du juge civil, non du juge pénal.

L'amendement n°88 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement identique n°38 rectifié ter, présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent, Karoutchi, Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.

M. Alain Vasselle.  - Je remercie M. Mercier pour son amabilité. Il s'agit, avec cet amendement-ci, d'aggraver les peines liées à la contrefaçon.

M. le président.  - Amendement identique n°55, présenté par M. Yung.

M. Richard Yung.  - La contrefaçon peut être une source de financement du terrorisme, puisque c'est un moyen, peu risqué d'ailleurs, de gagner de l'argent ou d'en blanchir. Braquer une banque est plus dangereux et moins rentable. Punissons-la plus sévèrement.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - La commission était initialement défavorable à ces amendements, les arguments de leurs auteurs font toutefois réfléchir. Sagesse, à titre personnel.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis favorable à une réserve près : remplacer 700 000 euros par 750 000 euros, pour respecter l'échelle des peines en vigueur.

M. Charles Revet et M. Richard Yung.  - D'accord.

M. le président.  - Ce seront les amendements identiques nos38 rectifié quater et 55 rectifié.

Amendement n°38 rectifié quater, présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent, Karoutchi, Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa des articles L. 335-2, L. 335-4, L. 716-9 et L. 716-10, à l'article L. 343-4 et au premier alinéa des articles L. 521-10 et L. 615-14 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'ai d'abord pas cru au lien unissant contrefaçon et terrorisme, mais les auditions m'ont convaincu de l'utilité de ces amendements. Richard Yung se bat depuis des années contre la contrefaçon, qui détruit des dizaines de milliers d'emplois dans notre pays.

Les amendements identiques nos38 rectifié quater et 55 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié quater, présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Garriaud-Maylam et Duchêne, MM. Joyandet, D. Laurent et Karoutchi, Mme Cayeux, MM. Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Compte tenu de l'intérêt général attaché à la lutte contre le financement de la criminalité organisée et du terrorisme, et sans préjudice de dispositions législatives ou règlementaires plus contraignantes, les personnes mentionnées aux 1 et 2 agissent avec diligence en prenant toutes mesures proactives, raisonnables et adéquates afin de concourir à la lutte contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants ou de contrefaçons telles que définies aux articles L. 521-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.

« Tout manquement aux obligations définies aux quatrième, cinquième et sixième alinéas est puni des peines prévues au 1 du VI du présent article. »

M. Alain Vasselle.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - « Toutes mesures proactives, raisonnables et adéquates » : voilà qui est assez peu normatif... Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - La prévisibilité et la précision de la loi sont en effet des exigences constitutionnelles... Retrait ?

L'amendement n°31 rectifié quater est retiré.

L'article 16 octies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°202, présenté par M. F. Marc et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 16 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :

1° Au troisième alinéa du I de l'article 34, après le mot : « illégaux », sont insérés les mots : « , contre le blanchiment des capitaux, contre le financement du terrorisme » ;

2° Après le 4° de l'article 38, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'Autorité de régulation des jeux en ligne peut utiliser ces données afin de rechercher et d'identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur, susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. »

M. Jacques Bigot.  - La loi du 12 mai 2010 énonce que la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard a notamment pour objet de « prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ».

Confortons le pouvoir de contrôle confié à l'autorité de régulation des jeux en ligne. À charge pour elle d'informer Tracfin et le ministère public si elle repère des comportements frauduleux.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable sous réserve de la suppression du 1°.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis favorable.

M. Jacques Bigot.  - D'accord avec la suggestion du rapporteur.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°202 rectifié.

L'amendement n°202 rectifié est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Les articles 17 à 21 ont déjà été examinés.

L'amendement n°171 rectifié n'est pas défendu non plus que les amendements nos 197 rectifié et 92.

L'article 22 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Charon et Danesi, Mme Canayer, MM. de Legge, Mandelli, Morisset, D. Laurent, Pellevat, Trillard, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot.

Après l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est complété par un article 74-... ainsi rédigé :

« Art. 74-...  -  Si les nécessités de l'enquête portant sur un crime ou un délit flagrant puni d'au moins trois ans d'emprisonnement l'exigent, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention d'une requête motivée tendant à ce que la personne soit, à l'issue de sa garde à vue, astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, à son assignation à résidence avec surveillance électronique. À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique sont insuffisantes, elle peut être placée en détention provisoire pour une durée d'un mois renouvelable une fois.

« Il est alors procédé conformément aux articles 137 à 150.

« L'avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l'heure du débat contradictoire. L'avocat peut, à tout moment, consulter le dossier et s'entretenir avec son client.

« Si la personne se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d'arrêt ou d'amener à son encontre. Il peut également, par requête motivée, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire. Quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue, le juge des libertés et de la détention peut décerner, à l'encontre de cette personne, un mandat de dépôt en vue de sa détention provisoire, sous réserve des dispositions de l'article 141-3. Les dispositions de l'article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République.

« La mise en liberté peut être ordonnée d'office par le procureur de la République.

« La personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté. La demande de mise en liberté est adressée au procureur de la République. Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le procureur de la République doit, dans le délai de cinq jours à compter de sa réception, la transmettre au juge des libertés et de la détention avec son avis motivé. Ce magistrat statue dans le délai de trois jours prévu à l'article 148.

« À l'issue de l'enquête, si la personne est toujours détenue, le procureur de la République peut procéder conformément aux articles 393 à 397-7. » ;

2° L'article 143-1 est ainsi modifié :

a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Lorsqu'il est fait application de l'article 74-3 à l'encontre de la personne mise en cause. » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « à l'article » sont remplacés par les mots : « aux articles 74-3 et ».

M. André Reichardt.  - Cet amendement crée un nouveau régime d'enquête dans lequel le procureur garderait le contrôle de la procédure mais pourrait solliciter du juge des libertés et de la détention le placement en détention provisoire pour un mois renouvelable une fois.

La Chancellerie l'avait rejeté lors des débats sur la justice du XXIe siècle au motif qu'il était inconstitutionnel, analyse que je conteste. Certes, une telle disposition ne saurait passer par un simple amendement et les professionnels de la justice y demeurent opposés, mais l'opinion y est favorable et les droits de la défense me semblent, en l'état, garantis.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement est assurément d'appel. Le couple procureur-juge des libertés et de la détention devenant essentiel dans les rouages de nos procédures pénales, il faudra adapter leur statut. Mais, vous l'avez dit, on ne saurait adapter ces dispositions par voie d'amendement.

L'inconstitutionnalité tient au fait que vous proposez la mise en détention préventive de personnes contre lesquelles l'action publique n'est pas mise en mouvement et qui ne sont même pas poursuivies. Je vous rappelle que le procureur a toujours l'opportunité des poursuites.

L'amendement lance une réflexion, pour aller plus loin dans la réforme de notre procédure pénale. Retrait ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

M. André Reichardt.  - Rien dans la Constitution n'interdit une mesure privative de liberté à ce stade de la procédure. J'espère que nous irons au bout de cette discussion.

L'amendement n°76 rectifié est retiré.

ARTICLE 23

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Grand, Pellevat et Danesi, Mmes Deromedi et Procaccia, MM. Laufoaulu et Milon, Mme Hummel, MM. B. Fournier, Chaize et Chasseing, Mme Garriaud-Maylam et MM. Laménie, Charon, Vasselle, Joyandet, Panunzi, Pinton, Bouchet, G. Bailly, Mandelli, Pierre, Revet et Gremillet.

Supprimer cet article.

M. Charles Revet.  - La nouvelle procédure de suspension en urgence des agents ou officiers de police judiciaires coupables de manquement professionnel grave ou d'atteinte grave à l'honneur ou la probité est redondante avec la procédure disciplinaire.

L'amendement n°93 n'est pas défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le Gouvernement souhaite le maintien de cette procédure, distincte des procédures disciplinaires.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

L'article 23 est adopté.

ARTICLE 24

M. le président.  - Amendement n°98 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot.

Supprimer cet article.

M. André Reichardt.  - Ouvrir la brèche du contradictoire au stade de l'enquête préliminaire, c'est prendre le risque qu'elle soit élargie à chaque nouveau projet de loi, alors qu'une enquête n'est efficace que lorsqu'elle est discrète.

Le travail du rapporteur a été remarquable et je voterai sa rédaction. On peut toutefois se demander ce qu'il advient lorsqu'une demande d'accès au dossier est formulée avant la fin de l'enquête. Lorsqu'une victime a porté plainte et qu'aucune suite n'a été donnée, c'est que l'enquête est toujours en cours. Le classement sans suite, lui, est systématiquement notifié. Alors à quoi bon ?

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement est intéressant et fondé en droit, quoique légèrement contradictoire avec votre amendement précédent...

De fait, le contradictoire doit s'apprécier sur la totalité de la procédure, de l'enquête à l'audience, et les garanties n'ont pas à être les mêmes à chaque stade : à celui de l'enquête, l'efficacité prime ; à celui de l'audience, priorité aux droits de la défense.

Pour autant, certaines enquêtes peuvent être très longues, pour des raisons très diverses à commencer par un embouteillage au sein du parquet. Notre commission des lois, dans une volonté de compromis, a porté de six mois à un an le point à partir duquel une personne peut accéder à son dossier. Nous avons limité le contradictoire aux mesures de garde à vue et de l'audition libre ; prévu que le procureur décidera d'une éventuelle comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et supprimé les dispositions autorisant une personne ayant fait l'objet d'une garde à vue ou d'une audition libre à consulter son dossier avant une nouvelle garde à vue ou audition libre. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le retour à six mois nous évitera une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme pour méconnaissance du droit au procès équitable : c'est le sens de l'amendement n°232 qui suit. Avis défavorable.

M. André Reichardt.  - Je pourrais répondre sur chacun des points. Mais je me contenterai de maintenir l'amendement pour compter les soutiens qu'il rassemble.

M. Jacques Bigot.  - La Cour européenne des droits de l'homme nous incite à respecter le droit au procès équitable, certes. Mais la durée des enquêtes est aussi liée à la capacité des services de police judiciaire de suivre leur rythme. Ne faut-il pas, par pragmatisme, maintenir le délai d'un an avant que le principe du contradictoire puisse s'appliquer au stade de l'enquête ?

L'amendement n°98 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°232, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les articles 77-2 et 77-3 sont ainsi rédigés :

« Art. 77-2.  -  I.  -  Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d'une peine privative de liberté et qui a fait l'objet d'un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 peut, six mois après l'accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.

« Dans le cas où une demande prévue au premier alinéa a été formée, le procureur de la République doit, lorsque l'enquête lui paraît terminée et s'il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l'article 390-1, aviser celle-ci ou son avocat de la mise à la disposition de son avocat ou d'elle-même si elle n'est pas assistée par un avocat d'une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations dans un délai d'un mois, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent article. Lorsqu'elle a déposé plainte, la victime dispose des mêmes droits et en est avisée dans les mêmes conditions.

« Pendant ce délai d'un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l'action publique, hors l'ouverture d'une information ou l'application de l'article 393.

« II.  -  À tout moment de la procédure, même en l'absence de demande prévue au premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la victime et à la personne suspectée pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.

« III.  -  Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations de la personne ou de son avocat, qui sont versées au dossier de la procédure, peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l'enquête et sur les modalités d'engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles peuvent comporter, le cas échéant, des demandes d'actes que la personne estime utiles à la manifestation de la vérité.

« Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations. Il en informe les personnes concernées.

« IV.  -  Si, à la suite d'une demande formée en application du I du présent article par une personne déjà entendue en application des articles 61-1, 62-2 ou 76, l'enquête préliminaire se poursuit et doit donner lieu à une nouvelle audition de la personne en application de l'article 61-1, celle-ci est informée, au moins dix jours avant cette audition, qu'elle peut demander la consultation du dossier de la procédure par un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier ou par elle-même si elle n'est pas assistée par un avocat. Le dossier est alors mis à disposition au plus tard cinq jours ouvrables avant l'audition de la personne. En l'absence d'une telle information et de mise à disposition du dossier, la personne peut demander le report de son audition. Le présent IV ne s'applique pas si la personne est à nouveau entendue dans le cadre d'une garde à vue sans avoir été préalablement convoquée ; dans ce cas, l'avocat de la personne ou, si elle n'est pas assistée par un avocat, la personne peut cependant consulter le dossier de la procédure dès le début de la garde à vue.

« Art. 77-3.  -  La demande mentionnée au premier alinéa du I de l'article 77-2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée. À défaut, si cette information n'est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l'enquête. » ;

2° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : « , sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu'il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d'engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».

II.  -  Les I et IV de l'article 77-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont applicables aux personnes ayant fait l'objet d'un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 du même code après la publication de la présente loi.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Je l'ai défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°232 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 h 10.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.