Élection présidentielle (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi adoptées par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.

Discussion générale commune

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Depuis la révision constitutionnelle de 1962, l'élection du président de la République au suffrage universel direct est la clef de voûte des institutions de la cinquième République. Après les scrutins de 2007 et 2012, les organes chargés de leur déroulement - Conseil constitutionnel, Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle, Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Commission des sondages - ont formulé des recommandations techniques cohérentes qui ont donné lieu à ces propositions de loi, adoptées par l'Assemblée nationale le 16 décembre dernier, pour remédier aux controverses aussi vaines que récurrentes surgissant élection après élection.

Ce texte renforce le cadre juridique de l'organisation des élections présidentielles à venir pour la rendre incontestable. Je veux saluer avant tout le travail important de votre commission des lois et l'engagement du rapporteur Christophe Béchu.

La proposition de loi revoit d'abord les règles de parrainage. Il devra être adressé par le parrain et non plus par le candidat, directement au Conseil constitutionnel par voie postale, sauf pour l'outremer et l'étranger. La remise des parrainages par voie électronique sera également rendue possible, une fois le système informatique sécurisé ad hoc mis en place.

Le texte prévoit aussi la publicité intégrale de la liste des parrains, pour mettre fin à une inégalité flagrante - actuellement, 500 parrains sont tirés au sort. La transparence et la responsabilité l'imposent.

La proposition de loi organique substitue aussi à la règle de l'égalité des temps de parole accordés aux candidats par les médias audiovisuels, la règle de l'équité pendant la période dite intermédiaire, qui s'écoule de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle. La règlementation était devenue si complexe et absconse que certaines chaînes n'organisaient même plus de débat, ce qui nuit évidemment à la richesse de la vie démocratique.

Sur l'horaire de fermeture des bureaux de vote, le Gouvernement préfère s'en remettre au statu quo à l'appréciation des maires. L'harmonisation à 19 heures voulue par la commission des lois évitera certes la diffusion prématurée de sondages, mais pourrait réduire la participation. Nous soutiendrons à cet égard l'amendement de M. Anziani, qui maintient la possibilité d'une dérogation. J'ajoute que l'embargo sur la diffusion des résultats est maintenu à 20 heures.

Enfin, la proposition de loi organique prévoit la radiation automatique des listes électorales consulaires des expatriés qui rentrent en France.

Le Gouvernement soutiendra les compléments proposés sur la double inscription par la proposition de loi transpartisane des députés Pochon et Warsmann.

Le Gouvernement salue la décision de votre Commission des Lois qui, à l'initiative du rapporteur Christophe Béchu, a rétabli, pour toute élection, l'obligation de comptabiliser pendant un an avant le scrutin l'ensemble des dépenses et des recettes électorales ayant vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats.

La commission des lois a néanmoins réduit à six mois la durée de comptabilisation des dépenses de campagne pour les élections qui auront lieu après 2017 ; conformément à sa position devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement soutient l'amendement du groupe socialiste d'en revenir à douze mois, car cette modification contredirait le mouvement vers plus de transparence dans la vie publique.

La société se modernise, la vie politique doit accompagner ce mouvement pour être attractive, et cette proposition de loi y contribue. Le Gouvernement appelle à soutenir cette initiative, au-delà des clivages partisans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Christophe Béchu, rapporteur de la commission des lois .  - Un regret d'abord : à peine moins d'un an avant l'élection présidentielle, nous devons, à nouveau légiférer dans l'urgence sur un sujet fondamental pour la démocratie, comme nous avions dû le faire avant les deux derniers scrutins.

Cela ne favorise pas la sérénité souhaitable sur un sujet aussi important pour notre vie démocratique, alors même que les propositions de loi résultent pour l'essentiel des recommandations du Conseil constitutionnel, du CSA, de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle... Sur un tel sujet, il fallait prendre le temps de la réflexion.

Ce regret surmonté, de quoi s'agit-il ? Nous ne débattons pas ici de la personnalité du prochain président de la République, mais des règles propres à assurer sérénité et transparence pour ce grand rendez-vous qui rythme notre vie politique.

Les parrainages d'abord : il s'agit d'éviter les pressions sur les parrains et d'assurer la transparence - comme y appelait le Conseil constitutionnel en 1974 déjà. La commission des lois a souhaité une transparence totale de la liste des parrains une fois la collecte terminée, mais la publication au fil de l'eau du nombre de parrains seulement.

Les temps de parole ensuite. Pendant la phase préliminaire, où l'on ne sait qui sera candidat, l'équité s'impose naturellement. Pendant la campagne officielle, régie par l'article 7 de la Constitution, la règle est l'égalité. Reste la période intermédiaire, qui depuis 2007 ne dure plus trois jours mais trois semaines. Or le CSA observe que le temps d'antenne consacré à l'élection présidentielle a été divisé par deux. Tel n'était pas l'objectif de la loi organique de 2006 ! Selon des constitutionalistes, dont Guy Carcassonne, c'est notamment en raison des difficultés rencontrées par les chaînes, eu égard au nombre de candidats, pour appliquer la règle de l'égalité des temps de parole qu'elles n'organisent pas de débat du premier tour.

La commission des lois a d'abord préféré substituer l'équité bonifiée à une égalité formelle. Mais je soutiendrai l'amendement de M. Anziani, qui conserve le principe d'égalité tout en réduisant d'une semaine la durée de la période intermédiaire, selon les préconisations du CSA.

J'en viens à l'horaire de fermeture des bureaux de vote. Les règles d'extrapolation permettant de deviner l'issue du scrutin dès qu'un certain nombre de résultats partiels sont connus, la commission des sondages appelle de ses voeux un raccourcissement du délai - actuellement de deux heures - entre la fermeture du premier et du dernier bureau de vote. Au nom de l'égalité, nous préférons qu'ils ferment partout à 19 heures. Nous en avons déjà fait l'expérience lors des dernières élections européennes. Nous constatons en outre que peu de personnes votent entre 19 et 20 heures.

Enfin, la comptabilisation des dépenses de campagne. Nous n'avons pas souhaité, si près de la prochaine élection présidentielle, modifier les règles applicables en 2017.

Je tiens toutefois à briser ici un non-dit : la question des primaires. Aujourd'hui, une fraction seulement des dépenses liées à une primaire ouverte du vainqueur de celle-ci est prise en compte, soit environ 400 000 euros dans le cadre de la campagne de François Hollande pour la précédente élection présidentielle. C'est un peu bancal... En légiférant pour les scrutins qui se tiendront au-delà de 2017, nous posons une règle dont nous ne connaissons ni ceux qui en bénéficieront, ni ceux qui en pâtiront. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la culture .  - Deux articles de la proposition de loi organique ont retenu toute l'attention de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

L'article 7 d'abord : l'Assemblée nationale avait prévu de reporter d'une heure la fermeture des bureaux de vote, de 18 heures à 19 heures, dans de nombreuses petites communes, pour éviter les fuites de résultats de sondages sur internet, mais le risque demeurerait, compte tenu du maintien d'un décalage d'une heure pour la fermeture des bureaux en zone urbaine.

Des membres de notre commission se sont interrogés sur les difficultés que rencontreraient les petites communes qui peinent parfois à constituer des bureaux de vote, d'autres contrario sur le brouillage des règles... La solution retenue par la commission des lois est judicieuse : les électeurs seront traités de la même façon et les risques de fuite seront minimisés.

L'article 4, qui a retenu le plus l'attention de notre commission, substitue le principe d'équité au principe d'égalité des temps de parole entre les candidats pendant la période intermédiaire. C'est un sujet sensible qui touche à notre conception même de la démocratie et du respect du pluralisme.

Le principe de l'égalité constitue la meilleure garantie pour vivifier notre démocratie, le meilleur gage de renouvellement de l'offre politique ; au lieu de quoi, nous entérinerions une dérive qui conduit à privilégier les candidats les plus connus... (MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat approuvent). Le filtre des parrainages garantit déjà le sérieux et la représentativité des candidatures.

Nous n'ignorons pas qu'il s'agit d'encourager les médias à couvrir la campagne présidentielle pendant la période intermédiaire. N'est-ce pas plutôt aux médias de réfléchir à la meilleure façon d'en rendre compte en respectant l'égalité ?

M. Pierre-Yves Collombat. - Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - Celle-ci autorise à jouer sur la diversité des formats, des plages horaires... La nouvelle règle relative aux conditions de programmation ne compliquera-t-elle pas les choses ?

Il a manqué une réflexion sur la façon de conduire aujourd'hui l'élection présidentielle, à l'heure des nouveaux médias. Rien non plus pour garantir l'égalité, ni même l'équité, entre les candidats aux primaires dotés à cette occasion d'un surcroît de visibilité - certains analystes accordent d'ailleurs aux primaires plus d'importance qu'au premier tour de la présidentielle.

Une large marge d'appréciation serait accordée au CSA, qui devrait se fonder sur les derniers résultats électoraux, les enquêtes d'opinion et la participation des candidats à l'animation du débat... Critères insuffisants, voire subjectifs !

La commission d'enquête sur les autorités administratives, présidée par notre collègue Marie-Hélène des Esgaulx et dont Jacques Mézard était le rapporteur, nous a rappelé la nécessité de ne pas donner à ces autorités indépendantes de rôle politique. L'application du principe d'équité irait donc contre les recommandations des travaux du Sénat. (M. Pierre-Yves Collombat et M. Jacques Mézard approuvent vivement)

Aussi la commission de la culture s'est-elle prononcée majoritairement en faveur du maintien du principe d'égalité pour assurer le respect du pluralisme des temps de parole pendant la période intermédiaire. Un amendement vous sera proposé afin de rétablir ce principe dans le texte de l'article 4.

Notre commission avait adopté un second amendement visant à soumettre la recommandation établie par le CSA à un débat préalable avec les commissions de la culture de chaque assemblée. Cet amendement a été adopté par la commission des lois et figure à l'article 2 quinquies de son texte. Je tenais à en remercier le rapporteur de notre commission des lois. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite, ainsi que sur ceux du groupe écologiste, du groupe RDSE et du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi .  - Que l'élection présidentielle soit incontournable depuis 1962 n'en fait pas un bienfait pour la démocratie. Les présidences Sarkozy et Hollande ont accentué le caractère monarchique et personnel de nos institutions, souvent dénoncé, et accentué sous les présidences de Nicolas Sarkozy, puis de François Hollande, que le récent remaniement et le débat sur la déchéance de nationalité illustrent à merveille...

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral avaient préparé cette dérive...

Le président de la République concentre non seulement les pouvoirs mais monopolise le débat. D'où l'importance des règles relatives à l'élection présidentielle, car c'est alors que l'on peut espérer changer les choses... C'est la présidentialisation à tous les étages - y compris peut-être demain, dans les régions dont il est question d'élire les présidents au suffrage universel direct.

Le PCF plaide depuis 1958 pour un retour au système parlementaire. D'autres défendent aujourd'hui ouvertement une présidentialisation dans le cadre d'une Union européenne aux pouvoirs accrus...

Je m'interroge sur la publicité intégrale des signatures de parrains. Ne risque-t-on pas un pré-premier tour ? Les candidats dont les parrains seront les plus nombreux seront favorisés.

La réduction de douze à six mois de la durée de comptabilisation des dépenses si les plafonds demeurent inchangés, feront exploser les dépenses au bénéfice des grands partis. L'américanisation de notre vie politique se poursuit...

Le Gouvernement, par le biais de MM. Urvoas et Le Roux, entend aussi mettre fin à l'égalité des temps de parole pendant la période intermédiaire, sous prétexte qu'il n'est pas respecté... On excipe des recommandations et de la pratique du CSA. C'est donc le bagout de Mme Le Pen qui explique son omniprésence médiatique ? (M. David Rachline s'exclame) « La liberté des médias prime », peut-on lire. Inacceptable !

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Ces propositions de loi, loin de répondre aux interrogations fondamentales sur l'élection présidentielle, mettent à bas les règles qui l'encadrent et ouvrent la voie à un régime présidentiel. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, RDSE, écologiste et UDI-UC)

Mme Nathalie Goulet et M. Jacques Mézard.  - Très bien !

M. Alain Anziani .  - Je suivrai le plan du rapporteur. Sur les parrainages, un consensus se dégage pour dire qu'ils ne sauraient rester secrets au nom de la responsabilité. Le Conseil constitutionnel le demande depuis 1974, mais le législateur a jusqu'ici limité la publication à cinq cents noms tirés au sort.

Nous souhaitons une publication intégrale, y compris pour ceux qui n'ont pas obtenu cinq cents signataires. Nous sommes également pour une publication régulière, deux fois par semaine, du nombre, mais aussi des noms.

Faut-il réduire la durée de comptabilisation des dépenses à six mois et cela dès 2017 ? Nous préférons en rester à douze mois, en attendant d'avoir défini le statut des primaires - question importante en effet, à l'arrière-plan. Faut-il les constitutionnaliser ? Sans doute pas. Les réglementer ? Sans doute. Prendre en compte les dépenses afférentes ? Peut-être.

Autre question sensible : la communication audiovisuelle. Restons-en à des principes. Tous ceux qui ont réussi l'épreuve des 500 parrainages doivent-ils jouir des mêmes droits ? Le CSA recommande de supprimer la période intermédiaire, allongée en 2006 à 20 jours.

En même temps, le CSA considère qu'une égalité intégrale rend les émissions inintéressantes : l'audience diminue...

M. Roger Karoutchi.  - C'était déjà le cas !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - Pour les journaux télévisés...

M. Alain Anziani.  - À mon sens, il faut trouver un juste milieu, et ramener la durée de la période intermédiaire à une dizaine de jours, tout en maintenant le principe d'égalité.

À défaut, on ouvrirait la voie à d'innombrables polémiques. Le CSA devra apprécier la participation de chaque candidat au débat, il y aura des recours devant le Conseil d'État...

Quant à la fermeture des bureaux de votre, je défendrai un horaire unique - 19 heures - avec des dérogations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Corinne Bouchoux .  - Je veux saluer le travail du rapporteur, sa disponibilité et ses talents pédagogiques.

Ces propositions de loi sont peut-être utiles, mais elles témoignent des maux de notre vie politique, que révèle la progression de l'abstention et du vote Front national. En attendant de réfléchir aux conditions du vivre-ensemble, nous revoyons ses modalités techniques... mais le diable se cache dans les détails.

Nous vivons aujourd'hui une crise de l'offre politique qui explique le désintérêt des citoyens. Or sous prétexte de transparence, la proposition de loi vise à réduire par petites touches cette offre politique... Le succès du film Demain démontre pourtant la volonté d'investissement dans la vie publique d'un nombre important de citoyens même s'ils ne votent pas.

Après réflexion, nous sommes favorables à la publication au fil de l'eau des candidatures. En revanche, nous tenons à l'égalité des temps de parole - et déplorons le transfert progressif des pouvoirs du Parlement vers les autorités telles que le CSA qui exerce un pouvoir croissant dans notre pays !

M. Jean-François Longeot.  - Très bien !

Mme Corinne Bouchoux.  - Il faudrait d'ailleurs s'interroger sur l'accès aux médias des petits partis.

Ce texte est fait pour les hommes en place. Si M. Béchu a réussi à convaincre Mme Benbassa du caractère progressiste, et je rends hommage à ses qualités pédagogiques...

M. Roger Karoutchi.  - Ah !

Mme Corinne Bouchoux.  - ...je ne pourrai voter ce texte.

M. David Rachline .  - Je suis amusé d'entendre les communistes fustiger la dérive présidentialiste, eux qui ont soutenu les pires régimes totalitaires... (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Pierre Bosino.  - Caricature ! Et la dictature actuelle du Front national ?

M. David Rachline.  - Cette proposition de loi organique fait fausse route. En diminuant la durée de comptabilisation des dépenses, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) entend inciter les candidats à réduire leurs dépenses. Mais cette mesure aurait d'évidents effets pervers.

L'article premier de la proposition de loi sur le recours de la CNCCFP à des experts est contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le Conseil constitutionnel a réaffirmé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle, fondée sur le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 auquel le Conseil d'État fait régulièrement référence dans ses arrêts.

Sur les parrainages, ce texte aura pour effet de restreindre l'expression démocratique des opinions, en favorisant l'exercice de pressions inadmissibles sur les élus.

Les citoyens devraient pouvoir choisir librement leurs représentants, sans se voir préciser leur choix par quelque comité préparatoire que ce soit, comme Jean Taittinger, alors garde des Sceaux y incitait, dès 1973, le législateur.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Avec le temps, la quasi-totalité des pouvoirs ont glissé vers l'Élysée et ses annexes bureaucratiques. Le Parlement joue un rôle subalterne tandis que le président de la République, à qui il est loisible de contourner la voix du peuple, comme lors du référendum de 2005, concentre tous les regards. Quoi d'étonnant que le nombre candidats à l'élection présidentielle se multiplie ? Une multiplication qui risque, dit-on, de brouiller les enjeux - mais surtout de perturber la programmation télévisuelle... Augmenter le nombre de parrains ? La publication des parrainages au fil de l'eau augmentera la pression sur ceux qui envisageraient de parrainer des candidats inappropriés ; la position de la commission des lois évite ce travers.

La substitution du principe d'équité médiatique à celui d'égalité... Quoique blasé, je n'imaginais pas voir les créateurs d'un ministère de l'égalité réelle brûler ce qu'ils disent adorer... beaucoup de problèmes seraient réglés s'il y avait un candidat officiel... En seront favorisées les candidats des formations qui ne portent d'autre remède, chacune leur tour, aux maux du pays que la saignée. Comme à l'opéra, le changement se fait sur place. Ni René Dumont en 1974, ni Jean-Louis Tixier- Vignancour n'auraient pu se présenter, et songez qu'en 1965, François Mitterrand avait eu le même temps de parole à la télévision que le Général de Gaulle...

M. Roger Karoutchi.  - C'était une autre époque !

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'équitomètre devra tenir compte de la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral. Comme celle-ci dépend des médias libres dans le poulailler médiatique libre, le résultat ne surprendra pas par son originalité...

Le moindre des paradoxes n'est pas que les institutions de la Ve République, créées pour mettre fin au régime des partis, conduisent à ce que deux partis alternent dans l'exercice du pouvoir pour conduire les mêmes politiques. Aveugles au principe de réalité, sourds aux messages des électeurs ces formations « sérieuses » entendent continuer à occuper le pouvoir suprême, au besoin, comme on l'a vu à l'envi pendant ce quinquennat, en changeant les règles du jeu - aujourd'hui avec la modernisation des conditions du déroulement de la campagne des élections présidentielles. À en juger par les résultats, les modernisateurs feraient bien d'y regarder à deux fois...

Marianne peut être susceptible quand on froisse ses principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs à droite)

M. Hugues Portelli .  - Je suis ravi que la ministre chargée des collectivités territoriales nous réponde sur ces affaires constitutionnelles : car les collectivités territoriales ont leur rôle dans l'organisation de l'élection présidentielle...

Le groupe Les Républicains approuve le texte de grande qualité de la commission des lois, qui apporte une réponse aux questions de l'heure - mais le vrai débat est ailleurs. Les vraies questions sont renvoyées aux calendes grecques. Sur le coût des campagnes d'abord. La République octroie 22 millions d'euros au candidat du deuxième tour - à comparer au milliard de dollars de la campagne américaine.

Sur les primaires ensuite, qui posent des questions juridiques et politiques qu'on ne pourra pas éluder longtemps. Aux États-Unis, la législation fédérale, les législations locales et la jurisprudence de la Cour Suprême encadrent clairement les choses. Nous ne pourrons tenir longtemps dans la cote mal taillée qui est la nôtre.

Quant à l'émergence de forces et de personnalités nouvelles, la sélection par les parrainages joue davantage un rôle de barrage que de relais...

Cela dit, le texte pose les jalons d'une possible évolution ultérieure - souhaitons-le avant 2021... Nous avons tout le loisir d'intervenir. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé le 21 juin 2012, la CNCCFVP le 2 septembre 2013, le Sénat aussi en votant le 14 février 2011, à l'unanimité, la proposition de loi sur les sondages, auquel il n'a été donné aucune suite. Pourquoi se réveille-t-on à la veille de la prochaine présidentielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet .  - Je veux saluer notre créativité procédurale : voilà une proposition de loi en procédure accélérée, sur un sujet fondamental, examinée un jeudi après-midi par 35 sénateurs...

Notre vie politique est bloquée, la société est à bout de souffle, l'antiparlementarisme est au plus haut, le fonctionnement des partis est problématique, la société civile tente de prendre le relais et on bricole... Le texte est quasiment périmé avant d'avoir été examiné... Notre droit fiscal était déjà jugé « gazeux » par le Conseil d'État en 1991 et 2006, notre droit électoral ne l'est pas moins.

Équité plutôt qu'égalité ? Ce doit être aux candidats d'être bons pour capter l'attention, y compris à la télévision... Rien ne justifie que l'on revienne sur ce principe. Au reste, qui serait juge de l'équité ? Pour nous, c'est inacceptable et non négociable.

Ce texte ne prend pas assez en compte le quinquennat et l'impact des primaires sur la physionomie de notre système. Beaucoup de points restent en suspens...

Quant à la prise en compte des dépenses de campagne, l'impasse est faite sur une hypocrisie bien française : une campagne coûte cher, davantage que 22 millions d'euros. Là encore je me refuse à bricoler devant l'opinion. L'article 4 du texte n'est pas non plus acceptable, qui revient sur le principe de pluralisme. Veut-on une politique nationale duopolistique, oligopolistique ? Est-ce pour cela qu'on a créé un ministère de l'égalité réelle ? Gardons-nous de ces dérives, alors que nous prétendons améliorer la déontologie et la transparence de la vie politique... Soyons cohérents.

Sur les parrainages, les horaires d'ouverture des bureaux de vote et les sondages, le texte va toutefois dans le bon sens. Mais à l'heure des réseaux sociaux, la campagne, à commencer par celle des primaires, est déjà engagée. L'UDI-UC appuie la démarche de la commission de la culture qui fait primer l'égalité.

Pour le reste, cette proposition de loi organique étant largement insuffisante, nous ne la voterons pas. (Applaudissements au centre)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Voilà cinq ans, jour pour jour, que le Sénat a voté à l'unanimité une proposition de loi préparée sur la base d'un immense travail, coécrite avec M. Portelli, visant à réformer le régime des sondages hérité de la loi de 1977, devenue parfaitement obsolète. Il est inadmissible qu'elle n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Jacques Mézard.  - Un mépris scandaleux du Sénat !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'en ai parlé un nombre incalculable de fois avec les présidents successifs de la commission des lois de l'Assemblée, avec les ministres, avec les premiers ministres... Rien n'y a fait.

Un grand nombre d'analyses politiques reposant sur des sondages, il est incompréhensible de ne pas encadrer leur mode de fabrication. Alors qu'en période de campagne, il en est produit jusqu'à trois par jour, rien n'oblige les instituts à publier la marge d'erreur qui, lorsque les candidats sont dits à 51%-49%, atteint 3,5 %... Une telle marge pourrait faire se croiser des courbes...

Je remercie par conséquent la commission des lois d'avoir incorporé une partie de nos propositions dans ce texte. Reste des sujets en suspens, comme la composition de la commission des sondages, qui ne comprend aucun spécialiste des statistiques ou des études d'opinion...

J'espère que nous pourrons prolonger cette réflexion : madame la ministre, ne nous dites pas que ce texte n'est pas le bon véhicule ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Roger Karoutchi .  - Il n'est pas tout à fait exact de dire qu'en 1965 François Mitterrand avait eu le même temps d'expression que le Général de Gaulle, car le Général, considérant que ce n'était pas de son niveau, avait délaissé les studios pendant la campagne du premier tour...

Pierre-Yves Collombat. - C'est encore mieux !

M. Roger Karoutchi.  - On parle beaucoup, depuis longtemps, d'actualiser notre système, mais au moment de légiférer la main tremble...

Publier les parrainages au fil de l'eau ? Cela ne changera pas grand-chose. Pourquoi ne pas imaginer un système de parrains indistinctement élus et simples citoyens ?

Le système des temps de parole a été inventé à une période où il n'y avait que quelques chaînes de télévision toutes publiques : l'audience était captive. Qui regarde encore les émissions politiques et les spots de campagne ? Ceux-ci participent sans doute du désintérêt de nos concitoyens pour la vie politique. Moderniser les clips de campagne, voilà qui serait utile...

Je ne suis pas convaincu que les primaires soient un problème en soi. En 2012, 400 000 euros ont été imputés à ce titre au compte de campagne de François Hollande. Pourquoi ce chiffre ? Mystère. J'ai déjà cosigné une proposition de loi qui propose de comptabiliser les dépenses sur une période de six mois ; les primaires peuvent très bien se dérouler dans ce laps de temps.

Donner au CSA des pouvoirs supplémentaires, je doute que cela changera fondamentalement les choses. Mais on fait avec ce qu'on a...

Le texte apporte des précisions utiles, mais sans changer les grands équilibres. Notre appréciation sera positive. (Applaudissements à droite)

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles de la proposition de loi organique

Les amendements nos13, 14 et 15 ne sont pas défendus.

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

et les mots : « ou membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger » sont remplacés par les mots : « , membres de l'Assemblée des Français de l'étranger ou vice-présidents des conseils consulaires »

II.  -  Alinéa 6

Supprimer les mots :

et les mots : « et les membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger » sont remplacés par les mots : « , les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger et les vice-présidents des conseils consulaires »

III.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger » sont remplacés par les mots : « membres de l'Assemblée des Français de l'étranger ».

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a déposé cet amendement au regard des activités exercées par les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) et les vice-présidents des conseils consulaires ; s'il n'était pas voté, il faudrait s'intéresser aux adjoints au maire et aux vice-présidents des EPCI, qui ne peuvent parrainer des candidats.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Kammermann et MM. Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Frassa.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

, membres de l'Assemblée des Français de l'étranger ou vice-présidents des conseils consulaires

par les mots :

ou membres élus des conseils consulaires

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Les conseillers élus à l'AFE sont la voix des conseillers consulaires, qui sont 442. Soyons clairs : la question est essentiellement budgétaire...

L'élargissement de la possibilité de parrainage aux seuls vice-présidents des conseils consulaires, voté par la commission des lois, n'est pas suffisant et revient à établir entre conseillers consulaires une hiérarchie contraire à l'esprit du cadre législatif relatif à la représentation des Français de l'étranger. Étendons-le à tous les conseillers, c'est une question d'équité et de représentativité.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par MM. Cadic et Détraigne et Mme Joissains.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

, membres de l'Assemblée des Français de l'étranger ou vice-présidents des conseils consulaires

par les mots :

ou conseillers consulaires

M. Yves Détraigne.  - Même objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Kammermann et MM. Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Frassa.

Alinéa 6

Après les mots :

et les mots :

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

« de l'Assemblée des Français de l'étranger » sont remplacés par les mots : « des conseils consulaires » ;

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Amendement de coordination ; le vote sur l'amendement n°9 le conditionne...

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par MM. Cadic et Détraigne et Mme Joissains.

Alinéa 6

Après les mots :

et les mots :

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

« membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger » sont remplacés par les mots : «conseillers consulaires » ;

M. Yves Détraigne.  - Défendu.

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Jusqu'au 22 juillet 2013, 155 parrains représentaient les Français de l'étranger, chiffre alors ramené à 90 - sans doute pour les raisons budgétaires évoquées.

Faut-il augmenter ce nombre ? D'aucuns proposent d'en rester à 90 ; d'autres proposent d'autoriser tous les membres des conseils consulaires à parrainer. La commission s'oppose à ces deux solutions.

La ministre entend assimiler les vice-présidents des conseils consulaires aux adjoints au maire ; or depuis la loi sur le cumul, ils ne peuvent être parlementaires car ils sont considérés comme des responsables exécutifs. Par analogie, le Conseil constitutionnel serait fondé à considérer que tous les adjoints au maire peuvent être parrains. Par conséquent, avis défavorable à tous les amendements qui veulent soit augmenter, soit diminuer le nombre de parrains.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Notre avis se réfère aussi à la nature des fonctions exercées. Avis défavorable aux amendements nos9, 37, 10 et 38.

M. Jean-Yves Leconte.  - La prise en compte de leur fonction consultative n'est pas un argument ; et ils sont grands électeurs. Il faut trouver un équilibre entre parallélisme juridique et capacité de parrainage des représentants des Français de l'étranger. 47 000 parrains potentiels pour 66 millions de personnes, au maximum 110 pour 1,7 millions de Français établis hors de France... Nous serons encore un peu sous-représentés... Je suivrai la commission.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Les conseils consulaires ne sont pas des conseils municipaux. Je crois qu'il est bon d'élargir le vivier de parrains aux vice-présidents des conseils consulaires. Mais dans l'esprit de la loi de 2013, je soutiendrai l'amendement n°9.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ces 443 élus l'ont été au suffrage universel direct. Si l'on en reste aux vice-présidents des conseils consulaires, comment garantir la représentativité des citoyens ? Ce n'est pas la même chose d'être vice-président du conseil consulaire à New York et vice-président en Géorgie...

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est pareil pour les maires...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Les conseillers consulaires se battent au quotidien dans des conditions difficiles pour les intérêts de la France. Il serait à l'honneur du Sénat de créer pour eux une dérogation.

M. Robert del Picchia.  - Combien, sur ces quelques centaines de personnes, parraineront ? Cela ne changera pas fondamentalement la capacité de présenter des candidats. J'entends parler de raisons budgétaires, mais présenter un candidat ne coûte rien.

M. Philippe Bas.  - Les questions budgétaires n'ont été évoquées que parce que le nombre de membres de l'AFE a été abaissé en 2013. Il ne peut y avoir aujourd'hui que 90 parrainages, contre 155 auparavant.

La commission des lois propose de faire passer de 90 à plus de 200 le nombre de parrains possible. Faut-il aller plus loin comme le proposent ces amendements ? Le maire de Paris et celui de ma commune de Saint-Pois ont chacun droit à un parrainage, au contraire du premier adjoint de Paris... Le parrainage n'est pas un droit acquis fondé sur la population représentée, c'est une fonction, qui n'incombe qu'aux maires. Le parrain se prononce seulement sur le fait de savoir si le candidat représente un courant de pensée digne de figurer dans l'élection - c'est la théorie. C'est à la fois un choix du législateur et du constituant, et une pratique à laquelle les parrains sont attachés, en tant qu'ils contribuent par-là à la vie démocratique du pays.

M. Marc Laménie.  - Il y a d'un côté la légitimité et la passion de nos collègues représentant les français de l'étranger, de l'autre l'argumentation du rapporteur et du président de la commission des lois. Je suivrai leur avis.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - J'ai bien entendu le raisonnement du président Bas. Mais sa logique arithmétique me gêne. De plus, dans de nombreux conseils consulaires, les vice-présidents changent tous les six mois : ils peuvent ne plus l'être au moment de l'élection... Le petit coup de pouce que je propose ne coûte rien et les conseillers communautaires, qui exercent des mandats très spécifiques, le méritent.

Cela donnerait plus de poids à leur mandat, améliorerait leur reconnaissance et leur respectabilité. Vraiment, il serait décevant que cet amendement soit rejeté.

M. Jean-Yves Leconte.  - Si les vice-présidents des conseils consulaires peuvent parrainer des candidats, c'est en partie grâce à vous, madame Garriaud-Maylam, qui, dans la loi sur le non cumul, avez voté leur assimilation à un exécutif local. Le texte de l'Assemblée nationale ne tenait pas compte de la loi de 2013 ; celui de la commission répare l'oubli. N'en rajoutons pas. Ce qui compte, c'est que nous votions un dispositif cohérent qui puise être repris par l'Assemblée nationale.

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Si j'étais conseiller consulaire, je serais fier d'être représenté au Sénat par Mme Garriaud-Maylam ! Cependant, il faut savoir ne pas aller trop loin, car vos arguments sur le caractère dérogatoire pourraient conduire le Conseil constitutionnel à considérer qu'il y a rupture d'égalité entre les parrains. Je maintiens mon avis défavorable... pour vous aider à obtenir au final une augmentation du nombre de présentateurs !

L'amendement n°9 n'est pas adopté non plus que l'amendement n°37.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel admet des conditions dérogatoires pour les Français établis hors de France en matière électorale.

L'amendement n°10 est retiré.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Cet article est dangereux pour le pluralisme. Sous couvert de modernité et de transparence, cet article complique le recueil des parrainages, en particulier pour ceux qui atteignent tout juste les 500. La commission des lois de l'Assemblée nationale a voulu que les parrainages soient publiés au fil de l'eau ; dommage que la nôtre ait écarté la publication des noms. En réalité, le seul objectif ici est de gêner l'accès au scrutin présidentiel et de réduire l'offre démocratique.

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Le contrôle et la transmission sont deux sujets différents : nous avons voulu que le contrôle s'exerce en continu, sans attendre la liasse des 500 parrainages, et éviter ce petit jeu de la présentation à la dernière minute sous l'oeil des caméras.

Mme Éliane Assassi.  - C'est cela qui nous dérange !

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Le parrain peut toujours transmettre le récépissé au candidat parrainé. Objectivement, cet amendement ne vise qu'à réduire la pression sur les maires. Il ne mérite pas le reproche d'atteinte au pluralisme !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Le Conseil constitutionnel, le 21 juin 2012, a recommandé cette transmission individuelle : avis défavorable.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Même avec le récépissé, le problème se pose : il faudra les compiler pour contrôler. On complique les choses pour les candidats.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

L'amendement n°11 est retiré.

L'amendement n°39 n'est pas défendu.

L'amendement n°44 est retiré.

L'article 2 est adopté

L'amendement n°16 n'est pas défendu.

ARTICLE 3

L'amendement n°12 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots : 

nombre par candidat

par les mots :

nom et la qualité

M. Alain Anziani.  - La publication du nom et de la qualité des parrains est une mesure de transparence, en faveur du candidat comme de l'opinion publique, et évitera les tentations de combinazione.

Cela présenterait un risque pour le parrain, qui pourrait subir des sanctions s'il s'avère qu'il n'a pas obéit à tel ou tel grand élu ? Allons ! Notre démocratie est adulte, et les pressions sont susceptibles de sanction pénale. La publication intégrale exposerait ceux qui n'ont pas déjà parrainé à des sollicitations incessantes ? Mais c'est déjà le cas, pour tout le monde ! Cette publication légale et régulière est utile.

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Je salue le talent de M. Anziani, qui retourne les arguments à sa guise. Nous avons décidé de la transmission directe des parrainages au Conseil constitutionnel, pour éviter les pressions sur les élus. Notre débat ne porte en réalité que sur les conditions de la transparence entre le début et la fin de la collecte des parrainages.

La publication en continu qui expose ceux qui ne sont pas encore parrains à être démarchés en permanence ; nous voulons protéger les élus, en ne publiant que le nombre de parrains au fur et à mesure, puis en publiant tous les noms à la fin. Cela protègera les élus du harcèlement, mais la transparence démocratique est la même - d'autant que rien n'empêche de rendre public le récépissé auprès du candidat.

Avis défavorable.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Avis favorable, au nom de la transparence de la vie démocratique et d'une information citoyenne juste. La publication continue évitera l'instrumentalisation et l'agitation médiatique autour des parrainages. C'est en outre une recommandation constante du Conseil constitutionnel depuis 1971.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La transparence a bon dos ! Cette mesure est clairement une manoeuvre pour faire pression sur les grands électeurs. Transparence ? Nous en reparlerons quand, sur les amendements suivants, vous nous proposerez de diminuer la période intermédiaire, de régler dans le détail l'équité des temps de parole... Tout cela ne vise qu'à limiter le nombre de candidats face à l'embouteillage, qui tient à la nature de cette élection, mère de toutes les autres ! Il faut tout changer, ou rien : arrêtons de poser des rustines. Je préfère la position de la commission des lois. Bientôt, on supprimera les isoloirs au nom de la responsabilité...

M. Alain Vasselle.  - Le rapporteur est cohérent, sa rédaction est équilibrée. Il a pesé le pour et le contre, ne la modifions pas ! J'invite nos collègues à rejeter l'amendement n°45, ainsi que l'amendement n°46.

Mme Éliane Assassi.  - Les élus subissent surtout la pression des grands partis qui veulent éviter la multiplication des candidatures. Or il faut protéger le pluralisme, donc la participation du plus grand nombre de « petits » candidats. Guy Carcassonne, dont beaucoup se réclament ici, a fait part de ses doutes sur l'opportunité d'un changement des règles de publicité, se méfiant d'un pré-premier tour et jugeant malsaine une sorte de course publique aux parrainages : réfléchissons-y à deux fois avant de changer les règles !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le mot « pression » revient dans notre débat : mais quand nous allons voir les grands électeurs pour leur demander leur suffrage, ce n'est pas une pression, c'est l'exercice de la démocratie ! Ce que disait Guy Carcassonne s'applique dans tous les cas, qu'il y ait publicité ou non. Pourquoi ne pas choisir la publicité et la transparence des parrainages ? Des élus ont déjà dit qu'ils ne voteraient pas pour celui qu'ils parrainaient, mais qu'ils jugeaient sa candidature souhaitable pour le débat démocratique.

Mme Corinne Bouchoux.  - La quête de cinq cents signatures n'a pas le même sens pour tous. Pour les grands partis, c'est une formalité ; pour les petits, une course de fond, chronophage et énergivore.

Il est vrai que certains parrainent des candidats pour qui ils ne voteront pas par souci de pluralisme, mais d'autres sont incités à parrainer des adversaires politiques pour fragmenter le scrutin...

La visibilité immédiate protège-t-elle les maires ? Je leur fais confiance. La pression s'exerce en réalité sur les candidats, mis en compétition les uns avec les autres, et la quête des parrainages devient une propédeutique au premier tour... Nous manquons d'une réelle expertise scientifique pour choisir entre publication au fil de l'eau et publication à la fin. Nous ne pouvons voter une mesure dont on ne connaît pas les retombées pratiques.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°50, présenté par M. Béchu, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer le mot :

publiée

par le mot :

envoyée

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Une fois envoyé, le parrainage ne peut être retiré.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°50 est adopté.

L'amendement n°17 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2, dernière phrase

Supprimer les mots :

inscrits sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent I

M. Alain Anziani.  - Nous prévoyons la publicité intégrale des noms et qualité des présentateurs de candidats, y compris de ceux qui n'ont pas recueilli cinq cents signatures. La transparence, pour tout le monde !

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Cet amendement est utile dès lors que nous avons rejeté l'amendement n°45, pour éviter qu'il n'y ait un trou dans la raquette de la transparence.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

M. Alain Vasselle.  - Je voterai contre. Je comprends qu'il faille informer le candidat qui a recueilli 499 parrainages, mais quel intérêt à publier les noms auprès de l'opinion publique ?

L'amendement n°46 est adopté

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°49 rectifié bis, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « Quinze jours au moins avant » sont remplacés par les mots : « Au plus tard le quatrième vendredi précédant » ;

2° À la troisième phrase du deuxième alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

M. Alain Anziani.  - Lors de la période préliminaire de l'élection présidentielle, la règle est celle de l'équité des temps de parole et de programmation. Pendant la campagne officielle, c'est le principe d'égalité. Reste la période intermédiaire, où il y a égalité dans le temps de parole mais équité dans le temps de programmation, qui dure environ vingt jours. La proposition de loi propose l'équité dans le temps de parole et dans la programmation ; cet amendement rétablit l'égalité dans les temps de parole et l'équité dans la programmation - impossible, matériellement, de faire autrement - mais réduit cette période à dix jours seulement. Je ne vois pas d'autre solution pour éviter les conflits incessants avec le CSA.

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Je vous propose de soutenir l'amendement de M. Anziani et de supprimer l'article 4 par cohérence. Cet article 4 découlait du constat que la loi organique du 5 avril 2006, qui a étendu la période intermédiaire à deux semaines et demie, avait entraîné des difficultés matérielles - qu'a relevées Guy Carcassonne lors de la même conférence du 22 février 2013, soulignant que le nombre de candidats empêchait un débat digne.

La solution ? Maintenir l'égalité des temps de parole, mais sur une période plus courte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Nous faisons là oeuvre utile de législateur. Reste à convaincre les députés en CMP...

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Cet amendement réduirait à une semaine le temps alloué au Conseil constitutionnel pour contrôler les parrainages : ce n'est pas praticable quand il faut en vérifier des milliers. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet accord ne me surprend pas. Il correspond aux intérêts des grandes formations politiques qui alternent au pouvoir. Je salue les artistes, véritables prestidigitateurs : on croit tout voir, mais on ne comprend pas tout. Cet amendement est peut-être moins pire que le projet initial, mais il revient tout bonnement à réduire la période pendant laquelle l'égalité est appliquée ! (On le conteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain

M. Jean-Pierre Sueur.  - Non, aujourd'hui c'est l'équité.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Non -  sinon, vous auriez laissé les choses en l'état ! Pour changer les choses, il aurait fallu renforcer l'égalité sur la période pendant laquelle les médias, à leur guise, font et défont les candidats. Voilà ce qu'aurait été une approche de gauche ! Le problème n'est pas technique, mais politique. Veut-on favoriser la diversité ou canaliser le débat ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - Nous prenons connaissance de cet amendement qui va dans le sens de la commission de la culture puisqu'il s'assortirait de la suppression de l'article 4. Le principe d'équité serait très difficile à appliquer pendant la période intermédiaire, les diffuseurs l'ont confirmé. La commission de la culture ne s'est pas prononcée sur la réduction de la période intermédiaire, je m'abstiendrai donc. En tout état de cause, je déplore qu'une proposition de loi organique aussi importante soit examinée en procédure accélérée sans travail préalable suffisant.

Mme Éliane Assassi.  - Nous critiquons le principe d'équité, qui laisse le champ libre aux rédactions. M. Anziani nous a parlé très rapidement de son amendement ce matin même. Il nous propose -  ce n'est pas simple à comprendre  - de réduire la période intermédiaire, où s'applique le principe d'égalité. On rallonge donc d'autant la période préliminaire, régie par le principe d'équité ! C'est un compromis par le bas pour couper court au débat sur l'article 4, que l'Assemblée nationale s'empressera de rétablir !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Chapeau, l'artiste !

Mme Éliane Assassi.  - Nous voulons nous aussi supprimer l'article 4, mais pour d'autres raisons !

M. Alain Anziani.  - Si Mme Morin-Desailly veut supprimer l'article 4, il faut voter cet amendement. Notre compromis renforce l'égalité, puisqu'elle sera rétablie ! (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame). Avant la réforme de 2006, les parrainages étaient déposés le vendredi et la campagne s'ouvrait le lundi : le Conseil les contrôlait en trois jours. Il peut bien le faire en une semaine...

M. Alain Vasselle.  - Nous avons consacré deux heures à ce sujet en commission des lois, sans parvenir à une rédaction commune -  jusqu'à ce matin. Mme le ministre nous dit que dix jours ne suffisent pas au Conseil constitutionnel pour vérifier ? Il y aurait désormais trois semaines, l'argument technique tombe.

M. Collombat veut la stricte égalité mais pendant la période préliminaire, c'est l'équité. Avec les primaires qui se tiendront pendant la période intermédiaire, il y un risque d'inégalité des temps de parole entre les candidats potentiels. Il faudra y réfléchir.

Mme Corinne Bouchoux.  - On confère au génie politique ! Faute de pouvoir augmenter le nombre de signatures, on passe par le tamis de la visibilité. Quand on ne peut rien faire, on jour sur le temps et le périmètre. Là, vous jouez sur les deux, et faites tomber l'article 4 au passage : d'une pierre, trois coups ! Avez-vous au moins une étude d'impact ? La présidentialisation structure notre vie politique, mais on bricole, sans base scientifique...

Madame le ministre, je ne peux pas entendre l'argument de l'inconfort pour le Conseil constitutionnel : s'il le faut, qu'il recrute ! Je suis gênée mais étant socio-réaliste, je vais voter pour, alors que je suis contre. C'est surréaliste : vous êtes géniaux ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a des jours où l'on est fier d'être parlementaire. La solution trouvée par M. Anziani et le rapporteur a été le fruit d'un débat très fécond en commission. L'égalité du chronomètre n'est pas celle de la diffusion, le sujet est complexe ; le raccourcissement de la période intermédiaire est une bonne idée.

Le Conseil constitutionnel fait appel à de nombreux vacataires : ce ne sont pas les neuf membres qui comptent les enveloppes ! Une semaine suffit. Je me réjouis de l'équilibre atteint, fruit du travail du Sénat.

Mme Nathalie Goulet.  - Mme Bouchoux raisonne bien mais je ne partage pas ses conclusions. L'article 4 n'est pas satisfaisant, mais nos conditions de travail le sont encore moins. Nous faisons du travail de commission en séance ! Le Gouvernement, sur un texte fondateur de l'élection présidentielle, devrait renoncer à la procédure accélérée. Monsieur le président de la commission des lois, soutenez-nous !

M. Christophe Béchu, rapporteur.  - Mes premiers mots ont été pour regretter les conditions d'examen de ce texte, donnez m'en acte ! Le butoir, c'est qu'en avril, nous arrivons au délai d'un an avant la campagne. Attelez-vous à un texte qui s'appliquera pour l'élection de 2020. Les deux derniers parlementaires à avoir présenté un texte sur le sujet sont devenus, l'un président de la République, l'autre garde des sceaux : cela devrait susciter des vocations ! (Sourires)

Oui, cet amendement est un compromis. La politique s'honore, parfois, à éviter les conflits inutiles. Nous nous accordons sur les règles du jeu. Nous améliorons la situation d'avant 2007, et corrigeons les excès observés depuis, nous évitons le débat sur équité et égalité, et toutes les postures et arrière-pensées qu'il charrie.

L'argument de la ministre n'est pas recevable. Trois jours, c'est le temps qu'a pris le Conseil constitutionnel lors des dernières élections : nous en proposons dix, sans compter que le contrôle aura lieu tout au long de la période avec la transmission au fur et à mesure.

Comparez donc les scores de 2002, quand le principe d'égalité s'appliquait, et de 2007 et 2012, sous l'empire du principe d'équité. Ce sont les dernières fois que les gros candidats ont enregistré les scores les plus importants.

M. Jacques Mézard.  - Cette réforme va à l'encontre de nos principes mêmes. Nous n'avons jamais été favorables à l'élection au suffrage universel direct du président de la République, reste qu'elle est devenue la plus importante dans notre système politique. Une fois les candidatures déclarées recevables par le Conseil constitutionnel, tout autre principe que l'égalité entre les candidats est contraire à la démocratie.

Une telle réforme, à peine plus d'un an avant le terme, n'est pas raisonnable. Après les cantonales, les régionales, les sénatoriales et maintenant la présidentielle, allez-vous changer les règles des élections législatives ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - On ne peut reprocher au Gouvernement d'être attentif au bon fonctionnement du Conseil constitutionnel. Les parrainages pourront toujours être déposés au dernier moment, une semaine ne suffit pas pour les contrôler.

L'égalité du temps de parole et l'équité du temps d'antenne ? C'est une équation improbable...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Curieusement, nos échanges embrouillent un débat que l'avis favorable de la commission à cet amendement devrait simplifier... Monsieur le président Mézard, vous dites que l'égalité doit s'appliquer dès lors que le Conseil constitutionnel déclare les candidatures recevables en en publiant la liste. C'est exactement ce que nous sommes en train de faire !

L'amendement n°49 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

présidence de M. Gérard Larcher