Convention Union européenne - Colombie-Pérou (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part.

Discussion générale

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie .  - Nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification de l'accord signé le 26 juin 2012, appliqué à titre provisoire depuis le 1er mars 2013 au Pérou et le 1er août 2013 en Colombie. Cet accord, qui lèvera les droits de douane et les obstacles non tarifaires, stimulera le commerce entre nos économies au bénéfice de nos entreprises. Les droits de l'homme en sont un élément essentiel. Le texte s'ouvre par une clause suspendant l'application de la convention en cas de leur violation. Droit du travail et protection de l'environnement ne sont pas oubliés non plus dans la feuille de route contraignante qui fera l'objet d'un suivi approfondi.

Approuver cet accord commercial de nouvelle génération qui intègre les problématiques du développement durable, c'est engager une nouvelle phase de coopération entre nos deux continents.

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Cet accord commercial, signé le 26 juin 2012 entre les États membres et le Pérou, d'une part, la Colombie, d'autre part, est l'un des plus substantiels jamais signés avec des pays andins. Appliqué depuis mars et août 2013, cet accord fait déjà bénéficier nos entreprises d'allègements de barrières commerciales. L'Union européenne et la France entretiennent avec ces deux pays des relations commerciales que cet accord fera croître et prospérer. La Colombie, la troisième puissance économique d'Amérique du sud, connaît une croissance soutenue depuis plusieurs années.

La France est son huitième fournisseur avec une part de marché de 2,4% en 2013 et son premier employeur étranger avec 100 000 emplois. Le Pérou, économie de taille moyenne, a connu une croissance forte de 6,8 % en moyenne, entre 2006 et 2013, seulement de 2,4 % en 2014 du fait de la baisse du prix des minerais. L'Union européenne est son troisième partenaire commercial et le premier investisseur étranger. Avec 544 millions d'euros d'échanges, la France est le vingt-troisième client et le vingt et unième fournisseur du Pérou.

Cet accord d'un nouveau genre vise à instaurer, à terme, une zone de libre-échange. L'Union européenne s'engage à ouvrir son marché intérieur aux produits industriels et de la pêche - crevettes notamment. En contrepartie, ces pays abaissent respectivement de 80 % et de 65 % leurs droits de douane sur les produits industriels européens avant de les supprimer totalement.

Les échanges sont plus ouverts que par le passé sur les produits agricoles. Des contingents tarifaires ont été accordés de part et d'autre, avec des garanties pour nos économies d'outre-mer sur des produits tels que la banane. Une clause de sauvegarde et un mécanisme de stabilisation ont été prévus.

Cet accord de nouvelle génération contient aussi des stipulations relatives aux droits de l'homme et à la protection de l'environnement. La commission des affaires étrangères les a examinées de près. L'article 271 liste les obligations environnementales, proches de celles applicables dans l'Union européenne. L'Union européenne et la France seront attentives au strict respect des feuilles de route publiées en 2012.

Cet accord ne remettra pas en cause les volumes d'échanges entre nos pays, mais sécurise un certain nombre de transactions. En 2015, un accord a été signé avec la Colombie pour l'aider à restructurer sa filière lait. Depuis l'application provisoire de l'accord, les échanges de produits agricoles ont progressé. Une clause d'adhésion ménage la possibilité pour l'Équateur ou le Mexique de rejoindre la zone de libre-échange envisagée à terme. L'Équateur a déjà signé un accord avec l'Union européenne.

Mme Leila Aïchi .  - Le groupe écologiste n'a aucune hostilité de principe aux accords commerciaux. Mais, pour paraphraser Montesquieu, je dirai que pour être doux, le commerce doit être juste et équitable. Or cet accord limite la marge de manoeuvre des pays andins à le rejoindre, au risque de saper les fondements de l'organisation commerciale la plus ancienne d'Amérique du sud.

Les droits de l'homme ? Nous savons très bien le sort réservé aux populations indiennes. De plus, les contraintes environnementales sont très limitées. Ce traité, leur préférant une orientation libre-échangiste, stimulera la production d'agrocarburants et l'extraction minière, qui reposent sur l'accaparement des terres, avec expropriation des indigènes, et la destruction de l'environnement. La libéralisation des échanges ne doit pas déstabiliser le secteur équitable dans ces deux pays.

Certes, une feuille de route concrétise les garanties prévues en matière de droits de l'homme et d'écologie. Mais sachons répondre de manière juste aux demandes économiques de ces pays. Le groupe écologiste s'abstiendra.

M. André Trillard .  - L'accord commercial entre l'Union européenne, d'une part, la Colombie et le Pérou d'autre part, prévoit la constitution d'une zone de libre-échange par la baisse des droits de douane.

Les producteurs et exportateurs français doivent répondre à de nombreuses contraintes ; veillons à ne pas entretenir une concurrence déloyale. Je pense en particulier au secteur de la banane et aux difficultés de nos producteurs martiniquais et guadeloupéens face à la maladie de Panama. La qualité des produits agricoles français est issue d'un savoir-faire qu'il faut valoriser. Nous sommes loin des productions intensives mais nous avons pour nous la sûreté. La libéralisation des échanges, c'est bien, le respect des critères équitables, c'est mieux.

Reste que cet accord est l'occasion d'enclencher une dynamique nouvelle, qui préserve nos intérêts industriels et agricoles. (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Goulet .  - Le groupe UDI-UC votera cet accord. Les articles 22 et 23 comportent ainsi des stipulations sur la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue, dont les cartels colombiens sont présents dans le Sinaï avec al Qaïda. Il est bon que l'Europe s'intéresse aux questions de banane, mais ces deux sujets restent les plus fondamentaux dans la situation actuelle de notre continent.

S'agissant des droits de l'homme, une initiative analogue serait souhaitable à l'égard d'Israël. La Palestine n'est même pas un territoire oublié mais disparu. N'appliquons pas des standards différents selon les pays ! (Applaudissements au centre)

M. Michel Billout .  - Cet accord commercial, signé le 26 juin 2012 est « mixte », ou de « nouvelle génération », puisqu'il porte sur les compétences exclusives de l'Union européenne mais aussi sur celles des États membres : droits de l'homme, environnement et droit du travail. C'est une avancée, mais je ne connais pas beaucoup d'accords effectivement suspendus pour non-respect des droits de l'homme...

Cet accord est très exigeant sur certains points, déséquilibré par ailleurs. À l'issue d'une période de transition, les échanges des produits agricoles et de la pêche seront complètement libéralisés, ce qui affaiblira les petits producteurs andins ; la culture d'huile de palme, elle, menacera directement les petits agriculteurs indigènes - et vous connaissez la sensibilité de cette question en Amérique du Sud.

Le risque de déstabilisation de sociétés qui ne connaissent pas le même niveau de développement que nous est réel.

C'est pourquoi le groupe CRC avait demandé la discussion de ce texte en séance plénière. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et républicain)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Nous connaissons les inquiétudes exprimées sur cet accord - qui n'en est pas moins pionnier des accords de nouvelle génération. La résolution du 4 juin 2012 y répond, qui invite la Colombie et le Pérou à se doter d'une feuille de route sur le respect des droits de l'homme et la protection de l'environnement.

Avec cet accord, la France ajoute l'équité et la justice commerciale au rang des valeurs non négociables, de même que la défense du modèle économique européen. La commissaire Cecilia Malmström a rappelé récemment que la lutte contre la corruption et pour le développement était au coeur de la politique européenne.

Les négociations menées dans le cadre de l'OMC sur les enjeux environnementaux sont un autre signe que les choses sont en train de bouger. Un rapport sur ces questions vient d'être remis à M. Fekl. Nous, parlementaires, avons désormais la possibilité d'être mieux associés au suivi des accords internationaux. Saisissons-nous en. C'est notre responsabilité.

Le groupe socialiste votera cet accord.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Le projet de loi est adopté définitivement.