Malades en fin de vie (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

L'amendement n°24 n'est pas défendu.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1.  -  Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient et,  lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, dans le respect de la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale.

« Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité de la personne mourante et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10, y compris les traitements mentionnés à l'article L. 1110-5-2.

« La nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement. »

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Cet amendement ne répond pas au souci de trouver un compromis : à la suite des débats de votre commission, il rétablit le texte de l'Assemblée nationale. Je tenais à le préciser contre certains propos entendus. Ce matin, j'ai exposé ces deux divergences entre votre commission et le Gouvernement. La première, le plus technique, concerne les critères de l'obstination déraisonnable : vous avez supprimé celui de l'inutilité du traitement, sans doute pour harmoniser la rédaction par rapport à l'article 3. Mais autant ce critère serait difficile à interpréter à l'article 3, autant ici, il est utile au professionnel. Supprimer cette référence mènerait à ne pas proposer la sédation alors même que le médecin croit le traitement inutile. Par cette suppression, vous revenez à un état du droit antérieur à la loi de 2005. Autant ne pas légiférer ! (Mme Corinne Bouchoux approuve)

Les spécialistes des soins palliatifs nous ont affirmé qu'ils examinaient successivement les trois critères, en commençant par celui de l'inutilité du traitement, puis celui de l'obstination, enfin la finalité de l'acte.

Notre autre divergence porte sur l'hydratation que, contrairement à la première lecture, votre commission a choisi de considérer comme un soin pouvant être maintenu. Je comprends votre motivation : vous estimez que l'arrêter provoque une souffrance insupportable. Ce n'est pas ce que disent les spécialistes. Aujourd'hui, un consensus s'est dégagé pour considérer juridiquement l'hydratation et l'alimentation comme des traitements. Votre rédaction laisse entendre qu'il y aurait une marge d'appréciation pour le médecin, qui pourrait maintenir l'hydratation contre la volonté du patient.

Que l'arrêt de l'hydratation provoque ou non des souffrances - je ne veux pas entrer dans ce débat  - cette loi a pour objet de donner plus de poids à la parole du patient. Vous atténuez la portée de la proposition de loi ; c'est pourquoi nous proposons de revenir au texte de l'Assemblée nationale.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Avis défavorable. Le Gouvernement conteste la suppression du critère d'inutilité qui nous paraît pourtant redondant avec celui de disproportion. Pour le reste, les spécialistes des soins palliatifs ne sont pas tous d'accord : l'hydratation peut soulager. Elle peut aggraver le râle agonique. D'où notre rédaction : « un soin qui peut être maintenu jusqu'au décès ». L'ouvrage récent du centre éthique et clinique de l'hôpital Cochin souligne la symbolique très forte liée à la fin de l'hydratation. Il faut penser à l'entourage et au personnel soignant.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Je suis convaincu par le rapporteur de la commission des affaires sociales. Où est la plus grande humanité ? Faire que la fin de vie survienne le plus vite possible ou qu'elle soit le mieux accompagnée possible ? On doit pouvoir procéder à l'hydratation : il s'agit simplement d'élargir le champ des actes d'humanité.

M. Dominique de Legge.  - Madame la ministre, vous avez pris huit minutes et vingt-deux secondes pour nous expliquer que votre amendement ne faisait que revenir au texte de l'Assemblée nationale. Cela ne me convainc pas. En quoi offrir une possibilité serait-elle une régression ? Faisons confiance aux médecins et au personnel soignant.

L'hydratation peut être maintenue d'abord, puis arrêtée. Ne demandons pas à la loi de tout prévoir, au risque de nous écarter de l'humanité.

M. Gilbert Barbier.  - En proclamant que vous voulez rétablir tel quel le texte de l'Assemblée nationale, vous affrontez le Sénat et ce n'est pas très facile à accepter. L'hydratation, l'alimentation, ce ne sont pas des médicaments extérieurs à la vie, c'est la vie même ! Leur arrêt peut conduire à de grandes souffrances. Vous dites que le malade souffrirait, si on n'arrêtait pas l'hydratation ? Mais le patient est sous sédation profonde ! Comment ferez-vous pour administrer la sédation profonde, sans perfusion ?

Votre amendement est pour le moins injustifié alors que la position de la commission est très raisonnable.

M. Daniel Chasseing.  - Je suis d'accord avec mes collègues. La loi Léonetti nous permet d'aller assez loin dans la sédation progressive. Dans 98 % des cas, cela se passe sans souffrance pour le malade et les familles. Nous traitons aujourd'hui des 2 % restants. Des études montrent que le patient peut souffrir de la soif. Je ne crois pas qu'un peu d'eau glucosée en intraveineuse prolongera la vie inconsidérément.

M. Roger Karoutchi.  - Je ne suis ni médecin, ni juriste, mais j'ai été confronté dans mon histoire personnelle, comme nous tous, à des fins de vie catastrophiques, avec un personnel médical dévoué, qui répond que « la loi est la loi » et qu'il ne peut rien faire en face de familles qui disent : « Vous voyez bien qu'il souffre ! ». Là, il n'y a plus ni droite ni gauche. Je m'abstiendrai. Aidons les entourages à trouver des solutions, pour que la souffrance ne soit pas une évidence. Revenir sur la loi Leonetti ? Pitié !

Mme Françoise Gatel.  - Il me semble que cet amendement nous emmène hors du chemin de crête que nous suivions avec vous jusqu'à présent. La commission a raison : les effets d'une fin de l'hydratation font trop débat, celle-ci ne peut pas être considérée comme un traitement.

Mme Catherine Génisson.  - Le patient doit pouvoir émettre librement sa volonté et les médecins doivent pouvoir y répondre. J'ai entendu votre argumentation, madame la Ministre. Nous n'avons pas de différences existentielles sur les trois critères. Je souhaite une rédaction qui précise le souhait du patient et la collégialité de la décision. L'hyper-hydratation peut amener à une souffrance mais une légère déshydratation peut faire sécréter des endorphines, et une déshydratation sévère peut être extrêmement douloureuse.

Mme Annie David.  - Je ne suis pas médecin. Une fois n'est pas coutume, je défendrai la même position que M. Karoutchi et Mme Gatel. Je regrette que votre amendement arrive si tard. Notre commission, dans un long et beau débat, est arrivée, entre médecins et non médecins, à un équilibre qui apporte de nouveaux droits aux malades en fin de vie.

Je trouve dommage de venir le remettre en cause, d'autant que le texte issu de nos travaux aurait pu être adopté à la quasi-unanimité. Le groupe CRC s'abstiendra donc, dans l'ignorance du rôle médical de l'hydratation.

Mme Corinne Bouchoux.  - J'interviendrai à contre-emploi. Dans les années sida, j'ai, comme d'autres, accompagné des personnes en fin de vie, souvent jeunes, dont les entourages étaient désemparés. Je comprends votre intention, madame la Ministre, mais votre amendement, présenté tardivement, met en danger la co-construction de cette proposition de loi. Pourquoi ne pas donner du temps au temps jusqu'à la CMP ?

Mes amis en soins palliatifs sont inquiets de ce que nous faisons au Sénat, ils craignent que nous ne revenions sur la loi Leonetti. J'appelle à reporter l'examen de cet amendement.

M. Gérard Roche.  - En première lecture, certains sénateurs craignaient un premier pas vers le suicide accompagné. D'autres, que certains empêchent, par conviction religieuse, les patients d'obtenir une sédation profonde et continue. L'hydratation est un symbole pour les premiers. Parlons de charité à l'endroit de ceux qui vont mourir.

Je vous demande de retirer votre amendement.

M. Hervé Poher.  - Permettez à un médecin de donner son avis. Lorsqu'un médecin décide d'administrer une sédation profonde et continue, c'est pour le malade, mais aussi pour que l'entourage garde une image apaisée du patient. Ce n'est pas l'euthanasie. Cela peut prendre cinq jours. Avez-vous déjà vu un malade qui n'a pas reçu une seule goutte d'eau pendant cinq jours ? Par humanité, maintenez l'hydratation, madame la Ministre !

M. Georges Labazée.  - Nous étions heureux ce matin de la quasi-unanimité des sénateurs. Les avis sont différents à l'intérieur du groupe sur ce texte. Au nom du groupe socialiste, je ne peux que prôner l'abstention ; tous les arguments ont été développés suffisamment.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je ne suis pas médecin non plus, même si j'en ai dans mes équipes. Je n'entrerai donc pas dans le débat médical. Mais lorsque vous me reprochez de remettre en cause le travail du Sénat, je réponds que le Gouvernement a lui aussi ses responsabilités. Madame Bouchoux, le texte de la commission des affaires sociales revient en arrière par rapport au droit actuel. Le Gouvernement ne peut pas ne pas intervenir, quel que soit son respect pour le travail du Sénat. À l'extérieur de cet hémicycle, des patients, des médecins, des associations seraient pour le moins étonnés si nous n'agissions pas. Cet amendement a certes été déposé tardivement, mais c'est la pure et simple reprise du texte de l'Assemblée nationale, conforme à l'équilibre de la loi de 2005.

À la demande de la commission, l'amendement n°28 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°32 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 211
Pour l'adoption 10
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Plusieurs points nécessitent que nous ajustions notre approche, en particulier l'alinéa 4 de cet article 3. Celui-ci vise un patient incapable d'exprimer sa volonté face auquel le médecin arrête un traitement au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

Comme le patient est inconscient, il y a un risque que sa souffrance réfractaire ne soit qu'une supposition du médecin. Il faudrait préciser que cela s'applique aux malades en fin de vie. (Exclamations sur les bancs socialistes)

Mme Stéphanie Riocreux.  - Le texte s'appelle comme cela !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Je veux être certain que telle est bien l'interprétation de la commission des affaires sociales ; Dans l'affirmative, l'amendement de M. Pillet pourra être adopté puisqu'il ne fait que le préciser.

M. Alain Milon, président de la commission .  - L'article 3 est essentiel, disant que la sédation profonde et continue ne peut être administrée qu'aux malades atteints d'une maladie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et la souffrance réfractaire à tout autre traitement. Le texte vise deux cas : celui où le patient est en mesure d'exprimer sa volonté, et celui où il ne l'est pas.

Il n'y a donc pas de lien automatique entre arrêt des traitements et sédation. Celle-ci n'est pas mise en oeuvre si le patient ne la demande pas ; elle est soumise à avis médical. Il n'y a donc pas d'opposition entre commission des lois et commission des affaires sociales. Notre débat révélera parfaitement l'intention du législateur.

M. Daniel Chasseing .  - La loi Leonetti convient à la grande majorité des malades. D'autres, en revanche, ne sont pas soulagés par les traitements palliatifs, malgré l'excellent travail des services spécialisés. J'aurais préféré les termes de « sédation et analgésie » à ceux de « sédation profonde et continue ».

Lorsque le médecin arrête le traitement, il ne sait pas formuler un pronostic de vie avant l'agonie, à une semaine de la mort. Les médecins ne sont pas là pour donner la mort. Bien que le président Milon et les rapporteurs aient rappelé que cette loi n'était pas faite pour ceux qui veulent mourir, pour autoriser l'euthanasie, il n'est pas absurde d'émettre des réserves. Je dis non au suicide assisté.

Mme Evelyne Yonnet .  - Saluons le travail de la commission, qui n'a eu de cesse de bien préciser qu'il ne s'agirait ni d'euthanasie, ni de suicide assisté. Nous sommes tous d'accord pour faire en sorte que le patient en fin de vie ne souffre pas.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Barbier.

I. - Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1110-5-2. - Un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance associé à l'arrêt des traitements disproportionnés du maintien en vie est mise en oeuvre dans les cas suivants :

II. - Alinéa 6

Remplacer les mots :

la sédation profonde et continue

par les mots :

le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance associé à l'arrêt des traitements disproportionnés du maintien en vie

M. Gilbert Barbier.  - Il s'agit de reprendre la rédaction initiale de ceux qui ont déposé la proposition de loi à l'Assemblée nationale ; elle correspondait parfaitement à notre but. J'ai bien compris que le Gouvernement veut supprimer l'emprise éventuelle de l'équipe soignante sur le malade. Cependant, la rédaction initiale correspond davantage à la réalité. Vous dites, madame la ministre, que nous revenons en arrière. En quoi au juste ?

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Raoul, Lalande, Manable et Masseret.

Alinéa 2

Après les mots :

traitements de maintien en vie

insérer les mots :

voire à un traitement susceptible d'accélérer la survenue de la mort

Mme Dominique Gillot.  - Dans certains cas, le corps du patient n'est pas aussi exténué qu'un corps dévoré par la maladie, ou vidé de sa sève par les ans, pour qu'un arrêt des traitements conduise à une cessation de vie dans des délais et des conditions respectueuses de la dignité de sa personne. Cette mort peut être longue à venir, en particulier dans le cas des personnes en état neurovégétatif.

Il s'agit d'assurer par tous les moyens la sérénité des derniers jours de la vie du patient, de la personne en fin de vie, y compris à l'aide de traitements pouvant accélérer la survenue de la mort, si le patient ou sa personne de confiance le demande expressément, ou si l'équipe médicale le juge utile dans l'intérêt du patient et que les directives anticipées ne l'interdisent pas. Les médecins se trouveraient ainsi protégés contre les pressions médiatiques et contre une insécurité juridique patente.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, M. Portelli, Mme Canayer, MM. Bignon, Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, MM. B. Fournier et Vasselle, Mmes Imbert, Duchêne et Gruny et MM. Mayet, de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

est

par les mots :

peut être

M. Dominique de Legge.  - Nous l'avons dit à l'article 2, l'hydratation « peut » être maintenue jusqu'au décès. De même, la sédation profonde et continue ne saurait être systématique. Nous souhaitons rappeler nos convictions profondes. Nous sommes, nous aussi, favorables à la recherche du consensus, mais celle-ci implique de la confiance - or j'entends dire que l'on irait bientôt plus loin... Je comprendrais que cet amendement soit rejeté, mais il me semble que nous ne devrions pas non plus nous attarder sur des propositions contraires allant jusqu'à l'extrême.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque le médecin arrête, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement de maintien en vie d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté, et qu'il estime que le patient risque d'être exposé à une souffrance réfractaire à tout autre traitement, il met en oeuvre une sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à une analgésie, à moins que les directives anticipées de ce patient s'y opposent.

II.  -  En conséquence, à la fin de l'alinéa 2 et au début de l'alinéa 3

Remplacer les mots :

dans les cas suivants :

« 1° Lorsque

par le mot :

lorsque

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est presque rédactionnel car sur le fond, nous sommes d'accord.

La commission des lois juge sa rédaction plus claire -  ce qui vaut mieux que de s'en remettre aux travaux préparatoires. Précisons que le médecin ne peut mettre en oeuvre cette sédation préventive que s'il estime que le patient risque d'être exposé à une souffrance réfractaire à tout autre traitement. Notre amendement ne touche pas à l'équilibre trouvé. Mais le texte serait plus clair pour les malades, les soignants... et les juges qui l'interpréteront.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La sédation profonde et continue est un outil à disposition des services de soins palliatifs, à l'hôpital, mais aussi en établissement où à domicile. Il est labellisé - ou reconnu - par la HAS. En aucun cas, nous n'ouvrons la porte à l'euthanasie. Retrait de l'amendement n°21, sinon défavorable.

L'amendement n°8 rectifié est hors sujet. Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir, il ne s'agit ni d'euthanasie, ni de suicide assisté.

Merci à M. de Legge pour ses propos. Nous avons fait en sorte de coller à la réalité et de rédiger un texte aussi consensuel que possible. Retrait de l'amendement n°13 rectifié bis.

Même avis sur l'amendement n°5 : sans tomber dans un affrontement entre juristes et médecins, j'ai la faiblesse de croire que notre rédaction est tout aussi claire. Pas d'opposition, en revanche, aux termes « refus de l'obstination déraisonnable ».

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Ces amendements viennent modifier le texte de la commission sans doute parce qu'il ne paraît pas parfaitement clair. Avis défavorable à tous. Ceux de M. Barbier et Mme Gillot, opposés, ne correspondent ni l'un ni l'autre à l'esprit du texte. Les autres réduisent la portée du texte de la commission.

M. Gilbert Barbier.  - Je prenais date...

L'amendement n°21 est retiré.

Mme Dominique Gillot.  - Il est important de continuer à relayer les attentes, très fortes, de ceux qui refusent de prolonger inutilement la souffrance.

Il y a eu trop de drames, extrêmement douloureux, ouvrant la voie à des débats sans fin.

M. Hervé Poher.  - Assez d'hypocrisie ! La sédation prolongée existe depuis des décennies ; et les médecins administrent déjà de fortes doses de morphine, qui accélèrent la mort. Dans certains cas, mourir un jour plus tôt, c'est bien pour le patient comme pour la famille.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

M. Dominique de Legge.  - Le sort de cet amendement ne déterminera pas notre vote final, je le maintiens néanmoins.

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°33 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 21
Contre 308

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je le répète, la rédaction de la commission des lois est plus précise. Il s'agit bien d'un arrêt des traitements, au titre du refus de l'obstination déraisonnable. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales en ont convenu. Deuxièmement, faut-il préciser que la souffrance est réfractaire « à tout autre traitement », sans quoi on ne situe pas la sédation profonde et continue comme le stade ultime des soins palliatifs. Enfin, la décision du médecin doit ressortir de la volonté de faire échapper le patient, qui n'est pas en état de s'exprimer, au risque de souffrance réfractaire à tout traitement.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Je ne suis pas juriste. Cependant, si l'ajout du mot « refus » ne me pose pas de problème, les autres modifications me paraissent superflues. L'avis reste défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La sédation profonde et continue ne peut en aucun cas s'appliquer aux personnes en situation de grand handicap dont le pronostic vital n'est pas engagé à court terme.

Mme Marie-Annick Duchêne.  - Défendu.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - La sédation profonde et continue n'est destinée qu'aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme et dont les souffrances sont réfractaires aux traitements. Si elles ne sont pas en mesure de s'exprimer, la décision appartient à une instance collégiale incluant la personne de confiance. Les directives anticipées peuvent l'interdire.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°23 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une aide active à mourir. »

M. Olivier Cadic.  - Cet amendement ne retranche rien - les amendements suivants non plus  - au dispositif voté en commission. Il autorise seulement, en droit français, l'aide active à mourir. C'est une proposition respectueuse de l'humanisme et de la liberté individuelle lorsqu'elle est exprimée de façon éclairée et réfléchie.

Il y a quelques mois, une de mes amies, atteinte d'une maladie incurable voulait mourir entourée de sa fille et de son fils. Mais son fils, après plusieurs mois de présence, a dû repartir outre-mer. Sa mère est morte quatre jours plus tard. Sa dernière volonté n'a pas été respectée.

Pourquoi refuser à ces personnes condamnées par les médecins cette dernière liberté ? Pourquoi les contraindre à se cadavériser petit à petit sous les yeux de leur famille ?

L'aide active à mourir, en voie de légalisation dans plusieurs pays, rend les malades plus sereins, car maîtres de leur fin de vie. D'après un sondage d'octobre 2014, 96 % des Français veulent qu'on accepte de mettre fin sans souffrance à la vie des personnes atteintes d'une maladie insupportable et incurable.

Faisons vivre les principes de liberté, d'égalité et de fraternité jusque face à la mort. Imitions la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Des petits pays me direz-vous ? La Constitution corse de Pascal Paoli a inspiré celle des États-Unis de 1787 et Robespierre a dit à Paoli : « Vous avez défendu la liberté dans un temps où nous n'osions l'espérer encore ».

Cette nouvelle liberté que représente l'aide active à mourir est animée par le même esprit que celle des Lumières. Son temps viendra, les Français y aspirent. (Mme Corinne Bouchoux et Jean-Pierre Godefroy applaudissent)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article L. 1111-10 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10.  -  Lorsqu'une personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, demande à son médecin le bénéfice d'une aide active à mourir, celui-ci doit s'assurer de la réalité de la situation dans laquelle se trouve la personne concernée. Après examen du patient, étude de son dossier et, s'il y a lieu, consultation de l'équipe soignante, le médecin doit faire appel, pour l'éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un autre praticien de son choix. Les médecins vérifient le caractère libre, éclairé, réfléchi et constant de la demande présentée, lors d'un entretien au cours duquel ils informent l'intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d'accompagnement de fin de vie. Les médecins peuvent, s'ils le jugent souhaitable, renouveler l'entretien dans les quarante-huit heures. Les médecins rendent leurs conclusions sur l'état de l'intéressé dans un délai de quatre jours au plus à compter de la demande initiale du patient. Lorsque les médecins constatent au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou que la personne juge insupportable, et donc la situation d'impasse thérapeutique dans laquelle se trouve la personne ainsi que le caractère libre, éclairé, réfléchi et réitéré de sa demande, l'intéressé doit, s'il persiste, confirmer sa volonté, le cas échéant, en présence de la ou des personnes de confiance qu'il a désignées. Le médecin respecte cette volonté. L'acte d'aide active à mourir, pratiqué sous le contrôle du médecin, en milieu hospitalier ou au domicile du patient ou dans les locaux d'une association agréée à cet effet, ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l'intéressé si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci telle qu'il la conçoit pour lui-même. L'intéressé peut, à tout moment et par tout moyen, révoquer sa demande. Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical. Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l'aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue à la présente section un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ; la commission contrôle la validité du protocole. Le cas échéant, elle transmet à l'autorité judiciaire compétente. »

M. Olivier Cadic.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Cadic, Mmes Jouanno et Garriaud-Maylam et M. Cantegrit.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Après l'article L. 1110-9 du même code, il est inséré un article L. 1110-9-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-9-...  -  Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats auxquels elle est partie la personne dont la mort résulte d'une aide active à mourir mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le code de la santé publique. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

M. Olivier Cadic.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1110-5-1-...  -  Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une douleur physique ou une souffrance psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une assistance médicalisée à mourir.

« La demande du patient est étudiée sans délai par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé. Dans un délai maximal de huit jours, les médecins remettent leurs conclusions au patient.

« Si les conclusions des médecins attestent que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa douleur physique ou sa souffrance psychique ne peut être apaisée ou qu'elle la juge insupportable, que sa demande est libre, éclairée, réfléchie et explicite et s'ils constatent qu'elle confirme sa demande de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir, sa volonté doit être respectée.

« La personne malade peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'acte d'assistance médicalisée à mourir est pratiqué sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande et a accepté d'accompagner la personne malade dans sa démarche ou du médecin vers lequel elle a été orientée.

« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. » 

M. Jean-Claude Requier.  - Lorsqu'une personne se trouve dans un état de dépendance tel qu'il lui semble qu'elle ne vit que pour « en finir », qu'elle prend la décision de céder face à une vie de souffrance et sans aucun espoir, il est important de lui reconnaître le droit de pouvoir mourir dans la dignité  -et non se suicider dans la clandestinité.

Je ne suis pas sûr que nous soyons allés « aussi loin que possible », comme vous le dites, madame la ministre. Surtout, je crois en la liberté des personnes. Reconnaissons-leur le droit à mourir sans souffrance.

Écoutons Sénèque : « Y a-t-il chose plus cruelle que la mort ? Oui, la vie quand on veut mourir. »

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mmes David, Assassi, Beaufils, Cohen et Prunaud et MM. Billout, Bosino et Watrin.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 1110-5-1, il est inséré un article L. 1110-5-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-...  -  Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique, ou la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. » ;

2° Après l'article L. 1111-10, il est inséré un article L. 1111-10-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10-...  -  Le médecin, saisi d'une demande d'assistance médicalisée pour mourir, saisit dans les meilleurs délais un confrère indépendant pour s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve la personne concernée. Ils vérifient, à l'occasion d'un entretien avec la personne malade, le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande.

« Ils informent la personne malade des possibilités qui lui sont offertes de bénéficier des dispositifs de soins palliatifs compatibles avec sa situation.

« Dans un délai maximum de huit jours suivant la première rencontre commune de la personne malade, les médecins lui remettent, en présence de sa personne de confiance, un rapport faisant état de leurs conclusions sur l'état de santé de l'intéressé.

« Si les conclusions des médecins attestent, au regard des données acquises de la science, que l'état de santé de la personne malade est incurable, que sa demande est libre, éclairée et réfléchie et qu'ils constatent à l'occasion de la remise de leurs conclusions que l'intéressé persiste, en présence de sa personne de confiance, dans sa demande, alors, le médecin doit respecter la volonté de la personne malade.

« L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'acte d'assistance médicalisée pour mourir est réalisé sous le contrôle du médecin choisi ou de premier recours qui a reçu la demande de l'intéressé et a accepté de l'accompagner dans sa démarche et ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de confirmation de sa demande.

« Toutefois, si la personne malade en fait la demande, et que les médecins précités estiment que la dégradation de l'état de santé de la personne intéressée le justifie, ce délai peut être abrégé ; la personne peut à tout moment révoquer sa demande.

« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical de la personne. » ;

3° Après l'article L. 1111-4, il est inséré un article L. 1111-4-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-4-...  -  Les professionnels de santé ne sont pas tenus d'apporter leur concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée à mourir.

« Le refus du professionnel de santé est notifié sans délai à l'auteur de cette demande ou, le cas échéant, à sa personne de confiance. Afin d'éviter que son refus n'ait pour conséquence de priver d'effet cette demande, il est tenu de l'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible d'y déférer. » ;

4° La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie est complétée par un article L. 1111-13-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-13-... - Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats auxquels elle était partie la personne dont la mort résulte d'une assistance médicalisée pour mourir, mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent code. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Mme Annie David.  - En 2011, un groupe de travail transpartisan de la commission des affaires sociales avait rédigé une proposition de loi, signée, notamment, par mon ami Guy Fischer. Elle avait été adoptée en commission, mais rejetée en séance publique. Elle légalisait l'assistance médicalisée pour mourir. Pas moins de 96 % des Français y sont favorables. C'est le droit de mourir où et quand on le souhaite. Cet amendement reprend cette proposition.

Nous introduisons une clause de conscience pour les médecins. Je signale qu'une telle assistance médicalisée pour mourir n'a entraîné aucune dérive dans les pays où elle a été légalisée.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Daudigny, Mmes Bataille et Campion, MM. Cazeau et Duran, Mme Guillemot, M. Filleul, Mme Lienemann, MM. Lorgeoux et Leconte, Mmes Lepage et Monier, MM. Madec, Poher et Raoul, Mmes Riocreux, Schillinger et Tocqueville et MM. Vaugrenard, Yung et Courteau.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 1110-5-2, il est inséré un article L. 1110-5-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-2-1. - Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, qui s'est vue proposer l'ensemble des soins palliatifs auxquels elle a droit, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu'il n'existe aucune solution acceptable par elle-même dans sa situation. »

M. Jean-Pierre Godefroy.  - À quelques mots près, cet amendement reprend une proposition de loi signée par des membres de presque tous les groupes politiques de notre assemblée... Il s'agit de laisser les malades choisir s'ils veulent mourir conscients ou non, de leur laisser la possibilité d'échapper à la souffrance. Cette décision n'appartient ni aux médecins, ni aux philosophes, ni aux techniciens, mais au malade seul. Aucune dérive n'a eu lieu dans les pays où cela est possible, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Californie - qui ne sont pas des États barbares.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5...  -  Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir.

« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé.

« Si le patient confirme sa volonté de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée.

« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l'assistance médicalisée active à mourir est pratiquée, selon la volonté du patient, soit par le patient lui-même en présence du médecin, soit par le médecin. L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

Mme Corinne Bouchoux.  - On l'a dit, 96 % des Français souhaitent l'instauration d'une aide active à mourir, défendue depuis longtemps par les écologistes au Sénat.

Arrêtez de vous prévaloir de votre qualité de juriste ou de médecin, nous légiférons pour l'ensemble des Français. Dans le groupe écologiste, neuf membres sur dix sont convaincus que ce dispositif, bien encadré, n'est nullement la fin d'un monde, mais une expression de fraternité. Nous y viendrons dans quelques années.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Je pourrais me contenter de dire ! « hors sujet ». Je ne le ferai pas. De grâce, ne déniez pas aux adversaires de l'euthanasie, dont je suis, le sens de la fraternité.

On a cité un sondage. Toutefois, la question posée était : « Voulez-vous mourir sans douleur ou dans des souffrances abominables ? »

En des décennies d'exercice médical, on m'a fait trois fois seulement une demande d'euthanasie active. À l'approche de la mort, les attentes changent. Ce que craignent les gens, c'est l'agonie. L'euthanasie a un caractère expéditif. Philippe Ariès l'a montré, la mort est aujourd'hui reléguée, dissimulée. Même les professionnels de santé ne sont pas prêts à accompagner les patients jusqu'au bout. La mort a pris un caractère « pornographique », dit un sociologue anglo-saxon. L'agonie, plus que la mort.

On meurt mal en France. Si les soins palliatifs se généralisent, le problème de l'euthanasie ne se posera plus de la même manière. D'ailleurs, une maladie incurable, je ne sais pas ce que c'est. Il y a un siècle, la tuberculose était une maladie mortelle. Elle ne l'est plus.

Avis défavorable à tous les amendements.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis, pour une autre raison. C'est un cadre différent qui a été choisi. Néanmoins, je ne souscris pas aux propos du rapporteur. Créer un droit, ce n'est pas imposer quoi que ce soit.

Je ne mets pas sur le même plan soins palliatifs, euthanasie et suicide assisté. Ces voies doivent être distinguées. Le sondage ? Attention, il recouvre des positions très différentes.

Certains veulent démédicaliser la fin de vie, alors que l'euthanasie implique l'intervention d'un médecin... Bref, on ne peut aborder de telles questions en préjugeant de la position de la société française.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Si le rapporteur Amiel avait développé d'emblée les mêmes arguments, je n'aurais peut-être pas voté le texte... La fraternité, c'est d'ouvrir toutes les possibilités !

Cette loi ne réglera pas tous les problèmes, et certains continueront à aller mourir à l'étranger.

Mme Corinne Bouchoux.  - Ceux qui en ont les moyens !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - En effet, c'est une ségrégation par l'argent. L'aide active à mourir est attendue par les Français, non parce qu'ils veulent cacher la mort, mais parce qu'ils veulent être maîtres d'eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et communiste républicain et citoyen)

M. Olivier Cadic.  - Je souscris entièrement aux propos de M. Godefroy. De qui parlons-nous ? De gens qui, justement, ne veulent pas se retrouver inconscients à la dernière extrémité. Le grand texte qui autorisera l'interruption volontaire de la vie, nous l'attendons. (Mme Corinne Bouchoux applaudit)

Mme Annie David.  - M. Godefroy a trouvé les mots justes. Vos propos m'ont heurtée, monsieur le rapporteur. L'euthanasie serait, selon vous, une méthode expéditive. Il n'y aurait pas de maladie incurable. Évidemment, il s'agirait des maladies incurables d'aujourd'hui. On ne va pas fixer une liste !

Respectons la volonté des gens. Une partie des Français revendiquent ce droit. Trois cas, monsieur le rapporteur, ce sont toujours trois cas. Avec ce texte, vous auriez pu répondre à la demande de ces patients, ou les orienter vers un confrère.

Nous avons tous en mémoire des cas douloureux. J'étais à Paris quand un proche est mort à Grenoble. J'aurais préféré que les choses se passent autrement...

Mme Evelyne Yonnet.  - Bien sûr, il faut laisser à tous le libre choix. Le texte même s'inscrit dans le respect des directives anticipées. N'y a-t-il pas une possibilité d'y inscrire la volonté d'obtenir un suicide assisté ? Si nous l'ouvrions, que ferait le médecin ? Le débat s'est écarté de cette direction après de longs échanges en commission. Toutefois, nous pouvons nous poser la question.

Mme Corinne Bouchoux.  - Tout de même, nous manquons un rendez-vous. L'Insee acte 3 500 euthanasies tous les ans. L'euthanasie existe déjà ! Certes mais seulement pour ceux qui ont le privilège d'être bien entourés, d'être aidés de médecins. Les autres doivent se débrouiller.

Le rapporteur a bien parlé, mais en tant que médecin plus que de parlementaire. Pour la génération des baby-boomers, les malades sont désormais acteurs de leur maladie. Grâce notamment à l'action d'Act up, les rapports entre soignants-soignés ont changé. Et, comme les femmes disaient « mon corps m'appartient » dans les années 1970, les Français disent aujourd'hui « le choix de ma mort m'appartient ».

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°34 :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l'adoption 52
Contre 258

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté,non plus que les amendements nos3 rectifié, 11 rectifié bis, 16, 20 rectifié et 22.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

L'article 4 bis demeure supprimé.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, M. B. Fournier, Mmes Gruny et Imbert, M. Vasselle, Mme Duchêne et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.

Alinéa 5, première phrase

Avant les mots :

Le médecin

Insérer les mots :

Après s'être assuré que la personne n'est pas dans un état psychologique susceptible d'altérer son jugement,

M. Dominique de Legge.  - Je souhaite que vous précisiez les choses.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - L'article 35 du code de déontologie médicale vous donne satisfaction. Retrait ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly, Pointereau et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans qu'ait été prise une décision unanime du médecin, de l'équipe soignante, de la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-11-1 et de la famille ou des proches après consultation des directives anticipées et avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Lorsque le médecin, l'équipe soignante, la personne de confiance et la famille ou les proches ne parviennent pas à se mettre d'accord, une médiation est envisagée. »

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - On touche à des affaires plus compliquées : la procédure collégiale et l'unanimité - parfois difficile à réunir, on l'a vu lors de certaines affaires. La commission a prévu que la procédure collégiale ne serait plus à la seule initiative du médecin qui doit favoriser le dialogue avec la personne de confiance, les proches et les autres soignants. Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Idem.

L'amendement n°25 rectifié ter est retiré.

L'article 5 est adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 demeure supprimé.

ARTICLE 8

M. Philippe Bas,président de la commission des lois - Avec ce texte, les directives anticipées, créées dans la loi de 2005, deviennent contraignantes. Pour la commission des lois, il faut prévoir le cas où la situation ne correspondrait plus exactement à ce qu'a souhaité la personne et celui où la personne avait manifesté un autre souhait sans modifier ses directives anticipées. Il faut que la personne de confiance ou un membre de la famille du patient puisse en témoigner. M. Pillet présentera des amendements qui, je crois, peuvent être adoptés puisque nos positions se sont rapprochées à mesure des discussions.

Mme Dominique Gillot .  - Comme en première lecture, je veux souligner l'importance des directives anticipées. Les proches ou la personne de confiance ne seront plus torturés à l'idée de trahir la volonté de la personne. Une étude menée au centre d'éthique clinique de l'Hôpital Cochin sur 186 personnes de plus de 75 ans, montre que neuf sur dix ignoraient l'existence de ce droit.

Activons-le en acceptant les directives anticipées qui ne respecteraient pas le modèle préétabli. Faisons-les connaître à des personnes qui ne seraient pas en fin de vie, comme lors des journées citoyennes ; ce sera connecter la fin de vie à la vie.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Bonnefoy et Meunier et MM. Labazée, Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Masseret, Lalande et Manable.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Des directives anticipées qui ne seraient pas rédigées conformément au modèle fixé par décret en Conseil d'État sont prises en compte dans la mesure où les indications dont elles sont porteuses peuvent être interprétées sans trahir la volonté de leur auteur.

Mme Dominique Gillot.  - Défendu.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Vous avez satisfaction : le texte de la commission reconnait les directives anticipées, quelle que soit leur forme.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Votre amendement pose un problème de légistique : il ne peut s'appliquer au texte de la commission des affaires sociales. Retrait ?

Mme Dominique Gillot.  - Je note la difficulté à exercer son droit d'amendement quand on ne fait pas partie de la commission saisie au fond.

L'amendement n°9 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.

Alinéa 4

1° Remplacer les mots :

sont respectées

par les mots :

s'imposent

2° Supprimer les mots :

lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ou

Mme Annie David.  - Puisque les directives anticipées ont plus de poids, elles doivent s'imposer aux médecins. N'amoindrissons pas leur portée et revenons au texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives

par les mots :

leur validité fait l'objet d'une contestation sérieuse au regard du dernier état connu de la volonté du patient, lorsqu'elles ne sont pas adaptées à sa situation médicale,

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Le texte de la commission des affaires sociales est beaucoup plus restrictif que celui de l'Assemblée nationale. Les directives anticipées doivent pouvoir être écartées quand elles diffèrent du dernier état de la volonté du patient. C'est important puisque nous avons supprimé la durée de validité des directives anticipées, qui peuvent donc avoir été exprimées il y a quarante ans !

Évitons de voter des dispositions à rebours de nos intentions et à la volonté du patient. Mon amendement intègre même un sous-amendement de la commission des affaires sociales en première lecture.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°17 : la commission a rendu les directives anticipées contraignantes. Quant à l'amendement n°6, les directives anticipées sont modifiables et révisables à tout instant et par tous les moyens. En première lecture, nous avions déposé un sous-amendement à cet amendement dans la plus grande confusion, d'autant que M. Pillet était absent. À titre personnel, favorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je suis bien incapable de vous donner un avis circonstancié tant les rédactions de ces amendements oscillent entre le texte des députés et celui de votre commission des affaires sociales. On y perd de la clarté et nos positions ne semblent pas si éloignées les unes des autres.

Sagesse sur les deux amendements avec plutôt une demande de retrait de l'amendement n°17, qui crée un flou préjudiciable. La rédaction de l'amendement n°6 me semble plus aboutie que celle de la commission des affaires sociales avec tout le respect que je dois à celle-ci. Il reviendra à la CMP de parfaire le travail d'élaboration de la loi.

L'amendement n°17 est retiré.

Mme Annie David.  - Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n°6 que la commission des affaires sociales a rejeté.

M. Georges Labazée.  - Je ne sais plus que faire... La commission a rejeté l'amendement n°6, la ministre lui a donné un avis de sagesse. Faut-il se réfugier dans la position la plus coupable qui soit : l'abstention ?

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - La commission a effectivement rejeté l'amendement tout en voulant entendre les explications de M. Pillet en séance. J'ai donné un avis favorable à titre personnel.

L'amendement n°6 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

est examinée dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée

par les mots :

ou au regard de l'existence d'une contestation sérieuse portant sur leur validité fait l'objet d'une décision du médecin prise après consultation du collège prévu

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - C'est un amendement de conséquence sur la procédure collégiale. Le collège rend-il un avis ou prend-il la décision ? À notre sens, c'est un simple avis.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Par cohérence, avis favorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Toujours par cohérence, sagesse.

Mme Annie David.  - Je veux rappeler au rapporteur Dériot nos doutes sur l'amendement n°6 : de qui viendra la contestation des directives anticipées ? Comment ? Avis défavorable, encore.

M. Jean Desessard.  - Il faudrait que les rapporteurs prennent des directives anticipées pour qu'on sache où on est. (Sourires)

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Lepage, Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Lalande et Manable.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs sont sensibilisés à la possibilité de rédiger des directives anticipées, à partir de leur majorité, à l'occasion de la journée défense et citoyenneté mentionnée à l'article L. 114-3 du code du service national.

Mme Dominique Gillot.  - Les Français doivent s'approprier les directives anticipées, un progrès incontestable, à tous les âges de la vie. Pour ce faire, il faut une information en direction des jeunes lors de la journée défense et citoyenneté.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Le Sénat avait rejeté cet amendement en première lecture. Je n'ai pas pour ma part changé d'avis. Lors des journées défense et citoyenneté, les jeunes ont bien d'autres soucis. Retrait, sinon rejet.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Avis favorable : les jeunes sont plus attentifs qu'on ne le croit à la mort. Ils peuvent être confrontés à des drames : la maladie -  c'est rare  - et des accidents. On sensibilise déjà au don d'organe et de sang lors des journées défense et citoyenneté. Ajoutons-y une information sur les directives anticipées.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le livre blanc de la défense et le ministre recommandent de recentrer les journées défense et citoyenneté sur leur objet initial. On a déjà supprimé le module de secourisme. Dieu sait si après le 11 janvier, il y a déjà beaucoup à passer en revue.

M. Gilbert Barbier.  - Personne n'a osé parler de la conduite à tenir envers les enfants et en néo-natalité. J'espère que l'on n'y touchera jamais.

Mme Annie David.  - Je soutiendrai l'amendement n°10 rectifié, tout en soulignant que les votes, dirigés par le rapporteur Dériot, remettent en cause le travail de la commission sur la collégialité de la décision. Un coup de balai et, hop, tout est fichu en l'air. Cette méthode n'est vraiment pas élégante, sur un texte aussi délicat qui touche à l'intime. Cela me met, ainsi que mon groupe, dans une situation très délicate. Je ne suis plus du tout sûre de notre vote final.

Mme Corinne Bouchoux.  - À titre personnel, et pour avoir passé beaucoup de temps à l'IHEDN et dans la réserve citoyenne auprès des militaires ces dernières années, qui organisent les journées citoyenneté et défense, je tire la conclusion inverse de M. Lemoyne : il faut apprendre aux jeunes de 18 ans que la vie est fragile, que l'on n'est pas invincible.

M. Georges Labazée.  - Nous ne cessons de chercher des lieux, des espaces pour sensibiliser à la vaccination, les directives anticipées, le don d'organe et de sang. Une cohérence se dessine : tous ces sujets ont à voir avec la mort et la vie.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Je ne voudrais pas que le rapporteur de la commission des lois soit à l'origine de tensions au sein de la commission des affaires sociales qui a travaillé en bonne entente. Que le rapporteur Dériot donne son avis personnel ne constitue par une révolution dans ce palais, Mme Meunier l'a fait quand elle rapportait le texte sur la protection de l'enfance. Je ne veux pas nuire à l'unanimité qui pointe dans cet hémicycle.

M. Gérard Dériot.  - Mes excuses à Mme David ; mais j'ai exprimé un sentiment personnel.

Quant à la journée défense citoyenneté, ne chargeons pas la barque sans quoi il y faudra 48 heures ! Si l'on y parlera entre autres de vaccinations, il faudra certainement des piqûres de rappel ! (Sourires) Je crois que vous parlez du monde tel que vous le souhaitez. (Protestations à gauche)

Mme Isabelle Debré.  - Il y a quinze jours, je devais intervenir à la fin de la journée défense citoyenneté. J'ai dû attendre longtemps. Les jeunes sont sortis tard et sans avoir fini tout le programme. Je crains que cet amendement, bienvenu dans son esprit, soit irréalisable.

M. Olivier Cadic.  - Le jeunesse qui se croit invincible doit justement être sensibilisée à la mort. Il y a des accidents terribles chaque année. Aux organisateurs de ces journées de déterminer la façon de mener cette sensibilisation.

M. Gérard Roche.  - Beaucoup de jeunes en fin d'adolescence sont très angoissés ; la mort leur fait peur. En parler peut provoquer des dégâts. Je vous l'affirme.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas l'objet de la journée citoyenne et de défense. S'il peut être souhaitable d'inciter nos jeunes concitoyens à donner leur sang ou leurs organes, faire de la propagande pour les directives anticipées, à destination du public le moins concerné, serait totalement inapproprié. En outre, quand on donne ses directives anticipées à 20 ans, il y a fort à parier qu'elles seront devenues obsolètes à 80 ans...

Mme Catherine Procaccia.  - Et la loi aura changé !

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il est chargé de faire enregistrer les directives anticipées de ses patients sur le registre mentionné au cinquième alinéa.

M. Michel Amiel, co-rapporteur.  - Cet amendement prévoit que le médecin traitant est chargé de faire inscrire les directives anticipées de ses patients sur le registre national prévu à cet effet.

C'est dans l'échange avec son médecin que le patient sera sensibilisé.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Les modalités doivent être renvoyées à un décret en Conseil d'État. Elles méritent d'être réfléchies : le médecin enregistre-t-il tout de suite les directives anticipées ? Ou faut-il laisser le temps à l'intéressé d'en parler avec son conjoint, par exemple ? Le médecin est-il le seul interlocuteur ? Votre amendement n'épuise pas le champ des possibles. Retrait.

L'amendement n°26 est retiré.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s'assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l'invite à procéder à une telle désignation.

II.  - (Rejeté lors d'un vote par division) Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsqu'une mesure de protection judiciaire est ordonnée et que le juge ou le conseil de famille, s'il a été constitué, autorise la personne chargée de la protection à représenter ou à assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne en application du deuxième alinéa de l'article 459 du code civil, la désignation de la personne de confiance est soumise à l'autorisation du conseil de famille, s'il est constitué, ou à défaut du juge des tutelles. Lorsque la personne de confiance est désignée antérieurement au prononcé d'une telle mesure de protection judiciaire, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer. »

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La désignation de la personne de confiance doit être une préoccupation durant tout le parcours de santé, non seulement à l'entrée à l'hôpital.

L'autre partie de l'amendement est purement légistique : comme vous l'avez fait dans le projet de loi adopté cette nuit, il faut assurer la cohérence du texte avec le code civil, en ce qui concerne les mesures de protection judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 6, première phrase

Après le mot :

tutelle

insérer les mots :

, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil,

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Amendement de précision. Pour l'amendement n°29, nous n'avons pas eu le temps de l'examiner. Nous serions plutôt favorables à son premier élément. Nous considérons en revanche que la désignation d'une personne de confiance est personnelle et ne peut donner lieu à représentation.

Avis défavorable, sous réserve que la commission des lois confirme mon appréciation. Il faudrait voter par division.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Je confirme ce que dit le rapporteur sur l'alinéa 6. Il faut un consentement strictement personnel, conformément à l'article 458 du code civil.

La désignation de la personne de confiance ne saurait relever ni de la personne qui assiste le patient, ni du tuteur de ce dernier. La rédaction de la commission des affaires sociales est bien meilleure et permet au juge et au conseil de famille d'apprécier si la personne protégée est en mesure de désigner une personne de confiance. Si elle l'est, pourquoi devrait-elle s'en remettre à la décision de son tuteur ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je n'entre pas dans le débat de fond ! Mais vous avez adopté cette nuit, dans le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, des dispositions contraires.

Nous ne proposons donc qu'une mise en cohérence légistique, à laquelle il faudra bien procéder.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Je demande un vote par division.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Le projet de loi sur le vieillissement est encore en navette. Nous pourrons toujours en discuter en commission mixte paritaire. Mais l'article 458 du code civil existe !

Mme Annie David.  - Soyons cohérents. Je fais confiance au rapporteur pour avis de la commission des lois, malgré nos griefs sur son précédent amendement. Cependant, je serais plutôt encline à voter l'intégralité de l'amendement, par cohérence avec ce que nous avons voté cette nuit - même si je n'ai pas tous les articles du précédent projet de loi en tête, je l'avoue...

M. Georges Labazée.  - Le I est conforme à notre position. Quant au II, il faut certes la même rédaction dans les deux textes. Nous avons voté cette nuit des dispositions sur les rapports entre tutelle et personne de confiance. M. Mouiller avait déposé un amendement et Mme Rossignol a indiqué qu'il faudrait reprendre le sujet très compliqué des tutelles.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - On parle beaucoup du II, mais le pire est dans le I. Quelles conclusions le patient tirera-t-il sur son état de santé quand le médecin l'invitera à choisir une personne de confiance ? Cette démarche pourrait être très violente. Le législateur ne doit pas inciter à faire de la propagande sur la désignation d'une personne de confiance.

Le I de l'amendement n°29 est adopté.

Le II de l'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'amendement n°29, ainsi modifié, est adopté.

L'amendement n°27 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le patient peut désigner une personne de confiance suppléante. Son témoignage est entendu uniquement si la personne de confiance titulaire se trouve dans l'incapacité d'exprimer la volonté du patient qui l'a désignée.

Mme Annie David.  - Cet amendement reprend celui déposé par Mme Le Vern à l'Assemblée nationale, et adopté en séance publique.

Il s'agit de désigner une personne de confiance suppléante. Garantissons au patient que sa volonté sera transmise, y compris si la personne de confiance qu'il a désignée n'est plus en mesure de l'exprimer, qu'elle soit décédée, privée de ses facultés mentales, ou simplement injoignable.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Cela peut paraître tout à fait naturel ; c'était prévu dans la loi sur le vieillissement. Les choses peuvent néanmoins devenir compliquées... C'est pourquoi nous avons en commission demandé le retrait.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis. Ce n'est pas une idée saugrenue. Je crains pourtant qu'elle soit porteuse de conflits entre les deux personnes de confiance, qui peuvent avoir des interprétations différentes des propos du patient. De telles situations se manifestent au sein d'une même famille.

Mme Evelyne Yonnet.  - L'amendement vise plutôt le cas de décès ; cela me paraît une très bonne idée.

Mme Annie David.  - En effet, dans ce cas, il ne peut pas y avoir de conflit. Mais j'entends que cela peut être affiné.

L'amendement n°18 est retiré.

L'article 9, modifié, est adopté.

Les articles 10, 11, 12 et 13 sont successivement adoptés.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, MM. B. Fournier et Vasselle, Mmes Imbert, Duchêne et Gruny et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize.

Alinéa 1

Avant les mots :

Le Gouvernement

insérer les mots :

À l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale,

M. Dominique de Legge.  - Il s'agit pour le Gouvernement et le Parlement de pouvoir faire annuellement un état du développement des soins palliatifs et des conditions d'application de la présente loi. Lier ce rendez-vous à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de nature à le conforter et le pérenniser.

J'avais souhaité un bilan annuel sur les soins palliatifs, un rapport a été préféré. Cet amendement rapproche les deux positions en les consolidant.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur.  - Avis favorable.

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Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques