Rappels au Règlement

M. Éric Bocquet .  - Mon rappel au Règlement a trait à l'organisation de nos travaux.

Est-il possible d'examiner sereinement un tel projet de loi ?

Nous aurions pu mettre à profit les semaines entre le 14 février, date de la fin de l'examen des articles à l'Assemblée nationale et le 7 avril... Si ce n'est le texte, composé à l'origine de 106 articles, il en compte 295 après son examen en séance publique par les députés. Ce texte pléthorique est devenu un monstre juridique, un texte instable dans un terrain argileux, nous risquons de nous embourber... (Protestations à droite)

La commission spéciale a reconnu d'emblée le caractère hétéroclite de ce projet de loi. Chacun des sujets abordés méritait un texte : le travail dominical, la réforme du permis de conduire, la libéralisation des transports par autocar, la méthode de la privatisation, trois grandes privatisations, le fonctionnement des conseils de prudhommes, le canal Seine Nord cher à mon coeur, les professions réglementées, l'organisation des concessions autoroutières et j'en passe.

La commission spéciale y a ajouté un recul sur le compte pénibilité et, cerise sur le gâteau, l'ouverture à la concurrence des TER... On croirait un projet de loi portant dispositions diverses d'ordre financier ; en fait, il n'en est rien.

Ce texte, profondément idéologique de l'aveu même du ministre, vise à déréguler à outrance notre économie, son caractère disparate vise à démontrer que le libéralisme peut s'appliquer à toute la société. À cette cohérence libérale, le groupe CRC opposera une cohérence sociale.

Monsieur le président du Sénat, comment en six jours examiner un texte de 295 articles et de plus de 1 600 amendements ? Le rapport de la commission spéciale qui compte plus de 1 000 pages a été distribué la semaine dernière seulement. Le travail a déjà été hâtif en commission. Ce mode de travail, qui n'est guère démocratique, laisse au gouvernement les pleins pouvoirs législatifs.

M. Jean-Pierre Bosino .  - Un texte d'une telle nature aurait dû être examiné par un plus grand nombre de commissions et donc de sénateurs. Au Sénat, nous n'avons que trois rapporteurs, au lieu de huit à l'Assemblée nationale.

Mme Jacqueline Gourault.  - Mais quels rapporteurs !

M. Jean-Pierre Bosino.  - Le texte a été transmis au Sénat avant la suspension des travaux et les élections départementales qui nous ont mobilisés. Impossible dans ces conditions, de l'analyser en profondeur, c'est pourquoi mon groupe, le CRC, s'est contenté d'amendements de suppression.

La précipitation du calendrier, l'inflation législative, la pression normative, l'effervescence qui caractérise notre ordre du jour, nuisent au travail du Parlement. Sans compter les ordonnances, qui deviennent monnaie courante, et que le président de la République lui-même appelle à multiplier. Elles constituent un héritage monarchique, un blanc-seing offert au gouvernement.

254 articles au sortir de la commission spéciale du Sénat, des ordonnances encore très nombreuses malgré le nettoyage effectué, comment, dans ces conditions, débattre sérieusement ? Ne laisse-t-on pas un blanc-seing au gouvernement et à la technostructure...

M. Henri de Raincourt.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Bosino.  - ... ainsi qu'à trois rapporteurs investis des pleins pouvoirs ? Alors que ceux-ci ont assez largement consulté, peu d'auditions ont eu lieu en réunion plénière. (Protestations sur le banc de la commission)

Fixons enfin des règles appropriées à un travail approfondi, au lieu de multiplier les séances de nuit et du samedi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Didier Guillaume .  - Merci, monsieur le président, pour les mots que vous avez prononcés sur l'honneur de Jean Germain. (Applaudissements) Rien ne justifie la mort d'un homme. Cette nouvelle nous a abattus. Merci de vos mots forts, si justes, républicains et chaleureux, en hommage à l'un d'entre nous, travailleur infatigable, que nous voyons encore siéger parmi nous. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - Ces mots venaient du coeur. Je le vois, moi aussi, siéger sur vos bancs...

Jamais, depuis 1998, le Sénat n'aura à examiner autant d'amendements que sur ce texte de 228 pages - j'avais cru comprendre que le président de la République voulait des textes plus toniques, plus resserrés, mais le projet de loi Santé en est déjà à 171 pages...

Je veux remercier tous les membres de la commission spéciale, ainsi que son président et ses trois rapporteurs, pour leur travail considérable : elle a procédé à 104 auditions, reçu 28 contributions extérieures et examiné en 26 heures pas moins de mille amendements ! Demain, la Conférence des présidents verra comment sortir de cette situation. Le dépôt de 170 amendements du gouvernement au dernier moment n'est guère respectueux. J'ai attiré, par lettre, l'attention du Premier ministre. J'appelle chacun à réfléchir d'ici demain, car ce texte doit être l'occasion pour nous de répondre aux défis du chômage et de la compétitivité de nos entreprises.