Commune nouvelle (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.

Discussion générale

M. Michel Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Ce petit texte distingue commune nouvelle et EPCI : il y a une vraie différence de nature. Il s'agit de créer une vraie commune par la réunion volontaire, je ne parle pas de fusion comme la loi Marcellin, de communes existantes. Il y a un intérêt soutenu pour cette formule : cela m'a conduit à me rendre en Bretagne, en Corrèze, en Savoie, dans la Loire, pour la présenter. Une vingtaine de communes nouvelles a été créée ; demain, il y en aura davantage.

Attention toutefois à ne pas créer une commune nouvelle juste pour avoir plus de dotations de l'État : c'est l'échec assuré. Il faut avoir envie de construire une commune nouvelle.

Cette proposition de loi émane de M. Pélissard, ancien président de l'AMF, et de Mme Pires Beaune.

Un accord a été facilement trouvé, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

Quoi de nouveau par rapport à la loi de 2010 ? D'abord, le renforcement des communes déléguées et des maires délégués. Au mot identité, je préfère celui de personnalité. L'intérêt de la commune nouvelle est de conserver la commune historique à travers la notion de commune déléguée : les maires délégués seront adjoints, hors quota, de la commune nouvelle. Des garanties financières importantes sont prévues : les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants qui se constituent avant le 1er janvier 2016 verront leur niveau de dotation de l'État garanti pendant trois exercices plus une augmentation de 5 % de la dotation forfaitaire.

Parmi les apports du Sénat, des mesures préservant la commune déléguée en cas de fusion ; une procédure de changement de nom spécifique ; l'application de la loi Littoral au seul territoire des communes soumises à cette loi avant la création de la commune nouvelle ; quelques dispositions financières supplémentaires, notamment en matière de péréquation.

Les débats en CMP ont été rapides, nos textes étaient proches ; et les apports du Sénat ont été retenus. Les précisions apportées ne portaient pas sur des points capitaux ; la CMP a conforté les apports du Sénat en matière d'urbanisme, et supprimé la mesure sur la révision des schémas de coopération intercommunale, par coordination avec le projet de loi NOTRe, en cours de navette. Peu de chose, donc, c'est pourquoi je vous propose d'adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Plus de la moitié de nos communes ont moins de 500 habitants, 86 % ont moins de 2 000 habitants, 92 % ont moins de 3 500 habitants. Comment assurer la gestion des services publics, quand nos concitoyens sont aussi exigeants en zone rurale qu'en zone urbaine - ce qui est bien normal - ?

Le gouvernement a apporté tout son soutien aux deux propositions de loi, quasi identiques, qui n'en forment désormais plus qu'une. L'Assemblée nationale discute actuellement du projet de loi NOTRe, et notamment du seuil des intercommunalités. Celles-ci vont s'agrandir, et monter en puissance : c'est le sens de l'histoire. Le projet de loi a été beaucoup amendé cet après-midi, et enrichi : de nombreuses compétences ont été transférées aux intercommunalités : eau, assainissement, gestion des déchets...

Pour autant, l'échelon communal reste indispensable : c'est celui de la démocratie de proximité. La commune est le lieu de la naissance, de la mémoire, du mariage, de l'école...

Elles font partie du patrimoine historique de notre pays, depuis les paroisses d'Ancien Régime et la loi de 1884.

Les communes nouvelles permettent de rationaliser le fonctionnement, de mutualiser les dépenses, voire même d'amorcer une baisse de la fiscalité !

M. Michel Mercier, rapporteur.   - Tout à fait.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - M. Mercier peut en témoigner : sa commune nouvelle de Thizy les Bourgs est un bel exemple. Les services y sont mutualisés, les taux d'imposition unifiés, les prix des polices d'assurance ont baissé. Créer une commune nouvelle, c'est faire entrer sa commune dans le XXIe siècle. Je vous invite à voter ce texte, certes petit par la taille, mais grand parce qu'il fera date. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Requier .  - Ce texte marquera-t-il une rupture ? Nous l'espérons, mais nous restons lucides. Depuis la loi Marcellin de 1971, la fusion des communes n'a pas été un franc succès. 243 démariages ont été prononcés. Seules 1 100 communes sur 36 000 ont été supprimées. De 2000 à 2009, on compte 15 fusions, pour 10 défusions.

Il est plus facile de créer une commune nouvelle en périphérie d'un bourg centre qu'avec des communes peu peuplées qui en sont éloignées.

Faut-il évoquer à nouveau la baisse des dotations aux collectivités territoriales, qui s'élèvera à 11 milliards d'ici 2017 ? La commune nouvelle entraînera des économies, voire des ressources supplémentaires, le niveau de dotation sera maintenu pendant trois ans pour les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants fusionnant avant le 1er janvier 2016. Voilà qui devrait encourager les fusions, l'AMF le confirme. On s'étonne toutefois du peu de cohérence qu'il y a à maintenir les dotations à des structures qui ne créent pas de services nouveaux...

Les députés viennent de réintroduire le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités. Quelle sera l'articulation entre les plus petites intercommunalités dès lors que les communes nouvelles atteindront 5 000 habitants ? Elles pourront très bien gérer les principales compétences de l'intercommunalité...

Ce texte assure une meilleure prise en compte des anciennes communes, avec une place particulière pour les maires délégués, regroupés au sein de la conférence municipale et clarifie les conditions de choix du nouveau nom de la commune, qui revêt une dimension affective - ce peut être un frein psychologique à la fusion. Nommer la commune nouvelle relève davantage du projet politique que de la procédure administrative, tant le patriotisme local peut être exacerbé !

Le groupe RDSE soutiendra le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

M. Mathieu Darnaud .  - M. Mercier a explicité les apports de ce texte pour les communes désireuses de se regrouper pour agir plus efficacement. Je rends hommage au legs parlementaire de Jacques Pélissard. Le fait que ce texte procède d'une initiative parlementaire a joué un rôle déterminant dans le résultat positif que nous saluons aujourd'hui. Partant des réalités vécues par les élus locaux, cette proposition de loi a su éviter l'écueil de l'abstraction technocratique.

Je pense à l'article 5 A, introduit par le Sénat, sur l'assouplissement des dispositions de la loi Littoral. Certes, l'Ardèche est peu concernée... (Sourires) Je pense aussi à l'article 5, pragmatique plus que politique, qui maintient les plans de secteur. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont montré qu'un texte de bon sens pouvait prospérer sans battage ni priori, et aboutir à une réforme intelligente et applicable. Saluons le savoir-faire, l'expérience et le talent de notre rapporteur M. Mercier. Espérons que les décisions du Sénat sur les intercommunalités seront suivies par l'Assemblée nationale...

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien.

M. Mathieu Darnaud.  - La commune nouvelle ne doit pas être une source d'affrontement. Les élus locaux, souvent bénévoles, doivent être soutenus. Favorisons leur action, et le dynamisme de nos communes. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Cette proposition de loi a été en effet préparée par Jacques Pélissard, alors président de l'AMF. Une proposition de loi rédigée dans les mêmes termes a été présentée par Bruno Le Roux. C'est dire qu'il s'agit d'une oeuvre consensuelle dès le départ. Le nombre de communes en France a donné lieu à tant de débats, de discours : 36 700, c'est trop, a-t-on dit, ce n'est pas rationnel. Pour ma part, j'ai toujours défendu la réalité communale.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ces communes, nées il y a deux cent vingt ans, les Français les portent dans leur coeur.

Ils se détachent peut-être de la classe politique, mais se rattachent à la réalité communale.

Point de conservatisme dans mes propos. En 1992, c'est moi qui défendais la loi créant les communautés de communes. Que d'invectives, notamment au Sénat !

M. Michel Mercier, rapporteur.   - Elle a été votée !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ces communautés de communes seront créées librement, les communes ne seront pas menacées, disais-je. Nous respectons la commune.

En même temps, des communes peuvent souhaiter librement s'unir. La loi Marcellin présentait la fusion comme une panacée, elle présupposait, sans le dire, que la réalité communale était dépassée. D'où son échec. Ce qu'il faut faire, et que fait le gouvernement, c'est donner la force nécessaire aux intercommunalités, qui ne feront pas tout mais ce qu'elles peuvent mieux faire ensemble. Les questions de proximité resteront l'apanage de la commune.

J'étais hier dans une commune de 48 habitants. Si elle veut se rapprocher d'autres de même taille, facilitons-lui la tâche, soyons pragmatiques ! Peut-être y aura-t-il des conseils municipaux très importants, pendant un temps, mais ce n'est pas un grand dommage. Les avantages en termes de dotation ne sont pas négligeables, mais la carotte n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est la volonté de s'unir pour créer une commune nouvelle. Ce texte est un pas en avant, je ne sais s'il est petit ou grand, mais il est utile. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE et de la commission)

M. Jean-Pierre Bosino .  - Le débat n'a pas vraiment eu lieu sur ce texte. Nous regrettons que l'on veuille faire croire à un consensus. Non, il n'y a pas consensus sur la nécessité de réduire le nombre de communes ou d'élus locaux. Certes, il y a convergence entre la majorité du Sénat et celle du groupe SRC de l'Assemblée nationale. La CMP n'a servi qu'à finaliser des points de détail. Ce texte soulève pourtant de réelles difficultés ; l'enjeu est bien politique, pas seulement pratique ! Il est de plus en décalage avec les attentes des communes. La loi Marcellin n'a abouti qu'à la fusion de 5 % des communes, et beaucoup ont défusionné depuis. Depuis la loi de 2010 voulue par Nicolas Sarkozy, seules 13 communes nouvelles ont été créées. Nos concitoyens n'ont aucune envie de se diluer dans des entités de plus en plus éloignées ; ils veulent de la proximité, ce n'est pas le président Baroin qui me contredira.

La DGF ne cesse de baisser, accentuant l'effet de ciseaux qui impacte l'investissement public. Voilà le vrai fléau auquel il faut s'attaquer ! En vous fusionnant, vous évitez pendant trois ans la baisse de la DGF, dit ce texte : ce n'est pas tant une mesure incitative qu'un chantage pur et simple ! Sans compter que, l'enveloppe étant fermée, la DGF baissera ailleurs...

Que dire enfin du rapport du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui préconise la disparition des communes et leur évaporation dans les intercommunalités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un rapport qui n'engage que ses auteurs.

M. Jean-Pierre Bosino.  - La proximité est pourtant le meilleur rempart contre le déclassement, la précarité et l'exclusion. Il se dit que le gouvernement envisage même de verser la DGF directement aux intercommunalités... Parce que nous refusons cette logique, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Jacqueline Gourault .  - Ce texte améliore le régime de la commune nouvelle, et vient renouer avec le rapprochement de communes existantes, sur la base du volontariat. Je salue le rôle de M. Mercier, qui est à l'origine en tant que ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, dans la loi de 2010, de la faculté pour les communes de se constituer en commune nouvelle. Il l'a d'ailleurs expérimenté lui-même en créant la commune nouvelle de Thizy les Bourgs. Ancienne vice-présidente de l'AMF, je salue aussi le combat de Jacques Pélissard pour faciliter la création de ces communes nouvelles. En parallèle, une proposition de loi a été cosignée par Mme Pires Beaune, M. Le Roux ou encore Olivier Dussopt, rapporteur du texte sur les collectivités territoriales.

La proposition de loi s'est attachée à préciser les périodes transitoires et le sort des mandats municipaux durant celles-ci, avec la possibilité pour les anciens maires de devenir maire délégué. Les ajustements des règles d'urbanisme sont bienvenus.

Le texte prévoit qu'une commune nouvelle peut être créée entre communes ou à l'échelle d'une commune tout entière. Créer une commune nouvelle ne libère pas de l'obligation de faire partie d'une intercommunalité existante. Création de commune nouvelle et développement de l'intercommunalité sont ainsi des processus parallèles.

Les derniers syndicats d'agglomérations nouvelles pourront se constituer en commune nouvelle ou en communauté d'agglomération de droit commun.

On voit qu'au total des transitions en douceur sont prévues. Ce texte apporte une certaine souplesse par rapport à la loi de 2010. L'incitation financière dans un contexte de baisse inédite des dotations est à souligner, tout comme le maintien de la DGF pendant trois ans dans les conditions rappelées précédemment. Les raisons financières ne suffisent évidemment pas ; la volonté des élus doit primer.

Michel Mercier est appelé partout pour présenter la commune nouvelle ; cela m'arrive parfois également. Et je sens un frémissement, un intérêt certain pour les communes nouvelles.

À quoi sert une commune nouvelle ? À mutualiser, à faire des économies. Nous vivons dans des bassins de vie dont les habitants sont de plus en plus exigeants. La commune nouvelle renforce les capacités d'action.

Dans mon département, certaines petites communautés de communes, au-dessus de la barre des 5 000 habitants, sont appelées à entrer dans des intercommunalités plus grandes. La création d'une commune nouvelle est alors une solution pratique. Autre motivation : renforcer le rôle d'un bourg-centre. J'ai senti ce désir lors de mon récent déplacement à Amboise. Enfin, la création d'une commune nouvelle est parfois la condition de survie de la commune, quand celle-ci est trop petite pour conserver des capacités d'action.

Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi. Nous y voyons un moyen de renforcer les communes...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme Jacqueline Gourault.  - ... dont le rôle est parfois étouffé, à l'occasion de l'examen de la loi NOTRe, par le débat département-région... (Applaudissements)

M. René Vandierendonck .  - La commune nouvelle ne doit être conçue ni comme un mécanisme concurrent de l'intercommunalité, ni comme l'aboutissement de la démarche intercommunale. C'est un complément nécessaire aux progrès de celle-ci, un moyen d'améliorer son fonctionnement.

Il y a les seuils, les bassins de vie, j'en passe et des meilleurs... On est parti de 20 000, je vois que même le rapporteur de l'Assemblée nationale introduit des dérogations argumentées ; j'en déduis que la progression des schémas de coopération intercommunale se fera autour des bassins de vie. Un des principaux mérites de ce texte est de permettre à des communes, notamment rurales, d'exister et de se faire entendre. La dimension financière n'est pas anecdotique - ne crachons pas dans la soupe... On voit de celles qui se sont déjà créées que les frais de fonctionnement peuvent être réduits de 8 %, ce n'est pas négligeable. L'incitation financière était une condition nécessaire, sinon suffisante, je remercie le gouvernement de l'avoir acceptée.

Je rends hommage au savoir-faire du rapporteur. Si une réforme territoriale dépasse les clivages manichéens gauche-droite, c'est un bon signe de pérennisation. Voyant que le texte de 2010 n'avait pas eu le succès escompté, il a su redonner la parole aux élus et trouver les garanties d'un fonctionnement harmonieux des communes nouvelles.

Alain Bertrand souligne dans son rapport sur l'hyper-ruralité les problèmes posés par la taille des communes. Les communes nouvelles sont une réponse possible. Le groupe socialiste se réjouit de voter ce texte. (Applaudissements)

Vote sur le texte élaboré par la CMP

Les conclusions de la commission mixte paritaire sont définitivement adoptées.

Prochaine séance demain, jeudi 5 mars 2015, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 45.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques