Programmation des finances publiques 2014-2019 (Procédure accélérée  -  Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Serge Dassault .  - La France vit une crise financière gravissime, dont le Gouvernement ne semble pas prendre conscience, au vu de ce projet de loi de programmation des finances publiques. Ses prévisions de croissance sont irréalisables : ni Didier Migaud, ni la Commission européenne n'y croient d'ailleurs. Rien dans ce projet de loi ne pourra améliorer la faible compétitivité de la France, ni le CICE, ni le pacte dit de responsabilité. Notre dette va continuer à augmenter, les prévisions de réductions de dépenses à être reportées, d'année en année, sans que les responsables politiques ne s'en émeuvent, à tel point que l'encours atteindrait 2 500 milliards d'euros en 2019... L'équilibre serait atteint « à l'horizon 2019 », dit le Gouvernement. L'horizon, c'est une ligne qui recule au fur et à mesure qu'on s'en rapproche.

Des prévisions optimistes pour redonner confiance ? Cela risque de nous faire perdre notre crédibilité et la confiance de nos créanciers, qui risquent de remonter leurs taux. Il serait moins risqué de faire des prévisions pessimistes, ou du moins prudentes, comme le font les entreprises. Le Gouvernement devrait s'en inspirer.

L'Allemagne, elle, présente un budget en équilibre de 16 milliards d'euros lui permettant de commencer à rembourser sa dette.

M. Migaud demande une baisse de nos dépenses et de nos impôts. Mais personne ne l'écoute.... Où va-t-on ?

Il faudrait que l'État se dote de règles de bonne gestion budgétaire : instaurons la règle d'or ! Présentons une croissance prévisionnelle réduite, pour n'avoir que de bonnes surprises. Supprimons les exonérations de charges sociales et de TVA sur les entreprises, qui conduisent les contribuables à s'endetter eux-mêmes pour payer ces charges et impôts à leur place, cessons d'embaucher des fonctionnaires à vie, appliquons la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Les entrepreneurs, créateurs d'emplois et de richesses, sont démotivés par les charges et taxes excessives : ils préfèrent investir ailleurs...

Pourquoi ne pas supprimer l'ISF, rendre les licenciements possibles ? Ce n'est pas en les interdisant qu'on réduira le chômage. Devant une telle inflexibilité, les entrepreneurs n'embauchent plus en France. Supprimons les 35 heures, qui coûtent si cher.

Refondons complètement notre fiscalité en remplaçant l'impôt progressif par une flat tax de 2 % sur les revenus les plus faibles, de 5 % entre 1 300 et 2 000 euros mensuels, de 10 % au-delà quel que soit le revenu, et une CSG à 7 %. Cela rapporterait davantage : 140 milliards d'euros de plus qu'aujourd'hui. Un impôt prélevé à la source, comme le serait cette taxe, n'a que des avantages. De toute façon, les plus hauts revenus paieront le plus. Cela permettrait l'arrêt des expatriations et le retour de la croissance.

La France est au bord du précipice. Nous n'aurons bientôt plus d'investisseurs. Une remontée des taux nous mettrait en situation de cessation de paiement. Pourquoi ne pas nous inspirer de ce qui marche ailleurs ?

Je vous propose, chers collègues, de ne pas voter ce projet de loi de programmation des finances publiques qui ne résoudra aucun problème. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yannick Botrel .  - Cet exercice nous donne l'occasion de nous interroger sur l'avenir budgétaire de notre pays à moyen terme. Les prévisions de croissance sur lesquelles repose le projet de loi ont été remises en cause par l'opposition -c'est un classique. Référons-nous en à l'expertise des services de Bercy.

M. Philippe Dallier.  - Ils sont juges et parties !

M. Yannick Botrel.  - Les prédictions sont difficiles, surtout en ce qui concerne l'avenir, comme disait Oscar Wilde.

M. Philippe Dallier.  - C'est vrai !

M. Yannick Botrel.  - Le Gouvernement a déposé des amendements rétablissant les articles supprimés par la commission ; le groupe socialiste les votera, bien entendu. L'expérience a montré que le Sénat est plus entendu par les Français quand il fait le choix d'un débat de fond. Le respect de nos engagements européens en matière de déficit n'est pas facultatif. On ne peut prétendre exercer un leadership européen et ne pas les tenir. Je me félicite que le remboursement des intérêts de la dette ne soit plus le premier poste de dépenses de l'État, pour la première fois depuis 2012. C'est un marqueur positif. Il ne s'agit pas, ici, fort heureusement, de mener une politique budgétaire de rigueur qui entraînerait une compression générale des dépenses de l'État car la justice, l'éducation, la sécurité publique voient leur budget augmenter. J'approuve la stratégie de réduction des déficits et de la dette publique menée par le Gouvernement : elle est nécessaire et pragmatique.

Le deuxième chapitre du projet de loi renforce la logique de contrôle des dépenses publiques sur la période 2014-2017. La mise en place de l'Odedel facilitera une évaluation bienvenue des dépenses publiques locales ; nous disposerons ainsi d'un indicateur plus précis des dépenses de fonctionnement et d'investissements des collectivités locales. Nul doute que la grande majorité d'entre elles pratiquent une gestion saine et équilibrée.

La polémique sur la constitutionnalité du dispositif me semble infondée. Nous pourrons l'améliorer ; l'Odedel sera en outre complété par les mesures prévues aux articles 22 et 23.

Je note la volonté d'une meilleure information du Parlement sur les agences de l'État.

Il y a quatorze ans, le Parlement votait la Lolf, avancée notable qui a renforcé les pouvoirs de contrôle du Parlement en matière budgétaire. Nous devons encore nous approprier toutes les possibilités offertes par la Lolf et préciser les dispositifs de contrôle budgétaire.

La majorité sénatoriale conteste les prévisions du Gouvernement et demande à la fois plus d'économies et plus de dépenses. Nous sommes tous partisans d'économies générales et de dépenses particulières, relevait Anthony Eden... Qu'a fait la droite quand elle était aux responsabilités ? J'invite la majorité sénatoriale à sortir du flou des incantations et à faire des propositions concrètes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et écologistes)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État .  - Je remercie les intervenants pour la qualité de leurs propos. Réduire le déficit, ce n'est pas renoncer à nos priorités. Nous faisons des choix, nous finançons nos priorités par des économies sur les autres dépenses.

Merci à Mme André et à M. Germain d'avoir souligné les orientations de ce projet de loi. Nous ne ferions pas d'économies de dépenses, ai-je entendu. Oui la dépense publique augmente en valeur -et c'est heureux car sinon nous devrions diminuer les traitements et pensions- mais de façon plus ralentie. Entre 2002 et 2012, la dépense publique a augmenté de 32 milliards d'euros en moyenne chaque année.

M. Claude Raynal.  - C'est énorme ! Quel gaspillage...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Il y a eu la crise de 2008, tout de même !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - En 2013, elle n'aura augmenté que de 24 milliards d'euros, soit de 1,9 %, la meilleure performance depuis 1998 ; elle n'augmentera que de 16 milliards en 2014, soit 1,2%, c'est encore mieux. Faire des économies sur les dépenses d'assurance maladie, c'est ce que prévoit l'ONDAM par rapport à la tendance naturelle à la hausse.

Le rythme de progression de l'ensemble de la dépense publique en 2014 sera divisé par deux. Les hypothèses de programmation ont été qualifiées tantôt d'optimistes, tantôt de réalistes. Nous les assumons. Ce projet de loi a été élaboré à la fin du mois d'août. Ce matin, je lisais qu'un des organismes si souvent cité diminuait d'un point les prévisions pour la France. Il y a une nouvelle prévision tous les huit jours. Mais ce projet de loi de programmation concerne une longue période.

La faible inflation était prévisible, a dit M. Delahaye. Ah bon ? Personne, aucun organisme spécialisé européen ou autre, ne le prévoyait !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Il fallait consulter M. Delahaye.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Vous mettrez chacun, dans une enveloppe cachetée, vos prévisions de croissance et d'inflation pour 2017, 2018, 2019...

M. Vincent Delahaye.  - Déjà pour 2015 !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Nous posons des prévisions, mais de grâce, comparez avec celles dites du consensus des prévisionnistes...

Monsieur le rapporteur général en utilisant le procédé de régulation des écarts, nous ne faisons que ce que prévoit la loi organique, votée consensuellement. La conjoncture a évolué avec la faible inflation. Nous assumons le choix de reporter les objectifs que nous nous étions fixés. C'est du pragmatisme.

M. Rachline a confondu, en invoquant le montant de 2 000 milliards d'euros déficit et dette, et nous avons été plusieurs à sursauter. Péché de jeunesse ? Mettez cela sur le compte de son inexpérience, qu'il a lui-même évoquée.

Le Gouvernement proposera de rétablir les articles, adoptés par l'Assemblée nationale, que la commission a supprimés.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER (SUPPRIMÉ)

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, prévu à l'article 5 de la loi organique n°2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement propose de rétablir dans la version issue des travaux de l'Assemblée nationale les articles dits de chiffres. Cela vaut pour cet amendement comme pour les autres de même nature.

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Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques