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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Liaison ferroviaire Clermont-Ferrand - Lyon

M. Alain Néri

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Réforme de l'Onema

M. Gérard César

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Effectifs d'enseignants dans l'Aude

M. Roland Courteau

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

Absentéisme scolaire

M. Jacques-Bernard Magner

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

Parité dans les élections des délégués de classe

Mme Hélène Lipietz

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

Calendrier des vacances scolaires

M. Jean-Claude Carle

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

TVA et régime forfaitaire agricole

M. Pierre-Yves Collombat

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Renouvellement des forêts

M. Marcel Rainaud

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Logiciel Faeton

M. André Reichardt

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Précarité du personnel territorial contractuel handicapé

Mme Bernadette Bourzai

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Dotation globale de fonctionnement des communes

M. Jean Louis Masson

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Situation de l'emploi chez Alcatel-Lucent

Mme Claire-Lise Campion

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Industrie cimentière

M. Jean-Claude Leroy

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Distorsion de concurrence entre la restauration et la grande distribution

M. Christian Cambon, en remplacement de M. Michel Bécot

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Lutte contre le diabète

M. Christian Cambon

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Déontologie des infirmiers

M. Hervé Marseille

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Situation du groupe BMS-Upsa

M. Henri Tandonnet

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

L'affaire des militants kurdes exécutés à Paris

Mme Éliane Assassi

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Vice-présidence du Sénat (Candidature)

Vice-présidence du Sénat (Désignation)

Retrait d'une proposition de loi de l'ordre du jour

Rappel au Règlement

M. Roger Karoutchi

M. Didier Guillaume

Révision des condamnations pénales

Discussion générale

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois

Mme Hélène Lipietz

M. Jean-Jacques Hyest

M. François Zocchetto

Mme Cécile Cukierman

M. René Vandierendonck

M. Jacques Mézard

M. Richard Tuheiava

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 5

ARTICLE 6

Taxe communale sur la consommation finale d'électricité

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi

M. François Marc, rapporteur de la commission des finances

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

M. Jean-Vincent Placé

M. Ladislas Poniatowski

Mme Jacqueline Gourault

M. Thierry Foucaud

M. Jean-Claude Requier

M. Maurice Vincent

M. Francis Delattre

M. Jean-Claude Lenoir

Mme Caroline Cayeux

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Xavier Pintat

M. André Reichardt

M. Alain Richard

ARTICLE 2

Encadrement des stages (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Procaccia

M. Jean-Léonce Dupont

Mme Laurence Cohen

M. Gilbert Barbier

M. Jean Desessard

Modification à l'ordre du jour

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur le programme de stabilité pour 2014-2017

M. Manuel Valls, Premier ministre

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean Arthuis

M. Pierre Laurent

M. Jean-Michel Baylet

M. Jean-Vincent Placé

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

M. Didier Guillaume

Mme Michèle André

M. Jean-Pierre Chevènement

M. Yves Daudigny

M. Philippe Marini, président de la commission des finances

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Ordre du jour du mercredi 30 avril 2014




SÉANCE

du mardi 29 avril 2014

91e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jacques Gillot.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.

Liaison ferroviaire Clermont-Ferrand - Lyon

M. Alain Néri .  - J'attire votre attention sur les difficultés de la liaison ferroviaire entre Clermont-Ferrand et Lyon. Si j'ai le plaisir de reconnaître que le désenclavement routier de Clermont-Ferrand et du Puy-de-Dôme en direction de Bordeaux, Paris, Montpellier, Barcelone et Lyon est maintenant assuré, je constate, hélas que, par le rail, Paris reste à plus de trois heures de Clermont-Ferrand avec un vieux matériel roulant. Disons-le avec un peu d'humour : ces Corail rénovés en Teoz me rappellent les chemises neuves que nous faisait notre grand-mère dans les vieilles chemises de nuit de mon grand-père. (Sourires)

L'ouverture du « barreau de Balbigny » permet d'aller de Clermont-Ferrand à Lyon par l'autoroute en une heure et demie, mais il faut deux heures un quart pour faire le trajet en train.

Il est urgent de moderniser la ligne ferroviaire vers Lyon. Ce serait, pour Clermont-Ferrand et l'Auvergne, une ouverture vers Genève et Turin. Ni la région Auvergne, ni le département du Puy-de-Dôme, ni Clermont-Ferrand ne doivent être laissés pour compte. Quand chacun parle du renouveau des régions, nous attendons un geste fort.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - J'entends votre impatience, cette situation n'a que trop duré. Il y a eu tout de même l'avancée autoroutière et la régularité ferroviaire approche désormais les 90 %.

Je rends hommage aux qualités de couturière de votre grand-mère... Il n'empêche, le matériel Corail rénové permet d'accueillir les voyageurs dans des conditions qui, sans être tout à fait suffisantes, sont quand même satisfaisantes en attendant le résultat de l'appel d'offres pour un renouvellement complet du matériel à l'horizon 2018.

La ligne Clermont-Lyon relève de la compétence des régions ; nous leur faisons confiance. Le volet mobilité des Contrats de plan État-régions et le Grand plan de rénovation du réseau amélioreront grandement les choses. À court terme, Réseau ferré de France procédera, dès la fin 2014, au renouvellement du tunnel de Saint-Martin d'Estréaux, à la frontière entre les régions Rhône-Alpes et Auvergne.

M. Alain Néri.  - Merci pour ces avancées, partielles certes. Les Auvergnats sont des gens raisonnables, ils ont compris que le TGV n'était pas pour demain et que les investissements ne se trouvent pas sous le sabot d'un cheval... Nous demandons des mesures pragmatiques et la priorité à la liaison reliant Clermont-Ferrand à la capitale des Gaules. Vers Paris, l'arrivée de notre ligne a été déplacée de la gare de Lyon à celle de Bercy ; au moins, modernisons celle-ci !

Réforme de l'Onema

M. Gérard César .  - La Cour des comptes pointe des défaillances et des irrégularités dans la gestion administrative et financière de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). Cet office a davantage de missions que le Conseil supérieur de la pêche et des eaux qu'il a remplacé : il lui revient d'appliquer les directives européennes.

La Cour a souligné la confusion entre présidence de l'Office et tutelle, un parc automobile pléthorique, des anomalies dans la passation des marchés publics, l'augmentation des primes et indemnités du personnel de 18 %, l'incohérence de gestion due au fait que 51 % des agents font la semaine de quatre jours. L'État et les contribuables paient très cher les défaillances de gestion de l'Office.

Une réforme est urgente dans le cadre du contrat de plan 2013-2018.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Mme Royal vous répond que la création de l'Onema visait à doter l'État d'une expertise forte dans le domaine de l'eau. Elle partage la plupart des conclusions de la Cour et veille à en appliquer les recommandations. Le plan d'action validé par le conseil d'administration le 28 mars 2013 en est le reflet. L'Onema sera intégré à la future agence française pour la biodiversité intégrée au projet de loi présenté en Conseil des ministres le 26 mars. Il est doté d'une présidence classique et d'un conseil d'administration. Son organisation territoriale a fait l'objet d'une réflexion dans le cadre de l'évaluation de la politique de l'eau entamée par le Comité interministériel de modernisation de l'action publique, un dispositif de contrôle interne a été mis en oeuvre.

Comme vous le voyez, le ministère de tutelle n'est pas resté inactif : les conditions seront réunies pour une bonne intégration de l'Office dans la future agence française de la biodiversité.

M. Gérard César.  - Il importe que l'Onema ne fasse pas obstacle aux maires qui assument le principe de précaution en procédant à l'entretien des canaux et voies d'eau. Ainsi, le maire de Libourne a été traduit en justice en 2008, le procureur fait maintenant appel contre l'amnistie dont il a bénéficié. Cet élu n'avait pourtant que pris ses responsabilités dans la logique du principe de précaution.

Effectifs d'enseignants dans l'Aude

M. Roland Courteau .  - Le Gouvernement a fait beaucoup d'efforts sur les effectifs d'enseignants.

M. Alain Néri.  - Il est bon de le souligner...

M. Roland Courteau.  - Le département de l'Aude connaît des difficultés particulières, dues à sa double nature, rurale et urbaine. On nous fait observer que le nombre d'élèves ne justifie pas de nouveaux postes. Pourtant, l'Aude a bénéficié seulement d'un poste pour 33 élèves supplémentaires quand tel autre département a obtenu un enseignant pour douze élèves, un autre pour dix-huit élèves. Preuve est faite que les répartitions à la calculette ne sont pas équitables. L'Aude paie au prix fort la ruralité. Avec M. Rainaud, nous demandons de nouvelles règles de répartition prenant en compte les réalités territoriales.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Je vous prie d'excuser M. Hamon, retenu. Vous savez quelle situation nous avons trouvée à notre arrivée en 2012.

M. Alain Néri.  - Une situation désastreuse !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Elle rompait avec le pacte républicain. C'est pourquoi le président de la République a fait de la refondation de l'école une priorité.

Dans l'Aude, comme ailleurs, des principes de répartition clairs et transparents ont été appliqués.

M. Roland Courteau.  - La calculette...

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  Pour 215 élèves supplémentaires, votre département a bénéficié de sept postes sur les 133 emplois créés dans le premier degré dans l'académie de Montpellier. Le caractère rural de l'Aude a été parfaitement intégré dans le calcul des ratios. J'ajoute qu'avec 56,2 %, au sein de l'académie, l'Aude a le plus fort taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans dans l'académie.

L'égalité des chances, l'école pour tous, le contrat nous le devons aux élèves et aux familles.

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Roland Courteau.  - Il est vrai que s'il n'y avait pas eu autant de suppressions de postes sous le précédent quinquennat, nous n'en serions pas là. Le taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans a chuté de 45 % à 11 % entre 2000 et aujourd'hui. C'est pourquoi M. Rainaud et moi-même persistons à demander un plan d'urgence.

Absentéisme scolaire

M. Jacques-Bernard Magner .  - La déscolarisation, partielle ou totale des élèves, en particulier de ceux issus de la communauté des gens du voyage, constitue un vrai problème. Les conseillers principaux d'éducation n'ont pas les moyens de faire revenir un élève absent si ni lui ni ses parents n'adhèrent pas au projet scolaire. Les signalements faits aux inspections académiques restent, le plus souvent, inefficaces. Les seuls moyens de pression restent la convocation à l'inspection mais les familles ne s'y rendent pas ou plus pour diverses raisons. Les autres cas sont pris en charge par les assistantes sociales des collèges mais, là aussi, sans grande efficacité. Ainsi, un élève peut être absent pendant toute l'année scolaire sans que sa famille soit vraiment inquiétée.

En principe, tous les dossiers de non-scolarisation doivent faire l'objet d'un signalement au parquet, avec une suite judiciaire. Or très peu de dossiers sont transmis au parquet et seuls les cas les plus graves sont instruits car les procureurs n'ont pas le temps de traiter les dossiers.

L'école pour tous est un principe républicain que nous devons faire vivre.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - L'école de la République doit accueillir tous les élèves pour en faire des citoyens libres et éclairés, cela est rappelé à l'article L.131-1 du code de l'éducation. La scolarisation est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes entre 6 et 16 ans, sans que, comme le rappelle la circulaire du 20 mars 2002, aucune distinction ne puisse être faite entre Français et étrangers dans l'accès à l'école.

La loi du 8 juillet 2013 précise que « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. Cette durée complémentaire peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire ». Nos efforts portent leur fruit : nous avons réintégré près de 14 000 jeunes dans le système scolaire. Grâce à une amélioration du repérage, 9 500 élèves ont pu être raccrochés en 2012. Des « référents décrochage » ont été nommés.

À partir de la rentrée 2015, un nouveau parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel sera proposé à tous les élèves dès la classe de sixième, afin de les aider à élaborer leurs projets d'orientation scolaire et professionnelle. Une convention-cadre associera le ministre de l'intérieur à celui de l'Éducation nationale et à ceux de la ville et de la justice.

Tout le Gouvernement se mobilise pour lutter contre le décrochage scolaire et donner tout son sens au pacte républicain : la réussite pour tous.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Merci de cette réponse. La lutte contre la déscolarisation, en particulier au collège, doit nous mobiliser. Notre majorité a heureusement supprimé la mesure consistant à supprimer les allocations familiales des parents d'enfants absents. Elle avait montré son inefficacité.

Parité dans les élections des délégués de classe

Mme Hélène Lipietz .  - Depuis la loi du 23 juillet 2008, la parité est un objectif à valeur constitutionnelle. Des enseignants avaient organisé des binômes ou des listes distinctes. Las, le Conseil d'État, dans sa décision du 7 mai 2013, a affirmé que seule la loi peut imposer la parité.

Celle-ci doit s'apprendre dès le plus jeune âge, dès l'école. Les élections de délégués de classe relèvent malheureusement d'un article de la seule partie règlementaire du code de l'éducation. Il serait bon de donner force de loi à l'article R4121-28.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le délégué de classe, parce qu'il est élu, participe aux réunions ; sa voix, forte, doit être prise en compte. Or de nombreux élus lycéens témoignent de leur désarroi : ils ne demandent pas de nouveaux pouvoirs, seulement d'être entendus. L'Éducation nationale s'est saisie de ce dossier.

Instaurer la parité suppose un lourd processus législatif. Autre limite, le déséquilibre dans certaines filières entre les sexes : plus de filles dans les sections sociales, de garçons dans les filières de mécanique. Pour autant, le Gouvernement doit agir. Il sensibilisera les recteurs à l'objectif si fondamental de la parité, auquel nous sommes très attachés.

Mme Hélène Lipietz.  - Merci d'avoir reconnu le rôle des délégués de classe. Ce qui pose surtout problème, c'est la reconnaissance de la légitimité que confère l'élection. Les délégués de classe sont nombreux à visiter le Palais du Luxembourg...

Depuis des années, j'ai l'impression d'entendre les mêmes arguments contre la parité que l'on prétend inapplicable. La Constitution en a pourtant fait un objectif !

Calendrier des vacances scolaires

M. Jean-Claude Carle .  - Je reviens sur un problème qui préoccupe tous les élus de montagne : le calendrier des vacances scolaires pour la période 2014-2017, défini par l'arrêté du 21 janvier 2014.

Si ce texte écarte le principe de demi-semaine pour les congés de Noël, il entérine une programmation tardive des vacances de Pâques, s'achevant le week-end du 10 mai pour la dernière zone. Or dès la fin du mois d'avril, un grand nombre de stations ferment leur domaine skiable. Une semaine de décalage entraîne une baisse de 50 % de la fréquentation, donnée vérifiée de 2011 à 2013. L'activité réalisée durant ces vacances tombe à seulement 2 % de la saison de sports d'hiver. Les stations subissent une perte de 70 % de l'activité durant les vacances de Pâques et de 3 % de leur chiffre d'affaires pour l'ensemble de la saison, provoquant une perte de recettes pour les collectivités locales et pour l'État que l'on peut évaluer à 100 millions d'euros. L'effet de cette diminution d'activité se fait directement sentir sur l'emploi et sur l'investissement local dont nos territoires ont besoin en période de crise.

D'ailleurs, cette programmation des vacances a été rejetée par le Conseil supérieur de l'éducation.

Le Gouvernement envisage-t-il de revenir sur l'arrêté du 21 janvier 2014 ? Il faudrait réduire à six semaines en moyenne la période comprise entre les vacances de Noël et celles d'hiver. Ce serait compatible avec les rythmes des enfants, particulièrement fatigués au coeur de l'hiver selon les chronobiologistes. Nous retrouverions ainsi un véritable troisième trimestre.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le Gouvernement connaît bien ce sujet. L'arrêté du 21 janvier 2014 constitue une réponse équilibrée aux besoins des élèves et demandes des professionnels. Il s'agit de ne pas alourdir démesurément le troisième trimestre pour favoriser les apprentissages.

Afin de répondre à vos préoccupations, le ministre a autorisé des expérimentations dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. De plus, l'article D. 521-1 du code de l'éducation autorise des adaptations.

Le bien-être des élèves et la vitalité des territoires sont des soucis que nous partageons. Vous savez combien les zones de montagne me sont chères. Elles contribuent à l'économie et au bien-être de notre pays.

M. Jean-Claude Carle.  - Merci de cette réponse. Rythmes des enfants, des familles et des stations de ski ne doivent pas être déconnectés. J'espère que les expérimentations menées dans les communes du Mont-Blanc seront prises en compte.

La séance, suspendue à 10 h 20, reprend à 10 h 30.

TVA et régime forfaitaire agricole

M. Pierre-Yves Collombat .  - Le passage de 7 % à 10 % du taux de la taxe sur la valeur ajoutée sur les produits agricoles n'est pas sans conséquences sur le régime forfaitaire d'imposition des bénéfices agricoles. De nombreuses petites exploitations sont soumises à ce régime forfaitaire, appliqué automatiquement aux exploitations réalisant jusqu'à 76 300 euros maximum de recettes au cours de deux années successives. Au-delà de ce plafond, c'est le régime réel simplifié qui s'applique.

L'augmentation de la TVA va entraîner un dépassement automatique de ce plafond pour certaines exploitations, avec pour conséquence de les faire automatiquement passer au régime réel simplifié, ce qui pourrait leur causer des difficultés financières. Il serait logique de relever ce plafond pour tenir compte de l'augmentation de la TVA. Cela ne coûterait rien à l'État et rendrait indolore pour ces exploitations la hausse de la TVA. Ma question est d'une simplicité évangélique, monsieur le ministre, allez-vous répondre à l'attente des agriculteurs ?

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - C'est une question fiscale, qui dépend donc d'une loi de finances. Un travail a été engagé dans le cadre de la remise à plat de la fiscalité lancée par Jean-Marc Ayrault. Je suis ce dossier afin d'éviter les difficultés qui pourraient apparaître. Les discussions continuent. Elles déboucheront dans le cadre de la loi de finances. J'ai bon espoir que nous pourrons anticiper les difficultés. Je laisse ce travail se poursuivre pour trouver des solutions à ce problème, dont j'ai pleinement conscience.

M. Jean-Claude Carle.  - À question simple, réponse compliquée ! Pourquoi ne pas répondre simplement : que les gens dont les revenus n'augmentent pas ne soient pas plus imposés qu'actuellement. Cela relève, soit, de la loi de finances. Alors, il faut attendre. J'aurais apprécié une réponse plus franche.

Renouvellement des forêts

M. Marcel Rainaud .  - Notre forêt est une richesse pour notre pays et pour notre région, le Languedoc-Roussillon. La France est devenue le quatrième exportateur de sciage de bois, cette exportation croissante de grumes non transformés vers les pays émergents fragilise cette filière.

La quantité sollicitée et attendue pour les prochaines années où les besoins en bois dépasseront la capacité de production forestière, risque à la fois de décapitaliser nos forêts et de conduire à la fermeture de certaines unités, en raison du manque de matières premières. La différence des normes européennes et chinoises en matière de traitement phytosanitaire du bois menace notre environnement.

La vitalité économique des entreprises de la première et seconde transformation est contrariée par la demande chinoise qui a fait augmenter les prix, si bien que les scieries locales peinent à s'approvisionner et à être compétitives. La filière doit répondre à une demande exponentielle, tout en devant maintenir un capital qui ne rapportera ses fruits qu'au bout de plusieurs décennies. La forêt est un patrimoine et un investissement au long cours qui nécessite que la récolte rapporte au moins cinq fois le capital initial investi afin d'assurer le reboisement.

Nous savons le Gouvernement très sensible à cette problématique et aux enjeux économiques portés par la sylviculture. Quel sera l'usage du fonds stratégique de la forêt et du bois ? Quelles mesures pour le renouvellement de la forêt ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Les débats ont été nourris au Sénat sur cette question cruciale, lors de l'examen de la loi d'avenir, celle de l'équilibre entre forêt et transformation. Heureusement, le ratio s'est stabilisé depuis 2011. Hors approvisionnement, l'enjeu essentiel est en effet celui de la restructuration de la filière. Comment redonner des moyens aux scieries en difficulté ? Les taxes à l'import de produits transformés et à l'export de produits bruts relèvent de la réglementation européenne dont je suis avec attention l'évolution.

Je suis très sensible à la question des impacts sur l'environnement, dont l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a été saisie.

Toute perte dans la transformation effectuée par les scieries menace, outre celles-ci, l'ensemble de la filière dans ces produits. C'est l'objet du comité stratégique de la filière que de lutter contre ce risque et de structurer cette filière. Nous l'avons lancé avec Arnaud Montebourg. À l'été, nous présenterons un contrat de filière, afin que la transformation du bois retrouve toute sa place dans notre grand pays forestier.

M. Marcel Rainaud.  - Merci pour votre réponse, monsieur le ministre.

Logiciel Faeton

M. André Reichardt .  - Les permis de conduire font l'objet d'un traitement sécurisé depuis la mise en oeuvre du logiciel Faeton à la suite de la transposition de la troisième directive relative au permis de conduire. Cette dernière harmonise les règles de gestion de ce titre au sein de l'Union européenne et renforce la lutte contre la fraude. Ce logiciel doit gérer l'ensemble des dossiers de permis de conduire, de l'inscription en auto-école à la délivrance des titres et à la gestion des droits à conduire.

Mais une des conséquences du déploiement de ce logiciel est de centraliser la délivrance des permis de conduire dans les préfectures alors qu'il suffisait de se rendre dans les sous-préfectures. Dans mon département, cela peut faire perdre trois heures, d'autant que l'accès routier à Strasbourg est souvent bloqué. C'est un effet paradoxal de la dématérialisation !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie d'excuser le ministre de l'intérieur. La délivrance des permis de conduire a beaucoup évolué, il est vrai, afin de délivrer des titres sécurisés. Cela nécessite un regroupement de la production. Un code confidentiel permet à l'usager de consulter son solde de points sur le site telepoints. Depuis le 3 mars 2014, les usagers peuvent suivre la production de leur titre en ligne sur le site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Ils sont prévenus par courriel ou SMS. À la préfecture du Bas-Rhin, deux guichets sont dédiés aux permis de conduire, dont un entièrement consacré au retrait des titres pour diminuer les délais d'attente des usagers. Près de 60 % des 1,2 million de titres délivrés depuis le 16 septembre 2013 ont été acheminés directement au domicile des usagers, dans les cas de réussite à l'examen, ou d'un vol ou perte du précédent titre.

M. André Reichardt.  - Oui, il faut trouver un bon équilibre entre les contraintes de la lutte contre la fraude et la proximité entre les citoyens et l'administration. À l'heure de l'e-administration, il n'est pas acceptable de devoir se déplacer pendant plusieurs heures pour retirer un document. L'expédition à domicile n'est-elle possible que pour certains ? Ne peut-on pas la généraliser ? Ne peut-on pas renouer avec le retrait des titres en sous-préfecture, qui ne causait aucun souci par le passé ? Améliorons le système, monsieur le ministre, sans rien lâcher sur la sécurité des processus.

La séance, suspendue à 10 h 50, reprend à 10 h 55.

Précarité du personnel territorial contractuel handicapé

Mme Bernadette Bourzai .  - La loi du 12 mars 2012 a pour objet de remédier aux situations de précarité les plus graves des agents non titulaires de la fonction publique. Les agents en situation de handicap sont particulièrement exposés à la précarité. L'alternance de périodes travaillées et chômées engendre des trop-perçus au regard des droits de l'AAH, et donc des remboursements et des baisses de revenus significatives. Or ces agents occupent des postes de catégorie C, ne bénéficient pas des mêmes avantages légaux et leur titularisation, prévue par la loi, leur est rarement proposée, même s'ils remplissent les critères demandés. Je connais une personne dans la Gironde qui, depuis vingt ans, rendez-vous compte, enchaîne des contrats d'entretien dans des lycées. Elle touche entre 700 et 1 000 euros par mois, six mois sur douze. Pendant les vacances ou lorsqu'elle n'est pas en mission, elle doit revenir à Pôle emploi et rembourser les trop-perçus. Comment vivre dignement dans ces conditions ? Son handicap est compatible avec son poste, cela a été reconnu. Pourtant, on ne lui a jamais proposé de titularisation.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il adopter afin d'améliorer la situation de ce personnel vulnérable ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - C'est une question difficile. Le cas de cette personne en Gironde nous touche. Par dérogation au recrutement par concours, les personnes handicapées peuvent acquérir la qualité de fonctionnaires après avoir été recrutées par contrat. Les candidats doivent remplir des conditions de compatibilité du handicap, de diplôme, de durée d'études, etc. Ils sont recrutés en tant que stagiaires avant d'être titularisés. La procédure de titularisation ou de prolongement du contrat ou de refus de titularisation est fixée par décret. Le refus de titularisation n'est justifié que dans le cas où l'agent paraît inapte à exercer ses fonctions. Dans ce cas, l'intéressé peut bénéficier, bien sûr, des allocations chômage. Pour les personnes handicapées qui alternent périodes d'activité, de chômage et d'AAH, le décret du 12 novembre 2010 - rappelons-le ensemble - a modifié les règles de ressources pour le calcul de l'AAH, afin que celle-ci corresponde davantage à la situation individuelle.

C'est une couverture de solidarité. Cela dit, les remplacements en boucle deviennent un véritable problème, aussi bien dans les collectivités territoriales que dans les établissements hospitaliers. Je ne peux toutefois en contraindre les responsables...

Il faut faire mieux, tout en laissant une marge de liberté aux autorités territoriales. Ces situations, peu nombreuses, existent. J'espère avec vous, trouver des solutions, sans déroger aux principes. Je vous tiendrai informée.

Mme Bernadette Bourzai.  - Merci de votre réponse. Je vous fais confiance et je saurai éventuellement vous le rappeler.

Dotation globale de fonctionnement des communes

M. Jean Louis Masson .  - Je constate que le ministre de l'intérieur, à qui j'ai adressé ma question, n'est pas là. C'est la quatrième fois ! Il était remplacé, il y a quinze jours par le secrétaire d'État à l'économie numérique. Voici maintenant la ministre de la décentralisation. Il y a un progrès !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Merci !

M. Jean Louis Masson.  - Il serait bon que le ministre de l'intérieur vienne de temps en temps répondre aux questions écrites des parlementaires. Cela nous éviterait d'avoir à poser des questions orales. J'en ai 221 en stock, sans réponse ! Je ne vais pas poser une question orale tous les quinze jours pour l'obliger à me répondre. Un minimum de courtoisie s'impose, entre le Gouvernement et le Sénat.

J'en viens à ma question. Elle reflète la très grande préoccupation des élus municipaux face à la réduction envisagée de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes - parfois la moitié de leurs recettes budgétaires.

Certaines décisions ont été prises, comme la modification des rythmes scolaires, qui ont imposé des réformes coûteuses, sans que l'on n'ait jamais demandé l'avis des communes. Avez-vous une solution miracle, madame la ministre ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - Plus de 200 questions, c'est beaucoup ! Je suis en charge de la réforme des collectivités territoriales. Votre question relève donc de ma compétence, quand bien même vous l'aviez adressée au ministre de l'intérieur.

L'effort demandé aux collectivités est proportionnel à la part de leurs dépenses dans le total des dépenses publiques. Il s'agit de stabiliser et de maîtriser la dépense publique. La réforme ne touche pas seulement la DGF, mais l'ensemble des concours de l'État. Elle sera menée en concertation avec les élus et le Parlement, comme l'a demandé le Premier ministre. Celui-ci a entamé, vous le savez, une discussion sur l'organisation territoriale de la République. Nous verrons comment réaliser des économies. Quant aux dépenses supplémentaires, le ministre de l'éducation nationale a fait droit aux demandes d'assouplissement des élus. Un conseil national d'évaluation des normes sera mis en place dès cet été, où les élus tiendront une grande part. Nous progressons, depuis les rapports Lambert-Boulard et Lambert-Malvy. Nous avons parfois, il est vrai, manqué de simplicité. La complexité entraîne des dépenses supplémentaires.

Nous continuons à encadrer ce travail.

M. Jean Louis Masson.  - Faire des économies, oui...

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Bravo.

M. Jean Louis Masson.  - ... mais n'ajoutons pas de dépenses supplémentaires. La réforme des rythmes scolaires est scandaleuse. Quand on n'a pas d'argent, on s'abstient de dépenser plus... Si le ministre de l'intérieur avait répondu dans les délais à mes questions écrites il n'y aurait pas, madame la ministre, un tel stock de questions en souffrance...

La séance est suspendue quelques instants.

Situation de l'emploi chez Alcatel-Lucent

Mme Claire-Lise Campion .  - Le 8 octobre 2013, face à de graves difficultés financières, la direction d'Alcatel annonçait un nouveau plan de restructuration appelé Shift, sixième plan social depuis la fusion Alcatel-Lucent en 2006. Près de 900 emplois sont menacés en France. Le plan prévoit un recentrage de l'activité sur les sites de Villarceaux et Lannion, la fermeture des sites de Rennes et Toulouse ainsi que la cession des sites d'Eu, d'Ormes et d'Orvault. En Île-de-France, à Nozay, 509 suppressions de postes sur 3 277 sont prévues en 2014, tant dans l'avant et l'après-vente, que dans la recherche et développement. C'est incompréhensible.

Les organisations syndicales ont fait des propositions. Elles souhaitent participer à la rénovation de ce fleuron de l'industrie française. Elles espèrent que ce nouveau plan mettra un point final à une restructuration, qui doit se donner un objectif ambitieux pour le dernier grand opérateur de cette branche en France.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - Je répondrai pour Arnaud Montebourg sachant que je suis concernée par cette question, étant proche géographiquement d'un site important de cette entreprise d'Alcatel-Lucent.

Le plan de redressement en trois ans a pour objet de recentrer le groupe sur ses atouts, afin d'en faire un spécialiste des réseaux et de l'Internet Protocol

Alcatel-Lucent doit se renforcer sur le plan industriel et la solidarité des différents acteurs de la filière s'exercer. Les premiers mois de mise en oeuvre du plan Shift ont produit des résultats encourageants. Le regard porté par le marché sur l'entreprise a changé. De nouveaux clients sont arrivés, de nouveaux partenariats, de nouveaux contrats ont été signés, notamment en Chine et en Espagne.

Alcatel-Lucent doit tout mettre en oeuvre pour préserver sa base industrielle en France. La réunion de mobilisation présidée par le président de la République hier à Paris va dans ce sens. M. Montebourg a fait des propositions concrètes.

Certes, des postes sont supprimés, ce qui ne peut satisfaire tous les salariés ; mais de nombreux autres sont préservés notamment en région parisienne. Les activités de recherche du groupe sont maintenues en France et recentrées sur les technologies du futur. Villarceaux deviendra le premier centre de recherche du groupe en Europe. La solution de substitution pour le site d'Orvault sera soutenue par des commandes d'Alcatel-Lucent, dans le cadre du renforcement de la filière. Les interrogations qui demeurent chez les salariés incitent la direction d'Alcatel-Lucent à poursuivre ses efforts, Arnaud Montebourg n'a pas manqué de le rappeler. Le partenariat avec SFR montre la pertinence de l'appel au patriotisme économique. Il s'agit de consolider l'ensemble de la filière économique des télécoms en France. Tel est l'objet de la politique industrielle du Gouvernement. Je rends hommage au réalisme et à l'inventivité des salariés d'Alcatel-Lucent.

Mme Claire-Lise Campion.  - Merci pour cette réponse. J'ai pleinement confiance en votre action et resterai très attentive au suivi de ce dossier par le Gouvernement. Merci d'avoir rendu hommage à l'inventivité et à la qualité du travail des organisations syndicales.

La séance est suspendue quelques instants.

Industrie cimentière

M. Jean-Claude Leroy .  - L'industrie cimentière se trouve en grande difficulté. Alors que la consommation de ciment en France atteignait 21,4 millions de tonnes en 2011, elle était de 19,9 millions de tonnes en 2012, soit une baisse de près de 7 %. Selon les estimations, elle chuterait de 9 % en 2013.

Cette industrie doit faire face à une concurrence étrangère, que l'on peut qualifier de déloyale. Les importations de ciment continuent de progresser, de l'ordre de 5 %, passant de 1,8 million de tonnes en 2011 à 1,9 million en 2012. Environ 10 % du ciment consommé en France est désormais importé. Les cimentiers sont confrontés à l'introduction de ciment et de clinker importés de pays aux normes sociales et environnementales beaucoup moins contraignantes, que celles appliquées en France qui engendrent des surcoûts de l'ordre de 10 à 20 %.

Si le respect des normes environnementales est primordial, il place cette industrie dans une position défavorable par rapport à ses concurrents étrangers. D'autre part l'annonce de la fusion entre Lafarge et Holcim inquiète les salariés. Pouvez-vous les rassurer, madame la ministre ? Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux demandes du secteur ? Pouvez-vous nous assurer de votre soutien à l'industrie cimentière ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - Je vous prie d'excuser M. Montebourg, dont vous connaissez l'engagement quotidien pour l'industrie cimentière. En mai dernier, M. Montebourg a installé un comité stratégique de filière qui aboutira prochainement à un contrat de filière. Concernant les puits de carbone, la Communauté européenne accorde des quotas gratuits, qu'elle révise tous les cinq ans. La France prône une stabilisation de la liste des secteurs exposés, elle se refuse à sa restriction.

Concernant la fusion entre Lafarge et Holcim, le Gouvernement entend faire du maintien de l'emploi une priorité absolue. La cimenterie de Lumbres dans le Nord-Pas-de-Calais ne subira pas de fermeture, l'impact sur l'emploi sera limité, ont affirmé les présidents des deux entreprises lors d'une conférence de presse le 7 avril à Paris.

M. Jean-Claude Leroy.  - Merci de cette réponse rassurante.

Distorsion de concurrence entre la restauration et la grande distribution

M. Christian Cambon, en remplacement de M. Michel Bécot .  - Les taux de taxe sur la valeur ajoutée différenciés provoquent une distorsion de concurrence entre la restauration et les enseignes de grande et moyenne surface, qui vendent des produits à réchauffer sur place : le snacking bénéficie d'un taux de TVA réduit de 5,5 % qui entretient le flou sur ces activités de restauration rapide. Les restaurateurs sont en colère. Que comptez-vous faire ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - À cette question légitime j'apporterai une réponse technique fiscale. Nous avons décidé de maintenir un taux de TVA intermédiaire dans la restauration en contrepartie d'engagements sur la création d'emplois, après avoir dressé un bilan du contrat d'avenir laissant apparaître des marges de progression en matière de formation et de lutte contre le travail illégal.

Le taux intermédiaire a été relevé de 7 % à 10 %, le 1er janvier 2014 pour la restauration rapide, comme pour l'ensemble des secteurs qui y sont soumis. Je rappelle que cette augmentation concourt au financement du CICE.

Le Conseil d'État a éclairci, par un arrêt du 11 février 2013, la distinction entre produits soumis au taux réduit de 5,5 % et ceux qui relèvent du taux intermédiaire. Le taux réduit ne s'applique qu'aux produits destinés à être conservés et qui sont contenus dans un emballage prévu en conséquence. Les sandwiches et autres produits périssables sont considérés comme étant destinés à être consommés immédiatement, sur le lieu d'achat et donc soumis au taux intermédiaire. Le Gouvernement veillera à ce que les grandes et moyennes surfaces respectent l'application de ces taux de TVA différenciés.

M. Christian Cambon. Peut-être les conseillers d'État devraient-ils aller plus souvent déjeuner dans les grandes surfaces. Cette différence de taux est insupportable pour les restaurateurs, qui sont en colère, madame la ministre, j'espère que les services du ministère des finances mettront fin à cette distorsion de concurrence.

Lutte contre le diabète

M. Christian Cambon .  - Le diabète, maladie chronique, concerne environ trois millions de personnes en France, soit 5 % de la population. Les conséquences sont graves, tant sur le plan économique qu'humain. La France est touchée par la croissance du diabète de type 2 (DT2), appelé diabète gras. Cette épidémie coïncide avec l'augmentation inquiétante du surpoids. L'obésité touche, en 2012, 15 % de la population adulte, soit un peu plus de 6,9 millions d'obèses, 3,3 millions de plus qu'en 1997.

L'âge élevé, la sédentarité et le surpoids sont les principaux facteurs de risque du DT2 qui représente 90 % des diabètes. Cécité, infarctus, les complications sont nombreuses, pour une maladie qui évolue longtemps silencieusement.

Le traitement d'un patient diabétique coûte à l'assurance maladie de 601 euros aux premiers symptômes à 41 718 euros lorsque la maladie se complique. Deux diabétiques sur trois sont en affection longue durée pour un coût de près de neuf milliards. Les associations, avec la campagne « Tous contre le diabète », demandaient que le diabète devienne une grande cause nationale. Le Gouvernement ne l'a pas voulu. Le collectif, en réaction, a décidé de ne pas organiser la journée diabète qui en 2013 avait permis à 1,5 million de personnes de consulter. Quel dommage !

Ferez-vous du diabète une grande cause nationale en 2015 ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Touraine. Vous avez raison, il faut distinguer le diabète de type 1 et de type 2, rappeler la progression de cette maladie en France et la combattre.

C'est pourquoi la ministre l'a mise au coeur de sa stratégie nationale de santé. Premier axe, la prévention et l'éducation thérapeutique. Deuxième axe, l'accès aux soins avec une coopération renforcée entre médecin référent et endocrinologue. Dernier axe, l'information et les droits des patients.

Avec la stratégie nationale de santé le Gouvernement apporte des réponses concrètes pour lutter contre la véritable épidémie que représente le diabète.

M. Christian Cambon.  - Je reconnais l'effort réalisé tout en réitérant mon regret que le diabète n'ait pas été érigé en grande cause nationale. Cette maladie, souvent cachée, est diagnostiquée tard, ce qui provoque de nombreuses complications.

Déontologie des infirmiers

M. Hervé Marseille .  - L'Ordre national des infirmiers est le dernier-né des institutions ordinales, il a été créé par la loi du 21 décembre 2006. Il était prévu la rédaction d'un code de déontologie, les règles actuelles datant de 1993. Le code est d'autant plus important que les infirmiers ont vu leurs compétences élargies dernièrement. Plus de pouvoirs implique plus de devoirs. Un projet de code a été remis en 2010 au ministère. Quatre ans après, toujours rien...

C'est étrange ! Le juge ordinal est ainsi privé de se prononcer sur les refus de soins ou la publicité sur Internet. Quand publierez-vous le décret sur le code de déontologie des infirmiers ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Les infirmiers disposent déjà de règles professionnelles élaborées et publiées en 1993 lors de la réforme de la formation et de l'exercice de la profession. Elles ont été adaptées au fil du temps. Organisées autour de 30 thématiques, elles fondent une action disciplinaire. Depuis 2010, les chambres disciplinaires ont rendu plus de 210 décisions et la chambre nationale a statué en appel plus de 50 fois.

La question du code devra être examinée à l'aune des interrogations récurrentes, parmi les infirmiers salariés, sur la légitimité de cet ordre.

M. Hervé Marseille.  - L'Ordre appréciera ! Voilà que le Gouvernement remet en cause son fondement même. C'est une nouveauté....

Situation du groupe BMS-Upsa

M. Henri Tandonnet .  - Le site de fabrication des médicaments à base de paracétamol du groupe BMS-Upsa, implanté à Agen, est le premier employeur privé dans le Lot-et-Garonne et le deuxième de la région Aquitaine. En décembre 2013, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a informé BMS de son intention de créer un groupe générique, sans référence, pour le paracétamol.

Le département de Lot-et-Garonne est particulièrement concerné par ce risque pour les 1 400 employés de l'usine d'Agen, dont 70 % de l'activité est dédiée à la production de paracétamol.

En plus des 120 emplois au siège de Rueil-Malmaison, plus de 550 personnes sur les 1 400 sont directement liées à la production de paracétamol en France. Il faut ajouter les emplois concernés dans la sous-traitance : 3 600 emplois liés à l'usine d'Agen.

Bien entendu, il ne faut pas négliger les efforts à fournir pour diminuer le déficit de l'assurance maladie. Mais c'est un faux problème. BMS a participé à cet objectif national qu'est la réduction des déficits. Le groupe a accepté, en 2013, une baisse de 6,7 % du prix pour l'année 2014. Cela fait cinq mois que l'entreprise et les salariés attendent, il est temps, de leur apporter une réponse.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Mme Touraine s'est exprimée à plusieurs reprises sur ce dossier. Nous cherchons une solution conciliant économies de la dépense publique et maintien de l'emploi. Le prix des spécialités dont les brevets sont tombés dans le domaine public mais qui n'ont pas été inscrites au répertoire des génériques doivent baisser. Tel est le cas du paracétamol, qui continuera d'être remboursé. Toutefois, son prix n'a pas bougé depuis 2005 ; une baisse doit être effective début 2015, supérieure à celle qui est envisagée. Le Gouvernement est favorable à une réflexion sur la taille du conditionnement. Les 36 laboratoires concernés ont été consultés par l'ANSM. Pour l'instant aucune décision sur la générication ne sera prise à court terme. Vous connaissez mon intérêt local pour ce dossier, nous sommes attentifs à l'emploi, en poursuivant l'effort sur le générique pour maîtriser l'Ondam.

M. Henri Tandonnet.  - Le paracétamol a toujours été dans le domaine public, l'écart de prix entre la production BMS-Upsa et le générique serait très faible. Attention aux emplois dans le Lot-et-Garonne.

La séance, suspendue à midi cinq, reprend à midi dix.

L'affaire des militants kurdes exécutés à Paris

Mme Éliane Assassi .  - Je suis très sensible, madame la garde des sceaux, à votre présence ce matin.

Le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylenez, trois militantes kurdes, étaient exécutées dans les locaux de leur organisation parisienne. Ces femmes luttaient pour la reconnaissance des droits politiques et culturels de leur peuple.

Depuis, un suspect a été arrêté, connu pour ses sympathies avec des mouvements nationalistes d'extrême-droite turcs. Le mode opératoire tend à démontrer l'implication des services secrets turcs dans ce triple meurtre. Il s'agirait donc d'un acte planifié de longue date. On peut s'interroger sur l'information des services de renseignements français.

L'enquête suit son cours, en dépit des obstacles nombreux qui visent à masquer les commanditaires. On peut craindre l'enlisement de l'affaire. Il est, dans notre pays, une macabre tradition : celle qui consiste à ne jamais élucider les crimes politiques. Les plus hautes autorités de l'État n'ont toujours pas reçu les familles de victimes, contrairement à l'usage.

Dans cette épreuve, les familles ont besoin de leur soutien alors que ces trois militantes portaient les valeurs de démocratie, de justice et du droit des peuples. Ce serait exprimer de la compassion et prendre en considération leur souffrance - l'indifférence accroît l'immense préjudice qu'elles vivent - ; reconnaître leur statut de victimes - l'oeuvre de justice n'est pas une simple procédure de répression et ou sanction, elle doit permettre aux victimes d'être informées, d'occuper la place qui leur revient - ; être à la hauteur de la gravité de l'événement - c'est une manière de dire que la République ne laissera pas faire, ne pas les recevoir introduit un doute sur la détermination des autorités - ; envoyer un message clair aux commanditaires de crimes et aux démocrates qui ont trouvé refuge chez nous.

Quand les plus hautes autorités de l'État recevront-elles ces familles ? Ce serait un acte d'humanité, de dignité et de justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Merci de cette question qui me donne l'occasion d'exprimer ma compassion à l'égard des familles de ces trois militantes, victimes d'un crime odieux qui ne doit pas rester impuni.

Trois juges d'instruction de la section antiterroriste du parquet de Paris y travaillent ; ils ont ouvert une information judiciaire et disposent de tous les moyens d'investigation prévus par le code de procédure pénale, y compris des outils de coopération judiciaire, dont les commissions rogatoires internationales. Une coopération efficace est en effet nécessaire. Un suspect a été arrêté et placé en détention provisoire des chefs d'assassinats et d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Les familles, qui se sont constituées parties civiles, ont accès à l'entièreté du dossier.

Garde des sceaux, je ne peux recevoir les familles sans risquer de fragiliser la procédure. Je veux leur garantir que les juges d'instruction disposeront de tous moyens humains et logistiques nécessaires pour aboutir - notamment du bureau des enquêtes pénales internationales. Nous sommes déterminés à faire la vérité sur cette affaire.

Mme Éliane Assassi.  - Je comprends votre position et vous remercie de vos paroles de compassion mais, comme d'autres l'ont été, ces familles pourraient être reçues par le ministère de l'intérieur. Elles ont besoin de soutien, ce serait reconnaître le combat juste mené par ces trois femmes. Sincèrement adresser un signe à ces familles est, pour moi, de la plus haute importance.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Les familles peuvent se rapprocher de la direction des services judiciaires afin de bénéficier des dispositions que nous avons prises en faveur de l'accueil des victimes dans les juridictions, des associations d'aide aux victimes - le budget dédié a été renforcé dans la dernière loi de finances.

Les familles peuvent écrire au ministre de l'intérieur. Sa situation sera peut-être moins délicate que la mienne, encore que, puisque les enquêteurs en charge de l'affaire relèvent de son autorité.

Quoi qu'il en soit, n'ayez aucun doute sur notre détermination à ne pas laisser ce crime impuni.

Vice-présidence du Sénat (Candidature)

Mme la présidente.  - Le groupe socialiste a fait connaître par voie électronique qu'il propose la candidature de Mme Christiane Demontès en remplacement de M. Didier Guillaume.

La nomination interviendra ultérieurement dans les conditions prévues par le Règlement du Sénat.

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 14h 30.

Vice-présidence du Sénat (Désignation)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation d'un vice-président du Sénat en remplacement de M. Didier Guillaume.

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté la candidature de Mme Christiane Demontès.

Le délai prévu par l'article 3 du Règlement est expiré. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Christiane Demontès vice-présidente du Sénat. (Applaudissements)

La liste des vice-présidents du Sénat s'établit donc ainsi : Mme Bariza Khiari, M. Jean-Pierre Raffarin, Mme Christiane Demontès, MM. Thierry Foucaud, Jean-Léonce Dupont, Jean-Patrick Courtois, Charles Guené et Jean-Claude Carle.

Retrait d'une proposition de loi de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a demandé le retrait de l'ordre du jour de l'espace réservé à son groupe du mercredi 30 avril de la suite de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Rappel au Règlement

M. Roger Karoutchi .  - Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 39. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a dit combien il était respectueux des traditions, du mode de travail et des avis de la Haute Assemblée. Aussi, je ne vous cache pas mon étonnement que soit organisé ce soir au Sénat un débat sans vote sur le programme de stabilité...

M. Didier Guillaume.  - Ce n'est pas nouveau !

M. Roger Karoutchi.  - ... quand les députés, eux, voteront.

M. Jean-Claude Lenoir.  - On comprend pourquoi !

M. Roger Karoutchi.  - Le programme de stabilité, prévu par une loi de 2010, a fait l'objet d'un vote ici sous le gouvernement de M. Fillon ; Jean-Marc Ayrault n'a pas voulu qu'il en soit de même en 2013. On avait cru comprendre, que, contrairement à ce qui s'est passé sous le Premier ministre précédent, M. Valls était mieux disposé à l'égard de la Haute Assemblée.

Le groupe UMP demande que le président du Sénat réunisse la Conférence des présidents, afin de demander au Premier ministre de revenir sur sa décision. On comprend bien qu'il ne veuille pas s'exposer au vote du Sénat, mais qu'on ne le réunisse pas pour la forme, dès lors qu'on lui demandera de se prononcer sur les différents textes, dont un collectif, qui tireront les conséquences du programme de stabilité.

Parce que nous sommes des gens de confiance, nous sommes sûrs que le Premier ministre entendra l'appel du groupe UMP. (Applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume .  - Que n'aurait-on pas entendu si le Premier ministre n'était pas venu au Sénat ce soir présenter le programme de stabilité ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est un minimum !

M. Didier Guillaume.  - Je suis heureux qu'il vienne dans la foulée du débat à l'Assemblée nationale. Le débat aura lieu ici en application de l'article 50-1 de la Constitution. L'UMP, je n'en doute pas, sera fier de soutenir le programme de stabilité et les économies qu'il propose. (Marques d'ironie à droite)

Mme Cécile Cukierman.  - La maîtrise des dépenses publiques, ça leur parle !

Révision des condamnations pénales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive (demande du groupe RDSE).

Discussion générale

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette proposition de loi entend améliorer la procédure de révision des condamnations pénales ; elle a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, sans doute inspirée par La Bruyère qui disait : « Un coupable puni est un exemple pour la canaille ; un condamné innocent est le problème de tous les honnêtes gens ».

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vive La Bruyère !

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Nous avons tous en tête le combat de Voltaire pour réhabiliter Jean Calas, celui de Zola pour le capitaine Dreyfus. La lutte contre l'erreur judiciaire, obsession des honnêtes gens comme des philosophes, a connu des moments forts. La procédure de révision existe depuis l'Ancien Régime, et elle trouve sa source dans l'ordonnance criminelle de 1670. Elle fut brièvement supprimée par la Révolution, qui croyait à l'infaillibilité de la justice populaire ; elle fut rétablie moins d'un an après par la Convention puis introduite dans le code de l'instruction criminelle en 1808. Une loi de 1867 puis une autre de 1895, après l'affaire Dreyfus, l'ont approfondie, cette dernière reconnaissant la nécessité de prendre en considération les faits et éléments nouveaux inconnus au moment de la condamnation. La dernière en date, celle défendue par M. Sapin en 1989, a judiciarisé entièrement la procédure. Il suffit que le fait nouveau ou la pièce nouvelle fasse naître un doute, alors qu'auparavant ils devaient établir l'innocence du condamné.

Le sujet est difficile car il faut concilier le souci constant de la vérité et l'autorité de la chose jugée. S'il est important d'éviter qu'un innocent soit condamné, il est non moins important, dans l'intérêt du corps social, de la victime et de l'auteur qu'un terme soit mis au procès pénal. Une fois toutes les voies de recours épuisées, il a une fonction d'apaisement de la société.

Il a fallu trouver un chemin entre ces deux contraintes. Il est rocailleux et difficile, d'autant que la vérité judiciaire n'est pas nécessairement « la » vérité. L'homme n'est pas infaillible, qu'il juge en robe ou soit juré populaire. Notre droit d'ailleurs lui-même pose le principe de l'intime conviction. Ce qui impose d'ouvrir des voies de révision, afin de corriger des condamnations prononcées à tort.

Parmi les dispositions majeures de cette proposition de loi, l'une garantit en amont la possibilité de la révision. Depuis des années, la Cour de cassation déplore la destruction des scellés qui auraient pu être utiles à la Cour de révision. Le Sénat le sait, qui s'est soucié de la conservation des scellés à bon escient. La proposition de loi transmise au Sénat prévoyait une destruction limitée, afin que le système de conservation des scellés soit équilibré, sous l'arbitrage de la chambre de l'instruction. Votre commission des lois a adopté un amendement qui élargit le champ de la demande de conservation. Nous en débattrons tout à l'heure.

En tant que garde des sceaux, je suis en charge du bon fonctionnement des juridictions. La prolongation du délai de conservation a un coût pour celles-ci. En l'absence d'étude d'impact, s'agissant d'une proposition de loi, j'ai demandé à la Direction des services judiciaires de l'évaluer. Dans 28 TGI et 22 cours d'appel, il est apparu que seules 41 % des décisions de destruction de scellés dans les TGI et 65 % dans les cours d'appel respectent strictement les termes de la circulaire en vigueur. Je suis prête à assumer ce coût : il faudrait 160 mètres carrés supplémentaires sur dix ans, six magistrats et une quinzaine de fonctionnaires supplémentaires. Nous y ferons face, compte tenu de l'importance de la conservation des scellés sur les procédures de révision. Le coût pourra être compensé par la dématérialisation de certains scellés et l'amélioration des procédures de vente de certains autres, en matière correctionnelle, ou n'étant plus nécessaires à la manifestation de la vérité. En rationalisant ainsi les choses, nous réaliserons des économies.

La décision sur QPC du Conseil constitutionnel du 11 avril a supprimé une disposition du code de procédure pénale autorisant les procureurs à décider la suppression de scellés, au motif de l'absence de voie de recours. J'en ai tenu compte en présentant un amendement à l'Assemblée nationale lors de l'examen du texte sur la modernisation du droit. Je souhaite plein succès à la CMP qui en débattra...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ne remuez pas le fer dans la plaie ! (Sourires)

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Je ne doute pas que les points de vue finiront pas converger.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous travaillons sous l'ombre de Portalis.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Il exerçait sous Bonaparte consul à vie... Depuis, la démocratie a progressé.

Il fallait aussi estimer l'impact de l'enregistrement systématique des audiences. Nous y reviendrons.

Vous n'avez pas voulu du « moindre doute », pour des motifs que tout législateur peut entendre, ceux d'une écriture la plus simple, la plus acérée possible. C'est pour vous une question d'orthodoxie légistique. Comprenez néanmoins les raisons pour lesquelles cette formulation a été retenue par les auteurs de la proposition de loi. Entre 1989 et 2013, on n'a compté, sur 3 500 saisines en révision, que neuf annulations de condamnations criminelles et 43 en correctionnelle. Si l'on n'insiste pas sur le fait que le doute doit permettre l'instruction de la requête en révision, les résultats risquent d'être peu probants. L'Assemblée nationale, en 1990, avait adopté l'expression doute « sérieux », épithète que M. Dreyfus-Schmidt avait fait supprimer au Sénat. Je connais votre aversion pour ces adjectifs...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Oui.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Faut-il préciser l'importance, la profondeur, l'intensité du doute ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela est inclus dans le mot « doute ».

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Ce texte crée une juridiction au sein de la Cour de cassation, composée de dix-huit magistrats - dont cinq qui seront membres de la commission de révision - chargée de la révision et du réexamen. La commission sera en capacité d'instruire dans les deux cas.

Ce texte permet à la personne condamnée, avant de saisir la commission, de demander des investigations supplémentaires, ce qui met sur le même pied les personnes démunies et celles disposant de davantage de moyens, y compris médiatiques. Le ministère obligatoire d'un avocat assurera aux personnes qui veulent mettre en cause une condamnation qu'elles seront mieux défendues.

La noblesse et la grandeur de la justice, c'est l'autorité ; elle trouve plus de grandeur encore en admettant sa faillibilité et en donnant à la société, aux citoyens des moyens de recours. En faisant cela, nous renforçons la démocratie. Zola, dans sa Lettre à la jeunesse, explique comment l'erreur judiciaire interpelle les consciences qui, une fois interpelées, se mettent en marche pour que justice soit rétablie. Tel est le sens de ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur de la commission des lois .  - La procédure pénale est le rempart de la liberté des citoyens. C'est là que les valeurs de la République trouvent leur vérité la plus éclatante. « La vérité est en marche, rien ne l'arrêtera » écrivait Émile Zola en 1898. Je salue le travail exceptionnel des députés Alain Tourret et Georges Fenech, auteurs de la proposition de loi.

Une décision de justice est revêtue de l'autorité de la chose jugée, quand toutes les voies de recours ont été épuisées dans les délais prévus par la loi. C'est une exigence de sécurité, d'autant plus grande en matière criminelle. Il arrive toutefois qu'une erreur de fait conduise à la condamnation d'un innocent ; c'est une injustice insupportable. D'où l'existence d'une procédure exceptionnelle, celle de la révision.

En 1895, le législateur essaie de couvrir en principe toutes les hypothèses : c'est le fameux « fait nouveau ou élément inconnu au jour du procès de nature à établir l'innocence du condamné ». L'affaire Mis et Thiennot a conduit Robert Badinter à proposer un nouveau projet de loi en 1983 qui n'aboutit pas. C'est M. Sapin qui portera la loi du 23 juin 1989, assurant la judiciarisation complète de la procédure et substituant à la certitude de l'innocence le doute sur la culpabilité. Enfin, en 2000, le Parlement a introduit une procédure de réexamen d'une décision pénale à la suite d'un arrêt de la CEDH.

La loi de 1989 n'a pas conduit à une augmentation significative du taux de succès des recours en révision ; depuis cette date, seules 2,65 % des demandes sont parvenues à la Cour de révision, 84 sur 3 358 ; et la Cour a procédé à l'annulation de 52 condamnations pénales, dont neuf en matière criminelle. C'est dire qu'elle ne fait pas souvent droit aux pourvois pourtant déjà passés par le filtre de la commission de révision...

La commission des lois a approuvé les grands axes de cette réforme, tout en procédant à quelques modifications importantes.

Elle n'a pas modifié les premiers articles qui concernent les moyens matériels, conservation des scellés et enregistrement des audiences. L'article 3 constitue le coeur de la réforme : il instaure une instance unique de révision et de réexamen.

La commission des lois a adopté un amendement permettant au président de la commission d'instruction de statuer par ordonnance pour rejeter les demandes en réexamen ou les renvoyer immédiatement à la cour de révision et de réexamen.

La deuxième modification importante concerne la composition de la cour, qui serait composée de dix-huit magistrats, à raison de trois pour chaque chambre de la Cour de cassation ; le président de la chambre criminelle serait président de la cour et de la formation de jugement. Cinq de ces magistrats désignés en son sein composeraient la commission d'instruction. Cette formule assurerait une plus grande diversité de vues.

Latroisième modification importante concerne l'appréciation du doute que fait naître le fait nouveau ou l'élément inconnu au jour du procès. Nous proposons de transférer entièrement à la formation de jugement de la Cour de révision l'appréciation de ce doute, aujourd'hui également examinée par la commission de révision

La notion de « moindre doute » pose davantage de difficulté. Si la chambre criminelle s'est plusieurs fois fondée sur la notion de « doute sérieux », c'était pour assouplir l'examen de la requête. En outre, l'appréciation de la Cour de révision a varié selon que de nouveaux débats devant une autre juridiction étaient possibles ou ne l'étaient plus. Il est inutile enfin de qualifier le doute. Les magistrats cherchent à établir si le fait nouveau ou l'élément inconnu est susceptible ou non de remettre en cause l'édifice intellectuel qui a mené à la condamnation. L'adjectif « moindre » n'aura aucun effet. L'adjectif, disait le doyen Carbonnier, est « l'acné du style juridique »... Le doute ne se divise pas.

La commission des lois a d'autre part supprimé les trois derniers cas d'ouverture ; reflets de l'histoire, ils sont tous contenus dans le premier et ils renvoient tous à un fait nouveau. Magistrats et praticiens ont été unanimes.

Il n'est pas illogique que le parquet puisse provoquer une révision. Les possibilités de recours sont élargies au concubin ou à la personne liée au condamné par un pacs.

La commission a adopté un amendement pour préciser que les mesures d'investigations qui peuvent être effectuées par la cour ou la commission d'instruction sont celles correspondant aux prérogatives du juge d'instruction, à l'exclusion de la mise en examen, de la garde à vue et de l'audition libre. Elle a précisé les conséquences de la saisine du procureur de la République lorsqu'il apparaît qu'un tiers pourrait être impliqué dans la commission des faits.

Danny Leprince avait été libéré par la commission de révision puis réincarcéré après que sa demande en révision avait été rejetée par la Cour ; la commission des lois a prévu que toute demande de suspension de l'exécution de la condamnation sera examinée par la chambre criminelle.

Nous avons enfin revu le plan de l'article 3, qui manquait de cohérence à l'issue du vote de l'Assemblée nationale.

Aucun amendement n'a été déposé demandant la révision d'une décision d'acquittement - disposition qu'avait proposée Georges Fenech. Le principe non bis in idem est inscrit au protocole n°7 additionnel à la Cour européenne des droits de l'homme. Et, comme l'écrivait Blackstone, « mieux vaut dix coupables en liberté qu'un innocent en prison ». Qui aurait l'audace de déclarer, comme Moro Giafferi : « je ne connais comme erreurs judiciaires que les acquittements que j'ai obtenus »...

La société n'est pas parfaite. Une erreur judiciaire, douloureuse, est toujours possible. Toutefois, notre justice n'a pas à en rougir. L'émotion suscitée par certaines affaires ne saurait faire oublier que notre République aura avantageusement supporté toutes les comparaisons en la matière avec les pays ayant adhéré à la Convention des droits de l'homme. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - L'erreur judiciaire est l'une des plus grandes questions posées à la conscience. Il existe un double degré de juridiction, une Cour de cassation. Toutefois l'erreur est humaine et fait partie de l'histoire. Je remercie chaleureusement M. Tourret, député, qui a déposé cette proposition de loi et M. Alfonsi qui a accompli avec une grande conviction un travail considérable, minutieux, détaillé.

Le premier mérite de ce texte est de créer une juridiction unique. Le réexamen est dû à des décisions de justice, notamment celles de la CEDH. Il fallait inscrire dans la loi la définition et la constitution de cette juridiction unique. Des avocats ont évoqué « la composition aléatoire de la Cour de révision ». La CEDH a établi que les organes de justice relèvent de la décision du législateur.

Cinq magistrats chargés de l'instruction examineront la seule recevabilité objective. Seule la formation de jugement jugera.

Grâce à votre initiative, monsieur le rapporteur, si vous êtes suivi, ce que j'espère, elle sera présidée par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il y a eu un débat. Mais cela apparaît juste et logique. Les trois puis quatre motifs traditionnels de révision seront réduits à un seul. Le cas de l'homicide, la victime supposée étant toujours vivante, relève pour l'heure de la littérature, pas de la réalité judiciaire. Le nouveau jugement qui aurait pour effet de condamner une autre personne pour le même fait, c'est un élément nouveau. De même pour le faux témoignage. C'est pourquoi vous nous proposez de simplifier en ne visant que le fait nouveau, en vous en tenant à ce que le législateur écrivait en 1989, « de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ».

L'élargissement des requérants possibles, des petits-enfants aux personnes pacsées ou concubins, l'approfondissement du droit à la parole des parties, l'intervention de la partie civile, la présence de l'avocat sont d'autres améliorations notables.

Nous reviendrons sur la conservation des scellés et sur l'enregistrement sonore des débats.

Sur les pouvoirs d'investigation de la Cour de révision et de réexamen, M. Alfonsi propose avec sagesse que les actes coercitifs relèvent du parquet.

Enfin, autre véritable amélioration du texte : pour éviter qu'un acteur juge deux fois la même affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation aura seule le pouvoir de décider une suspension.

Je ne peux terminer cette intervention sans quelques menus propos sur les adjectifs.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Nous n'attendions que cela !

Mme Cécile Cukierman.  - Avec impatience.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je sais que vous les attendez ! Il y a une semaine, des députés voulaient qualifier l'égalité entre les femmes et les hommes de « réelle » ; naguère, d'aucuns voulaient une laïcité « positive ». Ajouter des adjectifs à notre chère devise « Liberté, égalité, fraternité », pour lui donner force ? Non pas. Michel Dreyfus-Schmidt avait le pouvoir, l'énergie, la force d'arguments de faire durer les jours et les nuits de séance. Il a chassé l'adjectif « sérieux ». La langue française est ainsi faite que lorsque l'on dit « sans doute », c'est qu'il y a un doute, « certainement », que ce n'est guère certain, « sérieusement », que ce n'est pas sérieux...

Mme Cécile Cukierman.  - Ce sont des adverbes !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Certes !

Le doute se suffit à lui-même ; dès lors qu'il est là, si petit soit-il, la révision se justifie.

Un grand merci encore à M. Tourret et à notre rapporteur. (Applaudissements à gauche)

Mme Hélène Lipietz .  - Comme toujours, ou comme très souvent, nous pouvons saluer l'apport des propositions de loi à nos lois et les améliorations apportées par notre commission des lois. Ce texte fait oeuvre de justice, de belle justice. Le juge est humain ; la justice est idéale, rendons-la humaine en posant des garde-fous.

On a toujours aspiré à une justice idéale, qu'elle vienne des dieux, des ordalies ou des ordonnances. Il ne suffit pas d'abolir la torture et la peine de mort, il faut autoriser la révision d'une condamnation. C'est l'utile parapet de la justice.

Malgré les efforts accomplis depuis 1989, notre procédure est archaïque. Le doute doit profiter au condamné, voilà l'apport de cette proposition de loi qui améliore, c'est essentiel, la conservation des scellés et des débats judiciaires grâce à l'enregistrement. Enfin, nous aurons désormais inscrit dans notre droit une procédure de réexamen.

Reste à ce que ces nouvelles procédures soient efficaces. Nous comptons sur vous, madame la garde des sceaux, pour rappeler que l'intime conviction ne ressort pas de la lubie ; elle est une motivation couchée sur le papier.

Je profite de cet instant pour vous dire au revoir. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous vous regretterons.

Mme Hélène Lipietz.  - Nos oppositions politiques, lorsque nous les utilisons en faisant preuve d'intelligence collective, font honneur au travail parlementaire. Je vous remercie pour votre écoute, votre accueil et votre dévouement à la chose publique, à notre république et à notre démocratie. (Applaudissements)

M. Jean-Jacques Hyest .  - Autorisez un Seine-et-Marnais à saluer Mme Lipietz...

M. Henri de Raincourt.  - Elle est Icaunaise ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest.  - ... qui a beaucoup animé les discussions de la commission des lois. Son activité parlementaire a peut-être été brève mais elle a été dense...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest.  - D'autres, qui sont restés longtemps, n'ont pas été aussi actifs.

MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Claude Lenoir.  - Des noms ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest.  - On cite souvent les travaux de M. Tourret sur la révision pénale, n'oublions pas M. Fenech même s'il n'est pas de la majorité. Notre cadre actuel ressort de la loi de 1989 ; depuis lors, très peu de demandes ont abouti. Il ne faut pas s'en offusquer, c'est la preuve du bon fonctionnement de notre justice. Il demeure que quelques cas, d'ailleurs très médiatisés, méritent un réexamen. Il fut un temps où la révision d'une décision d'assises n'existait pas ; eh oui ! Mme Lipietz l'a dit : mieux la décision sera motivée, plus on écartera le risque d'erreur judiciaire.

Ce texte unifie les procédures, la commission des lois a introduit de la souplesse. La conservation des scellés a un coût, c'est vrai. Les progrès de la science nous livreront-ils de nouveaux éléments à partir des scellés ? Je ne suis pas certain qu'il faille en attendre beaucoup. (M. Jacques Mézard acquiesce) Cela dit, l'affaire est importante.

Ce qui fait débat est le fameux « doute sérieux » - Michel Dreyfus-Schmidt disait, en substance, il y a doute ou il n'y a pas doute ; inutile de le qualifier de sérieux. D'où la proposition des députés de « moindre » doute dont le Sénat ne veut pas davantage. La jurisprudence de la Cour de révision affinera les choses.

Après les travaux de l'Assemblée nationale et de notre commission des lois, je ne doute pas que cette proposition de loi suscitera l'adhésion du Sénat, en tout cas elle emporte celle du groupe UMP. (Applaudissements)

M. François Zocchetto .  - La procédure de révision reste d'une rareté extrême : neuf demandes de révision ont abouti depuis la loi de 1989. On peut s'en féliciter, mais n'y aurait-il eu que neuf erreurs judiciaires en un quart de siècle ?

C'est que les obstacles sont nombreux... La loi de 1989 avait considérablement amélioré la situation en judiciarisant intégralement la procédure. En réalité, depuis les années 1800, le champ de la révision n'a cessé de s'élargir. Je salue à mon tour le travail de qualité des députés Alain Tourret et Georges Fenech. Délicat équilibre qui est celui entre souci de la vérité et autorité de la chose jugée. Celle-ci, garante de l'ordre public dans un État de droit, ne peut être invoquée contre une demande de révision car il n'est pas de pire injustice que la condamnation d'un innocent. Il y va de la confiance de nos concitoyens en notre système judiciaire.

Ce texte a le grand mérite de créer une juridiction unique de révision et de réexamen. Au lieu de trois organes coexistants jusqu'à présent, elle sera composée de deux formations afin de séparer clairement la phase de l'instruction de celle du jugement. Je salue le travail pertinent de M. Alfonsi. Notre commission des lois a adopté sans difficulté nombre de ses propositions.

À mon tour de revenir sur la notion de « moindre doute ». Il fallait la supprimer. En matière pénale, l'alternative est claire : soit il y a doute, soit il n'y a pas doute.

Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi nécessaire. J'espère que le texte définitivement adopté par le Parlement reprendra les apports du Sénat.

Mme Cécile Cukierman .  - L'infaillibilité n'est pas dans la nature humaine. C'est pourquoi il est bon de prévoir des procédures de révision, tout en les encadrant afin de ne pas fragiliser le principe de l'autorité de la chose jugée. L'équilibre est délicat. Cette proposition de loi l'a trouvé. Il fallait revoir notre procédure de révision trop ancienne. Le groupe CRC approuve ce texte qui sera encore amélioré en séance.

En commission, nous avons longuement débattu de la suppression de la qualification du doute pour finir, et avec raison, par supprimer l'adjectif. Dans quelques instants, nous parlerons de l'ouverture d'une voie de recours supplémentaire.

En attendant, le groupe CRC réaffirme son soutien à ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. René Vandierendonck .  - La procédure de révision a été revue à six reprises depuis Louis XIV. C'est que la voie est étroite entre respect de la chose jugée et réparation de l'injustice, sans créer un troisième degré de juridiction. Il revient à la commission des lois de l'Assemblée nationale d'avoir confié une mission sur la révision en juillet 2013 à deux députés de sensibilités politiques différentes, l'avocat Alain Tourret et le magistrat Georges Fenech. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : 84 demandes sur 3 358 ont été transmises à la Cour de révision, neuf condamnations criminelles révisées seulement. Mesurons l'angle mort : avant l'introduction de l'appel aux assises, entre 2003 et 2005, sur 1 262 condamnations, 64 acquittements en appel !

Je salue les apports de la commission des lois. Morceau de bravoure : le problème de l'appréciation du doute. Notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avait obtenu la suppression de la qualification du doute. Je me suis retourné vers les travaux de l'Assemblée nationale. M. Tourret s'interroge : « Quel doute pour quel fait nouveau ? » Faut-il le qualifier de sérieux ou de raisonnable ? « Nous n'avons pu que constater, ajoute-t-il, que la jurisprudence, ne tenant pas compte de la volonté du législateur, s'appliquait toujours à imposer un doute sérieux, quand elle n'imposait pas à l'accusé de dire qui était le vrai coupable... ». Il conclut en affirmant qu'il faut retenir la notion de « moindre doute », sans quoi les demandes seront refusées.

Je préfère suivre notre rapporteur, nos débats seront suffisamment clairs, notre confiance dans la Cour de cassation fera le reste. La clarification des attributions de la commission d'instruction évitera les doublons et « l'autocensure » évoquée par Mme Anziani, ancienne présidente de la commission de révision, lors de son audition.

Sur les scellés ; M. Michel, qui a dû rentrer dans sa circonscription, sera très satisfait des progrès accomplis par ce texte, même si ce dernier ne concerne que les scellés criminels.

Après le progrès colossal de l'appel en assises, l'enregistrement systématique des audiences, qui n'a l'air de rien, sera un grand pas.

Enfin, nous donnerons vie à la loi de 1989 qui substitue à la certitude absolue de l'innocence le doute sur la culpabilité.

Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard .  - L'erreur est humaine, tout comme la justice ; le reconnaître l'est moins et la justice ne fait pas exception. L'innocence bafouée, c'est la destruction d'une vie, de ses proches noyés dans une procédure parfois kafkaïenne. Le législateur a dû la combattre au gré d'affaires très médiatisées, de l'affaire du Courrier de Lyon qui a amené la loi du 9 juin 1867 qui a instauré la révision après décès et la révision sans renvoi, aux affaires Borras et Vaulx qui furent à l'origine de la loi du 8 juin 1895 qui permit la révision pour fait nouveau et au condamné innocenté de demander réparation à l'État. Plus proche de nous, l'affaire Seznec a donné lieu à la réforme de 1989 qui a élargi l'ouverture au « doute sur la culpabilité du condamné ». La procédure inquisitoire, mieux que la procédure accusatoire des Anglo-Saxons, nous protège contre l'erreur judiciaire. Parce que, disait François Mauriac, « la civilisation d'un peuple se mesure à sa justice », je salue le travail de MM. Tourret de Fenech. En ces temps où le nombre fait la loi, ce texte n'est pas de circonstance ; il est de réflexion. Je remercie aussi M. Alfonsi, il est la quintessence de l'intelligence parlementaire. (On applaudit)

M. Jean-Michel Baylet.  - Bravo !

M. Jacques Mézard.  - Qui ne se souvient de l'affaire qui dura de 1986 à 2002 ? La création d'une cour unique, le renforcement du droit des requérants, l'élargissement du nombre de requérants garantiront l'efficacité de notre justice, si forte et si faible à la fois.

Le groupe RDSE votera sans réserve ce texte, qui a été déposé par un radical de gauche et qu'il a voulu inscrire dans son ordre du jour réservé. (Applaudissements à gauche)

M. Richard Tuheiava .  - Notre procédure de révision s'est parfois révélée inadaptée... Le risque de l'erreur judiciaire est aussi minime qu'insupportable.

Vous connaissez tous l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; peut-être moins l'histoire du fondateur du nationalisme polynésien arrêté en 1958, élu sénateur à son retour d'exil forcé entre 1971 et 1977. Le seul sénateur pour lequel la Chancellerie ait été saisie d'une demande de révision, accueillie par l'unanimité de la classe politique polynésienne.

Le secret-défense peut faire obstacle à la manifestation de la vérité. D'où un amendement à l'article 3. Je proposerai également d'autoriser les ayants droit de la troisième génération à déposer une demande de recours.

Je voterai ce texte. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après l'article 41-5 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-6 ainsi rédigé : 

II.  -  Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

Par dérogation aux alinéas précédents

par les mots :

Art. 41-6.  -  Par dérogation aux articles 41-4 et 41-5

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Amendement de coordination, entre la présente proposition de loi et le projet de loi de modernisation et de simplification du droit et des procédures sur les scellés. Il tire les conséquences de la décision QPC du Conseil constitutionnel du 11 avril 2014 qui a abrogé le dernier alinéa de l'article 41-4 permettant la destruction par le parquet des objets dangereux ou illicites.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Amendement de coordination et ... d'anticipation. Avis favorable.

L'amendement n°20 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

cour d'assises,

insérer les mots :

ou par un tribunal correctionnel pour un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement,

M. René Vandierendonck.  - Cet amendement étend aux délits punis d'une peine d'emprisonnement - très lourde - de sept ans et plus, la procédure dérogatoire de conservation des scellés. Le processus de correctionnalisation l'exige. Quelle est la position de la garde des sceaux ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis favorable de la commission des lois. J'y étais personnellement opposé. Je comprends votre préoccupation, mais songez aux problèmes posés pour l'administration de la justice.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Nous comprenons aussi votre préoccupation. Sur le principe, il est difficile d'admettre l'hypothèse d'une peine aussi lourde prononcée en correctionnelle. La catégorie de délits que vous visez concerne quelque 50 000 condamnations annuelles. Argument paradoxal, face à notre volonté de faciliter la révision, j'en conviens. Je vous propose non pas un retrait sec, mais un retrait pour encourager le travail en cours, tendant à rationaliser la gestion des scellés. Avec la proposition de loi de Jean-Pierre Michel, ce travail se poursuivra. Nous ne pouvons ignorer les effets d'une telle mesure.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et la partie civile

M. René Vandierendonck.  - La partie civile doit être consultée sur la conservation des scellés. Des personnes condamnées pourront avoir intérêt à la destruction des scellés. Le parquet, en charge des scellés, n'a pas toujours la connaissance la plus poussée du dossier.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - La commission a donné un avis défavorable. Le parallélisme des formes ne tient pas ; la partie civile est étrangère au procès en révision, les condamnations définitives étant intervenues. Imaginer qu'un condamné aurait intérêt à la destruction des scellés ? C'est aller trop loin.

Le procureur peut demander l'autorisation de détruire les scellés. N'accumulons pas des tâches qui pèseraient sur les services judiciaires et les parquets.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis. Il s'agit d'une personne condamnée. Notre politique d'aide et d'accompagnement des victimes, car celles-ci ont des droits, sera renforcée par le projet de loi de procédure pénale.

J'ai décidé récemment d'expérimenter des dispositions intéressantes d'une directive européenne, sur l'accompagnement individualisé des victimes.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2, deuxième phrase

Supprimer le mot :

éventuelle

Mme Hélène Lipietz.  - Sus aux adjectifs inutiles ! Amendement de bon sens.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2, troisième phrase

Après le mot : 

saisit

insérer les mots :

, dans un délai d'un mois,

Mme Hélène Lipietz.  - Amendement de précision, pour limiter dans le temps la possibilité pour le procureur de saisir la chambre de l'instruction.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. Votre amendement raccourcit le délai imparti aux procureurs, au nom d'un parallélisme qui n'existe pas. Ne leur imposons pas un délai aussi court.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°6 est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

2°  À la seconde phrase du quatrième alinéa, les mots : « devant la commission de révision de la Cour de cassation, devant la Cour de cassation » sont remplacés par les mots : « devant la cour de révision et de réexamen » ;

II.  -  Alinéa 5

Remplacer la référence :

626-5

par la référence :

622-2

L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Tuheiava.

Alinéa 6

Après le mot :

condamné

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, à faire naître un doute sur sa culpabilité ou à remettre en question le caractère indépendant et impartial de la juridiction ayant prononcé la condamnation.

M. Richard Tuheiava.  - Il s'agit de conformer le droit national en matière de révision des condamnations pénales aux dispositions internationales issues de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. L'article 6-1 de ladite convention consacre le droit de tout individu à être jugé par un tribunal indépendant et impartial.

Dans certains cas, l'indépendance de la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation, souffre d'une contestation sérieuse s'appuyant sur des pièces et écrits couverts par le secret-défense, établissant un lien direct entre une volonté politique d'époque et le sort pénal d'un justiciable. 

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois n'est pas insensible aux éléments qui vous préoccupent, mais cet amendement perturberait l'équilibre du texte. Ne faisons pas remonter tout ce qui est mal jugé.

Nous sommes soucieux de trouver des solutions au douloureux problème que vous évoquez, peut-être Mme la garde des sceaux peut-elle y réfléchir.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Oui, nous comprenons votre intention, mais nous traitons de sujets de nature différente. Ne confondons pas éléments de fait et de droit. Les procédures de recours sont limitées dans le temps. Le pourvoi en cassation ou le recours à la CEDH permet de mettre en cause l'impartialité de la juridiction. Continuons à y travailler. Cela ne concerne pas de nombreuses procédures, ce sera chaque fois très douloureux, je suis soucieuse d'apporter des réponses efficaces.

L'amendement n°1 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le réexamen peut être demandé dans un délai d'un an à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme.

II.  -  Alinéa 30, seconde phrase

Remplacer les mots :

au premier alinéa de l'article 622-3

par les mots :

à l'article 622-1

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Cet amendement corrige une omission dans le texte de la commission.

L'amendement n°15, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

ses enfants, ses parents, ses petits-enfants

par les mots :

ses parents, ses descendants ou alliés en ligne directe ou indirecte

Mme Hélène Lipietz.  - Nous élargissons le champ des personnes susceptibles de demander la révision du procès, afin que la mémoire des morts soit lavée de l'infamie d'une condamnation injustifiée.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Tuheiava.

Alinéa 12

Après le mot :

petits-enfants

insérer les mots :

ou arrière-petits-enfants,

M. Richard Tuheiava.  - Cet amendement, dans le même sens que le précédent, préserve les intérêts moraux et patrimoniaux des ayants droit au troisième degré d'une personne condamnée à tort. Il existe des cas dans lesquels les faits nouveaux n'ont pu être découverts qu'à l'occasion de l'accès à des fonds d'archives officielles, voire classées secret-défense. Or l'accès à des documents secret-défense n'est autorisé qu'au moyen d'une dérogation du Gouvernement ou au terme d'un délai légal dépassant au moins deux degrés de descendance.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable à ces deux amendements inspirés par des préoccupations différentes. Le texte autorise les enfants, petits-enfants, conjoints, partenaires liés par un pacs, concubins... à déposer une demande de révision. N'allons pas plus loin !

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Ces deux amendements visent en effet le même objet. Votre amendement, madame Lipietz, est plus large : avis défavorable. Le procès pénal doit, à un moment, prendre fin, pour la société elle-même. Une contestation de condamnation doit bénéficier d'instruments et de temps plus importants que d'autres recours. Mais n'allons pas permettre aux arrière-arrières petits-fils de le faire. On peut laver une mémoire par d'autres voies, celle de la recherche historique par exemple.

Avis favorable à votre amendement, monsieur Tuheiava, pour les arrière-arrières petits-enfants. Seule une procédure judiciaire peut établir l'erreur judiciaire. Voyez l'affaire Seznec. Il y a des archives inaccessibles. Il y a le temps de la mémoire, le temps de l'affect, le temps de l'action. Les arrière-petits-enfants pourront sortir de la dimension affective et agir.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 18, première phrase

Remplacer le mot :

dix-sept

par le mot :

dix-huit

Mme Hélène Lipietz.  - Cet amendement rétablit le parallélisme entre le nombre de membres de la formation de jugement et les suppléants.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Votre amendement est satisfait : dix-huit magistrats. Quel est le problème ? Retrait sinon défavorable.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis. Il serait démagogique de vous dire oui pour vous être agréable avant votre départ.

M. Jean-Jacques Hyest et M. René Garrec.  - Il reste cinq amendements !

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Maintenons le texte actuel.

L'amendement n°14 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 26

Au début, insérer les mots :

Sans préjudice de l'examen au fond,

Mme Hélène Lipietz.  - Souvent, dans la procédure de révision, la première marche est la plus difficile à franchir : tous les rapports l'ont établi. L'admission à la procédure ne doit pas être rejetée pour « absence d'éléments sérieux » ou autres motifs qui ont pour effet de clore la discussion avant qu'elle ne s'engage.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. Lorsque la demande est irrecevable, le président de la commission d'admission peut la rejeter par ordonnance. Votre amendement risque d'introduire de la confusion. Le fond ne peut être apprécié que dans un deuxième temps, par la commission d'instruction.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Vous évoquez des rapports que je n'ai pas retrouvés, juste un avis émis par des auxiliaires de justice. Je vous invite à retirer votre amendement qui n'améliore pas le texte.

Mme Hélène Lipietz.  - Je le maintiens.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 27

Remplacer les mots :

une infraction

par les mots :

l'infraction ayant conduit à la condamnation dont la révision ou le réexamen est demandé

Mme Hélène Lipietz.  - Cet amendement précise l'exception introduite par cet alinéa.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois a été perplexe devant votre amendement. Dans l'hypothèse où il y a un suspect, le texte renvoie au procureur de la République. La commission de l'instruction ne peut pas s'instaurer en un troisième degré de juridiction, procéder à des actes tels que des gardes à vue, etc. Quels scénarios envisagez-vous ? Un faux témoignage ?

Quel est l'avis du Gouvernement ? N'allons pas trop loin dans les pouvoirs d'investigation de la commission d'instruction.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Oui, vous avez raison : le sujet mérite d'être examiné avec précision. La réécriture du texte par la commission des lois a évité un mélange des genres préjudiciable à tout le monde. Votre amendement est d'une autre nature, madame Lipietz. Il s'agirait d'entendre une personne pouvant apporter des éléments tendant à éclaircir la possibilité d'une révision. Le Gouvernement y est plutôt favorable. Il est bon que la commission puisse entendre une telle personne, cela accélèrerait les choses.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Je demeure perplexe.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Il s'agit de condamnations lourdes...

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

La cour de révision et de réexamen peut également ordonner la suppression des mentions figurant dans les fichiers de police judiciaire, dans le fichier automatisé des empreintes digitales, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques et dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, si, compte tenu de la finalité de ces fichiers, la conservation de ces données n'apparaît plus nécessaire. Dans le cas prévu par le cinquième alinéa du présent article, la suppression de ces mentions est obligatoirement ordonnée.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Certains fichiers de police judiciaire ou les fichiers d'empreintes peuvent ne pas être effacés par la décision de la commission.

L'innocence de l'accusé peut être si évidente à la suite de la procédure de révision que l'inscription dans ces fichiers ne se justifie plus. Il convient donc que la cour de révision, en cas d'annulation de la condamnation, puisse décider d'ordonner la suppression des mentions figurant dans ces différents fichiers.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°19 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 65, première phrase

Supprimer le mot :

son

Mme Hélène Lipietz.  - Amendement purement rédactionnel.

L'amendement n°9 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

I.- Alinéa 65, première phrase

Supprimer les mots :

la partie civile,

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Hélène Lipietz.  - La procédure de révision entraîne des frais pour l'État. Ce dernier peut ensuite se retourner contre les parties. C'est dangereux : des victimes peuvent s'être portées parties civiles de bonne fois en croyant reconnaître un agresseur ou un assassin.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

I.- Alinéa 65, première phrase

1° Après le mot :

dénonciateur

insérer les mots :

calomnieux ou mensonger

2° Après le mot :

témoin

insérer les mots :

ou la personne qui s'est rendue coupable de l'infraction mentionnée à l'article 434-11 du code pénal,

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Hélène Lipietz.  - Cet amendement élargit la possibilité de recours à l'encontre des dénonciateurs dont nous précisons la qualité, et de ceux qui connaissant la preuve de l'innocence d'un condamné n'en apportent pas le témoignage.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

I.-Alinéa 65

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le recours ne peut être exercé qu'après la condamnation de la personne pour les infractions mentionnées à cet alinéa.

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Hélène Lipietz.  - Le recours en réparation ne doit être exercé qu'après une condamnation pour les faits évoqués (faux témoignage, etc.) et non sur simple présomption.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - L'alinéa 65 vise tout ensemble « la partie civile, le dénonciateur ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été prononcée ». Une faute a bien été commise. Avis défavorable à l'amendement n°10.

L'amendement n°11 ne me paraît pas pertinent. Avis défavorable ainsi qu'à l'amendement n°12.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Ces amendements relèvent du même esprit. On ne peut exonérer la partie civile lorsqu'elle a été à l'origine, par faute, d'une condamnation injuste. C'est l'état du droit actuel. Avis défavorable.

M. Philippe Bas.  - En effet, ces amendements reposent sur un malentendu. Il faut suivre le rapporteur et la ministre. Il ne s'agit pas, avec l'amendement n°10, de dissuader la partie civile. Ce qui lui est reproché par l'alinéa 65, c'est une faute, beaucoup plus grave qu'une simple erreur. Mieux vaudrait retirer ces amendements.

Mme Hélène Lipietz.- Je m'incline sans être convaincue : la faute de la partie civile me paraît très difficile à établir.

Les amendements nos10, 11, 12 sont retirés.

L'article 3, modifié, est adopté.

Les articles 4 et 4 bis sont successivement adoptés.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

 1° À l'article L. 451-1, les mots : « de la commission de révision des décisions pénales, de la commission de réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme » sont remplacés par les mots : « de la cour de révision et de réexamen » ;

L'amendement rédactionnel n°17, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) À la seconde phrase du quatrième alinéa, les mots : « de cassation » sont remplacés par les mots : « de révision et de réexamen » ;

II. - Alinéa 4

Remplacer la référence :

626-5

par la référence :

622-2

III. - Alinéa 6

Remplacer la référence :

626

par la référence :

624-7

IV. - Alinéa 7

Remplacer la référence :

626-12

par la référence :

626-1

L'amendement de coordination n°18, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Les articles 7 et 8 sont successivement adoptés.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté à l'unanimité.

(Applaudissements)

Taxe communale sur la consommation finale d'électricité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte répare ce que nous considérons comme une erreur. Vous n'étiez pas encore membre du Gouvernement, monsieur le ministre... Lors de la discussion de la loi de finances rectificative de décembre 2013, nous avons eu la surprise de découvrir, comme cela avait été le cas en 2012 sur la péréquation, des modifications très substantielles introduites in extremis à l'Assemblée nationale. Sorties au dernier moment du chapeau du Gouvernement, elles pénalisent fortement les communes. Or, je le dis avec force, la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) n'est pas et n'a jamais été une taxe affectée, elle n'est pas liée à l'exercice d'une compétence. Aujourd'hui, le produit de la taxe est perçu systématiquement par les syndicats ou EPCI pour les communes de moins de 2 000 habitants ; directement par les communes de plus de 2 000 habitants, sauf délibérations concordantes contraires. Notre texte vise à maintenir ces dispositions : nous ne voulons pas de transfert automatique de cette taxe aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE), quelle que soit la taille des communes. Et ce, pour une raison simple : protéger les ressources des communes.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Que ce soit clair : ce texte ne vise pas à trouver une solution au financement de la transition écologique. En attendant le grand projet de loi annoncé, n'érodons pas plus les finances des communes dont on connaît déjà les difficultés. Elles ont besoin d'être rassurées. L'article 45 de la loi de finances rectificative aura un coût significatif - 645 000 euros pour la commune dont je suis simple conseiller municipal car je ne suis pas un adepte du cumul horizontal, mais du cumul vertical. C'est inacceptable ! D'autant que la concertation n'a pas eu lieu. L'estimation des masses globales en cause varie de 350 à 700 millions d'euros... Il ne s'agit pas de financer la transition énergétique. Tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Ni du transfert de la TCCFE. (Approbation sur les bancs du RDSE)

Le Gouvernement repoussera ce texte à un futur collectif, je m'y attends, je le suppute ; il aura alors le loisir de dire qu'il a lui-même réparé sa faute... Mais nous n'avons aucun intérêt à tergiverser. Avec ce texte, nous jouons notre rôle de parlementaire en contrôlant l'action du Gouvernement, en disant les choses et en réparant une erreur. Alors n'attendons pas ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre, à droite, sur les bancs du groupe CRC et quelques bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur de la commission des finances .  - Ce texte, pour l'essentiel, vise à défaire le transfert automatique de la TCCFE aux AODE prévu par l'article 45 de la loi de finances rectificative de 2013. J'avais alors proposé un amendement...

M. Ladislas Poniatowski.  - Excellent amendement !

M. François Marc, rapporteur.  - ... pour supprimer ce dispositif. L'Assemblé nationale ne nous a pas suivis. Les maires ont donné de la voix et dit leur inquiétude, le groupe socialiste a déposé il y a quelques jours une proposition de loi semblable ; ces quelques rappels pour lever le suspense : j'inviterai à voter pour.

La TCCFE a représenté 1,4 milliard en 2013, c'est une recette importante pour les communes. La perception par l'EPCI, le syndicat ou le département est de droit pour les communes de moins de 2 000 habitants ; pour les autres, une délibération concordante des instances concernées est nécessaire. L'article 45 du collectif de décembre 2013 a prévu le transfert automatique de la perception de la taxe à l'EPCI ou au syndicat dès le 1er janvier 2015, quelle que soit la population de la commune ; l'AODE pourra reverser aux communes jusqu'à 50 % du produit après délibérations concordantes.

Le transfert automatique entraînerait une perte significative, c'est avéré. Le Gouvernement avance le chiffre de 750 millions, 300 à 350 millions d'après mes calculs, à quoi il faut ajouter la perte due au plafonnement du reversement... Cela n'enlève rien au fait que les sommes sont considérables.

Notre position n'a pas changé : aucune perte de recettes n'est souhaitable pour les communes vu la situation budgétaire contrainte ; la concertation n'a pas eu lieu ; le transfert automatique n'est pas justifié, la TCCFE n'étant pas une taxe affectée ; enfin, il est prématuré d'attribuer la taxe aux syndicats tant que la répartition des compétences dans le cadre de la transition énergétique n'est pas déterminée. L'article 45 entendait aussi harmoniser les coefficients multiplicateurs ; il pourrait en résulter une hausse de la pression fiscale dans les villes de plus de 2 000 habitants.

Certains voudraient aller plus loin dans la concentration de la ressource aux mains des AODE ; d'autres donner plus de marges de manoeuvre aux communes, y compris celles de moins de 2 000 habitants. Ni l'une ni l'autre de ces positions n'est souhaitable ; j'ai dit pourquoi dans le premier cas ; dans le second, on déstabiliserait les AODE qui ont lancé des programmes d'investissement. Maintenons les dispositions actuelles, sachant que la commission des finances a réintroduit le mécanisme de cristallisation à la date du 31 décembre 2010 pour plus de souplesse.

Je conçois, monsieur le ministre, qu'il faudra faire des choix pour financer la transition écologique mais faisons-le dans un cadre global ! (Applaudissements sur quelques bancs socialistes, CRC, du RDSE, au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Bravo !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - La réforme introduite dans la loi de finances rectificative de 2013 visait à lier la perception de TCCFE au sein du bloc communal à l'exercice de la compétence d'AODE ; et à harmoniser les modalités de perception entre les intercommunalités.

Le Gouvernement reconnaît volontiers, monsieur Mézard, que ses effets ont été sous-estimés. Quand les ressources des collectivités sont de plus en plus contraintes, quand s'annonce la transition énergétique, le Gouvernement a entendu les inquiétudes des élus.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - C'est ce qu'en février dernier Mme Escoffier a répondu à une question d'actualité de Mme Gourault. Elle a engagé la concertation. Le Gouvernement prendra les dispositions nécessaires dans la loi de finances rectificative qui sera soumise au Parlement à l'été. Le véhicule choisi, une loi ordinaire, ne convient pas.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Seul le résultat compte !

M. Alain Richard.  - Et la Constitution ne l'impose pas !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - C'est juste. Pour autant, cela paraît plus logique en cette matière financière. Pour des questions d'efficacité, il faut modifier la loi avant le 1er octobre prochain...

M. Ladislas Poniatowski.  - Justement !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - D'ici là, il y a l'été...

M. François Patriat.  - Les sénatoriales !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Et le collectif, qui répondra à vos attentes car nous convergeons largement sur le diagnostic et les moyens à mettre en oeuvre pour remédier à la situation.

Dans l'attente de ce collectif, j'invite le Sénat à rejeter ce texte. (MM. François Marc, rapporteur, et François Patriat applaudissent)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Maigres applaudissements !

M. Jean-Vincent Placé .  - Je me réjouis de ce nouveau débat sur la TCCFE. Lors de l'examen de la loi de finances rectificative de décembre 2013, nous avançions des arguments qui demeurent pertinents. Je salue l'initiative du président Mézard.

M. Philippe Bas.  - Très bien !

M. Jean-Vincent Placé.  - La réforme a été effectuée sans aucune concertation. Et elle est prématurée quand le projet de loi sur la transition écologique sera prochainement discuté. Une perte de quelque 400 millions d'euros, qui s'additionne à la baisse des dotations des collectivités territoriales, n'est pas franchement bienvenue.

La TCCFE n'est pas liée à la compétence d'AODE. Laissons aux communes, élues démocratiquement, le soin de décider. Pour l'instant - car nous en reparlerons lors du débat sur la transition écologique - soyons pragmatiques, ne bouleversons pas les finances communales.

Le président de la République a la volonté de faire baisser de moitié la consommation d'électricité du pays d'ici 20150 ; les collectivités territoriales auront un rôle important à jouer. La transition écologique est un enjeu de taille ; pour les écologistes, les intercommunalités sont l'échelon pertinent pour la rénovation thermique. Il serait pertinent que la TCCFE soit progressivement réaffectée vers des actions de maîtrise de la demande d'énergie ; ainsi l'énergie financerait-elle l'énergie.

Le groupe écologiste du Sénat votera ce texte sérieux, qui répond à un vrai problème - en espérant être associé réellement au débat à venir. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski .  - Nous soutiendrons sans réserve ce texte du président Mézard ainsi que l'amendement consensuel de M. Marc.

M. Jean Besson.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski.  - Revenons sur cette réforme ubuesque, à l'origine bizarre... Au départ, certaines communautés urbaines du Nord de la France...

M. Francis Delattre.  - Tiens donc !

M. Michel Delebarre.  - Je ne suis plus concerné...

M. Ladislas Poniatowski.  - ... espéraient faire main basse sur une partie des recettes de la TCCFE. À l'arrivée, 350 millions de plus pour les syndicats d'électricité - qui n'en veulent pas, je peux vous le dire...

M. Jean Besson.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski.  - ... parce qu'ils ne veulent pas de conflit avec les communes. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

Notre réseau d'électricité est en mauvais état ; c'est pourtant un enjeu du débat sur la transition écologique car il faudra le renforcer pour raccorder éoliennes et panneaux photovoltaïques. Autre débat, la remise à plat de la TCCFE ne pourra se faire sans traiter en même temps la CSPE, qui devient un instrument explosif. Le collectif budgétaire n'y suffira pas...

Votons ce texte même si le Gouvernement le bloquera. Ce sera un geste fort ! (Applaudissements à droite, sur les bancs du RDSE et au centre)

Mme Jacqueline Gourault .  - Merci d'avoir rappelé que le 20 février dernier, je posais une question au Gouvernement sur ce fameux article 45 de la loi de finances rectificative de décembre 2013.

Le plafonnement du reversement aux communes à 50 % aurait d'autant plus d'effet que les taux appliqués pas les communes et les syndicats d'électricité sont parfois très différents. Les 50 % reversés ne correspondront pas toujours aux 50 % que les communes percevaient. Dans mon département, j'ai fait le calcul : une perte de plus d'un million sur trois millions d'euros de recettes.

M. Daniel Raoul.  - Exact.

Mme Jacqueline Gourault.  - Oui, la situation des syndicats d'électricité est très hétérogène selon les départements. Je concède que cela vous donne des arguments, monsieur le ministre : une concertation serait sans doute bienvenue d'ici le collectif...

Le groupe UDI-UC, dans sa grande majorité, soutiendra la proposition de loi de M. Mézard améliorée par le travail de M. Marc. Le Gouvernement préfère le véhicule d'une loi de finances, pourquoi pas ? Mais nous serons vigilants.

En tout état de cause, les élus veulent revenir à la situation antérieure ; et le débat ne peut se poursuivre sans discussion avec les communes et les intercommunalités. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre, à droite, sur les bancs CRC et quelques bancs socialistes)

M. Thierry Foucaud .  - Inutile de faire des redites. Nous ne serons sans doute pas aussi unanimes ce soir sur le programme de stabilité...

Permettez-moi toutefois de dire que je partage les propos de M. Mézard sur cette réforme inacceptable de la TCCFE dans la loi de finances rectificative de 2013 ; menée sans aucune concertation, elle aboutit à une perte de 350 millions d'euros et à une harmonisation par le haut du niveau de taxation des usagers - l'État y gagnerait quelques recettes de poche.

Nouvelle illustration, on y reviendra sur le programme de stabilité, de l'état des relations qu'entretient l'État avec les collectivités territoriales. Toujours plus d'efforts pour elles quand il leur revient de s'assurer que les chômeurs, par exemple, qui ne peuvent pas toujours payer leurs factures, puissent aussi avoir accès à l'énergie.

Monsieur le ministre, les lois de décentralisation ont fait accéder les collectivités à l'âge adulte. On ne peut pas y revenir.

Pour faire bref, le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Requier .  - Pour gagner du temps et que la proposition de loi soit votée, je renonce à mon temps de parole. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. Maurice Vincent .  - Je m'exprime également au nom de Mme Bataille. (On s'en félicite sur les bancs du RDSE) Vu les enjeux et en renvoyant les questions de fond à plus tard, répartition des compétences et transition énergétique, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements)

M. Francis Delattre .  - Je renonce à mon temps de parole dans le même souci. (Vifs applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Moi de même. (Même mouvement)

Mme Caroline Cayeux .  - Compte tenu de cette belle unanimité, je me contenterai de dire que je voterai ce texte comme M. Gournac, qui est président d'un syndicat d'électricité.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les amendements nos4 ter et 5 ter sont retirés.

ARTICLE PREMIER

M. Xavier Pintat .  - Je renonce à mon intervention sur l'article.

M. André Reichardt .  - Moi de même, je souhaite que cette proposition de loi soit rapidement votée.

M. Alain Richard .  - Je veux le dire amicalement au Gouvernement, il n'y a aucune raison de refuser le véhicule de la loi ordinaire. Si on approfondit la question, on s'apercevra en outre que le dispositif antérieur n'était ni équilibré, ni stable. Si les syndicats ont la confiance des communes, et c'est le cas, ils n'auront aucun mal à les convaincre d'un partage des recettes. Mais le principe est que ce sont les communes qui décident, à la majorité qualifiée, pas un vote du Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - J'ai moi-même dit, en discussion générale, que l'argument sur le véhicule financier était fragile. Je vous épargne mes réponses pour que vous puissiez adopter la proposition de loi.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Oui.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Beaucoup de maires seront heureux !

La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 30.

Encadrement des stages (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires. C'est une demande du groupe socialiste.

Discussion générale

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Faire de la jeunesse une priorité, c'est d'abord agir pour la vie sociale et professionnelle des jeunes. Tel est l'objet des contrats de génération et des contrats d'avenir. Le nombre de jeunes demandeurs d'emploi baisse. Même si ce n'est pas encore satisfaisant, cela va dans le bon sens.

La question des stages s'est imposée dans le débat public, en raison de leur rôle dans le parcours d'insertion professionnelle des jeunes, mais aussi des abus auxquels ils donnent lieu. Chacun se souvient des jeunes stagiaires défilant derrière des masques blancs. Après des chartes peu contraignantes, l'encadrement des stages a été renforcé peu à peu, dès 2011, faisant de la réglementation française l'une des plus protectrices au niveau européen. Mais son élaboration au coup par coup la rendait parcellaire.

Il faut franchir une nouvelle étape pour construire un corps juridique cohérent. Cette proposition de loi regroupe toutes les dispositions concernant les stages et les recodifie dans une partie spécifique du code de l'éducation, commune aux enseignements secondaires et supérieurs,

Faire un stage est un atout dans un parcours de formation. Cette première expérience professionnelle est approuvée par les employeurs. Un stage améliore de 60 % les chances d'être recruté par rapport à un CV ne contenant aucune expérience comparable.

Seulement 3 % des étudiants effectuent un stage en première année de licence. C'est pourtant un moment crucial, pour infirmer ou confirmer une orientation professionnelle.

Cette proposition de loi précise les missions des établissements d'enseignement qui accompagnent les étudiants dans leur recherche de stages. L'université, le lycée et les écoles doivent se saisir de cette question.

Un stage doit obligatoirement s'accompagner d'un volume de formation, que le Gouvernement propose de fixer à 200 heures annuelles. Puisqu'il est un temps de formation, il doit bénéficier d'un double suivi, par un enseignant et par un responsable de l'établissement d'accueil. La convention de stage n'est pas un contrat de travail.

Ce texte a aussi pour objectif de lutter contre les abus. Dans certains secteurs, un taux plafond de stagiaires sera fixé par décret. Il a été fortement débattu à l'Assemblée nationale. Grâce à lui, nous aurons un encadrement de qualité des stagiaires dans l'entreprise.

Que les entreprises et les branches s'emparent de la question des stages, nous ne pouvons qu'y être favorables.

La validation par l'établissement d'enseignement d'un stage interrompu permettra de ne pas pénaliser indûment le stagiaire.

Ce texte aura-t-il pour effet de réduire l'offre de stages ? L'indemnité maximale de stage de 436 euros par mois n'a pas diminué l'offre globale de stages, bien au contraire. Le Conseil économique, social et environnemental évalue le nombre de stagiaires à 1,6 million en 2012 pour 600 000 en 2006. Je vous invite à aborder ce débat avec sérénité et pragmatisme, dans le seul intérêt des jeunes.

Ce texte est-il stressant pour les entreprises ? Il est dans l'intérêt des entreprises elles-mêmes, des organismes publics et des associations qui sont également concernées. Elles ont besoin d'un cadre. Quelle image donnons-nous aux jeunes du monde du travail, avec lequel ils entrent en contact via un stage ? Revenons à la réalité des chiffres : la fuite des cerveaux est deux fois moindre en France qu'en Allemagne, trois fois moindre qu'au Royaume-Uni. Il n'empêche, il faut agir.

Une grande majorité des employeurs sont favorables à ce texte. Je salue le travail de grande qualité fourni par votre rapporteur Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean Desessard.  - Bravo.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Ce texte transmet un message de confiance et de responsabilité partagées au service d'une priorité : l'emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - En février 2007, je présentais au Sénat la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages, que j'avais déposée en mai 2006. Je garde en mémoire ce débat et les interrogations alors soulevées sur tous les bancs. La question était nouvelle. Le collectif Génération précaire est né en septembre 2005. En mars 2006, les premières règles furent posées, avec la gratification obligatoire des stages de plus de trois mois. La reconnaissance de ce phénomène a donné lieu à la sédimentation progressive de couches législatives et réglementaires, si bien que beaucoup d'acteurs concernés ont éprouvé des difficultés à appréhender le droit en vigueur.

Ce texte ne remet nullement en cause l'Accord national interprofessionnel de juin 2011, signé par les partenaires sociaux unanimes, ni la loi qui fixe une durée maximale de six mois par stage. La convention de stage formalise la relation entre le stagiaire, l'établissement d'accueil et l'établissement d'enseignement. Évidence pour nous, qui ne l'est pas dans le reste de l'Europe.

Cette proposition de loi poursuit le travail engagé par la loi ESR l'an dernier et concrétise l'engagement n°39 du président de la République. En 2012, le Conseil économique, social et environnemental estimait à 1,6 million le nombre de stagiaires. La gratification obligatoire n'a pas empêché les stages de croître et d'embellir, comme vous l'avez souligné, madame la ministre.

Ce texte responsabilise les établissements d'enseignement supérieur, dont l'implication se limite trop souvent à la signature d'une convention-type. Pour la première fois, les missions de ces établissements sont énumérées dans la loi, afin de réaffirmer le rôle de formation dévolu au stage. Est en outre fixé le champ des dérogations à la durée maximale de six mois. Il est facile d'imaginer qu'un stage d'un an vise à économiser un salarié. Une convention de stage n'est pas un contrat de travail, à l'heure du pacte de responsabilité, il importe de le rappeler.

Le stagiaire bénéficie de droits, comme au ticket restaurant. Tous ceux qui ont un comportement vertueux à l'égard de leurs stagiaires devraient s'en réjouir.

Néanmoins, le diable se cache dans les détails. Ce texte renvoie à plusieurs reprises au pouvoir réglementaire, ce qui est légitime jusqu'à un certain point, pourvu que l'on n'aille pas ainsi contre l'esprit de la proposition de loi. Il est acquis que les plus petites entreprises seront traitées différemment des grands groupes. J'attire l'attention du Gouvernement sur les craintes des maisons familiales rurales, qui offrent des stages à des jeunes en grande difficulté.

Au-delà d'amendements rédactionnels ou de coordination juridique, la commission a limité le temps de travail des stagiaires à la durée légale hebdomadaire de 35 heures. Je ne crois pas aux discours prétendant que ce texte aboutira à tarir l'offre de stages. Il s'agit plutôt de garantir une offre de stages de qualité.

Le président de la République a dit récemment que le pacte de responsabilité doit s'accompagner d'un pacte de solidarité. Ce texte en porte témoignage. La précarité est le lot commun des stagiaires, cette génération d'affamés qui n'a connu que la crise. À l'heure où la jeunesse doute et se sent déclassée par rapport à ses parents, il aurait fallu débattre de la gratification trop faible des stages. J'ai déposé à titre personnel deux amendements pour la porter de 12,5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale et pour la rendre obligatoire pour tous les stages de l'enseignement supérieur de plus d'un mois.

Les droits accordés aux stagiaires doivent être effectifs. Il importe que le Parlement adopte cette proposition de loi dans les meilleurs délais, afin qu'elle s'applique dès la prochaine rentrée. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Catherine Procaccia .  - Malgré l'enthousiasme déclenché par ce texte sur certains bancs à l'Assemblée nationale, nous avons du mal à comprendre les avancées que cette proposition de loi est censée apporter. Merci, madame la ministre, d'avoir rappelé que l'encadrement des stages a été réalisé en 2006 - c'était la droite -, puis en 2009 - c'était encore la droite. Je suis fière d'avoir fait voter l'extension de l'accueil de stagiaires aux assemblées parlementaires. Une page internet y est consacrée depuis peu sur le site du Sénat.

Le cadre juridique en vigueur est déjà protecteur. Alors, pourquoi un nouveau texte ? Il y a des abus ? Ils sont isolés et des sanctions sont prononcées par les tribunaux. J'avais sollicité du précédent gouvernement une procédure simplifiée pour que les stagiaires saisissent l'inspection du travail. Je propose un portail internet, conforme à la logique d'open data.

La numérisation des publications professionnelles, madame la ministre, ne doit pas faire oublier le guide des stages. Celui qui est en ligne date de 2010 ! À bon entendeur.

La conformité du stage aux objectifs de formation doit être vérifiée par les établissements d'enseignement pour éviter les stages « photocopieuse ». Les collectivités devraient davantage s'investir dans le contrôle des stages, y compris pendant les mois d'été.

Il s'agit d'intensifier les contrôles à droit constant, plutôt que de créer des obligations supplémentaires. Les vilains petits canards trouvent toujours les moyens de contourner les règles.

L'unique préoccupation du groupe UMP est de développer l'offre de stages. Le stagiaire n'est pas un salarié. Il vit un moment de formation privilégiée. Il fera valoir, lors de la recherche d'emploi, une expérience précieuse.

Le mieux est parfois l'ennemi du bien. En 2009, je présidais la commission spéciale créée pour la loi sur la formation professionnelle. Des milliers d'étudiants ont vu leur stage annulé, parce que des universités - et certaines entreprises aussi - refusaient de signer les conventions en attendant les décrets d'application de la loi. Gare aux effets des bonnes intentions !

Votre proposition de loi ne prévoit que des décrets... Les grandes écoles ont fait part de leur incompréhension face à la stricte limitation des stages à six mois, certaines universités pratiquent l'année de césure, notamment à l'international. Et pourquoi donc une loi si tout doit être précisé par décret ? Étrange conception de notre rôle législatif ! D'autant que la multiplication des formalités aura des conséquences catastrophiques sur les stages courts. Pourquoi proclamer son attachement à la négociation sociale et ne pas laisser jouer les accords de branche ? Le Gouvernement ne nous a pas entendus sur les emplois d'avenir et les contrats de génération : il a dû faire marche arrière... Écoutez-nous, madame la ministre, nos amendements sont dans l'intérêt des stagiaires.

Je salue le travail et l'écoute de Jean-Pierre Godefroy, dont l'implication sur ce dossier est plus ancienne que la mienne. J'aurais aimé réfléchir avec lui à une proposition de loi sénatoriale, un texte transpartisan et dénué de démagogie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Léonce Dupont .  - Les stages en entreprises sont un vecteur important de professionnalisation. S'il faut mieux protéger les stagiaires, il ne faut pas dissuader les entreprises d'en prendre. Le nombre de stagiaires a presque triplé en dix ans et 80 % des stages se déroulent dans de bonnes conditions. Des dispositions d'encadrement ont été adoptées, notamment à l'initiative des centristes ; justification obligatoire instaurée par Jean-Louis Borloo en 2006, création d'un délai de carence entre deux stages, prise en compte des stages de plus de deux mois dans le calcul des droits à retraite.

Ce texte risque de passer à côté de son objectif. Nous-mêmes recevons des dizaines de demandes de stages. Mettre en place un taux maximal de stagiaires par entreprise est une fausse bonne idée. Notre tissu économique est principalement constitué de petites entreprises. Les entreprises de moins de dix salariés ne doivent pas être concernées par ce texte.

De même, limiter à six mois la durée de stage interdira les années de césure. C'est absurde. Et, Mme Férat ne me démentira pas, l'enseignement agricole appelle des stages longs.

Prenons garde à ne pas faire glisser le statut du stagiaire vers celui de salarié. Confier le contrôle aux inspecteurs du travail, plutôt qu'aux autorités académiques, est un mauvais signal en ce sens.

La prévention des abus repose sur la responsabilité conjointe de l'ensemble des signataires de la convention de stage, au premier rang desquels les établissements de formation, non sur les seules entreprises.

Dans cette loi, vous multipliez les exigences : le stagiaire devra avoir un tuteur et un référent, bénéficier d'un volume minimal d'heures pédagogiques, être inscrit au registre unique du personnel. On est loin du choc de simplification !

Nous proposons davantage de souplesse et que la détermination des horaires relève de la convention de stage. En revanche, que la loi interdise les stages effectués après un cursus universitaire, afin de conserver leur nature formatrice. Veillons à l'inverse à ce que certains jeunes ne soient pas privés de diplômes faute d'avoir trouvé un stage.

Je le dis à mon tour : le mieux est souvent l'ennemi du bien. L'efficacité doit primer sur les bonnes intentions. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Le groupe CRC partage avec notre rapporteur et les auteurs de cette proposition de loi la conviction que la loi doit apporter une réponse globale, face aux abus qui rendent les étudiants captifs. Certes, ces abus ne sont pas la règle. Mais les retours des collectifs et associations de stagiaires sont de plus en plus négatifs. Nul doute qu'il y ait besoin de légiférer.

La vocation pédagogique est réaffirmée. Tout harcèlement est condamné. La protection des droits des stagiaires est renforcée. Notre rapporteur a de plus limité la durée hebdomadaire à 35 heures : ses amendements en commission s'inscrivent dans la continuité de sa proposition de loi de 2006, cela l'honore.

Cependant, la présente proposition de loi est sur plusieurs points moins ambitieuse, ce que nous déplorons. Ainsi, elle ne précise pas clairement le nombre de stagiaires qu'une entreprise peut accueillir, ni que la durée d'enseignement doit être supérieure à la durée de stage. Selon la rédaction actuelle de ce texte, les stagiaires qui ne reçoivent pas de gratification n'auront droit ni au ticket restaurant ni à l'aide aux transports. Autant dire que les plus précaires des précaires auront moins.

Autre point, nos collègues députés du GDR ont fait adopter un amendement accélérant la procédure mais nous considérons qu'il faut préciser le cadre concret de la requalification du stage en contrat de travail pour ne pas la rendre aléatoire : l'article R.136-32 était plus protecteur.

Monsieur le rapporteur, ce texte n'est qu'une concrétisation partielle de l'engagement n°39 du président de la République, là où votre proposition de loi en était une réalisation totale.

Comme à son habitude, le groupe CRC soutiendra les mesures positives en critiquant ce qui doit l'être et en étant une force de proposition. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Gilbert Barbier .  - En ces temps de chômage structurel des jeunes, l'encadrement des stages est une préoccupation légitime. Si ce texte apporte des simplifications bienvenues, il faut craindre une diminution de l'offre de stages, lesquels sont de plus en plus exigés pour obtenir un diplôme. On en demande toujours plus aux stagiaires : une formation universitaire solide, la maîtrise de plusieurs langues... Dans cette situation, faut-il vraiment aller plus loin ?

La durée maximale de stage ne se justifie pas quand le stage se fait en alternance, l'extension de la gratification obligatoire tarira les offres. Qu'en sera-t-il des 500 heures de stages requises pour devenir psychologue, des deux ans qu'il faut accumuler pour être nommé commissaire-priseur ? Appliquer aveuglément un taux uniforme de stagiaires crée un climat de soupçon envers les entreprises à l'heure du pacte de responsabilité. Idem pour le contrôle par l'inspection du travail. D'ailleurs, les étudiants apprécient les stages très formateurs proches d'un emploi. Faut-il rappeler qu'un stage sur cinq débouche sur la signature d'un contrat de travail ?

Nous voulons tous lutter contre les abus et réduire le chômage des jeunes. Toutefois, ce texte aura des effets pervers qu'il faut corriger. J'espère être entendu. (Applaudissements au centre)

M. Jean Desessard .  - « Développement, encadrement des stages et amélioration du statut des stagiaires », quels beaux objectifs ! De quoi s'agit-il ? De réaffirmer qu'un stage n'est pas un emploi mais une étape dans le parcours de formation. Selon le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq), 6,25 % des stagiaires seraient des salariés déguisés. Je vous invite à consulter les sites qui publient des offres ressemblant, mot pour mot, à une offre d'emploi.

Évidemment, à cet âge, on est jeune, créatif, dynamique, on a envie de montrer ce dont on est capable ! Pour autant, tous ici sommes d'accord pour dire que le stage n'est pas un emploi ; c'est bien un temps de formation.

Ce texte vise à mieux protéger les stagiaires. Pour nous, le volume minimal de formation doit être fixé dans le texte : 200 heures. Même chose pour le nombre de stagiaires par référent : 25 au plus.

Le groupe écologiste votera ce texte équilibré...en rappelant qu'il soutient depuis longtemps une allocation universelle étudiante...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je vous suis !

M. Jean Desessard.  - ... et que l'effort doit être fait pour faciliter l'accès des jeunes au premier emploi.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - L'amendement n°59 de M. Revet, qui récrit l'article premier, est en discussion commune avec une centaine d'amendements. Je demande que son examen soit disjoint en application de l'article 49-2 de notre Règlement.

Il en est ainsi décidé.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 29 avril 2014, le Gouvernement demande de compléter l'ordre du jour du lundi 5 mai 2014, le soir, par l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique ; et du mardi 6 mai 2014, l'après-midi et le soir, par la suite de l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.

En conséquence, l'ordre du jour des séances des lundi 5 et mardi 6 mai 2014 s'établit comme suit :

LUNDI 5 MAI 2014

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 16 heures :

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié

Le soir :

2°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié

3°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique

MARDI 6 MAI 2014

À 9 h 30 :

1°) Questions orales

À 14 h 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale

3°) Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 21 h 45.

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur le programme de stabilité pour 2014-2017

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2014-2017, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE) Il y a un peu plus d'une heure, l'Assemblée nationale a adopté le programme de stabilité.

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Roger Karoutchi.  - Elle a voté, elle !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - C'est la preuve après un débat approfondi, d'une confiance renouvelée. Ce vote affirme la clarté des choix proposés par le Gouvernement, la visibilité dans les trois ans à venir pour les Français, les acteurs économiques et sociaux, la stabilité dont les entreprises ont besoin. C'est un acte fondateur pour la deuxième partie du quinquennat. Je suis présent devant vous ce soir, après l'avoir été à l'Assemblée nationale cet après-midi, car il s'agit d'un moment décisif pour notre pays et son redressement, pour la crédibilité de sa parole à l'égard de nos compatriotes comme de l'Europe. Tous les parlementaires doivent y être associés.

Avec le Gouvernement rassemblé ici, notre relation avec le Parlement doit être celle de l'écoute, du dialogue, du débat constructif...

M. Roger Karoutchi.  - Du vote !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Une démocratie forte, c'est un Parlement pleinement respecté qui joue tout son rôle.

Ce programme de stabilité, c'est la trajectoire pour que notre pays retrouve la confiance et réussisse.

Le 14 janvier, avec le pacte de responsabilité et de solidarité, le président de la République a fixé une feuille de route. Son premier objectif, c'est la compétitivité de notre pays, de nos entreprises. Un chiffre parle de lui-même : notre balance commerciale, légèrement excédentaire au début des années 2000, accuse depuis quelques années un déficit de 60 milliards d'euros. Le mouvement en faveur de la compétitivité a été initié avec le CICE. Nous étions avec François Rebsamen, il y a quelques jours, en Eure-et-Loir auprès d'une entreprise qui grâce à lui a pu investir dans des machines-outils. Le dispositif « zéro charges » pour les salariés au smic, c'est aussi une incitation forte pour les employeurs. D'ici 2017, la C3S sera supprimée et l'impôt sur les sociétés réduit.

Deuxième objectif du pacte, central, l'emploi. Nous avons besoin de toutes nos entreprises, grands groupes comme PME, de toutes les forces vives du pays, artisans, commerçants, travailleurs indépendants, et bien sûr des salariés. L'emploi des jeunes, qui ont le plus grand mal à intégrer le marché du travail pour prendre leur autonomie, sera favorisé par le développement des emplois d'avenir et celui de l'apprentissage. Le président de la République a appelé, devant les préfets, hier, à aller plus loin encore. Les partenaires sociaux vont en discuter. Les seniors ont beaucoup à apporter.

C'est au Parlement, à vous qu'il appartient de vérifier que les aides sociales et fiscales aux entreprises servent bien les objectifs du pacte. Le travail d'évaluation sera aussi mené par les partenaires sociaux. Le pacte, c'est un grand compromis social, il doit mobiliser tout le monde dans l'intérêt de tous. Trente milliards pour les entreprises et l'emploi, c'est un effort considérable de la Nation. Les marges des entreprises sont là, non pour les dividendes ou la rémunération des actionnaires et dirigeants, mais pour l'investissement et l'emploi, qui sont le carburant de la reprise. Point de méfiance à l'égard des entrepreneurs. Il est normal que le Parlement, comme les partenaires sociaux soient attentifs aux résultats.

Troisième objectif du pacte, le pouvoir d'achat. Nous avons entendu les inquiétudes face à la vie chère. Nous devons agir en faveur des salariés les plus modestes, qui travaillent dur mais vivent dans l'angoisse des fins de mois : la baisse des cotisations sociales au niveau du smic, c'est 500 euros par an, soit la moitié d'un treizième mois pour les ménages modestes ; une mesure fiscale supplémentaire sera prévue en loi de finances rectificative, nous en élaborerons ensemble les modalités.

Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, je le répète devant vous : le pacte de responsabilité et de solidarité est un immense levier de confiance pour aller chercher la croissance. Celle-ci est là, trop faible encore cependant. Toute l'action au service de l'emploi doit aller vers la croissance, l'attractivité de notre pays et de nos territoires.

La confiance, c'est également la réduction des déficits, de la dette qui étrangle l'énergie de notre pays. Trop longtemps, le choix de la facilité a fait peser le poids de la dette sur les générations à venir. Elle est passée de 1 200 milliards en 2008 à 1 800 milliards en 2012. Nous l'avons stabilisée. Mais son remboursement coûte 45 milliards par an, soit les deux tiers du budget de l'éducation nationale ; il limite nos marges de manoeuvre. Il n'est pas juste que ce fardeau soit transmis aux générations futures. La dette, c'est aujourd'hui 30 000 euros par Français. Et les responsabilités viennent de loin... Le temps est venu de la maîtriser et de réduire nos déficits. Ce n'est pas l'Europe, Bruxelles, qui le demande, c'est d'abord une exigence pour nous-mêmes, pour garder notre souveraineté.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Depuis deux ans, beaucoup a été fait. Fin 2013, nous avons ramené le déficit, qui était de 5,2 % du PIB en 2011, à 4,3 %. Il faut aller plus loin, reprendre le contrôle de la dépense publique, c'est-à-dire la réduire. Beaucoup se réfèrent à Matteo Renzi. (« Ah ! » à droite). L'Italie a des PME-PMI performantes. Elle a fait des efforts difficiles. Elle est à moins de 3 % de déficit.

Redonnons-nous des marges de manoeuvre mais faisons-le intelligemment, en prenant le temps nécessaire. C'est le sens du plan d'économie de 50 milliards d'euros annoncé par le président de la République, dont j'ai présenté le détail en conseil des ministres le 16 avril.

La politique monétaire doit accompagner la croissance. C'est ce qui manque en Europe. L'idée fait son chemin comme en témoignent les déclarations de Mario Draghi ; ce sera aussi le sens des négociations qui s'ouvriront après le renouvellement du Parlement européen.

Croissance, soutien à l'investissement dans les domaines d'avenir, l'énergie, le numérique, l'emploi des jeunes : c'est ainsi que l'Europe retrouvera de la crédibilité.

Le plan d'économies est calibré et juste. Il s'est nourri du dialogue avec les groupes de la majorité parlementaire.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Elle est morte !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Les plus démunis verront leur pouvoir d'achat garanti. Je rappelle que deux prestations ont connu une augmentation exceptionnelle le 1er avril, l'allocation de soutien familial et le complément familial. Les 6,5 millions de retraités qui perçoivent jusqu'à 1 200 euros verront aussi leur pouvoir d'achat préservé. C'est cela, la justice sociale. Nous devons aussi soutenir les travailleurs les plus modestes ; plus que jamais la lutte contre la pauvreté est notre priorité, Le RSA sera bien revalorisé de 10 % en cinq ans, comme prévu.

MM. Éric Doligé, Albéric de Montgolfier et Roger Karoutchi.  - Merci aux départements !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Les fonctionnaires de catégories B et C bénéficieront de mesures de revalorisation -  440 euros de salaire net en plus pour 1,6 million d'entre eux. Je pense évidemment à ce propos aux collectivités territoriales... (Mouvements divers à droite) Le gel du point d'indice sera réexaminé chaque année au regard de la croissance et du redressement du pays.

Le plan pauvreté, les augmentations de salaire, c'est la justice sociale. Ce choix est assumé, ce n'est pas l'austérité.

M. Pierre Laurent.  - Des mots !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Ne soyons pas aveuglés par des slogans ! (Mouvements divers sur les bancs du groupe CRC). Ces mesures seront financées par des économies.

La stratégie est cohérente : le pacte pour l'emploi, le pouvoir d'achat, le plan d'économies, les priorités que sont la jeunesse et l'école. 30 000 postes supplémentaires pour l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ils sont indispensables...

M. Jean-Louis Carrère.  - Après tous ceux qu'a supprimés l'UMP !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ... parce qu'on en avait supprimé beaucoup, parce qu'un pic démographique est à venir, parce que la formation des maîtres a été bradée.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Cassée !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Les inégalités se sont accrues ces dernières années, nous ne pouvons pas l'accepter. Nous maintenons aussi l'effort en faveur des universités, de l'innovation et de la recherche. C'est ainsi que l'on bâtit l'avenir. Sans oublier la sécurité et la justice, car il n'y a pas de progrès social, de développement harmonieux sans respect du pacte républicain. Les violences et la délinquance touchent d'abord les plus modestes, dans les quartiers populaires comme dans les territoires ruraux. Cinq cents postes supplémentaires seront créés chaque année dans la police et la gendarmerie, 500 dans la justice. L'austérité ? Difficile d'utiliser ce mot quand le Gouvernement crée des emplois dans ses domaines de priorité. Il y a le sérieux budgétaire, oui, l'effort demandé, oui, mais quand des budgets aussi importants sont maintenus et même augmentés dans les secteurs prioritaires, le mot d'austérité ne décrit pas la réalité.

Regardez ce qu'est l'austérité ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi.  - Justement !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Non, la comparaison a ses limites, l'honnêteté intellectuelle est de reconnaître l'effort en faveur de la jeunesse et de l'école. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Préparer l'avenir, c'est être capable de mener les réformes nécessaires, dont celle de notre organisation territoriale. (« Ah ! » à droite) Nos collectivités territoriales participeront à l'effort partagé à hauteur de 11 milliards d'euros. C'est important mais nécessaire. Il nous faut construire ensemble la réforme. Les Français attendent un effort de vérité, même si chacun a sa vérité. Ils ignorent les responsabilités de chaque échelon de collectivité, qui a pris la décision de telle ligne de tram, qui a subventionné telle entreprise.

M. Éric Doligé.  - Et les départements ?

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - La complexité alimente la désaffection dans les urnes. Elle est source de difficultés pour les collectivités elles-mêmes.

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - J'ai détaillé la réforme le 9 avril ; des régions élargies, des intercommunalités plus grandes et plus fortes, la clarification des compétences et la suppression de la clause de compétence générale, la suppression à terme des conseils départementaux.

Moderniser les collectivités, c'est clarifier leurs domaines d'intervention, faciliter leur adaptation à la diversité des territoires. Nous serons attentifs à la situation des communes qui souffrent le plus, en métropole et outre-mer.

Nous sommes conscients qu'il faut tout faire pour préserver la capacité d'investissement des collectivités territoriales. (Mouvements divers à droite)

Repenser nos structures territoriales, c'est aussi repenser le rôle et la place de l'État, colonne vertébrale de la Nation qui doit être solide, notamment dans les territoires les plus fragiles. L'État territorial est une réalité très concrète pour nos concitoyens, à travers ses préfectures et sous-préfectures. Travaillons et utilisons la réforme des collectivités territoriales pour réformer l'État territorial, et vite. L'État devra se recentrer sur ses missions - c'est vrai aussi au niveau central.

Il faut aussi assurer l'égalité des territoires, résorber les fractures territoriales ouvertes ces dernières années. L'accès au numérique est une chance pour notre service public, pour nos territoires, pour nos concitoyens. Les services publics numériques doivent être accessibles partout. L'avenir de nos territoires passe aussi par la transition énergétique.

M. Roger Karoutchi.  - Oh là là !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Il y a une cohérence entre le pacte, les économies nécessaires, le soutien au pouvoir d'achat. Les prélèvements obligatoires sont devenus insupportables, qui pèsent sur la feuille d'impôts des contribuables - 30 milliards de plus entre 2010 et 2012, 30 autres depuis.

Voilà ce que je propose - c'est pour cela que j'ai parlé de vote fondateur...

M. Roger Karoutchi.  - Pas ici !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Au Sénat, il n'est pas question de vote !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Le rôle du Parlement est essentiel.

M. Roger Karoutchi.  - On est des potiches.

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Le Gouvernement a besoin des représentants de la Nation, le moment est décisif, je le redis. La France est un grand pays...

Voix à droite - « Était » un grand pays...

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ... la cinquième puissance mondiale. Nous croyons tous en sa capacité à se redresser. La réforme a trop tardé. Regardons la vérité en face, soyons courageux. Engageons-nous dans cette voie. Les oppositions sont naturelles en démocratie mais nous ne pouvons pas perdre de temps. Réformons avec courage. C'est à ce courage et à cette responsabilité que j'appelle le Parlement. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes et du groupe RDSE ; Mme Jacqueline Gourault et M. Pierre Jarlier applaudissent aussi)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le programme de stabilité et le programme national de réforme occupent désormais un rôle central dans le débat politique. Ils constituent un engagement pluriannuel de l'État, des organismes de sécurité sociale et des collectivités locales. Il est légitime que le Sénat en débatte après l'Assemblée nationale. Je me réjouis de la présence de nombreux ministres ce soir, marque de l'intérêt qu'ils portent au Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Un mot en préalable de la gouvernance économique et budgétaire de la zone euro. Certaines recommandations sont parfois perçues comme une forme d'ingérence mais c'est bien de la gestion en commun de l'euro qu'il s'agit. L'avenir de la zone euro, c'est une plus grande coordination économique et une plus grande solidarité. Des progrès importants ont été accomplis mais il reste beaucoup à faire pour que l'Union économique et monétaire prenne davantage en considération la dimension sociale et l'harmonisation fiscale, alors que les pays se livrent une concurrence qui n'est pas toujours très loyale. Tel est aussi l'enjeu des prochaines élections européennes.

La poursuite du redressement de nos finances publiques est un impératif majeur. Une sortie de crise plus lente qu'espéré et quelques dépenses exceptionnelles, liées à des contentieux laissés en héritage par la précédente majorité (protestation à droite ; marques d'approbation sur les bancs socialistes) ont conduit à trois reports de trajectoire. Des marges de manoeuvre ont été récupérées, qui consolident une croissance encore modeste.

M. Éric Doligé.  - Très modeste !

M. François Marc, rapporteur général.  - La crédibilité de la France est en jeu. Ne fragilisons pas les nouvelles règles budgétaires.

Le programme de stabilité prévoit d'atteindre un déficit de 3 % en 2015, le déficit structurel convergerait vers l'équilibre structurel en 2017. Ce choix exigeant peut inquiéter nos concitoyens. Ces inquiétudes ne doivent pas nous laisser insensibles. Cela étant, le redressement exige une grande détermination à agir.

La compétitivité est le deuxième pilier de cette politique. Nous ne pourrons redistribuer, vers les jeunes en particulier, sans avoir produit au préalable les richesses nécessaires. Or la compétitivité de notre pays s'est dégradée ces dernières années.

Voix à droite.  - Les 35 heures !

M. François Marc, rapporteur général.  - Ne pas y porter remède, c'est prendre le risque de ne plus attirer les investisseurs, de ne plus créer d'emplois, de nous appauvrir.

M. Roger Karoutchi.  - C'est fait !

M. François Marc, rapporteur général.  - Contribuent à la croissance future le crédit d'impôt innovation, le PIA et logements sociaux, 34 plans de reconquête industrielle, le CICE, qui allègera de 30 milliards le coût du travail, la suppression de la C3S, ainsi que la réduction des normes applicables aux entreprises.

J'en viens au plan d'économies de 50 milliards (« Ah ! » à droite et sur les bancs du groupe CRC) pour les années 2015 à 2017. L'effort sera réparti entre les différentes catégories d'administration en fonction de leur poids respectif dans la dépense publique. Des efforts importants seront mis en oeuvre dès 2014 -  4 milliards d'économies supplémentaires. En 2015, 21 milliards d'économies devront être réalisées. Les dépenses publiques progressent moins vite que l'inflation, ce qui est inédit. Pour autant, il ne faut pas casser la reprise économique.

D'aucuns pourrait considérer que nous sommes en retard par rapport à nos partenaires européens. En 2010 et en 2011, les déficits structurels de la France étaient les plus élevés de la zone euro après ceux de l'Espagne. Si nous empruntons à des taux heureusement très bas, c'est que les marchés ne doutent pas de notre détermination à prendre les mesures de compétitivité et de réduction de la dépense publique. Cela nécessitera des efforts importants de la part de tous.

Le respect de notre trajectoire nécessitera l'engagement de réformes profondes du pilotage des politiques publiques, notamment de la santé et des collectivités locales.

Une réforme profonde de la DGF s'imposera... (Mouvements divers et rires à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Dans quel sens ?

M. François Marc, rapporteur général.  - ... pour assurer une plus grande solidarité des plus riches vers les plus pauvres. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes ; exclamations à droite)

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez dit votre souci de préserver le pouvoir d'achat des plus démunis. Les efforts demandés ne seront consentis que s'ils s'accompagnent d'un effort de solidarité accru et de perspectives pour notre jeunesse... (Exclamations à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Au vote ! (On rit à droite)

M. François Marc, rapporteur général.  - Le chantier de la révision des valeurs locatives doit être poursuivi, de même que la réflexion sur la progressivité de l'impôt ou la lutte contre la fraude.

Le Gouvernement nous engage à prendre le chemin de la volonté et de la responsabilité avec une méthode, la transparence dans les objectifs, la concertation sur les moyens. Nous ne réussirons que si nous tenons nos engagements.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Chiche, on vote !

M. François Marc, rapporteur général.  - Ainsi s'installera un climat de confiance, ainsi le chômage reculera. J'invite le Sénat à soutenir le Gouvernement dans son engagement et sa détermination. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE ; on crie « Au vote ! », « Au vote » sur les bancs UMP en claquant sur les pupitres)

M. Jean Arthuis .  - (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs UMP) Oui, monsieur le Premier ministre, nous avons la mission de préparer l'avenir et ce débat est une épreuve de confiance et de réalisme. Sommes-nous encore en mesure de maîtriser notre destin ? L'exercice du programme de stabilité est resté largement formel et les gouvernements successifs se sont donné bonne conscience par des prévisions exagérément optimistes...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est bien vrai !

M. Jean Arthuis.  - Je vous sais gré, monsieur le Premier ministre, de la solennité de ce débat, mais je regrette l'absence de vote (Applaudissements au centre et à droite) M. le rapporteur général lui-même semble partager ce regret...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comme tous les sénateurs...

M. François Marc, rapporteur général.  - C'est la séquence humour ?

M. Jean Arthuis.  - On entend souvent des propos sévères sur l'Europe, c'est elle qui nous obligerait à rétablir notre compétitivité et nos comptes publics. Mais sans l'Europe, nous aurions déjà corrigé sans délai nos égarements. Sans l'euro, nous aurions dû couper court à toutes les tentations de dépassements... L'Europe fut un bouclier qui nous permit de jouer les prolongations de nos turpitudes...

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai.

M. Jean Arthuis.  - Exonérons-la de ce mauvais procès. Désindustrialisation, endettement public abyssal, chômage de masse : monsieur le Premier ministre, vos annonces ont dramatisé les enjeux et nous placent tous devant nos responsabilités. Après deux années d'errements, vous entendez alléger le coût du travail, modérer les prélèvements, réduire la dépense publique d'au moins 50 milliards. L'orientation globale nous agrée, mais nous doutons de l'efficacité du pacte de stabilité pour la compétitivité et le redressement des finances publiques. Le parti pris est d'alléger les cotisations sociales : CICE maintenu à 20 milliards et effort d'allègement de 10 milliards supplémentaires d'ici 2016. Le gouvernement de gauche que vous conduisez a fait tomber un tabou (exclamations sur les bancs CRC), avec le CICE, mais aussi celui de l'augmentation de la TVA. Le problème est que le CICE est un mécanisme de cosmétique budgétaire - on attend une année pour constater la dette de l'État à l'égard des entreprises.

M. Gérard Longuet.  - Bien sûr !

M. Jean Arthuis.  - Avec l'allégement total des cotisations sociales à hauteur du smic, vous allez créer une trappe à bas salaires - d'autres l'ont fait avant vous, mais ce n'est pas une raison... En somme, vous avez oublié de renverser la table. Vous avez créé de la complexité.

Je regrette le Manuel Valls d'avant les primaires ; je regrette que le Premier ministre d'aujourd'hui n'ait pas trouvé le moyen de faire partager aux Français ses convictions d'alors sur la TVA sociale.

M. Pierre Laurent.  - Ça vient, rassurez-vous !

M. Jean Arthuis.  - La réduction des déficits : 18 milliards pour l'État, 11 milliards pour les collectivités territoriales, ce qui ne va pas être simple, 10 millions pour l'assurance maladie et 11 millions pour les prestations sociales. Parler d'économies pour des dépenses moindres que prévu, combien de fois l'ai-je entendu dans la bouche des gouvernements de droite et de gauche... C'est une autre manière de ne rien faire.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Jean Arthuis.  - Quand va-t-on en venir aux réformes structurelles ? Comment baisser la dépense publique sans remettre en cause les 35 heures dans les trois fonctions publiques ? (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite) Les 35 heures sont un fiasco à l'hôpital. (Protestations sur les bancs CRC) Ce n'est pas parce que les gouvernements ne l'ont pas fait... Nous n'avons ni les uns ni les autres été à la hauteur de nos obligations. Et dans le domaine social, il y a certainement des conventions collectives à revoir...

Mme Éliane Assassi.  - Ces propos sont scandaleux !

M. Jean Arthuis.  - Réduisez les normes, qui sont des activatrices de dépenses publiques.

M. Albéric de Montgolfier.  - Rapport Doligé !

M. Jean Arthuis.  - Laissez des marges de liberté aux collectivités territoriales, l'innovation doit prendre corps dans la sphère publique.

Mme Éliane Assassi.  - Qu'est-ce à dire ?

M. Jean Arthuis.  - Quant aux collectivités territoriales, était-ce indispensable de réformer le mode d'élection des conseillers départementaux ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - En effet !

M. Jean Arthuis.  - C'était mettre la charrue avant les boeufs.

M. Éric Doligé.  - Qui sont les boeufs ?

M. Jean Arthuis.  - Et on invite aujourd'hui ceux qui vont être élus à avoir pour seul programme de fermer la maison...

J'applaudis la suppression de la CCG. Mais le RSA sera revalorisé à la charge des conseils généraux. (Marques d'approbation à droite)

Monsieur le Premier ministre, le gel du point d'indice sera réévalué chaque année avez-vous dit. (Rires à droite)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est très innovant !

M. Jean Arthuis.  - C'est contradictoire avec l'objectif que vous aviez annoncé et que nous partageons. Votre prédécesseur a publié trois décrets qui obligent le président de conseil général que je suis à inscrire 500 000 euros de dépenses supplémentaires pour revaloriser les catégories B et C.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et on n'a pas parlé de la réforme des rythmes scolaires...

M. Jean Arthuis.  - Nous ne pouvons imaginer que ce programme de stabilité ne soit que de la carrosserie, que de la com ! Veillons aussi à ce que la zone euro soit un espace économique optimal. Nous ne ferons rien sans cela.

Regrettant de ne pouvoir voter, nous vous demandons de tout faire pour remettre la France d'aplomb. Ce que nous avons entendu était trop général, trop vague, du déjà entendu, déjà vu. Nous pourrions voter contre la volonté que vous affirmez...

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Pas moi !

M. Jean Arthuis.  - ... si l'on n'en était à un tel niveau de généralité. La loi de finances rectificative sera l'épreuve de vérité. Monsieur le Premier ministre, ayez de l'audace. La France ne peut pas se résigner à être l'homme malade de l'Europe. (Vifs applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre Laurent .  - Monsieur le Premier ministre, vous nous avez parlé de ce débat comme d'une heure de vérité. Il faut se méfier des demies vérités, dit le dicton. Peut-être avez-vous mis la main sur la mauvaise moitié... Non, les économies drastiques de 50 milliards ne sont pas un tremplin pour le redressement de la France. Elles sont un nouveau plan d'austérité, imposé comme partout en Europe, qui fera exploser la dette. Les peuples sont en colère, les économistes disent que ce n'est pas la bonne recette. Les socialistes européens n'en veulent pas. Ici, nous ne votons pas, mais, à la différence du parti socialiste, le Front de gauche ne fera pas le grand écart le 25 mai : un même rejet.

Comment investir pour financer la transition écologique et soutenir la demande quand on taille drastiquement dans la dépense publique et la protection sociale ? Comment comprendre le cadeau de 45 milliards aux entreprises sans contrepartie ? Vous ne pouvez pas plaider l'ignorance : les 250 milliards d'allégements de charges ont donné quel résultat ? Un chômage de masse. Vous persistez à maintenir le CICE qui profitera à Eiffage - pour 94 millions d'euros - ou à Carrefour - pour 125 millions d'euros. Qui en verra la couleur ? Les salariés ou les actionnaires ?

Faut-il se contenter d'évaluation a posteriori ? Le zéro charge sur le smic favorisera les bas salaires. Votre bilan est prévisible : en lieu et place du recul du chômage, nous verrons exploser la précarité, les travailleurs pauvres. Le vrai tabou, ce n'est pas le coût du travail que vous ne cessez d'appeler à baisser, mais le coût du capital.

Sur la dette, là encore, vous ne dites pas la vérité. Elle a certes explosé entre 2007 et 2012, passant de 65 à 90 % du PIB, mais ce n'est pas à cause de la dépense publique, c'est à cause de la crise.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bonne analyse.

M. Pierre Laurent.  - Qu'avez-vous fait contre la finance ? Vous bombez le torse et jouez les forts contre les faibles, sans vous attaquer aux puissants.

L'Élysée n'est pas un tribunal de commerce, il n'a pas à arbitrer entre Allemands et Américains sur Alstom, qui appartient à notre patrimoine national ; sa tâche, c'est de construire un grand pôle public de l'énergie et des transports.

Vous ne dites pas non plus la vérité sur le pouvoir d'achat : gel du point d'indice, petites retraites amputées à cause du report au 1er avril. Jamais vous n'entrez dans les détails : quels hôpitaux allez-vous sacrifier ? Quels médicaments dérembourser ? Combien de fonctionnaires en moins dans les collectivités territoriales ?

Les collectivités, vous les dépecez. Encore une fois, le syndrome de la demi-vérité. Vous me faites penser à Coluche qui disait : « On ne peut pas dire toute la vérité à la télévision, il y a trop de monde qui regarde ».

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Bonne référence !

M. Pierre Laurent.  - L'élection présidentielle n'est pas un blanc-seing, c'est un mandat, duquel on doit rendre compte. Vous n'avez pas réuni une majorité de gauche à l'Assemblée nationale, nous ne pouvons pas cautionner ce monarchisme présidentiel.

La droite applaudit en sourdine, l'extrême-droite cultive le désespoir. Pour notre part, nous ne pouvons pas accepter ce pacte de défaite. Nous ne baisserons pas la garde, nous disons notre désir de travailler avec tous ceux qui ont encore le coeur à gauche. Construisons l'alternative.

M. Alain Fouché.  - On l'attend depuis longtemps ! (M. Gérard Longuet renchérit)

M. Pierre Laurent.  - Vous avez renoncé à une vraie politique de gauche, monsieur le Premier ministre ; nous, nous ne baisserons pas les bras. Nous la reconstruirons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Michel Baylet .  - Ce n'est pas dramatiser ce débat que de dire que la France se trouve à un carrefour historique. Depuis 2012, de grandes réformes ont été lancées ; CICE, réforme des retraites et du marché du travail ; formation professionnelle. Elles doivent porter leurs fruits ; il faut en accélérer le rythme et en accroître l'ampleur.

Avec le pacte de responsabilité présenté le 14 janvier, le Gouvernement a posé un nouvel acte fondateur.

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Je vais adhérer aux radicaux. (Sourires)

M. Jean-Michel Baylet.  - La dette est passée de 64 % du PIB à plus de 90 % entre 2007 et 2012, sous l'autorité de ceux qui nous donnent maintenant des leçons. (Murmures à droite)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Eh oui !

M. Jean-Marc Pastor.  - Très bien !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Tout est de la faute de Sarkozy, n'est-ce pas ?

M. Jean-Michel Baylet.  - Si les radicaux ne sont pas des adeptes forcenés de l'orthodoxie budgétaire, il faut bien reconnaître que la dette rogne les marges de manoeuvre et freine l'action publique. La réduire n'est pas seulement une exigence européenne comme on prétend. Contrairement d'ailleurs à ce que l'on entend souvent, l'Europe a éteint l'incendie de la crise. Seule une Europe fédérale permettra aux vieilles, aux grandes nations européennes de retrouver toute leur place dans le concert mondial. Mais revenons au projet de programme de stabilité. Il préserve le modèle français, ce que ne faisaient pas d'autres, même si l'effort demandé est considérable.

Les radicaux, opposés à votre réforme territoriale mais nous en reparlerons, ...

M. Roger Karoutchi.  - Comme c'est bien dit...

M. Jean-Michel Baylet.  - ... sont heureux d'avoir été entendus sur les petites retraites, le maintien du plan pauvreté, la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires de catégorie C.

Nous avons accueilli avec bienveillance les mesures de réduction du coût du travail et de simplification de la fiscalité des entreprises. Elles appellent des contreparties sur l'emploi et l'investissement.

Enfin, le choc de simplification annoncé en mars 2013 prend forme, le conseil de simplification vient de donner ses premières orientations.

Loyaux, tout autant qu'attachés à leur indépendance, les radicaux vous redisent, monsieur le Premier ministre, qu'ils seront à vos côtés. (Applaudissements sur la plupart des bancs du RDSE et sur les bancs socialistes)

M. Jean-Vincent Placé .  - Le programme de stabilité porte bien son nom. Il est la traduction stricte du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance qui engage désormais la France. Je l'ai dit à plusieurs reprises à cette tribune, une autre voie était possible : la mutualisation des dettes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Négocier avec soi-même ?

M. Jean-Vincent Placé.  - M. Sarkozy lui-même évoquait une mutualisation, puisqu'il souhaitait intégrer la responsabilité sociale et environnementale au niveau européen.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous avez de bonnes sources.

M. Jean-Vincent Placé.  - Les écologistes ne peuvent se résoudre à cette austérité, à cette Europe qui privilégie la concurrence sur la solidarité. Le nivellement par le bas n'est pas un projet d'avenir, ni pour la France ni pour l'Europe. La politique de l'offre, pourvu qu'elle soit ciblée sur les activités non polluantes, économiserait des milliards et surtout donnerait à notre État sa capacité stratégique.

Un exemple vaut mieux que de longs discours. (On ironise à droite) On estime que les 30 milliards du pacte de responsabilité vont créer 500 000 emplois, soit 60 000 euros par emploi. Pourquoi ne pas avoir utilisé cet argent pour créer des emplois dans les filières d'avenir, les énergies renouvelables ? On aurait pu ainsi transformer les 10 000 emplois du Diesel, une énergie dangereuse et polluante du passé.

Voix à droite.  - La bonne recette !

M. Jean-Vincent Placé.  - Voilà quel aurait été le projet des écologistes. Cela nous aurait épargné la niche fiscale de 7 milliards par an et les 20 à 30 milliards de dépenses de santé liées aux méfaits du Diesel. (Brouhaha) Je sais, ici on préfère parler de grands et rutilants aéroports internationaux. Chers collègues, c'est pourtant une vision d'avenir qui nous manque.

Des économies ? Il n'y a pas de monopole de réduction du déficit. On peut en faire sur les génériques, en luttant contre la pollution de l'air, en mettant en place une politique proactive de prévention du diabète.

Le programme qui nous est proposé, vous l'aurez compris, ne suscite pas l'adhésion franche et massive des écologistes. Il ne suscite pas non plus notre hostilité. (M. Roger Karoutchi feint de le regretter)

Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes le volontarisme incarné, nous sommes prêts à vous suivre sur une voie qui ne soit pas celle du passé.

Un mot sur Alstom : il y a dix ans, la droite a injecté de grosses quantités d'argent public pour refuser la solution européenne avec Siemens. Comme si nous n'aurions pas dû vouloir l'Europe des transports !

Je conclurai avec un grand homme, non pas Georges Clemenceau mais Georges Danton disant à la tribune de la Convention, le 22 septembre 1792, que ce dont notre pays a besoin, c'est d'audace, toujours de l'audace, encore de l'audace ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Roger Karoutchi.  - Danton a été guillotiné.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Ce programme de stabilité est le flagrant aveu d'échec de vos deux premières années.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Le ton est donné !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous nous réjouissons de votre retour à la réalité économique après deux ans. Il nous faut pourtant tempérer notre enthousiasme : vous rattrapez à peine le matraquage fiscal auquel vous vous êtes livrés.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très juste !

M. Didier Guillaume.  - C'est déjà cela.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La loi de programmation 2012-2017 prévoyait 4,6 % de déficit en 2012 et 3 % en 2013. Le dérapage est catastrophique : l'engagement n°9 de 3 % est passé à 3,7 % dans le programme de stabilité, 4,1 % dans la loi de finances initiale et 4,3 % dans ce programme de stabilité.

Nous, nous avons tenu nos objectifs. (On s'esclaffe à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Et la dette ? Et les déficits ? Et le chômage ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'objectif de 3 % est repoussé à 2015, on parle déjà de renégociations... Un diplomate européen affirme dans Libération que toute tentative de discussion avec la Commission européenne se serait heurtée à un mur. Cela fait penser à 1983... Avec les socialistes, c'est toujours la même chose : pendant deux ans on applique le programme démagogique sur lequel on a été élu et, après deux ans, pschitt !...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ça, c'est Chirac.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Espérons que le parti socialiste fasse sa mue, comme tous les autres partis socialistes européens. On ne bâtit pas une politique en taxant plus les riches et en déclarant la guerre à la finance.

Prisonniers de vos premières décisions, de la suppression de notre TVA antidélocalisation, vous avez créé l'usine à gaz du CICE. Cela ne fonctionne pas, d'où les 10 milliards d'euros pour réduire le coût du travail. Autrement dit, vous rétablissez en 2015 et 2016 ce que nous proposions et que vous avez supprimé. Entre-temps, la France aura perdu trois ans...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Elle en a perdu dix sous votre règne !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comment sera financée la suppression de la C3S et la réduction de l'impôt sur les sociétés, si l'on veut tenir l'objectif de 3 % du déficit ? Selon Gilles Carrez, il faudra trouver entre 70 et 80 milliards d'euros, pas 50, pour financer toutes vos promesses, y compris celles que vous avez faites hier pour arracher un vote à votre majorité.

Vos prévisions sont déraisonnablement optimistes, le Haut Conseil des finances publiques l'a dit...

M. François Marc, rapporteur général.  - N'exagérons rien !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Faut-il que je cite ?

M. François Marc, rapporteur général.  - Réhabilitons l'optimisme !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Avec une croissance moindre, une pression fiscale inchangée sans parler d'une hausse des taux d'intérêt, il faudrait réduire les dépenses publiques de 85 milliards d'euros.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il ne fallait rien dépenser avant 2012 !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le gel du point d'indice ? C'était une mesure de 2012 dont Mme Lebranchu a d'ailleurs déclaré ne vouloir qu'à titre provisoire.

Plutôt que ce plan de colmatage, il faut supprimer les 35 heures, réformer la formation professionnelle, le mille-feuille. Oui aux grandes régions mais non à la suppression de nos départements.

M. Daniel Raoul.  - Et Copé ?

M. Jean-Marc Todeschini.  - Et Fillon ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Là encore, la France a pris du retard : nous avions créé le conseiller territorial, vous n'en avez pas voulu.

M. Pierre Charon.  - Bravo !

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous avons besoin de clarté. Vous gelez le point d'indice et, dans le même temps, vous créez 60 000 postes : où est la logique ?

En fait, le marché est...

M. Philippe Marini.  - ... votre meilleur ami !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Oui, le taux des OAT est inférieur à 2 %.

M. François Marc, rapporteur général.  - Réjouissez-vous !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Une remontée d'un point de taux d'intérêt coûterait 3 milliards la première année, 6 milliards l'année suivante. La France emprunte près de 200 milliards chaque année, juste derrière l'Italie, qui elle réduit son endettement.

Notre situation est critique. Nous sommes au bord du gouffre. Après la sanction des municipales, vous avez changé votre fusil d'épaule. Mais vos mesures ne sont prévues que pour plus tard.

Nous ne voterons pas ce texte. (Marques d'impatience à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est fini !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous regrettons, monsieur le président du Sénat, que vous ne nous ayez pas mieux défendus. C'est pourtant écrit à l'article 13 : le programme de stabilité est débattu par le Parlement. Cette inégalité de traitement est inacceptable. En 2013, et à nouveau cette année, un gouvernement de gauche nous refuse un vote.

M. Roger Karoutchi et M. Philippe Marini.  - Pourquoi ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Votre majorité est encore plus fragile au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, où vous avez perdu la majorité absolue. Nous aurions aimé un peu plus de courage. (Vifs applaudissements sur les bancs UMP)

M. Didier Guillaume .  - J'attends que la plupart des collègues de l'UMP aient fini de quitter l'hémicycle...

Monsieur le Premier ministre, je vous félicite d'être venu au Sénat (applaudissements sur les bancs socialistes), et d'avoir obtenu la majorité des votes à l'Assemblée nationale.

M. Alain Fouché.  - Cela a été dur !

M. Didier Guillaume.  - Oui, monsieur le Premier ministre, regardons la vérité en face. Notre endettement est devenu un problème politique majeur. Cette dette est devenue un fardeau. Est-ce l'héritage que nous voulons laisser à nos enfants ? Elle menace notre souveraineté. C'est de cela dont il s'agit ce soir. Nous devons permettre aux générations futures de pouvoir faire, le moment venu, leurs propres choix.

Oui, monsieur le Premier ministre, sans croissance, point de salut. Votre Gouvernement a pris une décision historique : le premier, il fait baisser la dette par la baisse des finances publiques. La droite et la gauche ont augmenté les impôts : ce n'est plus possible.

Depuis un an, le chômage des jeunes a baissé. Réjouissons-nous-en ! Je souhaite que M. Rebsamen, annonce, le moment venu, la baisse du chômage.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Nous le souhaitons aussi.

M. Didier Guillaume.  - Les Français sont capables d'entendre qu'il faut faire des efforts s'ils sont justes et si on leur tient un discours de vérité. Sinon, l'abstention gagnera ainsi que le vote extrême.

Les fonctionnaires de catégorie C, les travailleurs pauvres, le RSA, ce sont les départements qui paient, dites-vous, monsieur Arthuis, et alors ? Je préfère que les départements paient et aident nos concitoyens qui en ont le plus besoin.

Justice et vérité. Jean Jaurès (« Ah ! » à droite) disait : « le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ». La vérité, c'est que le pays était au bord de la faillite, comme l'a dit le précédent Premier ministre... (Murmures à droite)

Les postes supprimés, les services publics partis, cela aussi, c'est votre bilan, face à notre engagement républicain pour l'égalité des territoires.

On revient sur la clause de compétence générale mais pas comme vous ! Si c'est la clause exclusive, nous ferions fausse route. J'espère que sur la suppression des départements, le Sénat sera novateur.

M. Alain Fouché.  - Bravo ! Pour quoi faire ?

M. Didier Guillaume.  - Les régions ont la compétence économique, les intercommunalités aussi... Cela ne peut continuer.

M. Didier Guillaume.  - Les chefs d'entreprises doivent remplir cinq dossiers différents. Cela doit cesser.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Tu quoque mi fili !

M. Didier Guillaume.  - Le Sénat doit avancer. Il n'y a pas de place pour la surenchère. Mmes et MM. de l'UMP, pourquoi ne parlez-vous pas des 130 milliards d'euros que vous proposez ? Allez sur les marchés l'expliquer à nos concitoyens !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cela vous a réussi !

M. Didier Guillaume.  - Ce n'est pas de l'austérité que nous proposons, mais de la justice. Monsieur le Premier ministre, vous êtes le premier à ouvrir cette voie difficile. Le groupe socialiste vous soutient, pour l'avenir de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes et quelques bancs écologistes)

Mme Michèle André .  - Le programme de stabilité engage la souveraineté financière de la France, la crédibilité politique du Gouvernement et de la majorité présidentielle.

La dépense publique en France représente 57 % du PIB ? Ces pourcentages ne sont pas un problème en soi : ils sont le fruit d'arbitrage, successifs qui ont forgé le modèle français. Vu les mutations du modèle économique mondial, nous ne sommes pas dans une crise temporaire et notre pays est endetté au-delà du raisonnable. Il est vrai que nous devrons rembourser notre dette, qui découle de nombreuses années de fuite en avant. Les deux quinquennats précédents l'ont gonflée, et la crise n'explique pas tout. Il faut mentionner une politique délibérée d'allégements fiscaux au service exclusif des plus privilégiés.

Le programme de stabilité est un engagement vis-à-vis de la Commission européenne et de nos partenaires européens, mais surtout des Français.

Ne leur laissons pas croire que ce sera facile. La période est difficile, ils l'ont compris. Ils veulent que les efforts demandés soient justement répartis. Cinquante milliards d'économies, ce chiffre n'a pas été déterminé au doigt mouillé ; il correspond à des choix affirmés et assumés. Malgré le caractère composite du message des élections municipales,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ah !

Mme Michèle André.  - ... les Français demandent au Gouvernement d'abord de la clarté. Que l'on ne dise pas qu'il ne prend pas à bras-le-corps les indispensables réformes de structure.

Dès le printemps 2012, la gauche a commencé à réduire fortement les déficits. La France est passée d'un ajustement budgétaire par l'impôt à un ajustement par la dépense.

Le Gouvernement fait en sorte que les petites retraites, les salaires des fonctionnaires les plus modestes ne soient pas touchés.

Le solde structurel des comptes publics se rapprochera, dans le cadre du programme de stabilité, de l'équilibre en 2017. La dette pourra entamer sa décrue dès 2016. Austérité ? Rien n'est plus faux. Regardez autour de vous ce que sont les véritables politiques d'austérité.

La baisse des prélèvements devrait entraîner des effets favorables sur l'activité. Au total, avec le CICE, le coût du travail baissera de 5 % environ. Mais, ne nous y trompons pas,  les entreprises renoueront avec la compétitivité en contrôlant leurs coûts.

Le retour du déficit à 3 % sera une opération difficile, les socialistes souhaitent la réussite de ce quinquennat. Ils renouvellent leur confiance dans le Gouvernement pour redresser le pays et le rendre plus fort au sein de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Le Premier ministre a demandé au Parlement d'approuver un projet de réforme en deux volets. Le programme de stabilité procède du TSCG négocié en mars 2012 par M. Sarkozy. Le second découle des engagements par le président de la République le 14 janvier 2014, dit pacte de responsabilité. Une certaine confusion règne entre ces deux documents, alors que le Gouvernement n'a, me dit-on, engagé sa responsabilité que sur le premier. (M. Christian Eckert, secrétaire d'État, le conteste) C'est pourquoi les députés du MRC ont voté contre le programme de stabilité au nom de la souveraineté budgétaire de la France.

N'y voyez pas de la défiance envers le Gouvernement, à qui nous avons apporté notre confiance le 12 avril, mais une confiance les yeux ouverts.

Dans une République parlementaire digne de ce nom, nous devons exercer notre esprit critique avec vigilance, pourvu que ce soit avec le sens de la République.

La réussite du Gouvernement sera d'abord celle de la France Nous soutenons l'action du premier ministre, sous l'autorité du président de la République qui est élu pour cinq ans, nul ne devrait l'oublier.

Pas de relance sans choc de confiance. Quelles que soient les qualités personnelles du chef du Gouvernement, il y a des réalités objectives : la France doit résoudre un redoutable problème de compétitivité. M Lahoud, président de EADS a déclaré : « Le CICE représente un impact d'un centime d'euro pour nos entreprises. Dès que le dollar baisse d'un centime, cet avantage est gommé ».

L'euro est une variable d'ajustement dans la guerre des monnaies. La Chine et les États-Unis le poussent vers le haut, tel est leur intérêt. Le cours de l'euro est beaucoup trop élevé au regard des besoins de croissance de la France, mais n'empêche pas l'Allemagne, spécialisée dans l'industrie haut de gamme, de dégager un excédent commercial de 200 milliards.

Le premier ministre le dit : ce cours est trop élevé, il faudra mener une autre politique monétaire après l'élection du Parlement européen. L'objectif ne se limite pas à obtenir de M. Draghi et de Mme Merkel une politique de quantitative easing, comme l'on dit... Il faut revoir le fonctionnement de l'euro pour en faire une arme au service de l'Europe. L'ajustement monétaire est préférable aux politiques de dévaluation interne qui découlent du TSCG pour préserver la monnaie unique et qui ont nourri déflation, récession, chômage à une échelle inédite depuis les années 30.

Que la France ne brade pas les fleurons de son industrie ; Alstom : je ne peux pas ne pas prononcer ce nom. Osez la France ! Osez une majorité française au capital d'Alstom.

Voilà ce que nous demandons au Gouvernement et à son chef. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et plusieurs bancs de l'UMP)

M. Yves Daudigny .  - L'effort de rétablissement des comptes sociaux a porté ses premiers fruits. Le solde s'est amélioré de 800 millions d'euros par rapport à 2012. La remise en cause de plusieurs niches sociales a autorisé des recettes nouvelles.

Les dépenses sociales contribuent à la protection des plus faibles, base de notre pacte républicain. Pour autant, il n'y a pas de fatalité à une dérive qui risquerait de mettre en péril la solidarité elle-même, en sapant ses fondements.

Les cotisations sociales représentent plus de 40 % des prélèvements obligatoires. Elles pèsent sur les entreprises et les salariés. Le programme de stabilité prévoit un ralentissement résolu de l'évolution des dépenses. Mais les économies envisagées sont fonction des hypothèses de croissance économique, ne l'oublions pas.

La modernisation de la gestion de la sécurité sociale est un impératif. Des investissements devront être réalisés dans les systèmes informatiques. En matière de santé, nous pouvons dépenser mieux...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Oui.

M. Yves Daudigny.  - La progression de l'Ondam de 2 % sur la période est un objectif à tenir. L'assurance chômage et les régimes de retraite font bien partie du périmètre qui nous est présenté. Deux milliards d'euros sont attendus de la révision de la convention Unedic et 2 milliards d'euros des régimes complémentaires. La politique familiale sera mise à contribution à hauteur de 800 millions d'euros.

L'essentiel est préservé : les prestations destinées à garantir un revenu minimal. Le RSA augmentera dès le 1er septembre 2014. Pour les plus fragiles, la revalorisation est effective depuis le 1er avril. La revalorisation des retraites inférieures à 1 200 euros par mois interviendra comme prévu. La solidarité de la Nation continue à s'exprimer fortement pour réduire les inégalités.

La baisse des cotisations patronales se poursuit. Pour la première fois, elle porte aussi sur leur part salariale. Les salariés proches du smic retrouveront ainsi du pouvoir d'achat.

Le débat sur le financement de la branche famille - qui relève de plus en plus de l'impôt en raison de son caractère universel - devra être rapidement tranché.

Il est indispensable que la sécurité sociale bénéficie de ressources autonomes et pérennes. Notre loi de financement de la sécurité sociale est aussi un outil de pilotage pour le Parlement, qui donne ainsi ses orientations à notre politique de protection sociale. Nous avons tenu l'Ondam quand peu y croyaient...

Le programme de stabilité est un pari sur la confiance qui repose sur des hypothèses réalistes et des efforts partagés. Confiance des entreprises, de nos concitoyens, des parlementaires aussi. C'est un pari que je suis prêt à tenir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - Le Gouvernement s'est érodé.

M. Michel Berson.  - Le groupe UMP a disparu !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il est encore présent. Je résumerai donc mon propos...

Ce débat est paradoxal : macro-économique, abstrait, il porte sur une trajectoire qui fait appel aux notions de solde et d'efforts structurels, qu'il faudrait beaucoup de temps pour interpréter. Notre rapporteur général en a fort bien commenté le support - je veux parler de la mécanique, pas de ses commentaires politiques... (Sourires)

Ce débat serait déterminant s'il était conclu par un vote. Il n'y aurait point eu d'érosion du Gouvernement, car il y aurait eu une sanction. Mais le Gouvernement n'a pas voulu de vote au Sénat parce qu'il le savait défavorable, vu les précédents.

Mmes Michèle André et Christiane Demontès.  - Voire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Si le thermomètre n'affiche pas le chiffre voulu, mieux vaut le casser en somme. C'est un peu ce que vous faites à l'égard du Sénat.

En témoignent les nouvelles orientations pour les collectivités territoriales : on a passé un temps considérable ici à examiner les couples de conseillers généraux, les principes pour triturer nos départements pour créer un nouveau système de représentation. Tout cela pour supprimer les nouveaux conseils départementaux.

Aucun des engagements précédents sur les programmes de stabilité des finances publiques n'a été tenu. Ce soir nous est présentée la quatrième modification de la trajectoire financière du quinquennat.

M. Gérard Larcher.  - Eh oui !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Les concepts ont évolué. Nous étions habitués au déficit effectif. La méthodologie européenne privilégie des notions plus sophistiquées. On se réfère à l'objectif de moyen terme, la date à laquelle nous atteindrons le déficit structurel : 2017, nous dit-on. Au début du quinquennat, à cette date, devait être obtenu l'équilibre effectif...

Ces techniques ne sont pas communicables à l'opinion publique. Les salles se videraient comme s'est vidé cet hémicycle...

On nous laissait entendre pourtant qu'il y aurait rupture avec le dogme bruxellois. Le temps des rodomontades est passé, on est revenu à la réalité.

Cette situation pose des problèmes inévitables à la majorité. Les efforts demandés dans le programme dont nous débattons sont-ils plus ou moins rudes que ceux de la loi de finances 2014 ? Et pour qui ?

Sur l'objectif de déficit, peu de différence.

Quant à l'ajustement structurel pour 2015-2017, il devrait être porté intégralement par des économies en dépenses. Le programme national de réformes n'affirme rien de plus. C'est du copié-collé. Il semble qu'il ne s'est rien passé d'un gouvernement à l'autre.

Comment procèdera-t-on à la montée en puissance de la fiscalité écologique pour financer le CICE ? Mais M. Placé n'est plus là... Il y va de 4 milliards !Ce qui a changé entre septembre et aujourd'hui, c'est l'annonce de 25 milliards d'euros de baisse de prélèvements obligatoires supplémentaires dont 20 milliards en faveur des entreprises, nous dit-on. Paradoxe ! On alourdit, puis on allège. D'où, pour compenser, normalement, plus d'efforts de réductions de dépenses. Il faudra attendre les documents budgétaires pour savoir comment se déclineront les économies et l'inflexion de trajectoire.

Que n'a-t-on dit de la dureté des objectifs de M. Sarkozy ! On est ici au-delà.

Deux sujets sensibles pour 2014, sur lesquels nous reviendrons dans le collectif budgétaire. C'est la seule bonne nouvelle, monsieur le secrétaire d'État : nous aurons un collectif budgétaire, que nous demandions en vain l'an dernier, en raison du dérapage des dépenses. Il faudra nous dire où seront réalisés les 4 milliards d'économies supplémentaires et comment sera compensée en dépenses la suspension-annulation de la taxe poids lourds, un problème que connaît bien notre rapporteur.

M. François Marc, rapporteur général.  - Beau sujet.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Que d'incohérences, que de temps perdu, quelle accélération du calendrier !

Il y a un an et demi, on nous expliquait qu'il fallait procéder à un ajustement par une augmentation des recettes, en raison de l'impact récessif de la réduction des dépenses et aujourd'hui on nous dit le contraire. On trouvera toujours un économiste pour défendre l'une et l'autre thèse, mais nous sommes perplexes.

On nous disait que la RGPP engagée par le président Sarkozy était arbitraire, sans concertation, elle était accablée de tous les défauts du monde. Il semble que l'on veuille la recréer à peu près, avec la MAP, laquelle n'a toutefois rien produit de notable jusqu'à présent en termes de réduction de la dépense.

En définitive, on retiendra, avec les journalistes - mais peut-être cette opération de communication se retournera-t-elle contre ses initiateurs - que le Gouvernement fait semblant de se rallier à certaines recettes recommandées par la droite ou par le centre , dont le passage d'un impôt de production à un impôt de consommation - tardivement....

M. Jean Arthuis.  - De façon très insuffisante.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La mise en oeuvre de ces orientations n'est pas possible avec une majorité qui ne s'y ralliera pas : voyez les abstentions à l'Assemblée nationale, le refus d'un vote au Sénat... Gardez-moi à gauche, gardez-moi à droite, mais le chemin se rétrécit ! (Marques d'impatience sur les bancs socialistes)

Je conclus. Réservons nos énergies pour le collectif budgétaire. Si nous avions eu à voter...

Mme Michèle André.  - Nous n'avons pas à le faire.

M. Didier Guillaume.  - Vous n'auriez pas hésité ! (Sourires)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bien entendu : contre. (Applaudissements à droite)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Je remercie tous les orateurs, qu'ils aient ou pas exprimé leur soutien. Les économies ne seraient pas réelles parce que calculées sur la base de la baisse tendancielle des dépenses. Cela a toujours été le cas ! Toutes les comparaisons budgétaires d'une année sur l'autre tiennent compte de ces évolutions.

Économies trop massives pour les uns, trop faibles pour les autres ?

Le président Marini a fait la démonstration que les efforts demandés sont finalement la poursuite des efforts engagés par le passé. C'est comme dans un régime : les premiers kilos sont les plus faciles à perdre. C'est la suite qui est difficile...

On demande 11 milliards d'économies aux collectivités territoriales les trois prochaines années, elles ont augmenté leurs dépenses de 12 milliards ces trois dernières années. En langage bruxellois, on appelle cela la norme « zéro volume ».

Des réformes structurelles ? Je peux vous en citer qui le sont tout en étant récurrentes : la réforme de l'État, la stratégie nationale de santé.

Peu de gens ont lu nos documents. Que ceux qui proposent 130 milliards d'économies documentent de même leurs propositions.

Nous en sommes au début du travail, nous en viendrons bientôt aux sous-jacents, comme on dit à Bruxelles. L'essentiel, M. Chevènement l'a bien dit, c'est la confiance. Tout le monde est d'accord, il fallait une nouvelle trajectoire des finances publiques. Je vous invite à la bâtir avec nous !

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 30 avril 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit cinquante.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 30 avril 2014

Séance publique

De 14 heures 30 à 18 heures 30

Présidence : M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard - M. François Fortassin

1. Suite de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (n° 355, 2011-2012)

Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 122, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 123, 2013-2014)

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à permettre le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade (n° 301, 2011-2012)

Rapport de Mme Catherine Deroche, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 456, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 457, 2013-2014)