Taxe communale sur la consommation finale d'électricité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte répare ce que nous considérons comme une erreur. Vous n'étiez pas encore membre du Gouvernement, monsieur le ministre... Lors de la discussion de la loi de finances rectificative de décembre 2013, nous avons eu la surprise de découvrir, comme cela avait été le cas en 2012 sur la péréquation, des modifications très substantielles introduites in extremis à l'Assemblée nationale. Sorties au dernier moment du chapeau du Gouvernement, elles pénalisent fortement les communes. Or, je le dis avec force, la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) n'est pas et n'a jamais été une taxe affectée, elle n'est pas liée à l'exercice d'une compétence. Aujourd'hui, le produit de la taxe est perçu systématiquement par les syndicats ou EPCI pour les communes de moins de 2 000 habitants ; directement par les communes de plus de 2 000 habitants, sauf délibérations concordantes contraires. Notre texte vise à maintenir ces dispositions : nous ne voulons pas de transfert automatique de cette taxe aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE), quelle que soit la taille des communes. Et ce, pour une raison simple : protéger les ressources des communes.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Que ce soit clair : ce texte ne vise pas à trouver une solution au financement de la transition écologique. En attendant le grand projet de loi annoncé, n'érodons pas plus les finances des communes dont on connaît déjà les difficultés. Elles ont besoin d'être rassurées. L'article 45 de la loi de finances rectificative aura un coût significatif - 645 000 euros pour la commune dont je suis simple conseiller municipal car je ne suis pas un adepte du cumul horizontal, mais du cumul vertical. C'est inacceptable ! D'autant que la concertation n'a pas eu lieu. L'estimation des masses globales en cause varie de 350 à 700 millions d'euros... Il ne s'agit pas de financer la transition énergétique. Tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Ni du transfert de la TCCFE. (Approbation sur les bancs du RDSE)

Le Gouvernement repoussera ce texte à un futur collectif, je m'y attends, je le suppute ; il aura alors le loisir de dire qu'il a lui-même réparé sa faute... Mais nous n'avons aucun intérêt à tergiverser. Avec ce texte, nous jouons notre rôle de parlementaire en contrôlant l'action du Gouvernement, en disant les choses et en réparant une erreur. Alors n'attendons pas ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre, à droite, sur les bancs du groupe CRC et quelques bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur de la commission des finances .  - Ce texte, pour l'essentiel, vise à défaire le transfert automatique de la TCCFE aux AODE prévu par l'article 45 de la loi de finances rectificative de 2013. J'avais alors proposé un amendement...

M. Ladislas Poniatowski.  - Excellent amendement !

M. François Marc, rapporteur.  - ... pour supprimer ce dispositif. L'Assemblé nationale ne nous a pas suivis. Les maires ont donné de la voix et dit leur inquiétude, le groupe socialiste a déposé il y a quelques jours une proposition de loi semblable ; ces quelques rappels pour lever le suspense : j'inviterai à voter pour.

La TCCFE a représenté 1,4 milliard en 2013, c'est une recette importante pour les communes. La perception par l'EPCI, le syndicat ou le département est de droit pour les communes de moins de 2 000 habitants ; pour les autres, une délibération concordante des instances concernées est nécessaire. L'article 45 du collectif de décembre 2013 a prévu le transfert automatique de la perception de la taxe à l'EPCI ou au syndicat dès le 1er janvier 2015, quelle que soit la population de la commune ; l'AODE pourra reverser aux communes jusqu'à 50 % du produit après délibérations concordantes.

Le transfert automatique entraînerait une perte significative, c'est avéré. Le Gouvernement avance le chiffre de 750 millions, 300 à 350 millions d'après mes calculs, à quoi il faut ajouter la perte due au plafonnement du reversement... Cela n'enlève rien au fait que les sommes sont considérables.

Notre position n'a pas changé : aucune perte de recettes n'est souhaitable pour les communes vu la situation budgétaire contrainte ; la concertation n'a pas eu lieu ; le transfert automatique n'est pas justifié, la TCCFE n'étant pas une taxe affectée ; enfin, il est prématuré d'attribuer la taxe aux syndicats tant que la répartition des compétences dans le cadre de la transition énergétique n'est pas déterminée. L'article 45 entendait aussi harmoniser les coefficients multiplicateurs ; il pourrait en résulter une hausse de la pression fiscale dans les villes de plus de 2 000 habitants.

Certains voudraient aller plus loin dans la concentration de la ressource aux mains des AODE ; d'autres donner plus de marges de manoeuvre aux communes, y compris celles de moins de 2 000 habitants. Ni l'une ni l'autre de ces positions n'est souhaitable ; j'ai dit pourquoi dans le premier cas ; dans le second, on déstabiliserait les AODE qui ont lancé des programmes d'investissement. Maintenons les dispositions actuelles, sachant que la commission des finances a réintroduit le mécanisme de cristallisation à la date du 31 décembre 2010 pour plus de souplesse.

Je conçois, monsieur le ministre, qu'il faudra faire des choix pour financer la transition écologique mais faisons-le dans un cadre global ! (Applaudissements sur quelques bancs socialistes, CRC, du RDSE, au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Bravo !

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - La réforme introduite dans la loi de finances rectificative de 2013 visait à lier la perception de TCCFE au sein du bloc communal à l'exercice de la compétence d'AODE ; et à harmoniser les modalités de perception entre les intercommunalités.

Le Gouvernement reconnaît volontiers, monsieur Mézard, que ses effets ont été sous-estimés. Quand les ressources des collectivités sont de plus en plus contraintes, quand s'annonce la transition énergétique, le Gouvernement a entendu les inquiétudes des élus.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - C'est ce qu'en février dernier Mme Escoffier a répondu à une question d'actualité de Mme Gourault. Elle a engagé la concertation. Le Gouvernement prendra les dispositions nécessaires dans la loi de finances rectificative qui sera soumise au Parlement à l'été. Le véhicule choisi, une loi ordinaire, ne convient pas.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Seul le résultat compte !

M. Alain Richard.  - Et la Constitution ne l'impose pas !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - C'est juste. Pour autant, cela paraît plus logique en cette matière financière. Pour des questions d'efficacité, il faut modifier la loi avant le 1er octobre prochain...

M. Ladislas Poniatowski.  - Justement !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - D'ici là, il y a l'été...

M. François Patriat.  - Les sénatoriales !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Et le collectif, qui répondra à vos attentes car nous convergeons largement sur le diagnostic et les moyens à mettre en oeuvre pour remédier à la situation.

Dans l'attente de ce collectif, j'invite le Sénat à rejeter ce texte. (MM. François Marc, rapporteur, et François Patriat applaudissent)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Maigres applaudissements !

M. Jean-Vincent Placé .  - Je me réjouis de ce nouveau débat sur la TCCFE. Lors de l'examen de la loi de finances rectificative de décembre 2013, nous avançions des arguments qui demeurent pertinents. Je salue l'initiative du président Mézard.

M. Philippe Bas.  - Très bien !

M. Jean-Vincent Placé.  - La réforme a été effectuée sans aucune concertation. Et elle est prématurée quand le projet de loi sur la transition écologique sera prochainement discuté. Une perte de quelque 400 millions d'euros, qui s'additionne à la baisse des dotations des collectivités territoriales, n'est pas franchement bienvenue.

La TCCFE n'est pas liée à la compétence d'AODE. Laissons aux communes, élues démocratiquement, le soin de décider. Pour l'instant - car nous en reparlerons lors du débat sur la transition écologique - soyons pragmatiques, ne bouleversons pas les finances communales.

Le président de la République a la volonté de faire baisser de moitié la consommation d'électricité du pays d'ici 20150 ; les collectivités territoriales auront un rôle important à jouer. La transition écologique est un enjeu de taille ; pour les écologistes, les intercommunalités sont l'échelon pertinent pour la rénovation thermique. Il serait pertinent que la TCCFE soit progressivement réaffectée vers des actions de maîtrise de la demande d'énergie ; ainsi l'énergie financerait-elle l'énergie.

Le groupe écologiste du Sénat votera ce texte sérieux, qui répond à un vrai problème - en espérant être associé réellement au débat à venir. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski .  - Nous soutiendrons sans réserve ce texte du président Mézard ainsi que l'amendement consensuel de M. Marc.

M. Jean Besson.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski.  - Revenons sur cette réforme ubuesque, à l'origine bizarre... Au départ, certaines communautés urbaines du Nord de la France...

M. Francis Delattre.  - Tiens donc !

M. Michel Delebarre.  - Je ne suis plus concerné...

M. Ladislas Poniatowski.  - ... espéraient faire main basse sur une partie des recettes de la TCCFE. À l'arrivée, 350 millions de plus pour les syndicats d'électricité - qui n'en veulent pas, je peux vous le dire...

M. Jean Besson.  - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski.  - ... parce qu'ils ne veulent pas de conflit avec les communes. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE)

Notre réseau d'électricité est en mauvais état ; c'est pourtant un enjeu du débat sur la transition écologique car il faudra le renforcer pour raccorder éoliennes et panneaux photovoltaïques. Autre débat, la remise à plat de la TCCFE ne pourra se faire sans traiter en même temps la CSPE, qui devient un instrument explosif. Le collectif budgétaire n'y suffira pas...

Votons ce texte même si le Gouvernement le bloquera. Ce sera un geste fort ! (Applaudissements à droite, sur les bancs du RDSE et au centre)

Mme Jacqueline Gourault .  - Merci d'avoir rappelé que le 20 février dernier, je posais une question au Gouvernement sur ce fameux article 45 de la loi de finances rectificative de décembre 2013.

Le plafonnement du reversement aux communes à 50 % aurait d'autant plus d'effet que les taux appliqués pas les communes et les syndicats d'électricité sont parfois très différents. Les 50 % reversés ne correspondront pas toujours aux 50 % que les communes percevaient. Dans mon département, j'ai fait le calcul : une perte de plus d'un million sur trois millions d'euros de recettes.

M. Daniel Raoul.  - Exact.

Mme Jacqueline Gourault.  - Oui, la situation des syndicats d'électricité est très hétérogène selon les départements. Je concède que cela vous donne des arguments, monsieur le ministre : une concertation serait sans doute bienvenue d'ici le collectif...

Le groupe UDI-UC, dans sa grande majorité, soutiendra la proposition de loi de M. Mézard améliorée par le travail de M. Marc. Le Gouvernement préfère le véhicule d'une loi de finances, pourquoi pas ? Mais nous serons vigilants.

En tout état de cause, les élus veulent revenir à la situation antérieure ; et le débat ne peut se poursuivre sans discussion avec les communes et les intercommunalités. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre, à droite, sur les bancs CRC et quelques bancs socialistes)

M. Thierry Foucaud .  - Inutile de faire des redites. Nous ne serons sans doute pas aussi unanimes ce soir sur le programme de stabilité...

Permettez-moi toutefois de dire que je partage les propos de M. Mézard sur cette réforme inacceptable de la TCCFE dans la loi de finances rectificative de 2013 ; menée sans aucune concertation, elle aboutit à une perte de 350 millions d'euros et à une harmonisation par le haut du niveau de taxation des usagers - l'État y gagnerait quelques recettes de poche.

Nouvelle illustration, on y reviendra sur le programme de stabilité, de l'état des relations qu'entretient l'État avec les collectivités territoriales. Toujours plus d'efforts pour elles quand il leur revient de s'assurer que les chômeurs, par exemple, qui ne peuvent pas toujours payer leurs factures, puissent aussi avoir accès à l'énergie.

Monsieur le ministre, les lois de décentralisation ont fait accéder les collectivités à l'âge adulte. On ne peut pas y revenir.

Pour faire bref, le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Requier .  - Pour gagner du temps et que la proposition de loi soit votée, je renonce à mon temps de parole. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. Maurice Vincent .  - Je m'exprime également au nom de Mme Bataille. (On s'en félicite sur les bancs du RDSE) Vu les enjeux et en renvoyant les questions de fond à plus tard, répartition des compétences et transition énergétique, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements)

M. Francis Delattre .  - Je renonce à mon temps de parole dans le même souci. (Vifs applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Moi de même. (Même mouvement)

Mme Caroline Cayeux .  - Compte tenu de cette belle unanimité, je me contenterai de dire que je voterai ce texte comme M. Gournac, qui est président d'un syndicat d'électricité.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les amendements nos4 ter et 5 ter sont retirés.

ARTICLE PREMIER

M. Xavier Pintat .  - Je renonce à mon intervention sur l'article.

M. André Reichardt .  - Moi de même, je souhaite que cette proposition de loi soit rapidement votée.

M. Alain Richard .  - Je veux le dire amicalement au Gouvernement, il n'y a aucune raison de refuser le véhicule de la loi ordinaire. Si on approfondit la question, on s'apercevra en outre que le dispositif antérieur n'était ni équilibré, ni stable. Si les syndicats ont la confiance des communes, et c'est le cas, ils n'auront aucun mal à les convaincre d'un partage des recettes. Mais le principe est que ce sont les communes qui décident, à la majorité qualifiée, pas un vote du Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - J'ai moi-même dit, en discussion générale, que l'argument sur le véhicule financier était fragile. Je vous épargne mes réponses pour que vous puissiez adopter la proposition de loi.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Oui.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Beaucoup de maires seront heureux !

La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 30.