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Table des matières



Organisme extraparlementaire (Candidature)

Avis sur une nomination

Stationnement des personnes handicapées

Discussion générale

M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de loi

M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

M. Jean Desessard

Mme Catherine Deroche

Mme Muguette Dini

Mme Isabelle Pasquet

M. Jean-Claude Requier

Mme Jacqueline Alquier

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 2

ARTICLE ADDITIONNEL

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Deroche

Mme Jacqueline Alquier

M. Jean Desessard

Mme Muguette Dini

M. Yvon Collin

M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de loi

M. Ronan Kerdraon, rapporteur

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Constitution d'une commission spéciale

Fin d'une mission temporaire

Questions d'actualité

Palestine

Mme Cécile Cukierman

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Avenir des institutions

M. Jacques Mézard

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Ukraine

M. Gérard Longuet

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Jour de carence des fonctionnaires

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Travailleurs détachés

M. Claude Jeannerot

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Pêche en eaux profondes

Mme Hélène Lipietz

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Situation économique et fiscale

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Ouverture de collèges en Seine-Saint-Denis

M. Gilbert Roger

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Autonomie

M. Claude Domeizel

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Rythmes scolaires

M. Joël Billard

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Accueil et habitat des gens du voyage

Discussion générale

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Mme Esther Benbassa

M. Jean-Claude Carle

M. Vincent Delahaye

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Pierre Michel

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER (Supprimé)

Dépôt d'un rapport

Loi de finances rectificative pour 2013

Discussion générale

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances

M. Philippe Marini, président de la commission des finances

M. Aymeri de Montesquiou

M. Thierry Foucaud

M. Yvon Collin

M. Jean-Vincent Placé

Mme Michèle André

M. Philippe Dallier

M. Vincent Delahaye

M. Richard Yung

Ordre du jour du vendredi 13 décembre 2013

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 12 décembre 2013

45e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : M. Jacques Gillot, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 9h 20.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Organisme extraparlementaire (Candidature)

M. le président.  - Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie. La commission de la culture propose la candidature de M. Jean-Pierre Plancade pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Avis sur une nomination

M. le président.  - Conformément à la loi organique et à la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, la commission des lois a émis, à la majorité des votants, un vote favorable (dix-sept voix pour, douze voix contre, un bulletin blanc) sur le projet de nomination de M. Jean-Louis Nadal aux fonctions de président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Stationnement des personnes handicapées

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement prévue à l'article L.241-3-2 du code de l'action sociale et des familles sur les places de stationnement adaptées lorsque l'accès est limité dans le temps, présentée par M. Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Discussion générale

M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte facilitera le stationnement des personnes handicapées. Il y a quelques jours, il aurait trouvé sa place dans le cadre de la journée internationale du handicap, qui a eu lieu le 3 décembre ; cela aurait été un joli clin d'oeil. Un grand merci à Claire-Lise Campion, qui a éveillé nos consciences par ses travaux approfondis sur le handicap. Le bilan qu'elle a dressé de l'application de la loi de 2005 montre que nous avons encore du chemin à parcourir...

Cette proposition de loi sur le stationnement, si elle est modeste, constituera un pas en avant vers la société inclusive, un bel objectif qui doit nous être commun. Je connais bien le problème du handicap pour en avoir été en charge au sein du conseil général de la Drôme, que je préside, mais aussi pour avoir accompagné mon père qui s'est déplacé en fauteuil durant les 25 dernières années de sa vie. Une place de stationnement manquante, et c'est toute la chaîne de déplacement qui est brisée.

Non, je ne veux ni passe-droit ni charité ; je veux que chaque citoyen puisse s'épanouir, participer à des activités professionnelles, sociales, sportives ou culturelles. Pas de discrimination donc, mais des mesures pour que chacun prenne sa juste part à notre société en toute autonomie.

Le concept d'accessibilité date de la loi fondatrice du 30 juin 1975, auquel le rapport Bloch-Lainé de 1967 avait ouvert la voie. Un peu moins de 40 ans nous séparent de ce texte qui a créé la Commission départementale de l'éducation spéciale (CDES) pour les enfants, la Cotorep pour les adultes, l'obligation éducative pour les enfants et adolescents en situation de handicap, l'accès des institutions à tous et le maintien, chaque fois que possible, dans un cadre de vie et de travail ordinaire. Surtout, le législateur imposait aux collectivités une mise en accessibilité de la ville et de ses équipements à tous. - c'est l'article 49 de la loi.

Celle de 2005 a profondément rénové notre politique du handicap - après les efforts coordonnés des associations, dont l'Association des paralysés de France (APF), créée en 1933, qui manifestait dès 1982 pour l'accessibilité.

Souvenons-nous que nous devons aux associations de malvoyants les annonces sonores dans les bus. Ayons aussi en mémoire les conversations de ceux qui s'étonnent encore de voir des places réservées vides dans les parkings bondés des supermarchés... Rendons grâce aux politiques, trop souvent décriés ces temps-ci, qui ont fait progresser notre politique du handicap : M. Delebarre, quand il était ministre de l'équipement, mais aussi M. Lang, M. Raffarin qui lança un plan de 9 milliards sur quatre ans, Mme Montchamp et, bien sûr, le président Chirac à qui nous devons la loi ambitieuse du 11 février 2005. Sur ces sujets, nous savons transcender les clivages partisans pour améliorer le quotidien de nos concitoyens. Mmes Campion et Debré ont rendu un rapport approfondi sur l'application de cette loi, dans lequel elles déplorent le retard pris par l'accessibilité.

Ma proposition de loi est une modeste contribution à ce travail ; elle contribuera à l'accessibilité de la voirie. Je veux saluer l'action du président Hollande qui, comme ses prédécesseurs, a fait du handicap un volet à part entière de toutes nos politiques. Mon texte s'inspire de mon expérience : je vois les difficultés des personnes handicapées à stationner près des lieux publics, comme le conseil général, et des lieux privés. Ils se sentiront un peu moins différents en allant, comme les autres, dans telle ou telle association, dans tel ou tel commerce. La commission des affaires sociales a amendé le texte dans un sens positif, je m'en réjouis.

J'ai conscience que ce texte bouleverse l'ordonnancement de nos travaux ; un grand débat sur le handicap viendra. Cependant, il ne s'agit pas seulement de gratuité du stationnement, mais d'aller vers une société plus inclusive.

Merci à M. Kerdraon, notre rapporteur, de son travail. (Applaudissements)

M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - L'application de la loi du 11 février 2005 a fait l'objet d'un excellent rapport de Mme Campion. Le problème du stationnement des personnes en situation de handicap est réel : se rendre à l'horodateur pour payer une place est bien plus contraignant pour elles que pour les personnes valides. C'est ce constat qui a poussé M. Guillaume et les membres du groupe socialiste à déposer ce texte qui instaure la gratuité du stationnement sans limitation de durée sur les places réservées.

Celle-ci s'applique déjà dans une centaine de villes, dont Saint-Brieuc, qui a été pionnière, Lille, Paris, Toulouse ou Bordeaux. Il importe de la généraliser à l'heure où la politique d'accessibilité universelle connaît un second souffle grâce au volontarisme de Mme la ministre ; le comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier l'a démontré.

Faut-il s'arrêter en si bon chemin ? Je propose d'étendre ce droit au stationnement gratuit à toutes les places. Un délai de deux mois sera prévu pour laisser aux communes le temps de s'adapter. Afin d'empêcher les abus des « voitures ventouses », une limitation de durée pourra être fixée par les autorités compétentes, qui ne saurait être inférieure à douze heures. Enfin, nous avons prévu un aménagement pour les parkings gérés en délégation de service public : la nouvelle règle ne s'appliquera qu'à partir du renouvellement des contrats.

Comme toujours, quand nous débattons du handicap, les discussions en commission ont été nourries et constructives. Certains se sont émus de ce que la proposition de loi crée une discrimination. C'est toute la difficulté de la politique du handicap, trouver le juste équilibre entre la volonté d'établir une égalité de traitement et la nécessité de droits spécifiques. Le but n'est pas d'ériger la gratuité en principe, mais de résoudre un problème pratique : celui du stationnement pour plus d'inclusion, conformément à l'esprit de la loi de 2005.

Pour finir, ce texte ne prétend pas résoudre tous les problèmes de la carte de stationnement délivrée aux personnes handicapées. On note une augmentation des titulaires avec le vieillissement de la population, mais aussi des pratiques abusives ou frauduleuses - falsification, photocopies. Une réflexion est menée dans le cadre de la modernisation de l'action publique.

Je suis certain que ce texte, qui facilitera la vie quotidienne de nos concitoyens, saura remporter votre adhésion au-delà des clivages partisans. (Applaudissements)

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je partage les valeurs qui sous-tendent ce texte : celles de la société inclusive. La grande loi de la République qu'a été celle de 2005 a été insuffisamment portée : les derniers décrets datent de 2009. Après le rapport de Mme Campion, plusieurs chantiers complexes s'ouvrent devant nous. Celui des Agendas d'accessibilité programmée (Adap) d'abord, à définir avec les gestionnaires de transports et d'établissements recevant du public qui ne seront pas au rendez-vous du 1er janvier 2015 ; la dynamique ne doit pas fléchir après cette date. Les travaux de Mmes Campion et Debré ont déjà permis d'avancer sur les Auxiliaires de vie scolaire (AVS). Le Sénat, par ses travaux de qualité, apporte toujours beaucoup au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des commissions)

M. Jean Desessard.  - Encore !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Autre chantier sur lequel je veux avancer, les normes d'accessibilité ; là encore, les travaux de Mme Campion m'aideront. Il s'agit de les simplifier, non de revenir en arrière.

La mobilité est centrale dans la participation des personnes handicapées à la vie de la cité. Malheureusement, l'article R.417-11 du code de la route est trop souvent ignoré par les automobilistes. Le slogan « Tu veux ma place, prends mon handicap ! », défendu par les associations, prend là tout son sens. Quelque 44 % des demandeurs de carte de stationnement sont des personnes âgées. Manière de dire que ce texte n'institue en rien une discrimination positive. L'accessibilité universelle peut concerner chacun d'entre nous à un moment de notre vie. Penser autrement, catégoriser, serait méconnaître l'esprit de la loi de 2005.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Le texte de la commission est plus large que la version initiale : la gratuité sur toutes les places - avec néanmoins une limitation de durée de douze heures pour éviter le stationnement ventouse - et des aménagements pour les délégataires de service public. Cela me semble raisonnable. Les communes resteront maîtresses de leurs règles ; j'y insiste car il ne faut pas voir dans ce texte une recentralisation.

M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de loi.  - Bien sûr !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Le coût de la mesure est estimé entre 16 et 21 millions. Autrement dit, il sera marginal au regard du budget total des communes, d'autant plus pour les communes qui ont déjà adopté la gratuité pour le stationnement des personnes en situation de handicap.

Sur ce texte qui apporte une avancée, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat. Oui, monsieur Guillaume, ce texte bouscule notre agenda mais c'est en bousculant qu'on avance ! (Applaudissements)

M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de loi.  - Exactement !

M. Jean Desessard .  - Tout a été dit ou presque... Le législateur a pris ses responsabilités ces dernières années, depuis la loi de 1975 qui instaure l'accessibilité universelle, en passant par la loi du 13 juillet 1991 qui l'applique à la voirie et le décret du 21 décembre 2006 issu de la loi de 2005 qui réserve 2 % des places aux personnes handicapées.

L'arsenal législatif est considérable, reste du chemin à parcourir pour l'appliquer. En juillet 2012, seulement 13 % des plans de mise en accessibilité de la voirie avaient été adoptés, couvrant 30 % de la population. Une étude de juin 2013 montrait que plus des trois quarts des Français estiment indispensable d'améliorer l'accès aux établissements publics, aux commerces et aux transports.

Nous, écologistes, défendons le concept de « ville lente ». Je m'éloigne un peu du sujet pour évoquer mes combats militants de 1989 pour le tramway ; certains préféraient les autobus, dont le trajet pouvait être adapté ; je plaidais pour le tramway qui, lui, structure et restructure la ville autour de l'autonomie. La personne responsable de la commission « handicap » de mon parti met d'ailleurs un point d'honneur à ne pas céder à la facilité, c'est-à-dire à prendre le taxi, pour se rendre à Paris ; elle prend les transports en commun afin de vérifier que les jeunes femmes avec poussette, les personnes âgées peuvent s'y déplacer.

Pour conclure, oui à la ville lente, à la ville accessible ; non à la catégorisation. À nous de l'aménager pour que tous puissent en profiter pleinement ! (Applaudissements)

Mme Catherine Deroche .  - L'accès des personnes handicapées à la vie sociale dépend pour beaucoup de la possibilité de se déplacer. La loi du 11 février 2005 fut une grande avancée ; cinq ans après fut créé l'Observatoire interministériel sur l'accessibilité qui, dans un rapport du 2 octobre 2012, pointait les difficultés de stationnement des personnes handicapées en ville. La réglementation actuelle laisse aux communes le soin de fixer et de moduler la redevance due pour stationnement sur la voirie ; de nombreuses communes ont déjà adopté la gratuité pour les personnes en situation de handicap, sur les places réservées ou au-delà.

La gratuité n'est pas une idée nouvelle, je tiens à le souligner. M. Bas, qui préside l'Observatoire, l'a défendue par amendement lors de l'examen de la loi d'affirmation des métropoles. Mme Lebranchu lui a demandé de retirer son amendement en déclarant : « Je trouve que vous faites preuve d'une défiance totale envers les élus ». Mme Carlotti fait preuve de plus de mesure en donnant un avis de sagesse...

Ce texte, issu de la commission, souffre de quelques faiblesses. D'un point de vue pratique, pourquoi imposer la gratuité dans des parkings urbains comme ceux de Vinci, dont les aménagements sont adaptés aux personnes handicapées ? Le coût serait inévitablement répercuté sur les autres usagers. Je proposerai un amendement, du sort duquel dépendra notre vote. Les associations de personnes handicapées, au reste, demandent à trouver une place dans ces parkings, non la gratuité.

En outre, ce texte vient alors que doit s'ouvrir un grand débat sur la politique du handicap ; il est regrettable qu'on n'ait pas attendu les résultats de la concertation en cours. Les associations souhaitent plus de places réservées et proposent de relever leur seuil de 2 à 4 % et une mise en cohérence des codes de la voirie et de l'action sociale. D'après l'APF, une carte de stationnement sur trois serait fausse ou ferait l'objet d'une utilisation frauduleuse. Quels engagements pouvez-vous prendre, madame la ministre ?

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons évidemment pas voter contre ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Muguette Dini .  - Une société durable et moderne implique, chacun en est désormais persuadé, une autonomie de déplacement et, pour les personnes handicapées qui en ont la capacité, la possibilité de conduire leur propre véhicule.

Ce texte cherche à limiter au niveau du stationnement les distances à parcourir par les personnes handicapées. L'objectif est louable, nous le soutenons évidemment.

Quelques réserves néanmoins. Faut-il étendre la gratuité aux places non réservées ? Celles-ci sont moins larges, si bien que les personnes handicapées doivent attendre le retour du conducteur voisin pour manoeuvrer leur fauteuil par exemple et remonter dans leur véhicule. De plus, elles n'offrent pas toutes les conditions de sécurité : les autres conducteurs ne voient pas les personnes en fauteuil roulant, qui sont plus basses. Je proposerai un amendement de souplesse, pour laisser aux autorités compétentes le choix de fixer le tarif de droit commun ou le tarif adapté dans leurs parkings. Pour aller au tribunal de grande instance de Lyon, il faut se garer dans le parking souterrain ; si la borne de paiement est accessible à la sortie, il n'est pas nécessaire d'imposer la gratuité pour les personnes handicapées. Soyons pragmatiques, sans quoi les délégataires factureront à tous les usagers des aménagements qui ne sont pas nécessaires.

Pour conclure, je veux remercier M. Kerdraon de son rapport de qualité. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Isabelle Pasquet .  - L'accessibilité des lieux de vie, de travail et de culture préoccupe nos concitoyens. Le handicap ne doit pas être synonyme de réclusion.

C'est pourquoi nous nous sommes opposés aux projets de simplification des normes, revenant sur les engagements de la loi de 2005.

Le regard porté sur les personnes handicapées doit changer. Des mesures concrètes doivent aussi être prises pour créer une société inclusive. Je connais votre détermination, madame la ministre.

Cette proposition de loi est bienvenue. Certaines associations sont réservées, ne demandent aucun privilège. Nous sommes, nous aussi, persuadés que l'accessibilité universelle vise à répondre aux besoins de tous. Cependant, est-il juste qu'une personne handicapée dont les revenus sont souvent modestes soit sanctionnée pour n'avoir pas pu retourner à temps à l'horodateur ?

Cette proposition de loi compense la faible accessibilité des transports en commun. Nous la soutiendrons. Pour autant, ne renonçons pas à l'objectif d'accessibilité universelle dès 2015. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Requier .  - La loi de 2005 fut un grand progrès pour les droits des personnes handicapées. L'accessibilité est la condition de l'autonomie et de la participation à la vie sociale, éducative, culturelle et professionnelle.

Des places de stationnement ont été réservées aux personnes handicapées, mais des conducteurs valides s'y garent parfois. On les voit alors sortir de leur voiture en courant en criant : « j'en ai juste pour deux minutes »... Des cartes de stationnement sont utilisées frauduleusement. Certains utilisent le badge d'un parent placé en maison de retraite ou, parfois, décédé depuis plusieurs années...

Les associations et Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dénoncent un badge rudimentaire, aisément usurpable : le nom de son bénéficiaire, qui se trouve au dos, n'est pas visible. En outre, la police ne dispose d'aucune liste officielle des détenteurs. L'observatoire interministériel exige un renforcement du dispositif et des contrôles.

Le modèle de la rigueur viendra peut-être... de la Corse. (On s'en amuse) L'association Stella et l'APF proposent que la liste des détenteurs soit communiquée aux forces de l'ordre.

On peut regretter que cette proposition de loi soit débattue avant les conclusions de la concertation lancée par le Premier ministre et présidée par Mme Campion. La question mérite une politique globale et cohérente. Cela dit, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Alquier .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Des bilans ont été fait de la loi de 2005, dont M. Guillaume s'est sans doute inspiré. Le rapport Campion-Debré rappelait les piliers de toute politique du handicap, parmi lesquels l'accessibilité universelle.

Une nouvelle dynamique est nécessaire, cette proposition de loi y participe. L'accessibilité universelle est la condition de l'égalité. Il s'agit de garantir l'accès de tout à tous, à commencer par celui aux places de stationnement.

Aller à la pharmacie, au cinéma, au supermarché par exemple doit être simple, la vie quotidienne des personnes handicapées est déjà assez compliquée...

Le Gouvernement se mobilise : il a réuni pour la première fois le comité interministériel, créé en 2009. Il est envisagé de revoir les conditions de délivrance des cartes de stationnement. Il revient aux communes de définir les conditions tarifaires. Certaines ont déjà instauré la gratuité sur les places réservées. Saint-Étienne l'applique depuis 1988 et l'a étendue à toute la voirie. D'autres villes ont donné des consignes de tolérance.

Cette proposition de loi va dans le même sens. Afin de limiter le coût pour les finances publiques et d'empêcher les abus, nous proposons une durée maximale de stationnement, qui ne pourra pas être inférieure à douze heures.

Ce texte n'a pas la prétention de résoudre tous les problèmes. Les consultations menées par Mme Campion aborderont la question du quota de places. En outre, les conditions d'utilisation des cartes seront revues dans le cadre de la Modernisation de l'action publique (MAP).

Au-delà, la multiplicité des acteurs rend la question de l'accessibilité complexe, mais c'est aussi un secteur créateur d'emplois.

Une solidarité ambitieuse requiert la mobilisation de tous. Merci à M. Guillaume de son initiative. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Le nombre des cartes de stationnement est estimé à 1,5 million, pour 38 millions de permis de conduire. Nous entreprenons de les dématérialiser, de les moderniser, de les simplifier dans le cadre de la MAP. Nous voulons éviter à leurs titulaires d'avoir à les renouveler trop fréquemment. Nous voulons mieux les contrôler aussi, pour mesurer exactement l'ampleur de la fraude.

La police a reçu des consignes pour verbaliser les personnes, de plus en plus nombreuses, qui manquent de citoyenneté en se garant sur une place réservée. En 2012, 174 826 contraventions ont été dressées à ce sujet, soit 14 % de plus qu'en 2011. Pour autant, j'ai besoin d'encore six mois environ pour avancer sur ce dossier.

Cette proposition de loi, loin d'être redondante, complète et anticipe le travail de Mme Campion. Sans aucunement revenir en arrière, il faut faire en sorte que l'objectif d'accessibilité soit partagé par toute la société. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

mentionnées à l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales ainsi que celles, intérieures ou extérieures d'un établissement mentionné à l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation

Mme Isabelle Pasquet.  - Assurons-nous que toutes les places de stationnement sont concernées par cette mesure, y compris dans des parcs attenants à la voirie, qui donnent accès à des établissements de santé par exemple.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - Les parkings d'hôpitaux et de gares ont été évoqués en commission, à la suite de quoi nous avons constaté que l'amendement était satisfait par la jurisprudence : voyez l'arrêt du 8 décembre 1982 de la Cour de cassation. Retrait.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Même avis. La rédaction de l'amendement est très proche de celle de la loi et la jurisprudence confirme cette règle.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, MM. Dériot, Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. de Raincourt, Savary et Bas.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette gratuité ne s'applique pas aux parcs de stationnement équipés de distributeurs et de bornes de péage situés aux sorties accessibles aux personnes handicapées.

Mme Catherine Deroche.  - Je l'ai défendu en discussion générale.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mme Dini et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d'entrée et de sortie accessibles par les personnes handicapées de leur véhicule, les titulaires de cette carte soient soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur. »

Mme Muguette Dini.  - Dans les parcs de stationnement avec bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, il est inutile d'imposer la gratuité.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - L'amendement n°6 rectifié bis introduit une exception au nouveau principe. Retrait au profit de l'amendement n°5 rectifié bis, mieux rédigé ; il constituera un bon compromis puisqu'il respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales. Je demande qu'il soit mis aux voix en priorité.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Je le souhaite aussi. Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis qui contraindrait les maires. Quant à l'amendement de Mme Dini, j'attire votre attention sur le fait que les bornes ne sont pas toujours très accessibles. Sagesse.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. René-Paul Savary.  - Cette proposition de loi a beau partir d'un bon sentiment, elle remet en cause la liberté des communes. Nombre d'entre elles mènent une politique exemplaire, je pense à Châlons en Champagne par exemple. Revenir sur la loi de 2005 par le petit bout de la lorgnette n'est pas une bonne chose, d'autant que notre collègue Campion mène une réflexion. C'est tout le problème des revenus des handicapés qu'il faudrait poser. Les bornes et horodateurs des parkings payants ne sont pas toujours très accessibles - et il n'y a pas que le handicap moteur. À cela s'ajoute le problème des revenus des personnes handicapées, d'où l'importance de revoir le montant de l'Allocation adulte handicapé (AAH).

La proposition de loi a pour objectif central la gratuité. Mais la gratuité du stationnement pourrait être contreproductive et faire obstacle à l'accessibilité universelle en ralentissant la rénovation des transports en commun. Aux maires de bâtir des politiques du handicap adaptées aux besoins locaux. Dans certaines villes, il y a plus de personnes handicapées qu'ailleurs - en raison de la présence d'un institut médico-éducatif. Nous sommes donc réservés.

Mme Muguette Dini.  - Je n'ai pas compris la remarque de la ministre. Une personne handicapée qui conduit, a l'usage de ses deux bras et peut donc prendre un ticket à la borne d'entrée...

M. Didier Guillaume.  - Je voulais moi-même intégrer l'amendement de Mme Deroche à la proposition de loi. M. Savary a achevé de me convaincre qu'il fallait voter celui de Mme Dini : laissons la liberté aux maires ! Dans les parkings à barrière et à bornes, il est légitime que chacun paie. L'objectif de cette proposition de loi est, non la gratuité, mais des déplacements plus faciles.

M. Savary a raison : la gratuité du stationnement ne doit pas nous conduire à relâcher nos efforts pour construire la ville lente, comme l'a dit M. Desessard, la ville durable, la ville pour tous.

Votons donc l'amendement de Mme Dini, dont l'objectif fondamental est identique à celui de l'amendement de Mme Deroche : une société plus inclusive.

Mme Isabelle Pasquet.  - L'objectif de ce texte ne serait pas la gratuité ? N'est-ce pas ce dont nous parlons pourtant ?

Nous ne voterons aucun des deux amendements. La gratuité de stationnement compense les difficultés d'accès aux transports en commun. Il n'est pas juste que certains parkings soient gratuits, d'autres non.

Mme Catherine Deroche.  - L'objet du texte est bien d'imposer la gratuité du stationnement sur tout le territoire pour les personnes handicapées dont Mme Lebranchu ne voulait pas quand elle était proposée par M. Bas. Et pour certains espaces, vous laisseriez les communes libres de décider... Je maintiens mon amendement.

M. Jean Desessard.  - M. Guillaume l'a dit : l'objectif est l'accessibilité, la gratuité n'est qu'un outil. Peut-être, dans quelques années, y aura-t-il des badges magnétiques et un simple « bip-bip »retentira au passage (Sourires) Il est normal de laisser les communes libres.

À Paris, je le signale, j'ai moi-même parfois du mal à sortir de ma voiture, vu l'étroitesse des places et la prochaine réforme devra y remédier.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Là est toute la question. En écoutant les explications de M. Savary, je m'attendais à ce qu'il se rallie à l'amendement de Mme Dini. Il a conclu par une pirouette digne du Cirque d'hiver...

M. René-Paul Savary.  - Je ne suis pas le seul à en exécuter dans l'hémicycle !

M. Antoine Lefèvre.  - Tout est question de souplesse.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - L'amendement de Mme Dini laisse de la liberté aux maires. C'est une bonne chose.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Je suis très attachée aux compétences des maires. Chacun se réfère à sa commune. Eh bien, à Marseille, j'estime, madame Dini, que les bornes ne sont pas toujours facilement accessibles. Il faudra que les maires fixent des règles.

M. Jacky Le Menn.  - Je ne parlerai pas de Saint-Malo... (Sourires) Les deux amendements partagent le même esprit, mais la lettre de l'amendement de Mme Dini est préférable. Nous le voterons.

L'amendement n°5 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°6 rectifié bis n'a plus d'objet.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le dernier alinéa de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le nombre d'emplacements réservés aux titulaires de la carte mentionnée à l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles ne doit pas être inférieur à un ratio d'une place pour cinq cartes délivrées sans pour autant être inférieur au pourcentage visé au dixième alinéa de l'article 1er du décret n°2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics. »

II.  -  Le I entre en vigueur deux ans après la date de promulgation de la présente loi.

Mme Isabelle Pasquet.  - Les tribunes du Sénat, je le dis une nouvelle fois, devraient être rendues accessibles aux personnes handicapées. J'ai saisi le président Bel à ce sujet. Pour le moment, on installe encore les personnes handicapées devant un téléviseur...

Le nombre d'emplacements réservés ne doit pas être inférieur à 2 %. Il faudrait tenir compte du nombre de cartes délivrées par l'autorité compétente pour moduler ce taux sans descendre en deçà de 2 %.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - L'intention est louable, mais le décret de 2006 autorise déjà les communes à fixer un quota supérieur à 2 %. Il est envisagé de le doubler, et ce débat aura lieu dans le cadre des travaux menés par Mme Campion ; n'anticipons pas.

Cet amendement, enfin, compliquerait la vie des communes sans répondre vraiment aux besoins des personnes handicapées. Dans les centres-villes, il y a parfois une place pour les personnes handicapées, aucune pour les résidents... Retrait.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Je vais reprendre les arguments de M. le rapporteur : le décret de 2006 autorise les élus à aller au-delà de 2 % de places réservées. Faisons confiance aux élus de proximité. J'ajoute que vous ne précisez pas si votre amendement s'applique à la commune, au département ou à la région... Retrait, sinon rejet.

Mme Isabelle Pasquet.  - Cela va toujours mieux en l'écrivant dans la loi. Je maintiens mon amendement qui répond à une attente des associations de personnes handicapées. Les maires ont des outils à leur disposition, mais tous ne les utilisent pas.

M. Jean Desessard.  - Je ne voterai pas cet amendement car cette affaire doit être gérée au plus près des populations. Sans quoi, on pourrait tomber complètement à côté, voire inciter les gens à occuper les places réservées aux personnes handicapées...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Votre raisonnement n'est pas juste : on peut dire la même chose pour le quota de 2 %.

Mme Catherine Deroche.  - Nous ne votons pas cet amendement qui a cependant le mérite de souligner les difficultés d'examiner ce texte avant l'achèvement de la concertation menée par Mme Campion.

M. René-Paul Savary.  - Tout à fait juste ! Je prends une comparaison qui n'a rien de dégradant. La société inclusive, ce n'est pas discriminer en construisant des toilettes plus larges pour les personnes handicapées ; c'est rendre toutes les toilettes accessibles à tous ! Voilà l'esprit de la loi de 2005, ne l'oublions pas !

J'en profite pour parler des MDPH car ce sont elles qui gèrent les 1,5 million de cartes de stationnement, autrefois gérées par le préfet. La délivrance de la carte est un des éléments de la réponse sociétale apportée aux personnes handicapées, elle s'accompagne toujours de propositions pour faciliter la vie quotidienne. Tout cela a un coût. Or la subvention versée par le conseil général dépasse désormais celle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Il n'a jamais été prévu que les conseils généraux financent la politique nationale du handicap. J'espère que nous y reviendrons, peut-être dans la loi sur l'autonomie, car les départements ne pourront pas faire face.

M. Jean-Claude Requier.  - L'amendement est généreux, mais inapplicable en zone rurale. Il y a des gens qui ont la carte mais ne conduisent jamais... On ne peut pas se plaindre des normes et en ajouter. Je voterai contre.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet amendement, j'en ai conscience, est de principe. Les gestionnaires de parkings publics peuvent mettre en oeuvre la gratuité sans contrepartie financière, vu leurs marges, d'autant qu'il n'est rien prévu pour les communes.

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par le Gouvernement.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Je lève le gage.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - Puisque le Gouvernement et le groupe CRC veulent tous deux lever le gage, il n'y a pas à tergiverser : avis favorable.

M. Jean Desessard.  - Dès qu'on bouscule le Gouvernement, le groupe CRC est d'accord ! (Sourires)

Les amendements identiques nos3 et 7 sont adoptés et l'article 2 est supprimé.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois qui suivent l'adoption de la présente loi, le Gouvernement engage une campagne médiatique à destination du grand public, portant sur l'utilisation frauduleuse des cartes de stationnement visées à l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles ainsi que sur l'utilisation illégale des places réservées aux titulaires de cette carte.

Mme Isabelle Pasquet.  - Les associations témoignent d'une augmentation importante de l'usage frauduleux de la carte de stationnement. Celui-ci est puni d'une amende de 5e catégorie pouvant être majorée en cas de récidive. J'ajoute qu'on demande, en revanche, aux personnes handicapées de prouver leur handicap lors des contrôles.

Plutôt que d'envisager un renforcement des sanctions, invitons les pouvoirs publics à lancer une campagne nationale de sensibilisation et ne laissons pas seules les associations.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - Le Gouvernement est conscient de la recrudescence de l'usage frauduleux des cartes de stationnement ; il s'y penche dans le cadre de la MAP. Une campagne de sensibilisation, si elle semble bienvenue, pourrait avoir des effets contre-productifs : donner de mauvaises idées aux conducteurs valides...

Mme Laurence Cohen.  - Et les campagnes de prévention de l'alcool, dans ce cas ?

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - ... et stigmatiser les titulaires de la carte. Après nos débats nourris en commission, nous sommes impatients de connaître l'avis du Gouvernement. (Sourires)

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Avis défavorable : une campagne ne relève pas de la loi.

En conservant l'objectif d'accessibilité en 2015, faisons en sorte que 2014 ne soit pas une année blanche. Nous y travaillons avec les associations que nous finançons et dans le cadre de la MAP et du comité interministériel. J'ai donné les chiffres des contraventions dressées par la police à qui des consignes ont été données. L'essentiel, en définitive, tiendra à un changement du regard de la société sur les personnes handicapées.

M. Jean Desessard.  - Certes, madame la ministre, vous nous avez donné les chiffres des contraventions pour stationnement abusif. Mais combien de fausses cartes ? Comment les forces de l'ordre luttent-elles contre l'usurpation d'identité ? À cette question, vous n'avez pas répondu.

Mme Laurence Cohen.  - Si nous proposons une campagne de sensibilisation, c'est parce que nous voulons que l'État s'engage fortement auprès des associations qui souffrent d'un manque de moyens criant.

Oui, l'essentiel est de changer le regard de la société, madame la ministre. Monsieur le rapporteur, je vous le dis en toute cordialité, votre argument ne tient pas. À ce compte, une campagne de prévention contre l'alcool au volant inciterait à boire... J'écrirai au Gouvernement sur la question particulière des personnes handicapées à qui la police demande de justifier leur handicap...

M. Ronan Kerdraon, rapporteur.  - En toute amitié, madame Cohen, je me suis simplement fait l'interprète de la commission.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - Je partage votre objectif de sensibilisation. Celle-ci ne relève pourtant pas de la loi de la République. Monsieur Desessard, le nombre de cartes frauduleuses ne nous est pas connu. Nous mettrons les choses à plat dans le cadre des travaux à venir.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Deroche .  - Nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi pour toutes les raisons que j'ai données en discussion générale.

Mme Jacqueline Alquier .  - Si cette proposition de loi a un objet limité et clair, elle s'inscrit dans la politique inclusive du Gouvernement impulsée par le président de la République. L'accessibilité ne relève pas de la discrimination positive, qui n'appartient pas à notre tradition républicaine, mais impose des mesures adaptées. Il n'anticipe pas sur les travaux menés par Mme Campion avec tous les acteurs de la politique du handicap, en écartant la question des quotas de places réservées ou celle des cartes de stationnement. Le temps venu, nous rassemblerons toutes les synergies.

Je rends hommage à M. Guillaume, auteur de la proposition de loi, et à M. Kerdraon, son rapporteur, en indiquant que le groupe socialiste le soutient sans réserve. Nous appelons les autres groupes à faire de même. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard .  - Parce qu'elle met l'accent sur l'autonomie, le groupe écologiste votera naturellement cette proposition de loi en me félicitant de l'esprit très constructif de nos débats.

Mme Muguette Dini .  - Je voterai cette proposition de loi, qui est très raisonnable. Les personnes handicapées pourront désormais se déplacer plus facilement.

M. Yvon Collin .  - Nous aurons fait oeuvre utile en adoptant cette proposition de loi qui constitue une avancée pour les personnes handicapées. Le groupe RDSE unanime la votera.

M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de loi .  - La lutte pour la société inclusive, contre l'exclusion, la ville pour tous n'est ni de droite, ni de gauche. C'est un combat républicain.

Cette proposition de loi n'a qu'un objectif : répondre à une toute petite question, mais une question concrète pour les personnes handicapées, celle du stationnement. Viendront ensuite les conclusions des travaux de Mme Campion et peut-être une grande loi sur le handicap que Mme Carlotti défendra dans l'hémicycle.

Pas de compassion, pas de privilège, pas de passe-droit ; mais une société ouverte. Il y a encore beaucoup à faire, notamment pour simplifier les démarches, raccourcir les délais, faciliter le fonctionnement des MDPH. Pourquoi une personne lourdement handicapée doit-elle passer chaque année devant une commission ? Dans la Drôme, j'ai ouvert dans une zone de sécurité prioritaire une section d'éducation motrice où les enfants, handicapés ou non, sont accueillis ensemble. Cela fonctionne ! Dans les villes il y a encore trop d'obstacles, de barrières, de dangers. J'invite mes collègues à faire toujours plus.

Merci à tous les groupes politiques de leur soutien.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur .  - Ce texte constitue une avancée pour les personnes handicapées, pour leur autonomie, pour la société inclusive. Le Sénat, chambre des collectivités territoriales, est aussi celle de l'équité et de la solidarité.

Merci à la ministre pour son excellente collaboration. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée .  - J'ignore s'il y a de grandes ou de petites lois dans la République. Toutes doivent être appliquées, c'est mon premier chantier : faire en sorte que celle de 2005 soit mise en oeuvre. Le grand rendez-vous de 2015 doit être le plus beau possible.

Deuxième chantier, les MDPH. Avec le président de l'Association des départements de France, nous nous attelons à la tâche.

Je vous remercie d'avoir porté ce débat sur le handicap au faîte de l'État, c'est-à-dire au sein de la Haute assemblée ! (Applaudissements)

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - Je rappelle que la commission de la culture a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Jean-Pierre Plancade membre du conseil d'administration de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie.

Constitution d'une commission spéciale

M. le président.  - Je rappelle que le mardi 10 décembre, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a saisi M. le président du Sénat d'une demande de constitution d'une commission spéciale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

M. le président du Sénat n'a été saisi d'aucune opposition par le Gouvernement ou le président d'un groupe dans le délai prévu à l'alinéa 2 bis de l'article 16 du Règlement du Sénat.

En conséquence, la demande de Mme Assassi est considérée comme adoptée et la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel est créée.

Fin d'une mission temporaire

M. le président.  - Par lettre en date du 11 décembre 2013, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 19 décembre 2013, de la mission temporaire sur les missions et l'organisation de la protection judiciaire de la jeunesse, confiée à M. Jean-Pierre Michel, sénateur de la Haute-Saône, auprès de Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral.

La séance est suspendue à midi cinq.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. L'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

Palestine

Mme Cécile Cukierman .  - On célèbre partout dans le monde et à juste raison, la disparition de Nelson Mandela, longtemps qualifié de « plus vieux prisonnier politique du monde », autrefois qualifié de terroriste, alors qu'il n'a cessé de lutter contre toutes les formes d'oppression. En ce début de XXIe siècle, des femmes et des hommes sont encore emprisonnés pour les idées qu'ils défendent. Ainsi du résistant palestinien Marwan Barghouti, symbole du combat de tout un peuple contre l'occupation israélienne, depuis 46 ans, de la Cisjordanie et de Gaza ; comme des milliers de militants palestiniens, il se trouve derrière les barreaux parce qu'il se bat pour le droit inaliénable de son peuple à se libérer de l'oppression. Prenons garde à ce que les terroristes d'hier ne soient pas les héros de la liberté de demain. Sa libération serait un gage de sincérité et de bonne volonté au moment où les autorités israéliennes disent vouloir rouvrir des pourparlers.

« Dans le monde entier, des femmes et des hommes sont encore en prison du fait de ce qu'ils sont, du fait de ce qu'ils disent. La lutte doit continuer ! ». Ces mots ne sont pas de Nelson Mandela, mais de Barack Obama à Johannesburg.

Que fait la France pour la libération des prisonniers politiques dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Votre question est justifiée sur le fond et aussi d'actualité. Le Quai d'Orsay vient de décerner des distinctions à des ONG qui soutiennent des personnes enfermées de par le monde, pour accompagner leurs efforts. Les autorités françaises suivent de près le cas de M. Barghouti qui pourrait le moment venu, jouer un rôle majeur pour la paix, aux côtés du président Mahmoud Abbas. Nous sommes en contact avec son épouse, que Laurent Fabius a rencontrée en mars dernier.

La France soutient la libération des prisonniers en Israël. Elle appelle Israéliens et Palestiniens à faire tous gestes utiles pour promouvoir la paix. Elle est, de plus, constamment mobilisée pour soutenir les efforts politiques et diplomatiques - c'était le sens du voyage officiel de François Hollande les 17 et 18 novembre dernier. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et du RDSE)

Avenir des institutions

M. Jacques Mézard .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs voix à droite.  - Il n'est pas là !

M. Jacques Mézard.  - ... et concerne l'avenir de nos institutions, que l'on ne peut modifier en se passant de révision constitutionnelle.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Évidemment !

M. Jacques Mézard.  - Nous sommes très attachés au bicamérisme, au rôle du Sénat, législateur disposant de droits égaux à ceux de l'Assemblée nationale, exerçant un contrôle sur le Gouvernement, avec sa spécificité, reconnue par la Constitution, puisqu'il ne peut renverser le Gouvernement et représente des collectivités territoriales.(« Très Bien ! » à droite)

Or le député Olivier Dussopt, rapporteur du projet de loi relatif à la décentralisation et aux métropoles, a récemment déclaré à La Gazette des communes, qui l'interrogeait sur le rétablissement dans ce texte du Haut conseil des territoires, supprimé par le Sénat : « le Gouvernement y est extrêmement favorable. Les Sénateurs parlent d'un Sénat bis. Ils n'intègrent pas la perspective du non-cumul. Mais quand le non-cumul sera appliqué, il faudra un lieu de concertation entre le Gouvernement et les responsables des principaux exécutifs locaux ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est n'importe quoi !

M. Jacques Mézard.  - Voilà qui n'est pas de nature à nous rassurer, c'est le déclin annoncé, voire la fin du Sénat. Ce Haut conseil ne correspond à aucune demande des élus. Il émane de terra Nova, dont il constituait la proposition n°1, en 2011, avec le binôme ! (Exclamations à droite).

Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, (même mouvement) quelle est l'intention du Gouvernement s'agissant du Haut conseil des territoires et qu'adviendra-t-il du Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite ; Mme Catherine Tasca applaudit aussi)

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Vous connaissez l'article 24 de la Constitution... Le Gouvernement n'a aucune intention de le modifier.

M. Gérard Longuet.  - Il n'en a d'ailleurs pas les moyens !

M. Alain Gournac.  - Il n'a pas de majorité pour ce faire !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Le bicamérisme est indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie. Le Gouvernement y est très attaché, car il est indispensable à la qualité de la loi et à l'efficacité du contrôle exercé par le Parlement. Notez que le Sénat a été la première chambre saisie de projets de loi importants, comme la programmation militaire ou le IIIe acte de la décentralisation.

Hier encore, le Sénat a voté à l'unanimité, sur votre rapport, une importante proposition de loi relative à la création de Sociétés d'économie mixte (SEM) à opération unique. Même s'il ne dégage parfois pas de majorité sur les textes qui lui sont soumis, la pierre qu'apporte le Sénat à l'édifice législatif est essentielle.

Mais la spécificité reconnue du Sénat, seconde chambre de la République, à égalité de droit avec l'Assemblée nationale, n'implique pas la spécialité - que d'autres pays ont choisie en raison de la nature fédérale de leur État, non plus que le cumul des mandats. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx proteste) Le Gouvernement s'est exprimé sur l'avenir du Haut Conseil. Il sera très attentif aux résultats de la CMP, dans le respect absolu du Sénat et de la procédure parlementaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Ukraine

M. Gérard Longuet .  - Ma question s'adresse à M. Fabius, ministre des affaires étrangères, qui est absent de l'hémicycle.

L'opposition, et l'UMP en particulier, ont toujours fait preuve d'un grand esprit de responsabilité lorsque la France est engagée à l'étranger. Nous avons soutenu l'intervention au Mali, nous soutenons, pour l'instant, celle en République centrafricaine ; et les doutes que nous avions émis s'agissant des déclarations du président de la République sur la Syrie se sont révélés fondés, comme il a pu lui-même le constater...

Cependant, ma question porte sur l'Ukraine, pays connu pour ses succès comme ses échecs.

Quelle est la position du Gouvernement, du président de la République, vis-à-vis de ce pays, ainsi que de son grand voisin, la Russie ? Souhaitent-ils vraiment peser dans cette crise ? Aurons-nous la clarté de Mme Merkel et de sa majorité, pour soutenir les partisans de l'Europe ou nous contenterons-nous d'inviter Vitali Klitschko à déjeuner à Paris, geste élégant mais insuffisant ? Quelles leçons a-t-on tirées de l'échec de Vilnius ?

L'Alliance franco-russe est un facteur de stabilité en Europe : comment organiser nos rapports avec ce grand pays, en évitant les conflits inutiles ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Je me suis rendu à Kiev le 5 décembre pour rencontrer les manifestants massés nuit et jour sur la place de l'Indépendance et la famille de Mme Timochenko.

Notre message est triple : non-violence, d'abord. Plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent pacifiquement, dans un climat de tension. De nombreux blessés ont été dénombrés, y compris parmi les journalistes. Le droit de manifester doit être respecté, d'autant que les manifestations, j'y insiste, sont pacifiques.

Reprise du dialogue, ensuite. Le président Viktor Ianoukovitch se montre favorable à la conciliation mais envoie les forces de l'ordre : ce n'est pas acceptable...

M. Alain Gournac.  - Ah !

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Vitali Klitschko doit être écouté et respecté. C'est pourquoi Laurent Fabius a échangé avec lui.

La volonté d'ouverture de l'Union européenne, enfin, reste intacte. L'Europe n'est pas une affaire de marchands de tapis. L'Ukraine n'est pas à acheter, l'Europe n'est pas à vendre. Il n'y a pas d'antagonisme entre la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne et la proximité avec la Russie. Notre offre reste sur la table, tel est le sens des déclarations de François Hollande au sommet de Vilnius sur le partenariat oriental et nous comptons sur la médiation conduite par Mme Catherine Ashton. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Jour de carence des fonctionnaires

M. Vincent Capo-Canellas .  - Madame Lebranchu, vous avez annoncé la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires...

M. Alain Gournac.  - Très bonne question !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Pourtant, en 2012, l'absentéisme a fortement diminué. (Protestations sur les bancs CRC) Les chiffres d'une étude récemment publiée...

Mme Cécile Cukierman.  - Par qui ?

M. Vincent Capo-Canellas.  - ... sont éloquents : le nombre d'arrêts maladie de courte durée a baissé de 41 % dans les hôpitaux et de 43 % dans les collectivités territoriales en 2012. C'est un résultat positif ! (On s'en réjouit à droite ; marques de doute sur les bancs CRC)

La suppression du jour de carence coûterait 157 millions d'euros. Elle désorganiserait les services hospitaliers et donnerait un mauvais signal, au moment où les finances publiques doivent être maîtrisées. De plus, l'effort n'est juste que s'il est...

M. Christian Cambon.  - ... partagé !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Le rapprochement avec le régime en vigueur dans le privé s'impose...

Mme Cécile Cukierman et Mme Annie David.  - Ah !

M. Vincent Capo-Canellas.  - D'aucuns avancent une augmentation des arrêts de maladie longs, mais il n'y a aucun lien, ou mettent l'accent sur les commanditaires de l'étude que j'ai citée, mais casser le thermomètre ne sert à rien. Allez-vous revenir sur cette annonce ou, du moins, compenser le manque à gagner pour les hôpitaux et les collectivités territoriales ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - Cette étude a été commandée par une société d'assurance qui a déjà conclu 700 000 contrats de prévoyance pour les agents publics, pour un coût mensuel de 8 à 12 euros par agent. Pourquoi ? Parce que les maires ont écouté les mutuelles et les assureurs. Environ 72 % des salariés du privé sont couverts par un tel contrat, et c'est tant mieux pour eux ; 55 % des employés seulement dans les TPE.

Si l'on veut poursuivre l'alignement avec le privé, il faut aller jusqu'au bout et progresser sur la notion de marché public de prévoyance avant de décider trois jours de carence pour les fonctionnaires, à l'instar de ce qui existe pour les employés du privé. (MM. Gérard Longuet et Alain Gournac s'exclament)

Retrouvons-nous dans un vrai groupe de travail pour aborder tous les sujets. Regardons de près les chiffres, qui ne sont pas ceux que vous citez. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes ; protestations à droite)

Travailleurs détachés

M. Claude Jeannerot .  - L'emploi reste la première préoccupation des Français.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On aimerait que ce soit celle du Gouvernement !

M. Claude Jeannerot.  - On se rappelle du plombier polonais et de la directive Bolkestein qui risquait de faire reculer la protection des salariés. Une nouvelle menace a surgi récemment. Une directive de 1996 permet en effet le détachement de travailleurs, dont les cotisations sociales restent payées dans le pays d'origine. Les conditions d'un véritable dumping social étaient réunies. Le 9 décembre dernier, lors du Conseil Ecofin, vous avez obtenu un accord qui va dans le bon sens, après le signal d'alerte tiré par le rapport d'Éric Bocquet.

Mais au-delà, à quand, enfin, le retour de l'Europe sociale ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE ; Mme Annie David applaudit aussi)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Nous sommes tous favorables à la réglementation pour mettre fin à la loi de la jungle. Tel était, à l'époque, l'effet de la directive, qui apportait un mieux. Notez que le contexte a changé depuis 1996 : l'Europe s'est élargie, les travailleurs détachés se sont multipliés, et avec eux les abus. Ce texte est donc devenu le support d'une véritable fraude généralisée et d'un vaste système de dumping social caractérisé.

L'Europe a majoritairement réagi lundi dernier, contre les positions de la Grande-Bretagne et de la Hongrie, qui s'opposent avec énergie à toute réglementation supplémentaire. La règlementation est indispensable pour lutter contre la cascade des sous-traitants, et renforcer les contrôles.

Nous transposerons les règles en droit français avant même que la directive soit finalisée. Des initiatives parlementaires sont prises en ce sens. J'étais récemment sur des chantiers. Nous ferons tout pour mettre un terme aux abus. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE ; Mme Annie David applaudit aussi)

Pêche en eaux profondes

Mme Hélène Lipietz .  - À l'heure où la dépense publique est pesée au trébuchet de la rigueur, il est scandaleux que les subventions publiques aillent à onze bateaux de chalut en eaux profondes. Chaque tonne de poisson génère une perte de 153 euros, malgré les subventions européennes. Il suffit de lire le bilan comptable. Et encore, si cette pêche était pourvoyeuse d'emplois ! Elle ne l'est pas : elle nécessite six fois moins de pêcheurs. Un armateur de Boulogne-sur-Mer, qui s'en est rendu compte, s'en est détourné et depuis a renoué avec les bénéfices. Alors que 772 000 pétitionnaires dénoncent le massacre des fonds marins et que les appels au boycott se multiplient, que va faire le Gouvernement pour la conversion de ces bateaux, pour une pêche plus respectueuse de l'environnement - ce qui ne semble pas être son souci - moins coûteuse financièrement comme pour notre image de marque ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - La pêche est bien plus équilibrée qu'autrefois, il faut s'en féliciter et aller plus loin. C'est le sens du vote intervenu au Parlement européen : un encadrement renforcé de la pêche en eaux profondes, qui concerne plus de 700 bateaux et non onze. Ce sujet, je le rappelle, relève de la codécision. Les seules aides autorisées concernent une pêche durable respectueuse des fonds marins. Notez que les aides directes sont interdites depuis 1992. Les aides à la pêche en eaux profondes n'existent pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Situation économique et fiscale

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - (Applaudissements à droite) En ayant massivement augmenté les impôts depuis juillet 2012, sans donner un cap clair, vous avez provoqué une réaction d'incompréhension, voire de refus de l'impôt. Outre du matraquage fiscal, les Français souffrent de vos mesures économiques contradictoires. Dans cette situation, l'annonce sans préparation d'une remise à plat de la fiscalité suscite doutes et interrogations. À quand un système fiscal lisible et cohérent ? (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Et vous, qu'avez-vous fait ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Quel calendrier ? Quels impôts seront concernés ? Pourquoi repousser la réforme de la fiscalité locale, et de la fiscalité écologique - voyez l'écotaxe ? Votre réforme ne se fera pas au service de la compétitivité des entreprises, elle n'est pas placée sous le signe de la nécessaire réduction de la dépense publique : la seule réforme à faire aujourd'hui, c'est de réduire les impôts. (Vifs applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Quel poujadisme !

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances .  - Comme toujours, madame Des Esgaulx, vos interventions sont frappées au coin de la bonhomie, des encouragements et de la lucidité... Quelle situation avons-nous trouvée à notre arrivée ? (Protestations à droite) Le déficit ? Six cent milliards de dettes en plus ! La compétitivité ? Vous l'avez laissé se dégrader ! Vos choix fiscaux, on sait ce qu'ils furent : le bouclier fiscal et un pour cent de hausse des impôts chaque année en 2010, 2011 et 2012. Alors parfois, on se dit qu'au lieu de nous accuser, vous feriez mieux de vous excuser auprès des Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Longuet.  - Adressez-vous aux bonnets rouges !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Avec la remise à plat de la fiscalité, nous voulons un système plus simple, plus lisible et plus juste...

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Donc, tout va très bien, monsieur le ministre... C'est ça ?

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Nous allons traiter la fiscalité des entreprises pour améliorer leur compétitivité, celle des ménages, pour la rendre plus juste, et le financement de la protection sociale, pour la pérenniser. Vous en verrez les premières concrétisations dans le projet de loi de finances 2015, mais ce sera une oeuvre de longue haleine. Cessez de faire peur aux Français. Vous êtes largement responsables de la dégradation de la situation de notre pays et les Français le savent bien. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Ouverture de collèges en Seine-Saint-Denis

M. Gilbert Roger .  - Madame Pau-Langevin, le Gouvernement a fait de la réussite éducative une priorité avec le recrutement d'enseignants, plus de 8 800 ETP...

En Seine-Saint-Denis, cinq collèges neufs seront livrés à la rentrée 2014 avec une capacité d'accueil de 600 élèves chacun. Cela nécessite la construction de cinq gymnases, cinq cuisines centrales et un internat pour le collège international de Noisy-le-Grand.

M. Alain Gournac.  - Qui paiera ?

M. Gilbert Roger.  - Dès 2010 le conseil général a lancé un plan d'investissement d'urgence de 723 millions en prévision de la forte hausse des effectifs.

M. Alain Gournac.  - Que c'est beau !

M. Gilbert Roger.  - Pour autant, la situation est inédite : jamais un département n'a vu autant de collèges s'ouvrir en une seule rentrée. Quelles mesures prendrez-vous, très en amont, pour procéder à la nomination des personnels : principaux, conseillers d'éducation et enseignants ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - Je veux d'abord rendre hommage à tous les personnels  de l'éducation nationale dans le département de Seine-Saint-Denis qui s'engagent tous les jours ...

M. Alain Gournac.  - Dans la rue !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - ... pour apporter aux enfants les moyens de réussir. Je suis allée constater sur place, avec admiration, comment vous avez conduit la réforme des rythmes scolaires. Depuis que nous sommes aux affaires, nous nous sommes efforcés de remédier aux difficultés de ce département qui avait le sentiment de ne pas être la priorité du précédent gouvernement.

Nous avons nommé 405 enseignants dans l'enseignement public du premier degré et 430 dans le second degré pour régler le lancinant problème des remplacements.

Pour les cinq nouveaux collèges, nous avons nommé les principaux qui suivent les chantiers et les nominations d'enseignants se feront pour la rentrée : leur nombre sera arrêté à la mi-janvier. Un travail de sectorisation sera mené pour que la mixité soit respectée le plus possible. L'enquête Pisa le montre : nous devons agir, en particulier pour les enfants des quartiers populaires, et c'est en travaillant ensemble que nous pourrons relever ce défi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Autonomie

M. Claude Domeizel .  - L'autonomie est un sujet essentiel, à tous les âges et plus particulièrement au moment de la vieillesse : il faut anticiper et prévenir la perte d'autonomie. Vous avez lancé sous le bel acronyme de Monalisa, la mobilisation nationale contre l'isolement social des âgés. Adaptation des logements, téléassistance, les activités associatives, aide à domicile - autant de leviers pour enrayer la perte de dépendance. Au moment où s'amorce la concertation sur la grande loi à venir de programmation et d'orientation de l'adaptation de la société au vieillissement, quelle place pour la prévention ? Quel est votre calendrier d'action, avec quels partenaires comptez-vous agir ? Quel rôle réservez-vous aux caisses de retraite ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - La prévention de la perte d'autonomie sera un volet essentiel de la future loi. Les papy boomers s'occupent de plus en plus de leurs parents âgés, et les caisses de retraite développent une culture de l'autonomie en agissant déjà au niveau individuel et collectif. Elles financent des ateliers collectifs, des actions d'amélioration des logements avec l'Anah, des résidences sociales et différentes formes d'aides, dont le maintien à domicile des GIR 5 et 6. Elles interviennent sur le lien social dans huit départements témoins.

Le renforcement de la convergence entre les régimes pour formaliser un socle commun de l'action sociale pour une politique nationale de prévention, menée de concert avec les Agences régionales de santé (ARS) et les conseils généraux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Rythmes scolaires

M. Joël Billard .  - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la colère des élus et des enseignants ainsi que l'inquiétude des parents d'élèves ne s'apaisent pas. Il est irréaliste d'imposer une réforme nationale valant pour une école rurale isolée comme pour un grand groupe scolaire en ville. Il faut prévoir des dérogations pour s'adapter aux situations locales. C'est le sens de la proposition de loi du groupe UMP laissant à chaque commune le soin de s'organiser comme elle l'entend.

Rien ne prouve que votre réforme ait un effet positif sur les rythmes biologiques des enfants, ni qu'elle ait une incidence sur leurs résultats scolaires.

M. David Assouline.  - C'est faux !

M. Joël Billard.  - Cette organisation nationale est techniquement difficile à réaliser et financièrement impossible, vu la baisse annoncée des dotations de fonctionnement : cela représenterait dix points de fiscalité dans ma commune. Impossible en ces temps de ras-le-bol fiscal ! Je ne cherche qu'à défendre la ruralité et à aider les maires de mon département : supprimez le décret, laissez les communes libres de leur choix ou, alors, compensez intégralement les charges auxquelles vous nous astreignez ! (Applaudissements à droite)

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - D'abord, je ne peux pas croire que cette réforme n'ait pas d'incidences sur les résultats des élèves. Sans quoi, il y a deux ans, M. Chatel et votre majorité n'auraient pas mené une concertation aussi longue sur le sujet pour arriver au même résultat. Pourquoi ce qui était bon hier ne le serait plus aujourd'hui ?

M. Christian Cambon.  - Et les financements ?

M. Vincent Peillon, ministre.  - La réforme est bien motivée par le souci des élèves.

Selon la Constitution et le code de l'éducation, l'éducation est un service public national et il revient à l'État de fixer le temps scolaire ...

M. Alain Gournac.  - Qu'il paye !

M. Vincent Peillon, ministre.  - En 2008, le changement des rythmes s'est fait sans concertation ; ce qui est nouveau dans cette réforme, c'est que nous avons souhaité impliquer les collectivités. Sur le temps périscolaire, aujourd'hui comme hier vous avez toute liberté pour l'organiser mais pour la première fois, l'État participe au financement, comme la Caisse d'allocations familiales (CAF). Selon l'Association des maires de France, qui est présidée par un représentant de l'UMP, (protestations à droite) 80 % des maires qui ont adopté la réforme s'en disent satisfaits, particulièrement en zone rurale. Posez-leur donc des questions et posez-vous en ; vous, vous n'avez rien fait pour l'école de la République ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Rendez-vous aux élections de mars !

La séance est suspendue à 15 h 55.

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 16 h 15.

Accueil et habitat des gens du voyage

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Discussion générale

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi .  - Manifestement, cette proposition de loi n'attire pas les foules dans l'hémicycle...

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Elles arrivent...

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - L'objet de ce texte ne traite pas de la problématique générale des personnes vivant de manière itinérante dans notre pays, une question dont j'ai eu à connaître comme parlementaire en mission à deux reprises, en 2005 et en 2011. Il n'est pas contradictoire avec l'autre proposition de loi, plus globale, que j'ai déposée en 2012.

Je veux commencer par tordre le cou à certains amalgames sur ce sujet important qui a pour fondation la loi Besson du 5 juillet 2000 que M Delevoye et moi-même avons rapportée respectivement pour la commission des lois et celle des affaires économiques. Elle n'a pas de visée électoraliste, ou alors il faudrait faire peser les mêmes soupçons sur la loi Besson, adoptée quelques mois avant les élections municipales de 2011, ou le report de la proposition de loi Raimbourg à mai 2014.

M. Antoine Lefèvre.  - Il fallait le dire !

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - Parlementaire en mission par deux fois, président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, représentant de la France à la commission « Roms » du Conseil de l'Europe, je réclame, comme beaucoup, l'abrogation de la loi de 1969. Le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a abrogé certaines de ses dispositions relatives au carnet de circulation ; je n'y reviens pas.

Oui, tordons donc le cou à certains amalgames. Les Roms sont une minorité ethnique, originaire pour l'essentiel de certains pays d'Europe de l'est ; ils sont soumis à un régime transitoire de circulation amené à prendre fin le 31 décembre 2013. Nous sommes nombreux, avec le ministre des affaires européennes, à souhaiter une extension de ce régime tant que ces pays sont dans l'incapacité de faire respecter les nouvelles frontières de l'Union. La proposition de loi ne concerne pas ces populations ; elle traite des gens du voyage, qui sont Français. Notre débat est donc franco-français.

La loi du 5 juillet 2000 fait obligation aux communes de réaliser des aires d'accueil et de stationnement sur des terrains aménagés à cet effet, dans le cadre d'un schéma élaboré au niveau départemental ; s'y ajoutent des dispositions relatives aux terrains familiaux et au logement social. Près de 400 000 personnes au total sont concernées, dont la moitié de sédentaires. Mon texte entend envoyer un signal aux 500 000 élus locaux de toutes tendances, à la suite des difficultés rencontrées à l'été 2013.

C'est un ministre de la République qui a signé en 2004 la recommandation du Conseil de l'Europe qui fait de la caravane un logement - dont la transposition est encore incertaine.

Cette proposition de loi ne traite pas des grands rassemblements - nous avons constaté à Nevoy, qui accueille la grande manifestation évangélique des gens du voyage, que les règles sont claires : la responsabilité est celle de l'État et il fait son travail ; les choses se passent bien. En revanche, les 40 000 aires d'accueil prévues n'ont pas été réalisées - nous en sommes à 25 000. Certains proposent de panacher terrains familiaux et aires d'accueil aménagées pour pouvoir répondre à la demande.

Les grands passages ont pour l'essentiel une origine cultuelle. Les règles, là encore, sont claires. Pourquoi dès lors, a-t-on rencontré autant de difficultés à l'été 2013, même dans les départements qui ont un schéma et un préfet efficace ? Tous ne sont pas concernés de la même façon.

Il faut envoyer un signal aux maires. Cette proposition de loi a un objet précis, bien délimité ; elle est par définition déséquilibrée.... Elle aggrave les sanctions contre ceux qui ne respectent rien, qui détruisent des terrains de sport, cassent les portails... La délinquance progresse et parmi les gens du voyage, comme dans toute population, il y a des gens respectueux de la loi et des gens qui le sont moins. Une relation de confiance doit s'établir avec les représentants des gens du voyage, je les ai invités à la Commission nationale consultative des gens du voyage. Même s'il faut toujours se faire pardonner les services qu'on rend...

Je plaide pour l'adoption de ce texte dans sa version initiale. L'article premier n'est qu'un signal, mais un signal important pour les maires. Je suis surpris, monsieur le président de la commission des lois, que l'intitulé du texte ait été modifié, ce n'est pas la tradition au Sénat. Mais vous avez sûrement de bonnes raisons de procéder ainsi...

Oui, j'ai de la suite dans les idées. Cette proposition de loi traite un sujet d'urgence ; elle s'inscrit dans la même logique que la proposition de loi Raimbourg, qui s'inspire de ma proposition de loi de 2012 et surtout de mon dernier rapport que j'avais intitulé Pour un statut proche du droit commun.

Mme Esther Benbassa.  - Oui, il faut le droit commun !

M. Pierre Hérisson.  - La très grande majorité des 36 700 maires et 500 000 élus locaux attendent ce texte, non à l'approche des élections, mais de la prochaine saison touristique. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Claude Carle.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La commune de Nevoy reçoit chaque année au printemps le grand rassemblement organisé par l'association « Vie et lumière ». Son maire, comme les élus du Génois et les autorités préfectorales, font tout pour qu'il se déroule au mieux. Le problème, c'est qu'il est difficile d'organiser le même rassemblement deux mois plus tard, au coeur de l'été, au même endroit... Un nouveau terrain avait donc été demandé pour le pèlerinage estival. On en a trouvé un une fois, pas cette année. « Vie et lumière » souhaite que son deuxième pèlerinage se déroule ailleurs... C'est pourquoi j'ai sollicité un rendez-vous avec le ministre de l'intérieur, qui nous recevra prochainement. Accueillir des manifestions de cette ampleur, qui ont droit de cité en France, suppose une grande préparation. Il est toujours mieux d'anticiper.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois .  - Votre proposition de loi avait pour titre initial : Renforcer les sanctions prévues dans la loi relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage. La commission a essayé d'en rééquilibrer le contenu...

Le sujet est sensible et ne peut être traité dans la précipitation. Le statut des gens du voyage est toujours discriminatoire, en dépit de l'abrogation partielle de la loi de 1969 par le Conseil constitutionnel à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité en 2012. On ne peut se poser la question du respect de la loi sans évoquer les obligations des communes ; or seules 16 000 aires d'accueil sont réalisées à ce jour.

Quel statut pour les Français itinérants ? Et comment faire respecter la loi par les gens du voyage et par les communes ? Voilà les deux questions à traiter. Vous n'évoquez qu'un sujet, votre texte est déséquilibré. Vous l'avez d'ailleurs reconnu. J'espère que notre débat abordera toutes les questions.

Bohémiens, saltimbanques, gens du voyage. Les dénominations ont changé ; la loi de 1912, qui instaure les carnets anthropométriques, les nomme « nomades » et on sait à quoi ont servi ces carnets entre 1940 et 1945... La loi de 1969 les a remplacés par des carnets de circulation et créé un statut dérogatoire pour les gens du voyage : ainsi, le droit de vote leur est retiré lorsqu'ils ne peuvent justifier d'un rattachement à une commune durant trois ans. Des Français entièrement à part et non des Français à part entière... Chacun doit trouver sa place dans la communauté nationale. Le Sénat s'honorerait à voter l'abrogation de la loi de 1969.

S'agissant du stationnement, la Cour des comptes reconnaît que nous n'avons pas assez d'éléments d'information. Ce manque de statistiques porte préjudice à la bonne application de la loi du 5 juillet 2000. Quoi qu'il en soit, pour 313 000 titres de circulation, l'objectif est de créer 41 000 places. Le décalage est flagrant...

La loi de 2000 confie aux communes la responsabilité de créer des aires d'accueil et de grand passage en prévoyant une compensation financière de la part de l'État. Les schémas départementaux, élaborés par le préfet et le président du conseil général, planifient les implantations et doivent être révisés tous les six ans. Les communes inscrites au schéma disposaient initialement de deux ans pour se conformer à leurs obligations, délai prorogé à deux reprises. Les communes ou les EPCI peuvent gérer les aires directement ou en confier la gestion à un délégataire public ou privé.

En 2010, 52 % des aires d'accueil et 29,4 % des aires de grand passage étaient en place. Ces chiffres ont évolué positivement depuis, pour atteindre aujourd'hui respectivement les deux tiers et le tiers de l'objectif. Certains départements sont à 100 %. Les taux les plus faibles sont à rechercher en Ile-de-France, dans les Bouches-du-Rhône ou dans l'Hérault. L'État contribue aux investissements à hauteur de 70 %, il peut théoriquement se substituer à une collectivité défaillante. Si la commune respecte ses obligations, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage peut demander au préfet l'évacuation d'un terrain occupé illégalement. L'ordre républicain doit s'imposer à tous. Les mécanismes de contrôle de l'application de la loi ne fonctionnent pas. La concertation en cours et la proposition de loi Raimbourg ont pour objectif de les rendre plus efficaces.

L'État peut suppléer aux défaillances d'une collectivité locale, mais la procédure n'a jamais été utilisée. En cas de stationnement irrégulier, l'autorité administrative est fondée à requérir la force si la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques sont menacées. Un recours devant le juge administratif demeure possible, il est suspensif.

Votre proposition de loi renforce l'arsenal répressif contre les occupations illicites. Il ne s'agit pas que de grands passages, contrairement à ce que vous avez indiqué. Au long de ses premiers articles, les motifs fondant la mise en demeure sont assouplis, les sanctions renforcées et les délais de recours contre les décisions administratives réduits de telles sortes qu'ils ne sont guère réalistes. Les deux derniers articles traitent d?une meilleure organisation des déplacements de grande ampleur. L'article 6 vise la responsabilité de l'État - pourquoi pas ? - mais ne concerne que les communes à police étatisée... L'article 7 prévoit une convention entre les représentants des gens du voyage et le maire, trois mois avant l'arrivée des caravanes - même pour une dizaine d'entre elles ?

Il faut équilibrer les exigences pour que la loi soit crédible. Le texte initial ne tire pas les leçons de la concertation engagée depuis dix-huit mois. J'ai proposé certains aménagements au texte, mais ils ont été refusés. Je le regrette, et forme le voeu que notre débat remédie aux déséquilibres du texte.

L'article premier, dont je demande la suppression, doublait les sanctions en vigueur - six mois de prison et 3 750 euros d'amende. Elles sont peu utilisées ; la menace suffit. L'article 2 semble contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; je propose que le préfet puisse s'abstenir de retenir le motif d'atteinte à l'ordre public exclusivement lorsqu'il existe des places disponibles dans un rayon de 30 kilomètres.

L'article 3 ramène le délai d'exécution de la mise en demeure à vingt-quatre heures. Comment expulser des gens en vingt-quatre heures ? Autant dire que l'on fait une loi uniquement déclarative ! L'article 4 sur la récidive suscite beaucoup de réserves, car beaucoup de mises en demeure ne sont pas nominatives.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Ce texte touche à notre conception de la République, de la Nation, de la fraternité. On ne fait pas une loi sous forme de communiqué de presse à destination des élus. Travaillons dans un esprit d'équilibre, celui de la proposition de loi Raimbourg. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Notre commission s'est saisie pour avis de ce texte, d'une part, parce qu'elle avait déjà rapporté pour avis la loi Besson et, d'autre part, parce que le sujet du logement et de l'urbanisme relève pleinement de sa compétence. Lors de la discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public, le groupe UMP avait proposé un amendement pour inclure les places en aires d'accueil dans les obligations faites aux communes au titre de l'article 55 de la loi SRU.

La France est l'un des rares pays à avoir une législation spécifique aux gens du voyage. La loi Besson du 5 juillet 2000 est une loi d'équilibre en ce qu'elle crée aux communes une obligation d'aménager des aires d'accueil en contrepartie de quoi elle dote les élus et les propriétaires des outils juridiques pour obtenir l'évacuation illicite d'un terrain. Un schéma départemental doit être élaboré ; l'État peut se substituer à une commune défaillante.

La proposition de loi initiale de M. Hérisson renforce les sanctions prévues en cas d'occupation illicite. L'article premier double les sanctions pénales ; l'article 2 supprime la condition d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques pour justifier une mise en demeure ; l'article 3 fixe le délai d'exécution à vingt-quatre heures maximum, et non plus minimum ; l'article 4 fixe à six heures le délai maximal d'exécution de la mise en demeure en cas de récidive, l'article 5 réduit de soixante-douze heures à quarante-huit heures le délai dans lequel statue le tribunal.

Ces dispositions, qui posent de sérieuses difficultés constitutionnelles, ont provoqué le scepticisme de la commission des affaires économiques qui, réunie au même moment que la commission des lois, n'a pas pu examiner le texte de celle-ci. Nous avons besoin de faire mieux respecter les obligations des communes et, plus généralement, d'une grande loi sur le statut des gens du voyage. Je m'étonne d'ailleurs que Pierre Hérisson, qui a déposé une proposition de loi sur ce sujet en juillet 2012, nous présente un texte si incomplet et déséquilibré. Je connais les difficultés rencontrées par les élus locaux, dont les médias se sont fait l'écho - j'y ai été confronté moi-même. Comme le disait notre ancien collègue rapporteur Jean-Pierre Delevoye, les efforts importants des communes doivent avoir pour contrepartie la répression effective du stationnement illicite. Mais ni le rapport d'octobre 2010 du Conseil général de l'environnement et du développement durable, ni le rapport de mars 2011 de la mission d'information de l'Assemblée nationale, ni le rapport de juillet 2011 de Pierre Hérisson, ni le rapport d'octobre 2012 de la Cour des comptes ne proposent un renforcement des sanctions. Alors, pourquoi maintenant ?

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - À cause des événements de l'été !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - En réalité, le législateur est allé en la matière aussi loin que la jurisprudence du Conseil constitutionnel le lui permettait, comme l'écrivait le député Didier Quentin dans son rapport de 2011. Au regard de la décision du 9 juillet 2010 du Conseil constitutionnel, les articles 2, 3 et 4 paraissent bien périlleux.

Au-delà de la question constitutionnelle, cette proposition de loi, en abordant sous le seul angle répressif une problématique beaucoup plus vaste, est déséquilibrée.

Elle passe sous silence le statut juridique des gens du voyage, qui doit être rapproché du droit commun, comme le proposait lui-même M. Pierre Hérisson en 2012. La loi du 3 janvier 1969, déclarée en partie contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 5 octobre 2010, dénoncée par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et la commission nationale consultative des droits de l'homme, doit être abrogée. Sur mon initiative, la commission des affaires économiques a adopté un amendement en ce sens.

La proposition de loi fait également l'impasse sur les communes défaillantes. Seulement 52 % des aires imposées par la loi ont été réalisées. Pour les dix départements où cette obligation est la plus importante, ce taux de réalisation varie de 8 % dans les Alpes-Maritimes à 56 % pour la Seine-et-Marne ou la Haute-Garonne. Réfléchissons, avec les associations d'élus locaux, aux moyens d'améliorer l'effectivité de la loi Besson. On pourrait instituer un prélèvement sur les ressources des communes qui ne respectent pas leurs obligations, à l'instar du mécanisme prévu à l'article 55 de la loi SRU. Comme pour la construction de logements sociaux, l'éventuel constat de carence prendrait en compte les spécificités ou difficultés locales, comme l'absence de foncier disponible. Bruno Retailleau propose en outre de créer un poste de médiateur de ces questions.

Autre sujet non traité, l'habitat des gens du voyage qui tendent à se sédentariser. Cela pose deux problèmes : les aires permanentes qui les accueillent ne sont pas faites pour cela, et la rotation des occupants en est ralentie. Entre 2004 et 2012, seules 791 places en terrain familial ont été financées ! Il faut mieux prendre en compte les besoins de terrains familiaux et d'habitat adapté dans les schémas départementaux et coordonner ces derniers avec les Plan départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD)...

Je vous proposerai des amendements pour abroger la loi de 1969 et supprimer l'article 4 de cette proposition de loi qui pose des problèmes d'application et de constitutionalité.

Même si la commission des affaires économiques, qui s'est réunie concomitamment, n'a pu l'examiner, je salue, à titre personnel, le travail de la commission des lois, notamment la réécriture des articles 2 et 3. Je souhaite la discussion rapide de la proposition de loi Raimbourg, pour une discussion sereine et sans exclusive. Il est plus que temps, en effet, comme le disait Pierre Hérisson dans son rapport de 2012, de « restructurer le droit applicable aux gens du voyage autour d'une loi unique » ! (Applaudissements à gauche)

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - Le Gouvernement a toujours privilégié une approche équilibrée entre attente des maires et besoin des populations. Or ce texte emprunte une autre voie : la répression, qui ne peut pas tout, et crée parfois plus de difficultés qu'elle n'en résout.

M. Hérisson le sait bien, lui qui a fait des propositions beaucoup plus nuancées dans sa proposition de loi du 31 juillet 2012. Nous gagnerions à traiter globalement cette question complexe.

Ne croyez pas, pour autant, que le Gouvernement n'entende pas les élus. Les occupations illicites sont inacceptables et encore moins comprises dans les communes qui respectent leurs obligations. Elles doivent être combattues fermement, le ministre de l'intérieur l'a souligné à maintes reprises, en ajoutant que l'absence d'aires d'accueil ne devait en aucun cas être prétexte à des violences.

Comment renforcer les sanctions sans abroger la loi de 1969 ? Sans demander aux maires de respecter leurs obligations ? Cette proposition de loi privilégie la répression. Pourquoi rétrécir ainsi votre approche ? Elle est, de plus, inutilement vexatoire, en accroissant des sanctions qui sont rarement prononcées par les tribunaux et en instaurant des procédures manifestement inconstitutionnelles.

La Cour des comptes a établi que la loi Besson demeure en grande partie lettre morte. Son rapport montre que seules 52 % des aires d'accueil avaient été réalisées au 31 décembre 2010, et 29 % pour les aires de grand passage. C'est trop peu.

En dépit des améliorations introduites par la commission des lois et celle des affaires économiques que je salue, le texte reste de plus hasardeux du point de vue juridique.

À l'article 2, vous supprimez la condition de menace à l'ordre public, mais ajoutez celle de l'existence d'une aire d'accueil dans un périmètre de 30 km, qui est en cours d'expertise au sein du Gouvernement. À l'article 4, l'évacuation est une mesure de police administrative, non une sanction pénale. La notion de récidive ne peut donc s'appliquer. Elle porterait atteinte au principe de l'égalité de traitement des citoyens devant la loi. La réduction à 48 heures (au lieu de 72 heures) du délai prévu à l'article 5 pour que le juge statue est contreproductive et peu opérationnelle. À l'article 6, la charge des grands passages et des grands rassemblements traditionnels appartient déjà à l'État. Hasardeux juridiquement, ce texte est donc également douteux au plan pratique.

Un sujet auquel je suis fonctionnellement sensible : l'éducation scolaire de tous les enfants sur leurs territoires est une obligation pour les communes dont la méconnaissance est passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. À la lecture du rapport du préfet Hubert Derache, il reste des marges d'amélioration pour la scolarisation des enfants des gens du voyage au collège et au lycée. Nous avons réactivé le mouvement avec trois circulaires en mars 2012 - je salue le remarquable travail des enseignants pour aider ces enfants à rattraper leur retard ; je l'ai vu à Grenoble et à Paris dans une école du XIIe arrondissement.

Deuxième sujet, le refus de l'exclusion, de la stigmatisation - les gens du voyage se plaignent souvent du regard posé sur eux depuis des décennies, voire des siècles, qui n'amène qu'au repli sur soi. Nous touchons là au domaine de la loi de 1969. Le Conseil constitutionnel a censuré, le 5 octobre 2012, les dispositions imposant la détention et le visa régulier d'un carnet de circulation, au nom de la liberté d'aller et venir, ainsi que l'obligation de trois ans de rattachement à une même commune pour obtenir l'inscription sur les listes électorales, qui restreint l'exercice des droits civiques. Les parlementaires, à qui rien n'échappe, se sont saisis du sujet : une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale en décembre 2010 par le groupe socialiste, au Sénat par le groupe socialiste en juin 2011, une autre par le groupe écologiste en juin 2012.

Les temps ont changé, les esprits sont mûrs. Dès octobre 2012, le Gouvernement a lancé une large concertation avec l'Association des maires de France, les représentants des gens du voyage et des parlementaires pour aboutir à une politique équilibrée, travaillée avec les ministres de l'intérieur et du logement...Il conviendrait de ne pas oublier l'éducation nationale !

Le rapport du préfet Derache a constitué une véritable feuille de route pour le Gouvernement. La proposition de loi Raimbourg, déposée le 5 décembre, répondra aux attentes des élus. Comme l'a dit le ministre de l'intérieur lors du colloque organisé à l'Assemblée nationale en juillet dernier, les élus, et ils sont nombreux, qui sont soucieux d'accueillir toutes les populations dans la dignité, ne doivent pas se sentir pris au piège. En même temps, parce que les droits ne vont pas sans les devoirs, il faut que les communes respectent mieux leurs obligations d'aménager des aires d'accueil.

Comme le préconise le rapport Derache, le Premier ministre vient de confier à la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) une nouvelle mission : le secrétariat et l'animation de la Commission nationale consultative des gens du voyage. Comme l'a annoncé Mme Duflot, lors de de la 8e Journée nationale des gens du voyage à Chambéry le 3 décembre dernier, la Dihal consultera très prochainement l'ensemble des membres de cette commission afin de revisiter son rôle et son mode de fonctionnement.

Le Gouvernement a confié à deux parlementaires, un de la majorité, l'autre de l'opposition, une mission de réflexion sur la définition d'un cadre stable et pérenne pour les grands rassemblements, question distincte de celle des aires d'accueil et de grand passage.

Efficacité, respect, équilibre, voilà les principes qui nous guident ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - Bon voyage !

M. Jean-Claude Carle.  - Il y a du boulot !

Mme Esther Benbassa .  - Ma première réaction à la lecture de cette proposition de loi a été la colère. Oui ! Bafouer les principes fondateurs de notre République pour des raisons électoralistes ! M. Hérisson voulait rapprocher le statut des gens du voyage du droit commun en 2012 ; il veut désormais renforcer les sanctions. Comment expliquer ce brutal revirement ? Les élections ont leurs raisons que la raison ne connaît point, (M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi, s'exclame) en ces temps où le racisme et la xénophobie n'ont hélas de cesse de progresser. (Même mouvement)

Laissez-nous parler ! M Hérisson défendait plus de places en aires d'accueil pour les gens du voyage, avec raison. D'après la Cour de comptes, 52 % d'entre elles seulement ont été réalisées.

Je proposerai des amendements pour abroger l'archaïque loi de 1969, ainsi que pour obliger les communes à remplir leurs obligations, comme le recommandait Pierre Hérisson à la page 38 de son rapport de juillet 2011. Comment accepter que l'installation sur des terrains sans autorisation soit punie de lourdes peines alors qu'on peut encore lire, à l'entrée de maints villages, ces tristes panneaux : « interdit aux forains et aux gens du voyage » ?

Croit-on vraiment qu'en période électorale il ne faudrait songer qu'aux sanctions, dont on dit les Français friands ? Ne nous étonnons pas ainsi, de voir le Front national progresser, quand on libère la parole xénophobe et raciste. Ce texte fait des gens du voyage des étrangers sur leur propre sol. Notre République égalitaire peut-elle encore tolérer l'existence de sous-citoyens ? Gens du voyage : belle dénomination d'ailleurs ! N'oublions pas que 95 % des 6 000 Tziganes internés et déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, y compris dans des camps situés sur notre territoire et dirigés par des Français, ont péri. Bien entendu, le groupe écologiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs écologistes.)

M. Jean-Claude Carle .  - Ceci n'est pas un rappel au Règlement proprement dit, mais je veux dénoncer le dévoiement d'une tradition sénatoriale. Deux propositions de loi venant de l'UMP sont inscrites à notre ordre du jour dans le cadre de cette niche, aucune des deux ne sera examinée. Je suis co-auteur, avec M. Hérisson, de la première. Elle a été entièrement réécrite, sur le fond comme sur la forme, par la commission des lois. Et pourtant, le président Bel, le 24 mars 2009 déclarait : « À la lumière des nouvelles méthodes constitutionnelles, il nous faut revoir les règles d'examen des propositions de loi, afin de respecter effectivement la priorité reconnue aux groupes bénéficiaires de cette journée réservée ». Et de suggérer, y compris lorsque la commission est défavorable, l'examen du texte en séance, article par article, quitte à ce qu'il soit rejeté in fine. « Assentiment » général !

La révision constitutionnelle a consacré les droits de l'opposition, ce que rappelait la présidente Borvo, lors de la Conférence des présidents, du 19 mai 2010, lorsqu'elle déclarait à propos du renvoi en commission d'une proposition de loi communiste que « ce renvoi ne répond pas à une nécessité absolue et ne respecte pas les droits de l'opposition ».

Le président Sueur lui-même, lors de la Conférence des présidents du 16 novembre 2011, avait alerté sur le risque de dérive que nous déplorons, en insistant sur la nécessité du Gentlemen's agreement, qui prévalait jusqu'à ce jour. Un accord bafoué, M. Bel l'a dit hier soir lors de la Conférence des présidents, puisque le texte de M. del Picchia sur le vote par Internet pour l'élection des députés européens par les Français de l'étranger a fait l'objet d'une motion de renvoi, contre l'avis du rapporteur Antoine Lefèvre, et selon moi, contre l'article 48 de la Constitution. La présente proposition de loi a été agrémentée de quelque 75 amendements portant article additionnel avant l'article premier, afin d'abroger, article par article, la loi du 3 janvier 1969. Je tenais à dénoncer la méthode, qui contrevient, selon moi, à l'esprit qui doit prévaloir ici : c'est de l'obstruction parlementaire.

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - Vous allez m'entendre !

M. Jean-Claude Carle.  - J'en viens à l'objet du texte de M. Pierre Hérisson, que j'ai cosigné.

Les gens du voyage ont choisi un mode de vie que je respecte. C'est leur droit le plus strict. La République le leur reconnaît. Tout comme elle leur reconnaît le devoir de respecter la loi et ceux qui sont chargés de la faire appliquer...

M. Alain Gournac.  - Très bien !

M. Jean-Claude Carle.  - Nombre d'élus nous ont témoigné de leur sentiment d'abandon face à des individus qui connaissent parfaitement les failles de la loi pour en profiter, et vont jusqu'à agresser des élus dans l'exercice de leurs fonctions, comme récemment à Frangy en Haute-Savoie et à Verdun dans la Meuse.

Les lois Besson de 1990 et 2000 ont permis la création de 41 561 places réparties en 1 867 aires d'accueil et la réalisation de 350 aires de grands passages.

Rappelons la nécessité pour les élus d'appliquer la loi, pour contester sur son fondement les installations illégales.

Nous avons écrit ce texte pragmatiquement, sans discriminer personne ni stigmatiser quiconque. Nous avons veillé à éviter l'amalgame entre la question des Roms, qui relève des politiques publiques nationales et internationales de l'immigration et celle des gens du voyage, qui ressortit à la loi de 1969. J'en profite pour saluer le travail de Pierre Hérisson à la tête de la Commission nationale consultative des gens du voyage.

Notre approche se focalise sur l'installation illégale des gens du voyage. Elle procède d'abord d'un souci de responsabilisation. L'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales doit être modifié pour confier à l'État la responsabilité des grands passages et des grands rassemblements. Les collectivités doivent, en outre, être mieux informées et en temps réel, des modalités d'occupation de leur domaine.

Mieux identifier les interlocuteurs permettra de restaurer la confiance.

La liberté de circuler s'arrête là où commencent les libertés des autres : droit de propriété, puissance de l'ordre public. Une juste sanction aux atteintes à la loi doit être définie. Nous persistons à vouloir doubler les sanctions existantes : nous déposerons un amendement rétablissant la rédaction initiale du texte. En Haute-Savoie, vingt expulsions ont été décidées depuis le début de l'année, soit plus qu'en une décennie. Je salue l'action du préfet et du ministre de l'intérieur, tout en soulignant que ce chiffre reflète une situation aggravée. Le droit administratif joue en faveur de ceux qui pratiquent le contre-la-montre ou la politique de la terre brûlée. Les délais relatifs à la mise en demeure, ainsi que les délais de recours contre une décision de mise en demeure doivent être raccourcis.

Les citoyens sont égaux, quel que soit le mode de vie qu'ils adoptent. Nous n'acceptons pas les leçons de morale que certains lancent à la tribune tout en demandant au ministre et au préfet plus de fermeté sur le terrain. M. Mézard l'a bien dit en commission : « La loi de la République doit être respectée par tous, communes et gens du voyage. Quand ceux-ci s'installent n'importe où, sauf sur l'aire aménagée à cet effet, et que le représentant de l'État ne bouge pas, que faire ? Le personnel communal est souvent injurié, parfois agressé, dans l'indifférence des pouvoirs publics ».

Cette proposition de loi doit être adoptée dans l'esprit qui était le sien lorsqu'elle a été déposée sur le bureau du Sénat. Elle n'est pas parfaite, certes, mais elle répond à une situation qui a beaucoup évolué depuis les années 1990. Pour le Savoyard que je suis, mieux vaut avancer pas à pas que de rester immobile. (Applaudissements à droite)

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

M. Vincent Delahaye .  - Cette question occupe beaucoup les élus locaux ; il est normal que le Sénat s'en saisisse. La loi Besson n'est pas exactement restée lettre morte, madame la ministre, mais elle n'a pas réglé tous les problèmes. Un équilibre reste à trouver entre droits et devoirs des gens du voyage et des collectivités, lesquelles ne sont pas toutes également touchées...

Elles ont, certes, le devoir de mettre en place des aires d'accueil. Les taux d'application de ces dispositions ont été rappelés, ainsi que le caractère virtuel de la procédure de substitution de l'État aux carences des collectivités territoriales. L'aire d'accueil que j'ai créée à Massy a été financée avec l'aide de l'État.

Mes voisins, maires d'Évry et de Palaiseau, maintenant au Gouvernement, n'en ont réalisé aucune. À Massy, les enfants des gens du voyage sont scolarisés ; l'entretien de cette aire coûte 150 à 250 000 euros par an. Le loyer est très bas, mais le taux d'impayés considérable. Nous aurions préféré un texte plus équilibré, cette proposition de loi reste opportune. J'ai beau avoir écouté attentivement la ministre, je n'ai pas compris en quoi consistait la stratégie du Gouvernement. J'aimerais qu'il fonde sa politique sur un autre support qu'une proposition de loi, celle du député Raimbourg, parce que je crois savoir, tout jeune parlementaire que je suis, qu'il en sort rarement grand-chose. Si nous quittions cet hémicycle avec des perspectives et un calendrier, nous aurions fait un grand pas en avant. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Cécile Cukierman .  - L'ordonnance de Colbert de 1662 confondait le nomadisme avec l'oisiveté et l'errance, et en faisait un délit. En trois siècles de législation sur les gens du voyage, les choses ont peu évolué. La peur, la méconnaissance, le manque de pédagogie demeurent. Pourquoi, à la veille des municipales, proposer de renforcer la répression ? Sanctionner toujours plus lourdement les gens du voyage n'a pas de sens tant que les maires ne respecteront pas leurs obligations.

Vingt-et-une propositions de loi ont été déposées depuis la dernière grande loi sur le sujet. L'alourdissement des sanctions ne peut faire changer les mentalités vis-à-vis de ceux qui vivent différemment, sans parler du risque d'inconstitutionnalité.

La loi de 2000 comporte des avancées importantes : réservation de terrains communaux, interdiction du stationnement en-dehors de ces emplacements. Mais il aurait été utile de donner aux communes les moyens de remplir leurs obligations. Le déficit d'aires d'accueil est grand : celles qui en ont créé, subissent la pression des gens qui veulent s'y installer, et se trouvent pénalisées par rapport aux communes qui n'ont pas rempli leurs obligations.

Il faut trouver un équilibre entre, d'une part, la liberté constitutionnelle d'aller et venir, celle de disposer d'un logement décent et, d'autre part, l'impératif pour les collectivités territoriale d'éviter des installations illicites qui posent un problème de coexistence avec les résidents.

Nous proposerons des amendements pour abroger la loi de 1969, reconnaître l'internement des nomades pendant la Seconde Guerre mondiale et supprimer les articles 4 et 5 parce qu'ils portent atteinte à l'équilibre qu'il faut bâtir.

Le groupe CRC défendra toutes les mesures qui concilient le droit à un habitat adapté et la liberté de circulation, dans le respect de l'équilibre des droits et des devoirs de chacun, ce que ne fait pas la proposition de loi.

M. Jean-Claude Requier .  - Cette proposition de loi renforce essentiellement les sanctions contre les stationnements illicites. La République ne saurait introduire de distinctions entre ses citoyens, en dehors de celles fondées sur le mérite. Cependant, nous qui dirigeons encore des exécutifs locaux, nous savons ce qu'il en est de l'accueil des gens du voyage : cohabitation sans problèmes ici, occupations illicites ailleurs. De nombreuses collectivités se trouvent démunies, sinon abandonnées par l'État qui ne prête pas le concours de la force publique pour faire évacuer les occupants.

Après la loi de 2000 qui se fixait des objectifs sans doute trop ambitieux, les schémas départementaux n'ont pas tous été élaborés ; après la décision de l'État en 2008 de ne plus subventionner que les projets en cours, certaines communes se sont trouvées dans l'impossibilité matérielle d'appliquer la loi.

Certains groupes n'hésitent pas à se réclamer des grands passages pour s'installer illégalement et abuser des services offerts par les collectivités. Aux maires qui subissent les conséquences de ces comportements indélicats, nous devons apporter notre soutien.

La proposition de loi de M. Hérisson soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Celle de M. Raimbourg adopte une autre méthode, en supprimant la loi de 1969.

Il faut aider les collectivités territoriales à remplir leurs obligations et être intraitable avec les fauteurs de troubles. Nous déterminerons notre vote en fonction de nos débats. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Michel .  - Je veux d'abord rendre hommage à Pierre Hérisson. Il a montré dans le passé toute la connaissance qu'il avait de ce sujet. Nommé deux fois parlementaire en mission, il est l'auteur d'un remarquable rapport intitulé Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun, et d'une proposition de loi qui reprenait ses préconisations en juillet 2012. Vraiment toutes mes félicitations ! Je n'en dirai pas autant aujourd'hui...

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - La situation a changé...

M. Jean-Pierre Michel.  - La vérité, c'est que nous approchons des élections et que cela nous vaut un texte visant uniquement à renforcer les sanctions. Ce n'est pas digne de notre Sénat.

Monsieur Carle, qui voudriez restreindre le droit d'amendement des parlementaires, je vous indique qu'il ne tient qu'à votre groupe de voter un amendement pour que cette proposition de loi soit adoptée dans les délais de quatre heures prévu par notre Règlement.

Depuis cet été, nous assistons à une surenchère face aux gens du voyage, parfois assimilés aux Roms. Elle est le fait de l'extrême-droite, mais aussi d'une partie de la droite républicaine. Certains élus multiplient les déclarations agressives, qu'ils disent ensuite regretter : quand sont-ils sincères ?

Notre pays est le seul à avoir mis en place une législation sur les gens du voyage. La catégorie juridique des gens du voyage n'est pas ethnique mais fondée sur un mode de vie. Il n'y a pas si longtemps, les gitans et autres bohémiens circulaient librement. Désormais, chacun défend son pré carré, ceinture son jardin de haies par peur de l'autre.

Définie, cette communauté n'est pas pour autant bien appréhendée. Certains parlent de 500 voire 600 000 personnes ; en réalité il y en a plutôt 250 à 300 000.

Les textes récents sont bienvenus, mais ne sont guère appliqués. Les rapports parlementaires disponibles sont de qualité, dont celui de M. Hérisson. Comme les travaux universitaires, ils fournissent une première base documentaire. Et il y a une série de décisions des juges judiciaires, administratifs et constitutionnels.

Cette proposition de loi est incomplète. Elle ne traite pas totalement des grands passages et ne tire pas toutes les conséquences de la décision du 5 juillet 2012 du Conseil constitutionnel. Comme toujours, celle-ci est très balancée et très hypocrite.

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - Ces propos n'engagent que vous !

M. Jean-Pierre Michel.  - Il faut sans doute y voir la main du secrétaire général et de ceux qui l'entourent. À force d'être balancées, ces décisions ne débouchent sur rien.

Notre amendement, lui, va au bout de la logique, en supprimant tout bonnement la loi de 1969.

Il nous restera à examiner la proposition de loi de M. Raimbourg...

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - C'est la même que la mienne !

M. Jean-Pierre Michel.  - ... qui vient, comme tant d'autres propositions de loi, largement du Gouvernement car pour établir un texte solide on a besoin de la compétence des services ministériels. Puisque cette proposition de loi a l'aval du Gouvernement, elle sera discutée et vous pourrez l'amender, monsieur Hérisson.

Ce texte est hasardeux. La procédure d'évacuation d'urgence hors les cas de menace à l'ordre public risque fort d'être contraire à la Constitution. Le tribunal administratif de Nice s'est déjà prononcé en ce sens, contre un arrêté de votre ami M. Estrosi.

Ce texte est enfin inapplicable, car le tribunal administratif devra statuer dans les 48 heures, y compris les jours fériés... De plus, une convention devra être rédigée entre maires et riverains trois mois avant l'arrivée de la moindre caravane ! C'est tout bonnement irréaliste, et risquerait de raviver les contentieux. Bref, c'est une façon de manifester son hostilité à l'arrivée des gens du voyage.

Nous voterons par conséquent contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée .  - Mme Benbassa a eu raison de souligner la fragilité juridique du texte et la menace qu'il fait peser sur la cohésion républicaine.

Monsieur Carle, le nombre d'amendements déposés illustre la vitalité du débat démocratique et la complexité du problème ; sur tous les bancs on cherche des dispositions acceptables.

Monsieur Delahaye, le Gouvernement n'a pas l'intention de déposer un projet de loi : M. Raimbourg travaille avec les associations et les ministères et nous sommes très attentifs à ce qu'il pourra proposer. La ville de Massy respecte la législation mais d'autres communes ne le font pas. Les aires d'accueil sont en nombre insuffisant .

Le Gouvernement a pris des engagements à Bruxelles et créé une délégation interministérielle.

Mme Cukierman a eu raison de rappeler les persécutions dont les gens du voyage ont été victimes. Cette communauté fait pourtant partie intégrante de notre société, comme l'a rappelé M. Michel. Il faut mieux organiser les grands déplacements, en lien avec les gens du voyage eux-mêmes. Ainsi, nous oeuvrerons pour une société vivable pour tous, quel que soit leur mode de vie.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques.

Avant l'article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogée.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - La proposition de loi est incomplète. La commission des affaires économiques a donc adopté un amendement abrogeant la loi de 1969. Celle-ci est discriminatoire, c'est incontestable. Les gens du voyage sont la seule catégorie de citoyens pour laquelle la détention d'une carte nationale d'identité ne suffit pas. Le Conseil constitutionnel en a abrogé une large partie, mais certaines de ses dispositions demeurent en vigueur, qui ont été dénoncées par la Halde en 2009. Notre commission s'est prononcée à l'unanimité en faveur de cette abrogation.

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement abroge la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile, ni résidence fixe, qui est source de stigmatisation et de discrimination pour certains de nos compatriotes.

Ce n'est certes pas nouveau : de mars 1908 à juillet 1909, 7 790 nomades ont été photographiés par les brigades de Clemenceau, prélude à la constitution du carnet anthropométrique.

En octobre 2012, le Conseil constitutionnel a abrogé l'obligation pour certaines catégories de gens du voyage de faire viser régulièrement leur carnet de circulation, ainsi que la condition de rattachement pour l'inscription sur les listes électorales. Mais le titre de circulation reste en vigueur.

La décision du Conseil constitutionnel, importante sur le plan symbolique, appelait surtout le législateur à abroger ce régime dérogatoire infligé aux gens du voyage qui, je le rappelle, ne sont pas des Roms mais des Français, nés Français, depuis des générations, et même depuis la nuit des temps. Il est temps de faire entrer les gens du voyage dans le droit commun, comme le voulait Pierre Hérisson dans son rapport de 2011.

M. le président.  - Amendement identique n°27, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman.  - L'objet est le même : abroger un statut dérogatoire réservé à ceux qu'on a appelés successivement les forains, les saltimbanques et les bohémiens. Le droit commun doit s'appliquer à tous de la même manière, comme l'ont demandé les associations et diverses organisations internationales.

M. le président.  - Amendement identique n°40, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Jean-Pierre Michel.  - Le Conseil constitutionnel, c'est subtil, a censuré le visa trimestriel du carnet de circulation mais non le carnet lui-même. Le député Quentin et notre excellent collègue M. Pierre Hérisson ont proposé la suppression de tous les titres de circulation. Poursuivons ce mouvement.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

M. Jean-Pierre Michel.  - Si les amendements de suppression de l'article n'étaient pas adoptés, nous proposons d'abroger la loi de 1969 par division.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 3 et 4 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont abrogés.

M. Jean-Pierre Michel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

M. Jean-Pierre Michel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 7 à 10 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont abrogés.

Mme Esther Benbassa.  - Amendement de repli. Les titres de circulation de la loi de 1969 sont le prolongement des livrets anthropométriques de la loi de 1912.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 7 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

M. Jean-Pierre Michel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 8 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

M. Jean-Pierre Michel.  - Défendu.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Avis défavorable à tous ces amendements. Je rappelle toutefois que la décision du Conseil constitutionnel, prise à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité en 2012, a supprimé les éléments les plus choquants de la loi de 1969 : de quel droit a-t-on privé les Français itinérants du droit de vote ? Ce serait l'honneur du Sénat de reconnaître à tous les Français les mêmes droits. À titre personnel, je voterai l'amendement de suppression de l'article.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - Très bien !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - M. Jean-Pierre Michel se montre bien sévère à l'égard du Conseil constitutionnel. Tout de même, il a censuré des dispositions inacceptables en jugeant disproportionnés au but de la loi le visa trimestriel, la sanction de la circulation sans carnet et l'obligation de rattachement de trois ans à une commune pour être inscrit sur une liste électorale.

Nous nous en remettrons à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s1, 7, 27 et 40. L'abrogation de la loi de 1969, division par division, ne serait pas satisfaisante car elle aboutirait à un résultat déséquilibré.

Les gens du voyage sont Français, effectivement. Les autorités européennes ne nous facilitent pas toujours les choses avec les discours sur les Roms. Quant à nous, nous défendons l'égalité pour tous les citoyens.

M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.  - On cite mes rapports, ma proposition de loi. En somme, j'aurais vu juste, jusqu'au jour d'aujourd'hui. L'abrogation de la loi de 1969 relève plutôt de la proposition Raimbourg.

Cessez de vous référer au carnet de circulation, il n'existe plus depuis la décision du Conseil constitutionnel. Le livret, oui, et les maires l'ont intégré. En revanche, le Conseil constitutionnel n'a pas voulu abroger totalement la loi de 1969, il a maintenu la limite des 3 %. La sagesse voudrait donc qu'on renvoie cette question à la proposition de loi Raimbourg.

Je rappelle que 10 700 communes comptent moins de 500 habitants ; les électeurs rattachés pourraient y devenir majoritaires, attention ! J'ajoute qu'en abrogeant la loi de 1969, on créerait d'autres discriminations ; cela été bien vu lors du colloque organisé à l'Assemblée nationale, si on ne proposait pas un texte de substitution. Le groupe UMP votera contre ces amendements.

Mme Esther Benbassa.  - Désolée, monsieur Hérisson ! Que les maires aient intégré le livret de circulation ne signifie pas, pour l'historienne que je suis, qu'il ne faille pas le supprimer ! Ils avaient bien intégré le carnet de circulation qui a remplacé le carnet anthropométrique de 1912, inspiré du système de signalement d'Alphonse Bertillon, chef de service de l'identité judiciaire dans les années 1880, sur les criminels récidivistes. Franchement, qu'on en soit là au XXIe siècle !

À la demande des groupes UMP et socialiste, les amendementss1, 7, 27 et 40 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°93 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 159
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - Je m'en remets à la sagesse sur les amendements n°s41, 42, 43, 8, 44 et 45.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°41 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°94 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption 178
Contre 138

Le Sénat a adopté.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°42 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°95 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 347
Pour l'adoption 347
Contre 0

Le Sénat a adopté.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°43 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°96 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 178
Contre 168

Le Sénat a adopté.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°8 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°97 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 159
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°44 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°98 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 159
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... L'action menée en faveur de l'accompagnement et l'insertion des personnes dites gens du voyage s'inscrit dans un cadre interministériel avec le souci de préserver l'équilibre entre la reconnaissance des droits et l'abrogation des mesures discriminatoires d'une part, le rappel des devoirs et la nécessité de conduire des politiques spécifiques à l'égard d'une population particulière dont l'habitat traditionnel est constitué de résidence mobile ou qui se trouve en situation de semi-sédentarisation, d'autre part.

« Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de cette communauté et des collectivités territoriales chargées de les accueillir.

« Elle est mise en oeuvre par l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi que les associations qui représentent les gens du voyage dans leurs relations avec les pouvoirs publics. »

M. Jean-Pierre Michel.  - Cet amendement énonce les fondements sur lesquels doit reposer une politique globale en faveur des gens du voyage, qui associe de nombreux acteurs : associations, collectivités territoriales, État, et, au sein de l'État, de nombreux ministères : le logement, les affaires sociales, l'intérieur, l'éducation - vous n'êtes pas là par hasard, madame la ministre - mais aussi ponctuellement la défense ou la santé. Tout le monde déplore le manque de coordination au niveau national et même au niveau local, ainsi que l'absence de statistiques fiables. M. le Premier ministre a souhaité la définition d'une stratégie interministérielle sur les gens du voyage, reposant sur un équilibre entre droits et devoirs des collectivités territoriales et des gens du voyage.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Favorable, même si on peut s'interroger sur la cohérence de cet amendement avec ce qui vient d'être voté...

Mme Cécile Cukierman.  - C'est sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Diplomatie et sagesse caractérisent M. Leconte !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - Nous sommes un peu perplexes sur ce qu'apportera cet amendement. Nous travaillons déjà en coordination interministérielle - pour preuve, la circulaire sur le schéma départemental des gens du voyage. Une telle disposition de portée générale n'est donc pas utile. En outre, cet amendement a-t-il une portée normative ? On peut en douter. L'avis du Gouvernement n'est donc pas très favorable.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°52 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°99 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l'adoption 159
Contre 168

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, le mot : « traditionnel » est remplacé par le mot : « permanent ».

Mme Esther Benbassa.  - L'article premier de la loi du 5 juillet 2000 utilise l'adjectif « traditionnel » pour qualifier l'habitat des gens du voyage. Cet adjectif est à la fois stigmatisant et inopérant. En effet, les gens du voyage appartiennent à une catégorie administrative désignant une population hétérogène, qui réside habituellement en abri mobile terrestre. L'adjectif « permanent » sera plus approprié et plus adapté à notre société.

Le terme de gens du voyage est apparu en 1938 lors de la sortie en France du film de Jacques Feyder, Les gens du voyage, qui se déroulait dans un cirque. Peu à peu, il a remplacé celui de forains ou de nomades avant d'être repris dans les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1969 puis généralisé dans les textes officiels et l'administration ; il apparaît dans une loi de 1990.

L'expression a en réalité deux sens : au sens légal, c'est une catégorie administrative française qu'on retrouve dans la loi du 3 janvier 1969 et le décret du 31 juillet 1970 ; au sens commun, elle désigne des personnes itinérantes vivant habituellement en caravanes, perçues comme appartenant à un groupe particulier - et dangereux. Dans notre législation, elle n'a aucune connotation ethnique ou communautariste, conformément aux principes constitutionnels. L'adjectif « traditionnel » n'a plus lieu d'être utilisé. D'où cet amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°34, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement est très attendu par les associations qui luttent contre la stigmatisation des gens du voyage. L'expression « habitat traditionnel », en apparence neutre, ne l'est pas ; elle participe d'une vision communautariste, qui n'a pas lieu d'être dans la loi.

M. le président.  - Amendement identique n°75, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Le terme « traditionnel » fait référence à l'origine des populations ; on peut y voir, avec raison, une ethnicisation, une stigmatisation des gens du voyage. L'expression « habitat permanent », plus neutre, convient mieux à une catégorie administrative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - Nous partageons la volonté de ne pas stigmatiser une partie de la population. Mais remplacer le mot « traditionnel » par « permanent » est, en l'espèce, contradictoire, voire constitutif d'un oxymore. Avis défavorable.

M. Jean-Claude Requier.  - Pour venir du monde rural, je n'ai rien contre la tradition. Je ne vois pas en quoi le mot est stigmatisant. Dans sous-préfet, il y a bien « sous » : ce n'est pas insultant pour autant... (Sourires) Nous ne sommes pas à la Sorbonne !

M. Antoine Lefèvre.  - Nous avons parlé de tradition, d'histoire, de poésie avec Baudelaire et c'est heureux... Mais il faut rappeler ce qui se passe sur le terrain. Ce texte doit répondre aux problèmes auxquels sont confrontés les élus, au premier rang desquels le non-respect des lois de la République. Si on veut inciter les élus à se conformer à leurs obligations, il importe que ceux qui font des efforts d'aménagement puissent avoir le concours de la force publique en cas d'occupation illégale.

En 2008, nous avons inauguré avec une certaine fierté une aire d'accueil, que j'ai dû fermer par un arrêté du 28 avril 2010. Cette aire, pour une collectivité de 44 000 habitants, représentait un gros investissement : 1,4 million d'euros et 87 000 euros en frais de gestion. Ella été dégradée, nous ne pouvons pas la reconstruire. Et nous avons subi des occupations sauvages, sans que le représentant de l'État intervienne. Voilà le témoignage de terrain que je voulais apporter sans reprendre le mot d'angélisme qui a été utilisé en commission. On ne peut méconnaître la réalité.

Mme Cécile Cukierman.  - Le non-respect de la loi, la dégradation de biens publics doivent être condamnés, quel que soit le choix de mode de vie ; tout le monde le reconnaît. Mais ne sous-entendons pas que les gens du voyage respecteraient moins la loi que les autres et gardons-nous des dérives sécuritaires comme de l'angélisme. Le dossier serait sans doute moins sensible si toutes les communes de 5 000 habitants respectaient leurs obligations...

Attention à ne pas invoquer la tradition à mauvais escient. En l'occurrence, le mot « tradition » renvoie à une communauté. Nous ne voulons pas du communautarisme. Nous savons le risque d'affrontement lorsqu'on renvoie les gens à leur communauté.

Madame la ministre, on peut avoir un habitat mobile et permanent : ce n'est pas contradictoire.

Mme Esther Benbassa.  - Je rejoins Mme Cukierman. Monsieur Lefèvre, personne n'a dit que les gens du voyage pouvaient se garder de respecter la loi. Mais rien n'empêche de réfléchir sur les mots, Sorbonne ou pas... Si on disait que les Français étaient traditionnels, vous le contesteriez !

Mme Esther Benbassa.  - Dans les religions, on sait qu'il y a des traditionalistes et d'autres qui ne le sont pas. D'après le syndicat des forains, plus de 60 % des gens du voyage sont sédentarisés. (M. Jean-Claude Requier bougonne) Opposer les intellectuels à ceux qui connaissent le terrain, c'est du populisme !

M. Antoine Lefèvre.  - Parlons seulement des réalités !

Mme Esther Benbassa.  - Parlons d'un peuple discriminé.

M. Antoine Lefèvre.  - Pas chez nous ! Ils votent !

Mme Esther Benbassa.  - Les gens du voyage ont été traités de voleurs de poules et rejetés aux marges de la société durant des siècles, ne l'oublions pas. Faire des catégories, c'est diviser. Et nous ne voulons pas diviser, mais rassembler.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - Attention à ne pas opposer stérilement les angélistes aux sécuritaires. Comme l'a dit M. Retailleau en commission, il ne saurait être question d'un clivage gauche-droite dans cette affaire. Personne n'est laxiste, personne n'accepte que les lois soient violées.

M. Antoine Lefèvre.  - Alors comment fait-on ?

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.  - Les choses ne s'amélioreront pas par le doublement des sanctions, c'est tout ce que nous disons. C'est un écran de fumée.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Je veux dire ma frustration. J'ai essayé de rendre la proposition de loi équilibrée et opérationnelle mais votre refus de l'abrogation de la loi de 1969 et la batterie de scrutins publics qui a suivi nous ont empêchés d'aller au fond des choses.

Les communes vertueuses doivent disposer de moyens plus efficaces et plus rapides pour faire respecter la loi, c'est vrai. Mais ce ne sont pas vos coups de trompette à l'approche des élections qui apaiseront les angoisses des maires...

Les amendements identiques nos12, 34 et 75 sont adoptés et deviennent articles additionnels.

M. le président.  - Je vais suspendre la séance. Il appartiendra au groupe UMP, s'il le souhaite, d'inscrire la suite de ce texte dans son espace réservé. La proposition de loi tendant à autoriser le vote par Internet pour les Français établis hors de France pour l'élection des représentants au Parlement européen est, elle renvoyé au 21 janvier 2014.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'opportunité de créer un comité de responsabilité sociale et environnementale, établi en application de la loi relative à la création de la Banque publique d'investissement. Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu'à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales et à la commission du développement durable.

La séance est suspendue à 20 h 15.

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

La séance reprend à 22 h 15.

Loi de finances rectificative pour 2013

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances .  - Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter sera un catalyseur pour la croissance. L'ambition est claire, alors que l'activité économique a changé de tendance, même si je ne méconnais pas la fragilité de l'embellie du printemps, qui intervient après des années de stagnation. Ce n'est pas une spécificité française : la zone euro tout entière sort de la récession. Il faut du temps pour que cette embellie se traduise dans la vie quotidienne des Français. D'ores et déjà, le chômage a accusé une première baisse depuis 30 mois, en octobre. La courbe du chômage des jeunes s'est inversée, elle, depuis six mois.

Ce retour de la croissance n'est pas une vue de l'esprit. Le Haut Conseil des finances publiques - qui prend sa place dans le paysage français avec votre soutien - ainsi que Bruxelles, ont jugé pleinement réalistes nos prévisions de croissance : 0,2 % en 2013, 0,9 % en 2014 et 1,7 % en 2015.

Nous avons calibré l'effort au plus près, sans marge de sécurité ? Ce n'est pas déshonorant et je le revendique car nous avançons sur un chemin de crête pour renouer avec la croissance. Nous sommes parmi les quatre pays de l'Union européenne dont la trajectoire financière est jugée la plus solide.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il faut le dire !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Si la Commission a jugé nos marges de manoeuvre limitées, elle a donné un satisfecit plein et entier à notre scénario. Nos premiers résultats, la régression du chômage, doivent nous encourager à mener les réformes en profondeur de nos structures économiques. Il reste du chemin à parcourir. L'embellie ne doit être un motif ni d'autosatisfaction ni d'autoflagellation.

La prévision du déficit est de 4,1 % en 2013 contre 4,8 % en 2012 ; nous étions à 5,3 % en 2011 et nous en serions encore à ce niveau si l'on avait continué sur la trajectoire antérieure. Encore une fois, je vois là un motif d'encouragement à continuer d'assainir les comptes publics. Le déficit ne cesse de baisser.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Et la dette ?

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Regardez les chiffres et ayez un peu de mémoire ! Les déficits, c'est vous ; le redressement, c'est nous !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Parlez plutôt du texte !

M. Francis Delattre.  - Et souvenez-vous de M. Mitterrand !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Reprise progressive de l'activité et économies de la dépense publique, voilà dans quel mouvement s'inscrit ce projet de loi de finances rectificative qui s'articule autour de trois piliers.

D'abord, le financement de l'économie. Depuis dix-huit mois, je fais tout pour soutenir la trésorerie des entreprises et drainer l'épargne vers l'économie réelle. Les résultats sont là : plus 15 milliards d'encours pour nos PME. Elles souscrivent des emprunts à des taux historiquement bas : 100 points de base de moins que dans l'ensemble de la zone euro. N'en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, le spread avec l'Allemagne s'est réduit depuis 2012. L'assurance-vie, qui représente plus de 1 400 milliards d'encours, offre de la sécurité pour un rendement faible. Mobilisons-la mieux. Nous la réformons, en nous appuyant sur les travaux des parlementaires, notamment ceux de Karine Berger, pour qu'elle offre un meilleur rendement, soit mieux fléchée vers le tissu productif, en offrant les mêmes garanties.

Nous créons un nouveau produit, Euro-croissance, qui sera un outil puissant de réallocation de l'assurance-vie vers l'investissement dans les entreprises. Nous réformons le régime fiscal de la transmission des contrats d'assurance-vie, pour inciter les plus gros patrimoines à contribuer davantage au financement de l'économie. Le taux du barème applicable aux grosses successions passera de 25 % à 31,25 % pour la tranche supérieure à 700 000 d'euros par bénéficiaire. Il s'agit d'une incitation à modifier les comportements car, dans le même temps, un abattement d'assiette compensera cette hausse pour les placements dans des actions de PME et d'ETI, dans le logement social et intermédiaire, dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Cette réforme, mûrement réfléchie, sera efficace.

Nous proposons aussi un nouveau dispositif de financement pour les entreprises innovantes, travaillé par Mme Pellerin et Mme Fioraso. Ainsi, les plus grandes entreprises seront incitées à investir dans les plus petites. Plusieurs dispositions y concourent, avec le PEA-PME, très attendu, ou l'amendement déposé à l'Assemblée nationale sur les FCPI et les FIP.

Deuxième axe, la politique de soutien : l'aide à l'export fait souvent la petite différence grâce à laquelle les entreprises décrochent des contrats, de très gros contrats. Nicole Bricq a activement réformé notre système lors du projet de loi de finances rectificative pour 2012 avec le label Bpifrance Export. Cela a déjà porté ses fruits, en particulier dans le secteur de l'aéronautique. Le gain de productivité atteint les 5 %, c'est considérable.

Ce texte prolonge ces efforts avec une garantie de refinancement, créée en 2012, dont nous élargissons le périmètre. Il améliore aussi la couverture des chantiers navals, dans la période de construction des bateaux. Il y a un an, je me suis battu pour les chantiers de Saint-Nazaire ; ils sont repartis de l'avant. Secteur de pointe, donc, qu'il faut soutenir par des financements. Enfin, quand les assureurs privés ne peuvent pas couvrir des interventions de court terme sur des marchés internationaux, l'État, si vous le voulez bien, pourrait s'y substituer. À tout cela s'ajoutent des gestes politiques, comme la grande conférence sur l'Afrique qui a réuni la semaine dernière plus de 50 chefs d'État à l'Élysée. Passons d'une logique de rente à une logique conquérante sur ce continent d'avenir pour l'économie mondiale.

Troisième axe, la simplification. Le Premier ministre, vous le savez, a proposé une remise à plat de la fiscalité. Le but est de rétablir la confiance, ce sera une révolution silencieuse, mais bien une révolution que la lisibilité et la simplicité.

Le Sénat sera particulièrement attentif à la fiscalité locale. Le Gouvernement a repris, par un amendement, la proposition de loi de votre rapporteur général sur la réforme des valeurs locatives et en a proposé une autre pour moderniser l'assiette de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer).

Toutefois, l'objectif, et il est vital, est de renouer avec la croissance. L'assainissement des comptes n'est pas une fin en soi, c'est une condition du redressement productif. (M. Francis Delattre proteste) Vous devriez, à droite, présenter vos excuses aux Français pour avoir ainsi creusé le déficit. Je le dis aux Français : oui le cap est clair ; oui, l'embellie est là ; oui, la croissance repart. Je rêve d'un consentement large sur ce texte parce qu'il y va du bon sens et de l'intérêt général. C'est dans cet esprit ouvert et constructif que je veux ouvrir la discussion au Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Cette année, le projet de loi de finances rectificative a particulièrement enflé à l'Assemblée nationale : il est passé de 34 articles à 93, à l'initiative tant du Gouvernement que des députés. Ce sont pour l'essentiel des ajustements techniques, qui ont peu d'impact financier. Des gels de crédit viennent, en sus du décret d'avance du 28 novembre, conforter notre trajectoire pour respecter la norme zéro valeur. C'est d'ailleurs la vocation principale d'un collectif - d'où son nom : collecter les besoins des différents ministères.

Nos hypothèses sont validées. La croissance sera de 0,1 %. C'est inférieur aux prévisions du Gouvernement, certes, mais demeure supérieur à celles des instituts. La croissance revient, c'est perceptible à voir les chiffres du chômage.

Le déficit budgétaire devait s'établir à 71,9 milliards, soit une amélioration de plus de 15 milliards par rapport à 2012. Cela dit, il est supérieur de 10 milliards à la prévision initiale.

M. Philippe Dallier.  - Tout de même !

M. François Marc, rapporteur général.  - La dépense étant tenue, il faut chercher l'explication du côté des recettes.

M. Philippe Dallier.  - Trop d'impôt tue l'impôt.

M. François Marc, rapporteur général.  - Ne donnez pas dans ce populisme ! Dites plutôt que trop peu de croissance tue l'impôt ! Regardons du côté de l'Europe.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est certainement la faute de M. Nicolas Sarkozy !

M. François Marc, rapporteur général.  - Heureusement, le cap européen a été réorienté vers plus de croissance et de solidarité. Voyez l'accord sur les travailleurs détachés. Il reste à soutenir les dépenses d'investissement et à encadrer la concurrence fiscale et sociale.

Les dépenses de l'État sont inférieures de 3 milliards à la norme zéro volume et conformes à la norme zéro valeur. Nos taux d'emprunt sont historiquement bas...

M. Philippe Dallier.  - Pourvu que ça dure !

M. François Marc, rapporteur général.  - ... et l'écart de taux avec l'Allemagne s'est réduit quand d'autres pays comme la Grèce, l'Italie et l'Espagne peinent à se financer.

M. Francis Delattre.  - Ils nous prennent des parts de marché, en attendant !

M. François Marc, rapporteur général.  - Je vois dans ce faible écart un signe de confiance des investisseurs envers notre pays.

Ce texte simplifie les modalités de déclaration et de recouvrement de certaines contributions et prélèvements, la vie des entreprises et celle de l'administration en seront facilitées. J'en profite pour encourager le Gouvernement à poursuivre ce chantier qui, s'il est peu spectaculaire, appelle à un changement de culture administrative : renforcer les contrôles a posteriori et les sanctions, pour alléger les contrôles a priori. Déjà, nous avons adopté lundi un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour simplifier la vie des entreprises, annoncé 200 mesures de simplification le 17 juillet, et notre ancien collègue Alain Lambert a été nommé médiateur des normes.

Le renforcement des outils de financement de l'économie, après la création du PEA-PME, se poursuit dans ce texte, avec un nouveau contrat d'assurance-vie : Euro-croissance.

J'en terminerai par la révision des bases locatives, une nécessité au regard de la justice fiscale, qui interviendra en 2018, après une expérimentation. Il s'agit d'un travail considérable, qui exigera pédagogie et courage. Je salue l'engagement de Bercy. À ceux qui, pour reprendre le mot de Goethe, préfèrent « commettre une injustice plutôt que de tolérer un désordre » (On apprécie sur divers bancs)...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Sehr schön !

M. François Marc, rapporteur général.  - ... je signale que transfert de charges, il y aura forcément. Le tout est qu'il se fasse dans la justice sociale. Je suis confiant, car la réforme sera précédée d'intenses travaux préparatoires.

La croissance est là, et bien là ; elle est néanmoins fragile. Consolidons-la en respectant notre trajectoire financière. À titre personnel, j'invite le Sénat à voter ce texte auquel la commission des finances a donné un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - Un collectif budgétaire ajuste les comptes en fin d'année, et contient une diversité de mesures fiscales et législatives pour l'avenir. Je me bornerai à commenter le premier aspect.

L'objectif de retour du déficit sous la barre des 3 % a été repoussé de deux ans, avec la bienveillance de Bruxelles. L'objectif de retour à l'équilibre en 2017 a, lui aussi, été abandonné puisque le déficit sera alors, en principe, de 1,2 % du PIB. Le ratio de dette, lui, atteint 93,4 %, et augmentera encore : le point culminant devait être atteint en 2013, à 91,3 % du PIB...

Les règles budgétaires étaient censées devenir plus intelligentes, grâce à la notion de solde structurel. Celui-ci sera de 2,6 % du PIB contre 1,6 % prévu... Le Haut Conseil des finances publiques vient de confirmer que l'écart à la trajectoire de solde structurel, important en 2014, nécessitera d'engager le mécanisme de correction prévu par les traités européens et notre législation nationale. On ne sait toujours pas comment ce mécanisme sera mis en oeuvre...

La réévaluation du PIB potentiel sera une nouvelle occasion de constater que la route de l'équilibre structurel sera encore longue et demandera davantage d'efforts...

En revanche, je salue l'absence de polémiques sur les prévisions de croissance, qui est à mettre au crédit du Haut Conseil des finances publiques.

Parlons un peu de la dépense publique car ce sera le sujet de tous nos débats dans les années à venir. L'année 2013 a été marquée par l'un des plus spectaculaires dérapages jamais enregistrés. Le Premier ministre, lorsqu'il nous a reçus, a insisté sur la nécessité de faire des économies. Or on attendait en 2013 une progression des dépenses publiques de 0,9 % : elle a été de 1,7 %. Le Gouvernement continue d'annoncer une division par quatre du rythme de progression de la dépense publique... Comment ferez-vous ? On nous dit que le rythme de dépenses des administrations de sécurité sociale sera divisé par trois pour passer de 2,3 % à 0,8 %. On nous dit aussi que celles des collectivités territoriales cesseront de progresser après avoir augmenté de 2 % en volume en 2013.

Sur quelles hypothèses fondez-vous ce qui s'apparente à du wishful thinking ? Ceci mériterait d'être explicité plus que ne le fait le rapport.

Les dépenses du budget général seraient un peu supérieures en 2013 qu'en 2012 : 287 contre 286 milliards en euros sonnants et trébuchants. Le prélèvement européen, lui, dérape de 1,6 milliard, alors que de nombreux États membres ont obtenu des rabais sur leur contribution...

Le collectif sert également à financer des dépenses de guichet. En face, des lignes de crédit sont annulées. Mais je ne veux pas mettre en doute les efforts de rationalisation de l'action publique qu'est censée conduire la MAP... Je vois aussi que l'on sacrifie les crédits d'intervention et d'investissement.

Les recettes rentrent moins bien que prévu. L'avenir de la TVA m'inquiète particulièrement. Il est bon de transférer des charges vers la consommation. Mais si l'évolution de l'économie et le développement de l'économie numérique en particulier fragilisent son rendement, quelle stratégie fiscale reste-t-il ?

Le déficit de l'État serait réduit de 15 milliards, sans que cela ait d'incidence sur son besoin de financement, qui passe de 187 à 186 milliards ! Cela s'explique par des amortissements plus importants que prévu et par la reprise de 4,5 milliards de la dette du Crédit Lyonnais.

Le recours au marché demeure indispensable ! Il faut ici rendre hommage aux bienfaits d'une gestion active de la dette. Mais ces bienfaits ne seront pas éternels, la magie financière n'opère pas toujours. Il faut s'attendre à une tension sur les taux d'intérêt, comme le reconnaît le Gouvernement qui a décidé de ce fait de régler l'affaire Crédit Lyonnais.

J'en terminerai par les dispositions législatives nouvelles. Elles sont utiles, ainsi du contrat Euro-croissance. Mais pourquoi sont-elles assorties de dispositions fiscales qui vont dans l'autre sens ? Quant au contrat-vie génération, il est assorti d'un alourdissement de la fiscalité, de sorte que l'avantage fiscal est réduit à néant. Vous n'avez pas tiré les leçons des échecs du passé, des contrats DSK et NSK par exemple !

Quelques mesures technocratiques pour faire bonne mesure, comme la création d'un fichier central des assurances-vie. Cet empilement de mesures contradictoires et mal maîtrisées se révélera peu efficace.

Bref, le scepticisme était de mise au sein de la commission des finances, c'est pourquoi nous préconisons le rejet du texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Les parlementaires attendent ce collectif depuis des mois pour connaître et contrôler les comptes publics. Si la seule réalité qui vaille est celle des chiffres, nous ne parlons pas de la même réalité. La dépense publique brute n'est pas stabilisée ; elle passe de 395,5 milliards en 2013 à 407,4 milliards en 2014. Assez des querelles stériles sur l'héritage ; vous êtes responsables du présent. La dette publique a progressé de 194,9 milliards depuis mai 2012 pour s'établir à 1 912,2 milliards en juin dernier. Je vous fais deux suggestions qui n'ont pas rencontré de succès sous le quinquennat précédent : optez pour une présentation des dépenses en euros courants et basez les prévisions budgétaires sur une croissance nulle - car les prévisionnistes et les Gouvernements se trompent tout le temps, et affectez les éventuelles recettes excédentaires aux comptes publics.

Les Français s'interrogent : à quoi sert une charge fiscale d'une intensité inégalée si le déficit progresse inexorablement ? Nous sommes passés de 71,2 à 82 milliards de déficit, 30 milliards de plus que prévu dans la loi de programmation votée l'an dernier.

Les recettes fiscales sont inférieures de 11 milliards aux prévisions. La disparition de un milliard de recettes de TVA serait imputable à de nouvelles techniques de fraude, dites-vous. En réalité, la pression fiscale, intenable, stimule l'économie souterraine et le travail au noir.

Face à la même crise, nos partenaires européens ont réalisé des efforts considérables pour revenir à l'équilibre. Nous faisons tout le contraire. Baissez les dépenses vite, monsieur le ministre, ou vous devrez augmenter encore davantage les impôts... Or nous assistons déjà à la réalisation de la courbe de Laffer. Oui, trop d'impôt tue l'impôt ; François Mitterrand, qui n'était pas économiste mais pragmatique, le reconnaissait. Pour rendre aux Français l'envie d'entreprendre, d'investir et de travailler, convainquez-les que l'impôt n'est pas confiscatoire. Si vous retrouvez l'esprit consensuel qui a conduit à l'adoption de la Lolf et de la loi sur la régulation bancaire, pour faire la réforme fiscale, vous aurez le soutien du groupe UDI.

Les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, et à l'exportation, aux entreprises innovantes, à certains secteurs comme la filière bois, sont heureuses mais insuffisantes.

En Allemagne, la CDU et le SPD sont arrivés à l'union nationale dans l'intérêt du pays. Le premier ministre consulte toutes les formations politiques pour préparer une réforme fiscale. Une mission vient d'être confiée à MM. Malvy et Lambert, deux anciens ministres du budget d'opinions politiques différentes, pour réfléchir au moyen de diminuer la dépense publique. Étendez aux groupes politiques cette forme de convergence et nous pourrons nous rapprocher.

M. Thierry Foucaud .  - Avant la remise à plat de la fiscalité, nous assistons à celle des modalités de recouvrement de l'impôt que contient ce texte en sus de quelques mesures techniques...

La croissance est toujours en berne ; le nombre de chômeurs s'accroît, de même que celui des faillites, supérieur à 60 000. Nous ne sommes pas vraiment sortis de la crise économique : les 5,8 millions de chômeurs sont là pour le rappeler.

Cependant, la fiscalité n'explique pas tout. Pour notre groupe, la hausse des prix de l'énergie pèse sur le pouvoir d'achat, comme la stagnation du smic ou la remise en cause de l'universalité des allocations familiales.

Nous trouvons dans l'insuffisante mobilisation du crédit bancaire la principale cause de la croissance atone. Les grands groupent renoncent à investir en France ou pratiquent le shadow banking tandis que les PME et TPE ont toujours autant de mal à accéder au crédit. La création de la BPI et la séparation des activités bancaires n'ont pas facilité l'accès aux financements.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Le contraire aurait été surprenant !

M. Thierry Foucaud.  - L'assurance-vie, dont l'encours atteint 1 400 milliards, est très inégalement répartie : 10 % des souscripteurs disposent de 64,8  % de l'encours pour une somme moyenne de 530 000 euros contre moins de 50 000 euros pour 90 % des déposants. Si les 170 000 ménages disposant des plus gros contrats d'assurance-vie étaient soumis à l'ISF, entre 1,2 et 5,1 milliards d'euros seraient apportés au budget de l'État.

Le rendement des nouveaux produits d'assurance-vie est en outre très faible ; 1,7 million de ménages seulement seraient concernés par les mesures de l'article 7, dont ceux qui détiennent deux millions d'euros en dépôt. On peut se demander ce qui pousse un gouvernement de gauche à proposer de telles mesures. Il conviendrait plutôt d'engager les entreprises à réinvestir leurs résultats et de faire en sorte que les banques leur accordent des conditions de crédit plus favorables.

Pour le reste, que contient ce collectif ? Favoriser l'administration électronique n'a pour objet que de supprimer des postes dans les administrations, sans aider à faire reconnaître le bien-fondé de l'impôt, sa justice et son efficacité économique et sociale. L'annulation de 3,2 milliards de crédits inscrits dans 83 programmes budgétaires est à déplorer. Cette somme est à rapprocher des crédits votés par le Parlement : 40 % de ceux-ci ont été tout bonnement supprimés, ce qui témoigne d'un certain mépris pour la Représentation nationale.

Nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative.

M. Yvon Collin .  - Notre pays s'est accommodé d'un déficit croissant de ses finances publiques pendant dix ans. Depuis 2006, l'équation budgétaire est devenue toujours plus difficile à résoudre. Entre récession et augmentation des dépenses il y a eu un effet de ciseaux qui a accru la pression fiscale, nourrissant l'actualité que l'on sait.

L'opposition met en cause la politique fiscale du Gouvernement. Il aura fallu en réalité deux exercices budgétaires seulement pour amorcer une trajectoire vertueuse. En 2011, le déficit public avait atteint 5,3 % du PIB. Il a été ramené à 4,1 % en 2013, le déficit structurel, lui, étant ramené à 1,7 % en 2013. Le groupe RDSE s'en félicite. Les révisions des chiffres n'en sont pas moins nécessaires, du fait de moindres rentrées fiscales, qui aggravent en retour le déficit.

Vous avez dû trancher, c'est le rôle d'un ministre, en procédant à des annulations de crédits. Les ministères de l'écologie et de la défense sont particulièrement mis à contribution.

S'agissant du budget de la défense, le report de charges de 3,6 milliards est particulièrement préoccupant. Le budget est en effet un puissant soutien à l'industrie de la défense. EADS vient d'annoncer des suppressions de postes.

Les deux nouveaux produits d'assurance-vie sont bienvenus ; la fusion de la taxe d'apprentissage et de la contribution au développement de l'apprentissage également, mais nous attendons l'ouverture du grand chantier de la réforme de l'apprentissage. Nous nous réjouissons du rôle reconnu aux régions, dans ce domaine décisif pour l'emploi des jeunes, priorité du président de la République. Le rapporteur général a présenté un excellent amendement à l'article 22, au bénéfice des communes qui ne perçoivent pas la taxe sur la consommation finale d'électricité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est vrai !

M. Yvon Collin.  - Ce projet de loi renforce en outre l'équité fiscale, en aménageant l'exit tax pour supprimer les effets d'aubaine qui profitent aux plus aisés. Les radicaux ont fait des propositions dans la perspective de la réforme fiscale. Il y a urgence à agir, pour ne pas décourager les forces vives de notre pays.

En attendant le grand soir de la réforme fiscale, la majorité du RDSE votera ce texte.

M. Jean-Vincent Placé .  - Un mot sur l'organisation de nos travaux d'abord. Le Gouvernement n'a pas abusé de ses prérogatives, puisque ce projet de loi de finances rectificative est le seul de l'année. En revanche, il a une forte tendance à amender ses propres textes, conduisant à tripler leur volume dans ce cas. De ce fait, le rapporteur général n'a pu publier son rapport que la veille de notre débat et nous avons examiné 200 amendements cet après-midi : nous n'avons pas pu travailler sérieusement. Le président Bel a lancé une réflexion sur les conditions d'examen des textes financiers : je lui suggère d'y inclure les conditions d'examen en séance publique pour que le débat ne soit pas factice.

Ce texte constate l'exécution du projet initial. Sans céder au narcissisme de l'autocitation, je rappellerai que j'avais dénoncé l'impasse où s'engageait le Gouvernement avec la rigueur budgétaire rebaptisée « sérieux budgétaire ». C'était une position défendue par des économistes se disant atterrés. Après l'économiste en chef du FMI, le modélisateur économique de la Commission européenne a reconnu l'impasse des politiques d'austérité. En France, 4,8 points de croissance ont été perdus de ce fait entre 2011 et 2013 et 3 % de chômage supplémentaires ont été enregistrés. L'austérité du premier budget que vous avez porté, en 2012, a en effet conduit à des résultats peu réjouissants : moindres rentrées fiscales, déficit plus important que prévu.

Au-delà des ajustements de crédits, ce projet de loi de finances rectificative comporte un long train de mesures hétéroclites. Mais cette année, les écologistes sont plutôt satisfaits des propositions que vous faites. Les mesures de réorientation de l'épargne sont utilement - quoiqu'insuffisamment - ciblées. Nous sommes sensibles aux possibilités de reprise de leur entreprise par les salariés, ainsi qu'à la régionalisation annoncée de la taxe d'apprentissage et à l'aménagement de l'exit tax.

Nous déplorons la mobilisation de sommes énormes pour l'enfouissement des déchets nucléaires à la veille du débat sur la transition énergétique, le remboursement de 600 millions de frais financiers à EDF, liés à l'incapacité du Gouvernement à faire payer l'énergie à son juste prix. Les écologistes continuent d'exprimer leur inquiétude face à votre politique de rigueur. Ce texte infléchit toutefois positivement notre droit fiscal : en fondant beaucoup d'espoirs sur la réforme fiscale à venir, nous le voterons.

Mme Michèle André .  - Ce collectif, qui est le seul que le Gouvernement présente en 2013, met un terme aux polémiques que suscitait l'opposition qui en réclamait un en cours d'année. L'exigence de transparence et de vérité a été tellement présente qu'un collectif n'était pas nécessaire. J'en veux pour preuve la présentation du programme de stabilité en avril, du débat sur l'orientation des finances publiques en juin, et la surveillance exercée par le Haut conseil des finances publiques et la Commission européenne sur notre budget.

Mesures en faveur des chantiers navals et de la filière bois, allègement des règles administratives et fiscales, soutien à la reprise d'entreprises en Scop : ce texte soutient les entreprises pour créer des richesses et des emplois, mais s'attache aussi et surtout à respecter notre trajectoire financière. Il n'y a pas de dérives de la dépense publique : elle croît trois fois moins que prévu. Une diminution brutale de la dépense aurait eu des effets récessifs, d'où des annulations de crédits - cela n'aurait pas été possible sans une gestion rigoureuse avec 2 milliards supplémentaires affectés à la réserve de précaution. AME, APL, AAH, hébergement d'urgence, nos engagements sont financés - je le dis car nos hôpitaux ont vocation à soigner tout le monde. À défaut, la facture serait plus lourde. Les recettes fiscales sont en progression de 7 % par rapport à 2012, et elles ne s'effondrent pas. Le déficit se réduit de 0,7 %, soit 15 milliards d'euros, grâce à un effort historique de 1,7 %.

Ayons de la mémoire : quatorze dispositions fiscales ont été adoptées par le Parlement depuis l'arrivée du gouvernement Ayrault, dont des mesures visant à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail, - ce n'est pas rien ! - à accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu, à aménager la fiscalité du patrimoine et des entreprises, à lutter contre la fraude...

M. Philippe Dallier.  - Tout va bien, alors !

Mme Michèle André.  - Non, tout s'arrange.

M. Philippe Marini.  - Tout va de mieux en mieux !

Mme Michèle André.  - Nous n'avons aucunement à rougir de notre politique fiscale, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Le groupe socialiste votera sans réserve ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Dallier .  - Après une année tumultueuse, durement ressentie par nos concitoyens, voilà l'occasion de dresser un bilan. Les chiffres, rien que les chiffres, tous les chiffres, voilà votre credo. Examinons-les donc. Dans l'euphorie de votre victoire, vous pensiez qu'il suffisait de faire payer les riches pour réussir.

Le malentendu a fait long feu, vous avez sous-estimé la gravité de la crise. Le président de la République l'a reconnu, à la télévision, trop tard.

Avec une prévision de croissance illusoire à 0,8 %, vous avez multiplié les impôts. Et M. Cahuzac d'affirmer doctement en janvier 2013 ! « La réforme fiscale est faite ! ». La croissance n'a pas été au rendez-vous, ni les recettes fiscales, le chômage a augmenté et les Français stupéfaits ont découverts qu'ils étaient tous riches puisque tous frappés par l'impôt. Quelque 11 milliards de recettes en moins que prévu ! Le chiffre est stupéfiant : on en parle moins, à tort, que la maîtrise de la dépense publique. Au risque d'apparaître pour populiste, je l'affirme avec M. Mitterrand : oui, trop d'impôt tue l'impôt.

À peine arrivés aux affaires, vous supprimez la TVA sociale pour créer le CICE financé par une hausse de la TVA. Pris au piège de vos promesses électorales, vous remplacez la RGPP par la MAP, dont le fameux think tank Terra nova vient de dire tout le mal qu'il en pensait.

Certes, et c'est tant mieux, le déficit diminue. Encore heureux, vu l'accroissement de la pression fiscale !

Parler de bons résultats est, pour autant, excessif : le déficit, estimé à 61,5 milliards, sera de 71,9 milliards.

Plus de 20 milliards d'euros de recettes, sociales et locales comprises, ne seront pas entrés cette année ; c'était le chiffre avancé par Gilles Carrez. Les moindres recettes s'expliquent par une croissance atone : elle atteint péniblement 0,1 % contre 0,8 % prévu. Vous taxez davantage, mais la base s'érode.

Pour atténuer ce constat, vous ramenez sans cesse à l'héritage. Parlons-en : le déficit était de 49,3 milliards en 2002, 56 milliards en 2003 et nous l'avons ramené à 34,7 milliards en 2007, juste avant la crise. Faut-il s'en excuser, monsieur le ministre ? La pression fiscale, nous l'avons augmentée de 1,1 % au total en cinq ans ; vous, de 1,5 % en dix-huit mois seulement. Les prélèvements obligatoires représentent 43,4 % du PIB en 2011, 44,7 % en 2012 et 46 % avec ce collectif.

De cette querelle des chiffres, les Français se moquent. L'année 2013 sera celle de la révolte fiscale. Des poussins aux pigeons, des asphyxiés aux bonnets rouges, pas une seule catégorie de créateurs de richesses qui n'exprime ce ras-le-bol fiscal que vous-même dénonciez en septembre. Au vrai, François Hollande a tenu ses promesses, lui qui disait : « Moi, président, je ne diviserai pas les Français ! » Il les a rassemblés effectivement, mais contre lui : 85 % de mécontents ! Les Français, comme les membres de notre majorité, constatent que les promesses de François Hollande s'envolent comme les feuilles à l'automne.

L'inversion de la courbe du chômage ? Le chômage de longue durée a progressé de 17,6 %, celui des plus de 55 ans de 11,4 %, preuve que les contrats de génération ne fonctionnent pas. En réalité, la baisse du chômage constatée en octobre ne concerne que la catégorie A et elle est due aux emplois aidés.

Si nous approuvons les mesures de simplification ou la création d'un nouveau contrat d'assurance-vie, nous ne pouvons pas accepter la réaffectation de la taxe d'apprentissage aux dépens des CCI et des CFA. Il faudrait plutôt développer les systèmes de formation consulaires, particulièrement efficaces pour l'insertion des jeunes.

Autre motif d'insatisfaction, les crédits sous-estimés qu'il vous a fallu abonder : les aides personnelles au logement pour 265 millions d'euros, les Opex, pour 600 millions, la masse salariale des fonctionnaires pour 400 millions, l'hébergement d'urgence ou encore l'AME pour 156 millions d'euros. Et cela au détriment de nos forces militaires et de l'éducation nationale : 150 millions d'euros annulés dans le budget de la défense, 400 millions dans celui de l'écologie, 270 millions dans l'éducation nationale...

Est-ce ainsi que l'on prépare l'avenir ? Le groupe UMP ne pourra faire autrement que de voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Vincent Delahaye .  - Pardonnez-moi des redites, j'ai relu mon intervention de l'an dernier lors de la présentation du budget initial pour 2013. Je vous disais alors que votre excès d'optimisme frisait l'insincérité budgétaire ; je vous incitais à tabler sur une hypothèse de croissance plus réaliste : 0,5 % plutôt que 0,8 %, la croissance aura été de 0,1 %.

Je prédisais aussi de moindres recettes : 8 milliards en moins. Je m'étais trompé sur le chiffre : il est de 11 milliards. Bercy devra donner des explications.

Le déficit dérape de 10 milliards sans que le besoin de financement augmente : 187 milliards contre 186 milliards. On fait toujours autant appel aux marchés. Une « situation en voie d'amélioration » disiez-vous. Je ne la vois pas. Désolé mais, depuis 2012, l'endettement, que vous condamniez, ne se réduit pas et frise même les 2 000 milliards.

La réduction de la dépense publique n'est mon dada à moi seul. Terra Nova, le think tank proche de la gauche, parle de la MAP comme d'un catalogue à la Prévert de mesurettes. La rationalisation de l'action publique doit être au coeur de notre politique budgétaire.

Ce texte distribue des cadeaux aux amis : l'an dernier, c'était le rachat d'un terrain inconstructible à la Ville de Paris ; cette année, vous accordez 4 millions d'abandon de créances pour l'Humanité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Les communistes n'en sont pas reconnaissants.

M. Vincent Delahaye.  - Et puis, il y a les gros cadeaux : 2 milliards pour la Bretagne et 3 milliards pour Marseille ! Où avez-vous trouvé ces 5 milliards ?

Monsieur le ministre, un slogan médiatique vous a réussi : « Ne pas ajouter de la rigueur à l'austérité ». Personnellement, je ne le comprends pas, comme tous les Français que j'ai interrogés dans la rue. La rigueur est la condition de la reprise de la croissance, faites-en davantage preuve ! Le groupe UDI-UC votera contre ce collectif.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Richard Yung .  - Nous discutons, je le rappelle, d'une loi de finances rectificative. Je le dis car j'ai entendu de longs développements sur le budget pour 2014.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est le ministre qui a commencé !

M. Richard Yung.  - On reproche au Gouvernement de présenter un seul collectif. On l'aurait accusé d'être incapable de présenter des hypothèses fiables s'il les avait multipliées. Rappelez-vous les mots de la Commission européenne : votre trajectoire est crédible, et les mesures prises par le Gouvernement vont dans le bon sens.

La reprise de la dette du Crédit lyonnais, monsieur le président de la commission des finances ? C'est une mesure de bon père de famille car les taux d'intérêt sont très bas et ne peuvent qu'augmenter. L'opposition pose beaucoup de questions, c'est son rôle. Mais méditez les mots du poète, de René Char : « Aucun oiseau ne chante dans un buisson de questions ».

Mme Michèle André.  - Bravo !

M. Richard Yung.  - La croissance revient partout dans le monde, sauf dans la zone euro où elle est atone. Avec une consommation des ménages qui a diminué de 1 % entre octobre 2012 et octobre 2013, nous sommes au bord de la déflation japonaise. Oui, n'ajoutons pas la rigueur à l'austérité.

Voyez l'accord de coalition entre les formations allemandes de la CDU et du SPD : il contient des mesures d'accompagnement de la croissance : 30 milliards d'investissements publics, la mise en place d'un smic national et le droit de départ à la retraite à 63 ans pour 45 années de cotisation - j'entends d'ici les cris en France ! J'ajoute une hausse discrète, mais réelle, de 18 milliards de l'impôt sur le revenu, du fait de la non prise en compte de l'inflation.

Après la création de la BPI, du PEA-PME, la loi bancaire, nous financerons mieux l'économie réelle avec les 1 500 milliards de l'assurance-vie.

Le déficit de notre balance commerciale est passé de 73,6 milliards d'euros en 2011 à 67,5 en 2012 et à 60 en 2013. L'exercice est difficile mais porte ses fruits ; la garantie de financement étendue et la réforme des soutiens à l'export prolongeront ces efforts.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Il reste deux orateurs à entendre dans la discussion générale et 200 amendements à examiner.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 13 décembre 2013, à 10 heures.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du vendredi 13 décembre 2013

Séance publique

À 10 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Présidence : M Didier Guillaume, vice-président M. Charles Guené, vice-président Mme Bariza Khiari, vice-présidente

Secrétaires : Mme Odette Herviaux - M. Jean-François Humbert

Suite du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2013 (n° 215, 2013-2014).

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 217, tomes I et II, 2013-2014).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 93 sur l'amendement n°1, présenté par M. Claude Dilain au nom de la commission économique, l'amendement n°7, présenté par Mme Esther Benbassa et les membres du groupe écologiste, l'amendement n°27, présenté par Mme Cécile Cukierman et les membres du groupe CRC et l'amendement n°40, présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :346

Pour :159

Contre :187

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Contre : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Contre : 30

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Jacqueline Gourault, M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Contre : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6

Scrutin n° 94 sur l'amendement n°54, présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :347

Suffrages exprimés :316

Pour :178

Contre :138

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Contre : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Abstentions : 31

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Pour : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6

Scrutin n° 95 sur l'amendement n°42, présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :347

Suffrages exprimés :347

Pour :347

Contre : 0

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Pour : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 31

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Pour : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 6

Scrutin n° 96 sur l'amendement n°43, présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :346

Pour :178

Contre :168

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Contre : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Contre : 30

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Jacqueline Gourault, M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Pour : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6

Scrutin n° 97 sur l'amendement n°8, présenté par Mme Esther Benbassa et les membres du groupe écologiste, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :346

Pour :159

Contre :187

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Contre : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Contre : 30

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Jacqueline Gourault, M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Contre : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6

Scrutin n° 98 sur l'amendement n°44, présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :346

Pour :159

Contre :187

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Contre : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Contre : 30

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Jacqueline Gourault, M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Contre : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6

Scrutin n° 99 sur l'amendement n°52, présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :327

Pour :159

Contre :168

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Contre : 132

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Contre : 30

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Jacqueline Gourault, M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Abstentions : 19

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6