Loi de finances rectificative pour 2013

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances .  - Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter sera un catalyseur pour la croissance. L'ambition est claire, alors que l'activité économique a changé de tendance, même si je ne méconnais pas la fragilité de l'embellie du printemps, qui intervient après des années de stagnation. Ce n'est pas une spécificité française : la zone euro tout entière sort de la récession. Il faut du temps pour que cette embellie se traduise dans la vie quotidienne des Français. D'ores et déjà, le chômage a accusé une première baisse depuis 30 mois, en octobre. La courbe du chômage des jeunes s'est inversée, elle, depuis six mois.

Ce retour de la croissance n'est pas une vue de l'esprit. Le Haut Conseil des finances publiques - qui prend sa place dans le paysage français avec votre soutien - ainsi que Bruxelles, ont jugé pleinement réalistes nos prévisions de croissance : 0,2 % en 2013, 0,9 % en 2014 et 1,7 % en 2015.

Nous avons calibré l'effort au plus près, sans marge de sécurité ? Ce n'est pas déshonorant et je le revendique car nous avançons sur un chemin de crête pour renouer avec la croissance. Nous sommes parmi les quatre pays de l'Union européenne dont la trajectoire financière est jugée la plus solide.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il faut le dire !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Si la Commission a jugé nos marges de manoeuvre limitées, elle a donné un satisfecit plein et entier à notre scénario. Nos premiers résultats, la régression du chômage, doivent nous encourager à mener les réformes en profondeur de nos structures économiques. Il reste du chemin à parcourir. L'embellie ne doit être un motif ni d'autosatisfaction ni d'autoflagellation.

La prévision du déficit est de 4,1 % en 2013 contre 4,8 % en 2012 ; nous étions à 5,3 % en 2011 et nous en serions encore à ce niveau si l'on avait continué sur la trajectoire antérieure. Encore une fois, je vois là un motif d'encouragement à continuer d'assainir les comptes publics. Le déficit ne cesse de baisser.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Et la dette ?

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Regardez les chiffres et ayez un peu de mémoire ! Les déficits, c'est vous ; le redressement, c'est nous !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Parlez plutôt du texte !

M. Francis Delattre.  - Et souvenez-vous de M. Mitterrand !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Reprise progressive de l'activité et économies de la dépense publique, voilà dans quel mouvement s'inscrit ce projet de loi de finances rectificative qui s'articule autour de trois piliers.

D'abord, le financement de l'économie. Depuis dix-huit mois, je fais tout pour soutenir la trésorerie des entreprises et drainer l'épargne vers l'économie réelle. Les résultats sont là : plus 15 milliards d'encours pour nos PME. Elles souscrivent des emprunts à des taux historiquement bas : 100 points de base de moins que dans l'ensemble de la zone euro. N'en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, le spread avec l'Allemagne s'est réduit depuis 2012. L'assurance-vie, qui représente plus de 1 400 milliards d'encours, offre de la sécurité pour un rendement faible. Mobilisons-la mieux. Nous la réformons, en nous appuyant sur les travaux des parlementaires, notamment ceux de Karine Berger, pour qu'elle offre un meilleur rendement, soit mieux fléchée vers le tissu productif, en offrant les mêmes garanties.

Nous créons un nouveau produit, Euro-croissance, qui sera un outil puissant de réallocation de l'assurance-vie vers l'investissement dans les entreprises. Nous réformons le régime fiscal de la transmission des contrats d'assurance-vie, pour inciter les plus gros patrimoines à contribuer davantage au financement de l'économie. Le taux du barème applicable aux grosses successions passera de 25 % à 31,25 % pour la tranche supérieure à 700 000 d'euros par bénéficiaire. Il s'agit d'une incitation à modifier les comportements car, dans le même temps, un abattement d'assiette compensera cette hausse pour les placements dans des actions de PME et d'ETI, dans le logement social et intermédiaire, dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Cette réforme, mûrement réfléchie, sera efficace.

Nous proposons aussi un nouveau dispositif de financement pour les entreprises innovantes, travaillé par Mme Pellerin et Mme Fioraso. Ainsi, les plus grandes entreprises seront incitées à investir dans les plus petites. Plusieurs dispositions y concourent, avec le PEA-PME, très attendu, ou l'amendement déposé à l'Assemblée nationale sur les FCPI et les FIP.

Deuxième axe, la politique de soutien : l'aide à l'export fait souvent la petite différence grâce à laquelle les entreprises décrochent des contrats, de très gros contrats. Nicole Bricq a activement réformé notre système lors du projet de loi de finances rectificative pour 2012 avec le label Bpifrance Export. Cela a déjà porté ses fruits, en particulier dans le secteur de l'aéronautique. Le gain de productivité atteint les 5 %, c'est considérable.

Ce texte prolonge ces efforts avec une garantie de refinancement, créée en 2012, dont nous élargissons le périmètre. Il améliore aussi la couverture des chantiers navals, dans la période de construction des bateaux. Il y a un an, je me suis battu pour les chantiers de Saint-Nazaire ; ils sont repartis de l'avant. Secteur de pointe, donc, qu'il faut soutenir par des financements. Enfin, quand les assureurs privés ne peuvent pas couvrir des interventions de court terme sur des marchés internationaux, l'État, si vous le voulez bien, pourrait s'y substituer. À tout cela s'ajoutent des gestes politiques, comme la grande conférence sur l'Afrique qui a réuni la semaine dernière plus de 50 chefs d'État à l'Élysée. Passons d'une logique de rente à une logique conquérante sur ce continent d'avenir pour l'économie mondiale.

Troisième axe, la simplification. Le Premier ministre, vous le savez, a proposé une remise à plat de la fiscalité. Le but est de rétablir la confiance, ce sera une révolution silencieuse, mais bien une révolution que la lisibilité et la simplicité.

Le Sénat sera particulièrement attentif à la fiscalité locale. Le Gouvernement a repris, par un amendement, la proposition de loi de votre rapporteur général sur la réforme des valeurs locatives et en a proposé une autre pour moderniser l'assiette de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer).

Toutefois, l'objectif, et il est vital, est de renouer avec la croissance. L'assainissement des comptes n'est pas une fin en soi, c'est une condition du redressement productif. (M. Francis Delattre proteste) Vous devriez, à droite, présenter vos excuses aux Français pour avoir ainsi creusé le déficit. Je le dis aux Français : oui le cap est clair ; oui, l'embellie est là ; oui, la croissance repart. Je rêve d'un consentement large sur ce texte parce qu'il y va du bon sens et de l'intérêt général. C'est dans cet esprit ouvert et constructif que je veux ouvrir la discussion au Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Cette année, le projet de loi de finances rectificative a particulièrement enflé à l'Assemblée nationale : il est passé de 34 articles à 93, à l'initiative tant du Gouvernement que des députés. Ce sont pour l'essentiel des ajustements techniques, qui ont peu d'impact financier. Des gels de crédit viennent, en sus du décret d'avance du 28 novembre, conforter notre trajectoire pour respecter la norme zéro valeur. C'est d'ailleurs la vocation principale d'un collectif - d'où son nom : collecter les besoins des différents ministères.

Nos hypothèses sont validées. La croissance sera de 0,1 %. C'est inférieur aux prévisions du Gouvernement, certes, mais demeure supérieur à celles des instituts. La croissance revient, c'est perceptible à voir les chiffres du chômage.

Le déficit budgétaire devait s'établir à 71,9 milliards, soit une amélioration de plus de 15 milliards par rapport à 2012. Cela dit, il est supérieur de 10 milliards à la prévision initiale.

M. Philippe Dallier.  - Tout de même !

M. François Marc, rapporteur général.  - La dépense étant tenue, il faut chercher l'explication du côté des recettes.

M. Philippe Dallier.  - Trop d'impôt tue l'impôt.

M. François Marc, rapporteur général.  - Ne donnez pas dans ce populisme ! Dites plutôt que trop peu de croissance tue l'impôt ! Regardons du côté de l'Europe.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est certainement la faute de M. Nicolas Sarkozy !

M. François Marc, rapporteur général.  - Heureusement, le cap européen a été réorienté vers plus de croissance et de solidarité. Voyez l'accord sur les travailleurs détachés. Il reste à soutenir les dépenses d'investissement et à encadrer la concurrence fiscale et sociale.

Les dépenses de l'État sont inférieures de 3 milliards à la norme zéro volume et conformes à la norme zéro valeur. Nos taux d'emprunt sont historiquement bas...

M. Philippe Dallier.  - Pourvu que ça dure !

M. François Marc, rapporteur général.  - ... et l'écart de taux avec l'Allemagne s'est réduit quand d'autres pays comme la Grèce, l'Italie et l'Espagne peinent à se financer.

M. Francis Delattre.  - Ils nous prennent des parts de marché, en attendant !

M. François Marc, rapporteur général.  - Je vois dans ce faible écart un signe de confiance des investisseurs envers notre pays.

Ce texte simplifie les modalités de déclaration et de recouvrement de certaines contributions et prélèvements, la vie des entreprises et celle de l'administration en seront facilitées. J'en profite pour encourager le Gouvernement à poursuivre ce chantier qui, s'il est peu spectaculaire, appelle à un changement de culture administrative : renforcer les contrôles a posteriori et les sanctions, pour alléger les contrôles a priori. Déjà, nous avons adopté lundi un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour simplifier la vie des entreprises, annoncé 200 mesures de simplification le 17 juillet, et notre ancien collègue Alain Lambert a été nommé médiateur des normes.

Le renforcement des outils de financement de l'économie, après la création du PEA-PME, se poursuit dans ce texte, avec un nouveau contrat d'assurance-vie : Euro-croissance.

J'en terminerai par la révision des bases locatives, une nécessité au regard de la justice fiscale, qui interviendra en 2018, après une expérimentation. Il s'agit d'un travail considérable, qui exigera pédagogie et courage. Je salue l'engagement de Bercy. À ceux qui, pour reprendre le mot de Goethe, préfèrent « commettre une injustice plutôt que de tolérer un désordre » (On apprécie sur divers bancs)...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Sehr schön !

M. François Marc, rapporteur général.  - ... je signale que transfert de charges, il y aura forcément. Le tout est qu'il se fasse dans la justice sociale. Je suis confiant, car la réforme sera précédée d'intenses travaux préparatoires.

La croissance est là, et bien là ; elle est néanmoins fragile. Consolidons-la en respectant notre trajectoire financière. À titre personnel, j'invite le Sénat à voter ce texte auquel la commission des finances a donné un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - Un collectif budgétaire ajuste les comptes en fin d'année, et contient une diversité de mesures fiscales et législatives pour l'avenir. Je me bornerai à commenter le premier aspect.

L'objectif de retour du déficit sous la barre des 3 % a été repoussé de deux ans, avec la bienveillance de Bruxelles. L'objectif de retour à l'équilibre en 2017 a, lui aussi, été abandonné puisque le déficit sera alors, en principe, de 1,2 % du PIB. Le ratio de dette, lui, atteint 93,4 %, et augmentera encore : le point culminant devait être atteint en 2013, à 91,3 % du PIB...

Les règles budgétaires étaient censées devenir plus intelligentes, grâce à la notion de solde structurel. Celui-ci sera de 2,6 % du PIB contre 1,6 % prévu... Le Haut Conseil des finances publiques vient de confirmer que l'écart à la trajectoire de solde structurel, important en 2014, nécessitera d'engager le mécanisme de correction prévu par les traités européens et notre législation nationale. On ne sait toujours pas comment ce mécanisme sera mis en oeuvre...

La réévaluation du PIB potentiel sera une nouvelle occasion de constater que la route de l'équilibre structurel sera encore longue et demandera davantage d'efforts...

En revanche, je salue l'absence de polémiques sur les prévisions de croissance, qui est à mettre au crédit du Haut Conseil des finances publiques.

Parlons un peu de la dépense publique car ce sera le sujet de tous nos débats dans les années à venir. L'année 2013 a été marquée par l'un des plus spectaculaires dérapages jamais enregistrés. Le Premier ministre, lorsqu'il nous a reçus, a insisté sur la nécessité de faire des économies. Or on attendait en 2013 une progression des dépenses publiques de 0,9 % : elle a été de 1,7 %. Le Gouvernement continue d'annoncer une division par quatre du rythme de progression de la dépense publique... Comment ferez-vous ? On nous dit que le rythme de dépenses des administrations de sécurité sociale sera divisé par trois pour passer de 2,3 % à 0,8 %. On nous dit aussi que celles des collectivités territoriales cesseront de progresser après avoir augmenté de 2 % en volume en 2013.

Sur quelles hypothèses fondez-vous ce qui s'apparente à du wishful thinking ? Ceci mériterait d'être explicité plus que ne le fait le rapport.

Les dépenses du budget général seraient un peu supérieures en 2013 qu'en 2012 : 287 contre 286 milliards en euros sonnants et trébuchants. Le prélèvement européen, lui, dérape de 1,6 milliard, alors que de nombreux États membres ont obtenu des rabais sur leur contribution...

Le collectif sert également à financer des dépenses de guichet. En face, des lignes de crédit sont annulées. Mais je ne veux pas mettre en doute les efforts de rationalisation de l'action publique qu'est censée conduire la MAP... Je vois aussi que l'on sacrifie les crédits d'intervention et d'investissement.

Les recettes rentrent moins bien que prévu. L'avenir de la TVA m'inquiète particulièrement. Il est bon de transférer des charges vers la consommation. Mais si l'évolution de l'économie et le développement de l'économie numérique en particulier fragilisent son rendement, quelle stratégie fiscale reste-t-il ?

Le déficit de l'État serait réduit de 15 milliards, sans que cela ait d'incidence sur son besoin de financement, qui passe de 187 à 186 milliards ! Cela s'explique par des amortissements plus importants que prévu et par la reprise de 4,5 milliards de la dette du Crédit Lyonnais.

Le recours au marché demeure indispensable ! Il faut ici rendre hommage aux bienfaits d'une gestion active de la dette. Mais ces bienfaits ne seront pas éternels, la magie financière n'opère pas toujours. Il faut s'attendre à une tension sur les taux d'intérêt, comme le reconnaît le Gouvernement qui a décidé de ce fait de régler l'affaire Crédit Lyonnais.

J'en terminerai par les dispositions législatives nouvelles. Elles sont utiles, ainsi du contrat Euro-croissance. Mais pourquoi sont-elles assorties de dispositions fiscales qui vont dans l'autre sens ? Quant au contrat-vie génération, il est assorti d'un alourdissement de la fiscalité, de sorte que l'avantage fiscal est réduit à néant. Vous n'avez pas tiré les leçons des échecs du passé, des contrats DSK et NSK par exemple !

Quelques mesures technocratiques pour faire bonne mesure, comme la création d'un fichier central des assurances-vie. Cet empilement de mesures contradictoires et mal maîtrisées se révélera peu efficace.

Bref, le scepticisme était de mise au sein de la commission des finances, c'est pourquoi nous préconisons le rejet du texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Les parlementaires attendent ce collectif depuis des mois pour connaître et contrôler les comptes publics. Si la seule réalité qui vaille est celle des chiffres, nous ne parlons pas de la même réalité. La dépense publique brute n'est pas stabilisée ; elle passe de 395,5 milliards en 2013 à 407,4 milliards en 2014. Assez des querelles stériles sur l'héritage ; vous êtes responsables du présent. La dette publique a progressé de 194,9 milliards depuis mai 2012 pour s'établir à 1 912,2 milliards en juin dernier. Je vous fais deux suggestions qui n'ont pas rencontré de succès sous le quinquennat précédent : optez pour une présentation des dépenses en euros courants et basez les prévisions budgétaires sur une croissance nulle - car les prévisionnistes et les Gouvernements se trompent tout le temps, et affectez les éventuelles recettes excédentaires aux comptes publics.

Les Français s'interrogent : à quoi sert une charge fiscale d'une intensité inégalée si le déficit progresse inexorablement ? Nous sommes passés de 71,2 à 82 milliards de déficit, 30 milliards de plus que prévu dans la loi de programmation votée l'an dernier.

Les recettes fiscales sont inférieures de 11 milliards aux prévisions. La disparition de un milliard de recettes de TVA serait imputable à de nouvelles techniques de fraude, dites-vous. En réalité, la pression fiscale, intenable, stimule l'économie souterraine et le travail au noir.

Face à la même crise, nos partenaires européens ont réalisé des efforts considérables pour revenir à l'équilibre. Nous faisons tout le contraire. Baissez les dépenses vite, monsieur le ministre, ou vous devrez augmenter encore davantage les impôts... Or nous assistons déjà à la réalisation de la courbe de Laffer. Oui, trop d'impôt tue l'impôt ; François Mitterrand, qui n'était pas économiste mais pragmatique, le reconnaissait. Pour rendre aux Français l'envie d'entreprendre, d'investir et de travailler, convainquez-les que l'impôt n'est pas confiscatoire. Si vous retrouvez l'esprit consensuel qui a conduit à l'adoption de la Lolf et de la loi sur la régulation bancaire, pour faire la réforme fiscale, vous aurez le soutien du groupe UDI.

Les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, et à l'exportation, aux entreprises innovantes, à certains secteurs comme la filière bois, sont heureuses mais insuffisantes.

En Allemagne, la CDU et le SPD sont arrivés à l'union nationale dans l'intérêt du pays. Le premier ministre consulte toutes les formations politiques pour préparer une réforme fiscale. Une mission vient d'être confiée à MM. Malvy et Lambert, deux anciens ministres du budget d'opinions politiques différentes, pour réfléchir au moyen de diminuer la dépense publique. Étendez aux groupes politiques cette forme de convergence et nous pourrons nous rapprocher.

M. Thierry Foucaud .  - Avant la remise à plat de la fiscalité, nous assistons à celle des modalités de recouvrement de l'impôt que contient ce texte en sus de quelques mesures techniques...

La croissance est toujours en berne ; le nombre de chômeurs s'accroît, de même que celui des faillites, supérieur à 60 000. Nous ne sommes pas vraiment sortis de la crise économique : les 5,8 millions de chômeurs sont là pour le rappeler.

Cependant, la fiscalité n'explique pas tout. Pour notre groupe, la hausse des prix de l'énergie pèse sur le pouvoir d'achat, comme la stagnation du smic ou la remise en cause de l'universalité des allocations familiales.

Nous trouvons dans l'insuffisante mobilisation du crédit bancaire la principale cause de la croissance atone. Les grands groupent renoncent à investir en France ou pratiquent le shadow banking tandis que les PME et TPE ont toujours autant de mal à accéder au crédit. La création de la BPI et la séparation des activités bancaires n'ont pas facilité l'accès aux financements.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Le contraire aurait été surprenant !

M. Thierry Foucaud.  - L'assurance-vie, dont l'encours atteint 1 400 milliards, est très inégalement répartie : 10 % des souscripteurs disposent de 64,8  % de l'encours pour une somme moyenne de 530 000 euros contre moins de 50 000 euros pour 90 % des déposants. Si les 170 000 ménages disposant des plus gros contrats d'assurance-vie étaient soumis à l'ISF, entre 1,2 et 5,1 milliards d'euros seraient apportés au budget de l'État.

Le rendement des nouveaux produits d'assurance-vie est en outre très faible ; 1,7 million de ménages seulement seraient concernés par les mesures de l'article 7, dont ceux qui détiennent deux millions d'euros en dépôt. On peut se demander ce qui pousse un gouvernement de gauche à proposer de telles mesures. Il conviendrait plutôt d'engager les entreprises à réinvestir leurs résultats et de faire en sorte que les banques leur accordent des conditions de crédit plus favorables.

Pour le reste, que contient ce collectif ? Favoriser l'administration électronique n'a pour objet que de supprimer des postes dans les administrations, sans aider à faire reconnaître le bien-fondé de l'impôt, sa justice et son efficacité économique et sociale. L'annulation de 3,2 milliards de crédits inscrits dans 83 programmes budgétaires est à déplorer. Cette somme est à rapprocher des crédits votés par le Parlement : 40 % de ceux-ci ont été tout bonnement supprimés, ce qui témoigne d'un certain mépris pour la Représentation nationale.

Nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative.

M. Yvon Collin .  - Notre pays s'est accommodé d'un déficit croissant de ses finances publiques pendant dix ans. Depuis 2006, l'équation budgétaire est devenue toujours plus difficile à résoudre. Entre récession et augmentation des dépenses il y a eu un effet de ciseaux qui a accru la pression fiscale, nourrissant l'actualité que l'on sait.

L'opposition met en cause la politique fiscale du Gouvernement. Il aura fallu en réalité deux exercices budgétaires seulement pour amorcer une trajectoire vertueuse. En 2011, le déficit public avait atteint 5,3 % du PIB. Il a été ramené à 4,1 % en 2013, le déficit structurel, lui, étant ramené à 1,7 % en 2013. Le groupe RDSE s'en félicite. Les révisions des chiffres n'en sont pas moins nécessaires, du fait de moindres rentrées fiscales, qui aggravent en retour le déficit.

Vous avez dû trancher, c'est le rôle d'un ministre, en procédant à des annulations de crédits. Les ministères de l'écologie et de la défense sont particulièrement mis à contribution.

S'agissant du budget de la défense, le report de charges de 3,6 milliards est particulièrement préoccupant. Le budget est en effet un puissant soutien à l'industrie de la défense. EADS vient d'annoncer des suppressions de postes.

Les deux nouveaux produits d'assurance-vie sont bienvenus ; la fusion de la taxe d'apprentissage et de la contribution au développement de l'apprentissage également, mais nous attendons l'ouverture du grand chantier de la réforme de l'apprentissage. Nous nous réjouissons du rôle reconnu aux régions, dans ce domaine décisif pour l'emploi des jeunes, priorité du président de la République. Le rapporteur général a présenté un excellent amendement à l'article 22, au bénéfice des communes qui ne perçoivent pas la taxe sur la consommation finale d'électricité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est vrai !

M. Yvon Collin.  - Ce projet de loi renforce en outre l'équité fiscale, en aménageant l'exit tax pour supprimer les effets d'aubaine qui profitent aux plus aisés. Les radicaux ont fait des propositions dans la perspective de la réforme fiscale. Il y a urgence à agir, pour ne pas décourager les forces vives de notre pays.

En attendant le grand soir de la réforme fiscale, la majorité du RDSE votera ce texte.

M. Jean-Vincent Placé .  - Un mot sur l'organisation de nos travaux d'abord. Le Gouvernement n'a pas abusé de ses prérogatives, puisque ce projet de loi de finances rectificative est le seul de l'année. En revanche, il a une forte tendance à amender ses propres textes, conduisant à tripler leur volume dans ce cas. De ce fait, le rapporteur général n'a pu publier son rapport que la veille de notre débat et nous avons examiné 200 amendements cet après-midi : nous n'avons pas pu travailler sérieusement. Le président Bel a lancé une réflexion sur les conditions d'examen des textes financiers : je lui suggère d'y inclure les conditions d'examen en séance publique pour que le débat ne soit pas factice.

Ce texte constate l'exécution du projet initial. Sans céder au narcissisme de l'autocitation, je rappellerai que j'avais dénoncé l'impasse où s'engageait le Gouvernement avec la rigueur budgétaire rebaptisée « sérieux budgétaire ». C'était une position défendue par des économistes se disant atterrés. Après l'économiste en chef du FMI, le modélisateur économique de la Commission européenne a reconnu l'impasse des politiques d'austérité. En France, 4,8 points de croissance ont été perdus de ce fait entre 2011 et 2013 et 3 % de chômage supplémentaires ont été enregistrés. L'austérité du premier budget que vous avez porté, en 2012, a en effet conduit à des résultats peu réjouissants : moindres rentrées fiscales, déficit plus important que prévu.

Au-delà des ajustements de crédits, ce projet de loi de finances rectificative comporte un long train de mesures hétéroclites. Mais cette année, les écologistes sont plutôt satisfaits des propositions que vous faites. Les mesures de réorientation de l'épargne sont utilement - quoiqu'insuffisamment - ciblées. Nous sommes sensibles aux possibilités de reprise de leur entreprise par les salariés, ainsi qu'à la régionalisation annoncée de la taxe d'apprentissage et à l'aménagement de l'exit tax.

Nous déplorons la mobilisation de sommes énormes pour l'enfouissement des déchets nucléaires à la veille du débat sur la transition énergétique, le remboursement de 600 millions de frais financiers à EDF, liés à l'incapacité du Gouvernement à faire payer l'énergie à son juste prix. Les écologistes continuent d'exprimer leur inquiétude face à votre politique de rigueur. Ce texte infléchit toutefois positivement notre droit fiscal : en fondant beaucoup d'espoirs sur la réforme fiscale à venir, nous le voterons.

Mme Michèle André .  - Ce collectif, qui est le seul que le Gouvernement présente en 2013, met un terme aux polémiques que suscitait l'opposition qui en réclamait un en cours d'année. L'exigence de transparence et de vérité a été tellement présente qu'un collectif n'était pas nécessaire. J'en veux pour preuve la présentation du programme de stabilité en avril, du débat sur l'orientation des finances publiques en juin, et la surveillance exercée par le Haut conseil des finances publiques et la Commission européenne sur notre budget.

Mesures en faveur des chantiers navals et de la filière bois, allègement des règles administratives et fiscales, soutien à la reprise d'entreprises en Scop : ce texte soutient les entreprises pour créer des richesses et des emplois, mais s'attache aussi et surtout à respecter notre trajectoire financière. Il n'y a pas de dérives de la dépense publique : elle croît trois fois moins que prévu. Une diminution brutale de la dépense aurait eu des effets récessifs, d'où des annulations de crédits - cela n'aurait pas été possible sans une gestion rigoureuse avec 2 milliards supplémentaires affectés à la réserve de précaution. AME, APL, AAH, hébergement d'urgence, nos engagements sont financés - je le dis car nos hôpitaux ont vocation à soigner tout le monde. À défaut, la facture serait plus lourde. Les recettes fiscales sont en progression de 7 % par rapport à 2012, et elles ne s'effondrent pas. Le déficit se réduit de 0,7 %, soit 15 milliards d'euros, grâce à un effort historique de 1,7 %.

Ayons de la mémoire : quatorze dispositions fiscales ont été adoptées par le Parlement depuis l'arrivée du gouvernement Ayrault, dont des mesures visant à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail, - ce n'est pas rien ! - à accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu, à aménager la fiscalité du patrimoine et des entreprises, à lutter contre la fraude...

M. Philippe Dallier.  - Tout va bien, alors !

Mme Michèle André.  - Non, tout s'arrange.

M. Philippe Marini.  - Tout va de mieux en mieux !

Mme Michèle André.  - Nous n'avons aucunement à rougir de notre politique fiscale, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Le groupe socialiste votera sans réserve ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Dallier .  - Après une année tumultueuse, durement ressentie par nos concitoyens, voilà l'occasion de dresser un bilan. Les chiffres, rien que les chiffres, tous les chiffres, voilà votre credo. Examinons-les donc. Dans l'euphorie de votre victoire, vous pensiez qu'il suffisait de faire payer les riches pour réussir.

Le malentendu a fait long feu, vous avez sous-estimé la gravité de la crise. Le président de la République l'a reconnu, à la télévision, trop tard.

Avec une prévision de croissance illusoire à 0,8 %, vous avez multiplié les impôts. Et M. Cahuzac d'affirmer doctement en janvier 2013 ! « La réforme fiscale est faite ! ». La croissance n'a pas été au rendez-vous, ni les recettes fiscales, le chômage a augmenté et les Français stupéfaits ont découverts qu'ils étaient tous riches puisque tous frappés par l'impôt. Quelque 11 milliards de recettes en moins que prévu ! Le chiffre est stupéfiant : on en parle moins, à tort, que la maîtrise de la dépense publique. Au risque d'apparaître pour populiste, je l'affirme avec M. Mitterrand : oui, trop d'impôt tue l'impôt.

À peine arrivés aux affaires, vous supprimez la TVA sociale pour créer le CICE financé par une hausse de la TVA. Pris au piège de vos promesses électorales, vous remplacez la RGPP par la MAP, dont le fameux think tank Terra nova vient de dire tout le mal qu'il en pensait.

Certes, et c'est tant mieux, le déficit diminue. Encore heureux, vu l'accroissement de la pression fiscale !

Parler de bons résultats est, pour autant, excessif : le déficit, estimé à 61,5 milliards, sera de 71,9 milliards.

Plus de 20 milliards d'euros de recettes, sociales et locales comprises, ne seront pas entrés cette année ; c'était le chiffre avancé par Gilles Carrez. Les moindres recettes s'expliquent par une croissance atone : elle atteint péniblement 0,1 % contre 0,8 % prévu. Vous taxez davantage, mais la base s'érode.

Pour atténuer ce constat, vous ramenez sans cesse à l'héritage. Parlons-en : le déficit était de 49,3 milliards en 2002, 56 milliards en 2003 et nous l'avons ramené à 34,7 milliards en 2007, juste avant la crise. Faut-il s'en excuser, monsieur le ministre ? La pression fiscale, nous l'avons augmentée de 1,1 % au total en cinq ans ; vous, de 1,5 % en dix-huit mois seulement. Les prélèvements obligatoires représentent 43,4 % du PIB en 2011, 44,7 % en 2012 et 46 % avec ce collectif.

De cette querelle des chiffres, les Français se moquent. L'année 2013 sera celle de la révolte fiscale. Des poussins aux pigeons, des asphyxiés aux bonnets rouges, pas une seule catégorie de créateurs de richesses qui n'exprime ce ras-le-bol fiscal que vous-même dénonciez en septembre. Au vrai, François Hollande a tenu ses promesses, lui qui disait : « Moi, président, je ne diviserai pas les Français ! » Il les a rassemblés effectivement, mais contre lui : 85 % de mécontents ! Les Français, comme les membres de notre majorité, constatent que les promesses de François Hollande s'envolent comme les feuilles à l'automne.

L'inversion de la courbe du chômage ? Le chômage de longue durée a progressé de 17,6 %, celui des plus de 55 ans de 11,4 %, preuve que les contrats de génération ne fonctionnent pas. En réalité, la baisse du chômage constatée en octobre ne concerne que la catégorie A et elle est due aux emplois aidés.

Si nous approuvons les mesures de simplification ou la création d'un nouveau contrat d'assurance-vie, nous ne pouvons pas accepter la réaffectation de la taxe d'apprentissage aux dépens des CCI et des CFA. Il faudrait plutôt développer les systèmes de formation consulaires, particulièrement efficaces pour l'insertion des jeunes.

Autre motif d'insatisfaction, les crédits sous-estimés qu'il vous a fallu abonder : les aides personnelles au logement pour 265 millions d'euros, les Opex, pour 600 millions, la masse salariale des fonctionnaires pour 400 millions, l'hébergement d'urgence ou encore l'AME pour 156 millions d'euros. Et cela au détriment de nos forces militaires et de l'éducation nationale : 150 millions d'euros annulés dans le budget de la défense, 400 millions dans celui de l'écologie, 270 millions dans l'éducation nationale...

Est-ce ainsi que l'on prépare l'avenir ? Le groupe UMP ne pourra faire autrement que de voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Vincent Delahaye .  - Pardonnez-moi des redites, j'ai relu mon intervention de l'an dernier lors de la présentation du budget initial pour 2013. Je vous disais alors que votre excès d'optimisme frisait l'insincérité budgétaire ; je vous incitais à tabler sur une hypothèse de croissance plus réaliste : 0,5 % plutôt que 0,8 %, la croissance aura été de 0,1 %.

Je prédisais aussi de moindres recettes : 8 milliards en moins. Je m'étais trompé sur le chiffre : il est de 11 milliards. Bercy devra donner des explications.

Le déficit dérape de 10 milliards sans que le besoin de financement augmente : 187 milliards contre 186 milliards. On fait toujours autant appel aux marchés. Une « situation en voie d'amélioration » disiez-vous. Je ne la vois pas. Désolé mais, depuis 2012, l'endettement, que vous condamniez, ne se réduit pas et frise même les 2 000 milliards.

La réduction de la dépense publique n'est mon dada à moi seul. Terra Nova, le think tank proche de la gauche, parle de la MAP comme d'un catalogue à la Prévert de mesurettes. La rationalisation de l'action publique doit être au coeur de notre politique budgétaire.

Ce texte distribue des cadeaux aux amis : l'an dernier, c'était le rachat d'un terrain inconstructible à la Ville de Paris ; cette année, vous accordez 4 millions d'abandon de créances pour l'Humanité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Les communistes n'en sont pas reconnaissants.

M. Vincent Delahaye.  - Et puis, il y a les gros cadeaux : 2 milliards pour la Bretagne et 3 milliards pour Marseille ! Où avez-vous trouvé ces 5 milliards ?

Monsieur le ministre, un slogan médiatique vous a réussi : « Ne pas ajouter de la rigueur à l'austérité ». Personnellement, je ne le comprends pas, comme tous les Français que j'ai interrogés dans la rue. La rigueur est la condition de la reprise de la croissance, faites-en davantage preuve ! Le groupe UDI-UC votera contre ce collectif.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Richard Yung .  - Nous discutons, je le rappelle, d'une loi de finances rectificative. Je le dis car j'ai entendu de longs développements sur le budget pour 2014.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est le ministre qui a commencé !

M. Richard Yung.  - On reproche au Gouvernement de présenter un seul collectif. On l'aurait accusé d'être incapable de présenter des hypothèses fiables s'il les avait multipliées. Rappelez-vous les mots de la Commission européenne : votre trajectoire est crédible, et les mesures prises par le Gouvernement vont dans le bon sens.

La reprise de la dette du Crédit lyonnais, monsieur le président de la commission des finances ? C'est une mesure de bon père de famille car les taux d'intérêt sont très bas et ne peuvent qu'augmenter. L'opposition pose beaucoup de questions, c'est son rôle. Mais méditez les mots du poète, de René Char : « Aucun oiseau ne chante dans un buisson de questions ».

Mme Michèle André.  - Bravo !

M. Richard Yung.  - La croissance revient partout dans le monde, sauf dans la zone euro où elle est atone. Avec une consommation des ménages qui a diminué de 1 % entre octobre 2012 et octobre 2013, nous sommes au bord de la déflation japonaise. Oui, n'ajoutons pas la rigueur à l'austérité.

Voyez l'accord de coalition entre les formations allemandes de la CDU et du SPD : il contient des mesures d'accompagnement de la croissance : 30 milliards d'investissements publics, la mise en place d'un smic national et le droit de départ à la retraite à 63 ans pour 45 années de cotisation - j'entends d'ici les cris en France ! J'ajoute une hausse discrète, mais réelle, de 18 milliards de l'impôt sur le revenu, du fait de la non prise en compte de l'inflation.

Après la création de la BPI, du PEA-PME, la loi bancaire, nous financerons mieux l'économie réelle avec les 1 500 milliards de l'assurance-vie.

Le déficit de notre balance commerciale est passé de 73,6 milliards d'euros en 2011 à 67,5 en 2012 et à 60 en 2013. L'exercice est difficile mais porte ses fruits ; la garantie de financement étendue et la réforme des soutiens à l'export prolongeront ces efforts.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Il reste deux orateurs à entendre dans la discussion générale et 200 amendements à examiner.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 13 décembre 2013, à 10 heures.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques