SÉANCE

du jeudi 10 octobre 2013

8e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jacques Gillot.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Comptes des comités d'entreprise

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à établir un contrôle des comptes des comités d'entreprise, présentée par Mme Catherine Procaccia et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Catherine Procaccia, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Il m'est particulièrement agréable d'ouvrir en tant que rapporteur la discussion sur cette proposition de loi dont je suis également l'auteur. Le comité d'entreprise, né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a la double mission de représenter les intérêts des salariés et, le cas échéant, de gérer les activités sociales et culturelles. Les Français y sont très attachés. Peut-on laisser les comités hors de la dynamique de transparence financière qui est à l'oeuvre, et les exempter de la certification des comptes à laquelle sont tenus presque tous les organismes publics ou privés, y compris les syndicats depuis la loi de 2008 ? Il est juste que les salariés puissent contrôler cet outil qui peut gérer plusieurs millions d'euros par an. Depuis la recodification du code du travail, l'article R. 2323-37 impose cette certification à tous les comités d'entreprise, quelle que soit leur taille. Ce n'est guère réaliste. Aussi, dès décembre 2010, j'avais alerté le ministère du travail sur la difficulté d'interprétation de cet article. Les scandales qui ont touché quelques grands comités d'entreprise ont jeté la suspicion. Aussi, ai-je déposé une proposition de loi le 18 juillet 2012 afin que l'opprobre ne soit pas jeté en raison des errements de quelques-uns sur les 53 000 comités d'entreprise que compte la France.

Alors que j'entreprenais cette démarche, Mme Cayeux faisait de même et les partenaires sociaux obtenaient la création d'un groupe de travail tripartite. Ses conclusions ne sont guère éloignées de celles de la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2011 et de la proposition de loi de M. Perruchot.

Ajoutons que l'Autorité des normes comptables a également dessiné un référentiel technique. Tenant compte de ces travaux, j'ai déposé, avec l'accord de Mme Cayeux, sept amendements qui ont tous été adoptés par la commission des affaires sociales mercredi dernier.

Merci aux groupes politiques qui m'ont soutenue et aux groupes de gauche qui ont bien voulu ne pas prendre part au vote en commission afin que nous puissions présenter ce texte.

Son premier article impose des règles annuelles de tenue des comptes différenciées selon la taille des entreprises. Une comptabilité ultra simplifiée sera possible pour les comités d'entreprise dont les ressources sont inférieures à un plafond que le pouvoir réglementaire pourrait fixer à 153 000 euros. C'est le cas de 95 % d'entre eux.

Seraient soumis à la certification de leurs comptes les comités qui, dépassant ce seuil, remplissent au moins deux des critères suivants : employer au moins cinquante salariés en équivalent temps plein, disposer d'un bilan supérieur à 1,5 million d'euros et posséder plus de 3,1 millions d'euros de ressources. Dans les autres cas de figure, les comités pourraient recourir à une comptabilité avec présentation simplifiée.

Si des problèmes sont décelés, le commissaire aux comptes pourra lancer une procédure d'alerte et, si les difficultés persistent, saisir le président du tribunal de grande instance.

Les règles des marchés publics s'imposeront pour les projets d'un certain montant dans une forme simplifiée.

Enfin, l'article premier fixe les règles de publicité des documents comptables du comité d'entreprise. Ceux-ci seront, au moins, portés à la connaissance des salariés. Ce point, qui a fait débat en commission, occupera peut-être nos discussions.

L'article 2 étend les obligations aux comités des industries électroniques et gazières, conformément aux recommandations du rapport de la Cour des comptes d'avril 2007.

Enfin, l'article 3 prévoit que les règles comptables s'appliqueront à compter de l'exercice 2015, tandis que la certification des comptes entrera en vigueur à partir de l'exercice 2016.

Depuis mon entrée au Sénat, j'ai rarement observé un tel consensus. Les partenaires sociaux, que Mme David a saisis, se prononcent pour l'adoption de ce texte. Au reste, la deuxième conférence sociale prévoyait des dispositions législatives sur la transparence des comptes des comités d'entreprise. Cette proposition de loi sera le bon véhicule ; la discussion a eu lieu de même que les travaux techniques.

Monsieur le ministre, profitez de cette fenêtre législative pour respecter votre engagement. Je ne peux pas croire que vous refusiez ce texte, comme la presse s'en fait l'écho. Il est autant le mien que celui des partenaires sociaux et fera avancer la démocratie sociale. Ne le repoussez pas aux calendes grecques. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Vous connaissez mon attachement à la transparence. C'est une exigence démocratique, fruit de notre histoire collective. Mon nom est d'ailleurs attaché à une loi relative à la transparence économique.

La démocratie sociale ne peut rester en marge de ce mouvement, elle ne saurait rester une boîte noire. Le dialogue social à la française doit progresser car l'attente est forte d'une meilleure représentativité, de meilleurs compromis, d'une meilleure association des partenaires sociaux à la vie économique de l'entreprise, d'une meilleure représentativité des syndicats et des organisations patronales, d'une meilleure articulation entre démocratie politique et démocratie sociale, d'une meilleure transparence.

La transparence est un principe qui ne se divise pas, elle se décline. Le Gouvernement s'y emploie. Avec la loi sur la transparence de la vie politique, avec le texte de transposition de l'ANI.

Pour autant, la transparence ne peut pas se faire contre les partenaires sociaux. Elle n'est pas une sanction contre des comportements frauduleux, mais un effort collectif, une dynamique positive.

La transparence, c'est d'abord une meilleure représentativité des organisations syndicales et du patronat. La première a eu lieu ; la deuxième est avancée, sa transcription interviendra après l'accord sur la formation professionnelle.

La transparence, c'est ensuite garantir des ressources pérennes à ces organisations. Elles sont aujourd'hui éclatées. Après la deuxième grande conférence sociale, j'ai écrit aux partenaires sociaux pour réfléchir à la manière de leur donner des moyens stables. Là encore, la transcription législative aura lieu après l'accord sur la formation professionnelle.

La transparence, c'est enfin en venir au dossier des comptes des comités d'entreprise, que Mme Procaccia connaît bien, les partenaires sociaux l'ont souhaité eux-mêmes en 2011. Les principes sont simples : prise en compte de toutes les ressources des comités d'entreprise, une structure de comptabilité adaptée à la taille des entreprises - car ne nous laissons pas abuser par le prisme des gros comités d'entreprise, ils sont rares -, publicité des documents comptables, obligation de certification des comptes dans certains cas, imposition des règles de marché public pour les projets importants.

Je partage ces principes mais, pour des questions de méthode, et uniquement de méthode, je ne peux pas apporter mon soutien à votre proposition de loi. Je proposerai, après concertation, un texte global qui ira de la formation professionnelle à la représentativité et à la transparence des comptes. Vous connaissez notre agenda. Ce texte viendra en janvier ou février et, sauf erreur, les calendes grecques n'ont pas lieu à ce moment-là. Je ne doute pas que le Sénat votera alors ce texte global et ambitieux pour la démocratie sociale ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard .  - Le comité d'entreprise, organe au service des salariés, assure leur représentation. Son rôle est central : il est consulté sur les modifications des conditions de travail et du règlement intérieur, sur l'introduction de nouvelles technologies, sur les licenciements économiques.

Ces derniers mois, nous avons eu vent d'affaires dévoilant des comportements à la limite de la légalité au sein de grands comités d'entreprise. À l'heure de l'argent roi, on ne peut pas s'étonner de ces déviances personnelles. La surprise, en revanche, tient au fait qu'il n'existe pas d'obligation de transparence sur les comptes de comités d'entreprise.

Le texte, vous l'avez reconnu, monsieur le ministre, est proche des conclusions remises par les partenaires sociaux en avril 2012. Quelle est la difficulté ? Le calendrier est, comment dire...

M. Michel Sapin, ministre.  - Inadapté !...

M. Jean Desessard.  - Inadapté car une négociation est en cours sur une réforme globale portant aussi bien sur la formation professionnelle et le dialogue social, que sur la transparence des organismes partenaires. Nous serons extrêmement attentifs à cette future loi cadre ainsi qu'à tous les textes sur la transparence financière. Puisque le ministre s'est engagé à régler ce dossier d'ici cinq mois, faisons plutôt avec les syndicats qu'à côté d?eux ou contre eux pour qu'ils soient acteurs, dans la concertation, de cette volonté de transparence ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Sapin, ministre.  - Excellent, comme toujours !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Je ne vais pas du tout tenir le même discours.

Concrètement, ce texte étend aux comités d'entreprise les obligations de transparence s'imposant aux syndicats depuis la loi du 20 août 2008. Les partenaires sociaux l'ont demandé le 7 février 2011. Ce texte, que nous soutenons d'autant plus qu'il s'inspire de la proposition de loi Perruchot, est une nécessité juridique puisque le nouvel article R. 2323-37 du code du travail est inapplicable en l'état. Il est aussi une nécessité éthique, vu l'importance des sommes en jeu. Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes de 2011 sur le comité d'entreprise de la RATP. Les comités d'entreprise ne peuvent être les seuls laissés à l'écart de la transparence. Il ne s'agit pas de jeter la suspicion sur tous, mais bien de consolider leur légitimité.

Ce texte, je l'ai dit, est très proche de celui de M. Perruchot. Pourquoi avoir attendu un an et demi avant de reprendre le dossier au Sénat sur un sujet aussi consensuel ? On avait reproché à M. Perruchot d'avoir shunté la démocratie sociale, on fait le même reproche à Mme Procaccia. Il faut, encore et toujours, attendre, au motif que des négociations sont en cours. Février 2014 ? Mais le calendrier sera chahuté par les élections municipales. On marche sur la tête ! Le Sénat est prêt à voter ce texte. Pourquoi attendre ? Qui fait la loi ? il semble que la Constitution confie ce soin au législateur... Au nom de quoi un grand représentant syndical s'autorise-t-il à dire qu'un parlementaire - en l'occurrence Mme Procaccia - n'a pas « à faire un texte dans son coin » ? Refuser ce texte, c'est attenter à la démocratie parlementaire ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Très bien !

Mme Isabelle Pasquet .  - Je rends hommage aux délégués des comités d'entreprise qui, par leur engagement personnel, participent à l'épanouissement des salariés en les faisant participer à la vie de l'entreprise et en assurant l'accès à la culture pour tous.

Nous débattions hier de la transparence en matière de médicament et de santé, de la transparence politique. Il faudra en faire de même sur la transparence des subventions publiques accordées aux entreprises. Je pense en particulier au CICE. Là est l'urgence plutôt que de légiférer sur les comptes des comités d'entreprise. Quand il y a eu suspicion de malversation, des informations judiciaires ont été ouvertes. Qui plus est, les comités d'entreprise se soumettent déjà volontairement aux règles de transparence. Surtout, les partenaires sociaux négocient une réforme globale dont l'équilibre ne doit pas être fragilisé.

Si nous partageons les principes de cette proposition de loi, l'initiative de Mmes Procaccia et Cayeux nous semble inspirée par la suspicion. Car pourquoi ne porte-t-elle que sur les oeuvres sociales et culturelles, sans traiter d'aucune façon la question de leur compétence économique ? On ne peut pas renforcer l'encadrement des comités d'entreprise sans leur accorder des droits nouveaux - droit de contrôle sur les aides publiques en matière de licenciement, droit d'engager une expertise sur la situation économique de l'entreprise - qui, contrairement à ce qui est prévu dans la loi du 11 janvier 2013, doivent être financés par l'employeur.

Nous préférons à cette proposition de loi le projet de loi du Gouvernement, qui devra aborder ces questions sans exclusive. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Sapin, ministre.  - Excellent !

M. Claude Jeannerot .  - Je veux d'abord saluer l'important travail de Mme Procaccia et de Mme Cayeux. Ce texte a fait l'objet de nombreuses consultations, il faut le souligner.

La liberté de gestion des comités d'entreprise, garantie par le code du travail ne fait pas débat. Pour être effective, elle doit s'appuyer sur des ressources stables. La plupart des comités d'entreprise gèrent des sommes relativement modestes.

En tout cas, tous doivent se soumettre à des règles de transparence adaptées à leur taille afin d'éteindre les suspicions après les récents scandales, mais aussi d'anticiper les difficultés de gestion en temps de crise.

Les partenaires sociaux partagent ce souci de transparence, ils l'ont manifesté en février 2011. Ce groupe de travail, piloté par la direction générale du travail depuis début 2012, a rendu ses conclusions en avril 2012.

Le texte de notre collègue en tient compte. Néanmoins, je ne peux l'approuver. Et ce, pour une raison simple : le tempo n'est pas le bon.

À la suite de la position commune du groupe de travail tripartite, le ministère des finances a mis en place un groupe de concertation sur la question. C'est une exigence de démocratie sociale, dans laquelle le travail parlementaire ne saurait venir interférer. Ensuite, le Gouvernement s'est engagé, lors de la conférence sociale de juin, à intégrer les résultats de la négociation dans les prochaines semaines. Ce texte à venir intégrera une réforme des critères de représentativité - car rien n'a été fait en ce sens pour les organisations patronales. Il est de bonne méthode d'attendre, pour prendre en compte les résultats de la négociation et votre travail, madame Procaccia, ne passera pas par pertes et profits.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Je l'espère.

M. Claude Jeannerot.  - Je partage souvent les positions de M. Vanlerenberghe, mais je ne peux le suivre. Je ne vous incite pas à la procrastination...

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Un défaut que je n'ai pas !

M. Claude Jeannerot.  - C'est tout le contraire.

Le temps qui est devant nous est celui des partenaires sociaux, viendra ensuite celui du Gouvernement, puis le temps parlementaire. C'est une complémentarité gage d'efficience et de clarté. Ne pas en tenir compte, c'est bloquer le système et passer à côté de vos ambitions.

Le groupe socialiste votera donc négativement mais...

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Dans un esprit positif ! (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas Alfonsi .  - Je remercie notre rapporteur et Mmes Cayeux et David qui ont toujours porté un vif intérêt à ces questions. Il faut tenir compte du principe de réalité. Le vide juridique est patent. Un praticien du droit m'a rappelé qu'une décision de cour d'appel avait cherché, il y a vingt ans déjà, d'y parer. On a rappelé le rapport de la Cour des comptes, les affaires du comité d'entreprise d'Air France, de la RATP, d'EDF. Je vous renvoie au rapport Perruchot, passé à la trappe. Mais n'oublions pas la qualité et le dévouement des personnels gestionnaires des comités d'entreprise. L'arbre ne doit pas cacher la forêt. Le problème, c'est celui du retard que nous avons pris dans la démocratie sociale.

On ne peut qu'approuver, sur le fond, ce texte - certification et publication des comptes, lancement d'une procédure d'alerte, marchés publics. J'ai écouté le ministre avec attention. Si je ne représentais pas mon groupe à la tribune, je voterais probablement ce texte. Mais il a été question de calendrier. Des engagements ont été pris. « Nous sommes pressés, allons lentement » disait Foch. Si cette proposition de loi était votée, on n'irait peut-être pas plus vite au but qu'en s'en remettant au projet de loi que vous nous annoncez. Il faut en faire comprendre l'importance à l'opinion. Mais ne nous faites pas regretter notre vote en prenant du retard... (M. Jean Desessard approuve) Le groupe RDSE s'abstiendra.

Mme Caroline Cayeux .  - Alors que la transparence de la vie publique est à l'ordre du jour, cette proposition de loi vient répondre à une demande pressante des principaux intéressés. Longtemps, les comités d'entreprise n'ont été soumis à aucune obligation de transparence, lesquelles s'imposent aujourd'hui aux associations et syndicats. La loi de 2008 avait certes rendu la certification obligatoire, mais cette disposition pose problème aux petits comités d'entreprise et la procédure peut engendrer des conflits d'intérêts. Il faut y remédier. D'autant que des dérives de grands comités ont été médiatisées, qui jettent le trouble. La Cour des comptes, dans son rapport de 2011, appelait à une réforme en profondeur. Notre rôle de législateur est de nous saisir de cette question sans attendre. C'est ce que j'ai fait, en même temps que Mme Procaccia, que je remercie pour m'avoir associée.

Il faut distinguer selon les ressources financières des comités d'entreprise, leur bilan, le nombre de salariés. Une réflexion engagée par les partenaires sociaux a abouti, et l'unanimité est là, que nous avons retrouvée lors de nos auditions. Nous avons repris l'esprit des propositions des partenaires sociaux, par voie d'amendement : traitement différencié selon la taille du comité d'entreprise, information des salariés, sécurisation de la procédure, transparence des marchés.

Mon texte prévoyait une transmission au président du conseil d'administration. Je regrette que les partenaires sociaux n'aient pas repris ce point, mais leurs recommandations constituent un premier pas.

Lors de la conférence sociale de 2012, on nous annonçait un texte début 2013. Le calendrier parlementaire chargé a repoussé le délai. Il faudra attendre début 2014. Au moins aurons-nous servi d'aiguillon, avec Mme Procaccia, pour que le Gouvernement s'empare de ce sujet...

Le groupe UMP votera cette proposition de loi en regrettant de n'être pas parvenus, comme pouvaient le laisser espérer nos débats en commission, à plus d'unanimité.

M. Michel Sapin, ministre .  - Il n'y a pas de désaccord entre nous sur les mesures que vous préconisez. Il aurait pu y en avoir, comme cela a été le cas dans le passé, où l'on a vu mise en cause telle ou telle entreprise publique, telle ou telle organisation syndicale. Ce n'a pas été le cas ici, et je m'en félicite.

Un travail important de concertation a été mené, qui a permis de parvenir au consensus des partenaires sociaux. Il n'y a donc là aucune difficulté, et certaines de vos rédactions nous seront très utiles pour rédiger notre projet de loi. C'est une pure question de calendrier qui détermine notre position d'aujourd'hui. Il n'y a là, monsieur Vanlerenberghe, nul prétexte. Il est important, sur ce sujet, d'avoir une vision globale, afin de donner des bases solides et pérennes à la démocratie sociale. Cela engage les questions de la représentativité, non seulement syndicale, mais patronale et du financement, qui exige transparence et rationalité, tant pour les fonds publics que pour ceux qui viennent des entreprises.

Il est urgent de réformer la formation professionnelle, pour répondre aux besoins des salariés - les moins qualifiés, les jeunes, les chômeurs en particulier. Le calendrier est fixé. Je m'engage à ce qu'un texte à venir, qui concernera et la formation professionnelle et le dialogue social soit adopté d'ici à la fin de cette année parlementaire par les partenaires sociaux.

Les calendes grecques ? On sait qu'il n'en est que de latines, d'où le mot que Suétone prête à celui qui n'était pas encore Auguste, y renvoyer, c'est reporter un projet à jamais. Ce que je peux vous dire, c'est qu'aux calendes de mars, je vous aurai présenté un projet de loi. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Catherine Procaccia, rapporteur .  - Une petite rectification. Au 4 de l'article, il faut lire l'article L. 2325-1-1, et non l'article L. 2325-1.

Mme Catherine Deroche .  - Le groupe de travail a été créé dès 2011 par Xavier Bertrand. Trois ans ont passé, - il y a bien un problème de rapport au temps dans notre pays. Je vous invite à lire l'essai récent La France malade de son temps. Les dispositions sur les comités d'entreprise seront noyées dans celles qui concernent la formation professionnelle. Où sera la lisibilité ? Ce que je crois, c'est que vous voulez vous assurer la paternité de ces mesures. Le groupe UMP votera ce texte et regrette l'absence d'unanimité qui aurait été un signal fort. (Mme Catherine Procaccia, rapporteur, applaudit)

M. Jean Desessard .  - Je ne peux pas voter contre les propositions contenues dans les articles, car ce sont des mesures de bon sens. Pour autant, mon vote final sera négatif.

Le ministre a été clair sur le calendrier. Il faudra qu'il y ait un débat parlementaire, car la négociation sociale ne reflète pas toute la société : souvent l'environnement est un peu oublié. D'ailleurs, les syndicats, comme FO, disent clairement qu'ils sont là d'abord pour défendre les intérêts de leurs adhérents, avant l'intérêt général. Il faudra donc un débat plus global.

M. le président.  - M. Desessard a compris toute la subtilité qui peut s'attacher au vote... (Sourires)

M. Nicolas Alfonsi .  - Nous avons les mêmes scrupules et voterons les articles. Mais nous nous abstiendrons sur l'ensemble.

M. Jacky Le Menn .  - N'allons pas dramatiser un texte sur lequel tout le monde est d'accord. Le ministre ne donne aucune injonction au Parlement, il ne fait que nous proposer un calendrier, par souci de cohérence. La démocratie sociale mérite un traitement d'ensemble. Là est la question. Une trop longue attente ? Je me souviens d'un texte sur la biologie médicale, qui a demandé bien du temps, mais qui a fini par aboutir et cela paraît un peu galvaudé de le dire mais il est parfois urgent d'attendre. La réflexion est encore en cours au ministère des finances. Ce n'est pas faire injure au travail de notre collègue que de lui demander de patienter quelques mois. C'est dans cet esprit que mon groupe votera contre ce texte.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Notre groupe votera pour les articles, et pour le texte. Pas de jésuitisme, c'est un texte excellent. Attendre une réforme plus globale ? Mais c'est d'un article du code du travail dont nous débattons ce matin, point. Pourquoi ne pas l'adopter, et gagner ainsi du temps ? (Applaudissements à droite ; Mme Catherine Procaccia, rapporteur, applaudit aussi)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur .  - L'avis de la commission est évidemment favorable.

M. Michel Sapin, ministre .  - Celui du Gouvernement diffère.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - En commission, les groupes CRC, socialiste et écologiste n'ont pas pris part au vote, pour que la discussion ait lieu en séance publique. Nous sommes tous d'accord pour que les groupes minoritaires puissent bénéficier d'un temps parlementaire de séance, pour aller au fond de la discussion, qui a été...

M. Jean Desessard.  - Correcte ! Approfondie !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - L'avis favorable de la commission est né de cet accord tacite. Je devais le rappeler.

À la demande du groupe UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l'adoption 168
Contre 149

Le Sénat a adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Claude Jeannerot .  - Je veux faire écho à l'observation de M. Vanlerenberghe, qui a regretté que le consensus ne se fasse pas pour voter ce texte, alors que nous sommes tous d'accord. Mais accepter un court délai, c'est respecter, contrairement à ce qu'il a dit, le travail parlementaire. Car nous avons besoin de la démocratie sociale pour éclairer nos débats. Attendre tous les résultats du dialogue social et tous les éléments d'expertise est de bonne méthode. De cette méthode dépend la qualité de nos décisions. Nous donnerons ainsi aux partenaires sociaux un signe essentiel, une marque de respect pour les ultimes délibérations. Je vous demande de prendre en compte cette exigence.

M. Jean Desessard .  - De l'art d'être contre quand on est pour... Je dois expliquer mon vote. Nous sommes pour les dispositions qu'il propose, mais contre son adoption aujourd'hui, pour respecter le calendrier annoncé par le ministre et permettre aux partenaires sociaux de débattre. On ne repousse pas aux calendes, que je ne saurais qualifier !

Je souhaite en revanche que le ministre tienne le Parlement informé de l'avancée des négociations sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Je comprends l'embarras de ceux qui vont ainsi voter. Le dialogue social ? Mais il a eu lieu, et l'accord des partenaires a été total. Pourquoi attendre ? Parce qu'un texte plus large aura une audience plus importante ? Je préfère, moi, l'efficacité à l'affichage.

Mme Isabelle Pasquet .  - Si notre groupe votera contre, c'est que ce texte témoigne d'une méfiance à l'encontre des élus salariés, dans leurs activités sociales. Il faut examiner plus largement la question en se penchant sur les compétences économiques des comités d'entreprise, qui doivent être élargies et donner aux élus salariés les moyens d'exercer leur contrôle. Nous espérons donc un texte plus large sur la démocratie sociale.

Mme Catherine Deroche .  - L'accord tripartite date du début de l'année ; le texte ne sera pas voté pour une seule raison : il émane de l'UMP. Lors de l'affaire Cahuzac, on a dû faire diligence sur la transparence de la vie publique. On aurait pu faire de même ici.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur .  - Cette séance est pleine de surprises ! J'ai compris la position des groupes de la majorité présidentielle : d'accord sur le contenu - et c'est pourquoi ils ont voté l'article premier - et celle du ministre, qui nous oppose un calendrier. Reste que les votes intervenus témoignent de la justesse de nos propositions, dont j'espère qu'elles finiront par aboutir. Les syndicats nous ont demandé de veiller à la diligence du Gouvernement, se plaignant de n'avoir obtenu aucune réponse de sa part depuis six mois. Le ministre s'est aujourd'hui engagé, tant mieux. Le texte qu'il nous présentera ne pourra recueillir notre accord s'il n'intègre pas tous les comités d'entreprise, y compris les plus gros et ceux par lesquels le scandale arrive. Or le texte mis au point avec la direction générale du travail laisse craindre qu'il pourrait ne pas en être ainsi...

À la demande du groupe UMP, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 168
Contre 160

Le Sénat a adopté.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - Après les travaux constructifs de la commission, le vote de ce matin aboutit à un étrange résultat : un texte est adopté mais sans les articles d'application... Il faudra remettre l'ouvrage sur le métier !

M. Michel Sapin, ministre.  - Le Gouvernement est là pour veiller à la cohérence.

La séance est suspendue à 11 heures.

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 15 heures.