Loi de finances pour 2012 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012 Nous entamons l'examen de la deuxième partie, avec l'examen de crédits affectés à la mission « Justice ».

Justice (et articles 52 et 52 bis)

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Mon rapport écrit analyse ce budget en détail : j'ai voulu répondre en introduction à l'avis du président du Conseil national des barreaux et du président de l'USM. En annexe, vous trouverez notamment le tableau d'occupation des établissements pénitentiaires. Je remercie le ministre et ses services des informations qu'ils nous ont données.

Je m'interroge sur la sincérité de ce budget. La sous-estimation budgétaire ne facilite pas le dialogue institutionnel...

Le chapitre « frais de justice » par exemple. Les actes d'expertise, d'analyse ou d'interprétariat sont de plus en plus nombreux et de plus en plus coûteux ; ils découlent bien souvent de la loi même. Or, leurs crédits ont été ramenés à 470 millions d'euros pour 2012, en augmentation de 2,3 % seulement. Vos services estiment probable un report de 100 millions d'euros, et un coût moyen par affaire pénale de 250 euros. Croyez-vous que c'est là que des économies substantielles sont à attendre ? Reprenant l'initiative de M. du Luart, nous commanderons un rapport à la Cour des comptes. Sans attendre, il faut remettre de l'ordre dans la procédure de paiement.

Le coût de rénovation du tribunal de Paris n'est pas pris en compte dans les crédits affectés à la carte judiciaire -plus de 620 millions d'euros- et on ne sait où sera hébergé le CSM après avril 2012. Le secteur associatif habilité, acteur essentiel de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est inquiet. La hausse des crédits de paiement serait, selon lui, de 0,83 % et non de 2 %. Les reports de charges se succèdent : 27 millions en 2010, 34 millions en 2011, 40 millions en 2012. Fin 2011, ils représentent deux mois de paiement.

En 2011, 40 à 50 contrats de personnels spécialisés n'ont pas été reconduits, faute de crédits. Les subventions n'arrivent pas aux associations. Le coût des centres éducatifs fermés (CEF) est mal évalué, sauf à s'en tenir à une pure politique d'enfermement à laquelle une tragique actualité ne nous incite pas.

Le service public de la justice est lui aussi victime de le RGPP ; 1 726 ETP auront disparu entre 2011 et 2013. Mais vos services soulignent les difficultés dans le transfèrement ou le bracelet électronique, et le nombre insuffisant de greffiers. Le rapport un greffier/un magistrat ne serait atteint qu'en 2014...

Vous vous éloignez du principe d'égalité et de gratuité devant la justice. Je proposerai au nom de la commission des finances la suppression de la taxe de 35 euros prévue à l'article 54 de la loi du 29 juillet 2011.

Vos annonces successives de création de places en prison sont à l'avenant, au gré des faits divers, comme l'affaire de Pornic. Le président de la République annonce désormais 80 000 places à l'horizon 2017. Quid des maîtrises foncières nécessaires, des projets de rénovation, de la nécessaire différenciation des places ? S'agissant des centres éducatifs fermés (CEF), on ne peut s'en tenir à une approche strictement quantitative ; certains doivent porter l'accent sur l'éducatif et le médical -ce qui pèsera sur le prix de journée.

La PJJ est en détresse. Elle perdra encore 106 postes en 2012. Les discours répressifs adressés à l'opinion ne répondent pas à la diversité des situations. MM. Peyronnet et Pillet, dans leur rapport sur les CEF, rappelant leur attachement à l'ordonnance de 1945, ont souligné que la prévention doit l'emporter sur la répression et qu'il fallait privilégier, sans angélisme toutefois, mesures éducatives et alternatives à l'enfermement.

C'est en exerçant notre mission parlementaire que l'on aide les professionnels à agir. Les dysfonctionnements ne se décrètent pas, ils se prouvent et se corrigent.

La commission des finances, pour toutes ces raisons, vous propose le rejet des crédits de la mission.

Enfin, le dialogue social doit progresser dans votre ministère, sauf à aggraver l'incompréhension au sein d'une institution qui nous est chère. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration pénitentiaire.  - Avec 3 milliards de crédits de paiement, en hausse de 7 % le budget de l'administration pénitentiaire évolue favorablement. En quelques années, le budget justice est passé de 1,6 % à 2,6 % du PIB, proche de la moyenne de l'OCDE.

Pourtant, les perspectives 2012 pour l'administration pénitentiaire laissent perplexe. L'application de la loi pénitentiaire de novembre 2009, qui mettait enfin en oeuvre les préconisations de nos deux assemblées, pour en finir avec une « humiliation pour la République », portait nos espoirs. Or cette loi n'avait pas fait le choix d'augmenter les capacités de détention, mais plutôt du développement des aménagements de peine et des alternatives à l'emprisonnement.

Le cercle vicieux entre augmentation du nombre de détenus et des capacités d'accueil n'est pas rompu. Les aménagements de peines, dont le quantum avait été porté de un à deux ans, ont eu un impact positif sur le risque de récidive. Quant au placement sous surveillance électronique, il est devenu la première mesure d'aménagement de peine. Mais on risque de cruelles désillusions sans un accompagnement humain par des conseillers d'insertion et de probation. Malgré l'augmentation de leur nombre, nous restons loin des 1 000 postes supplémentaires jugés nécessaires dans l'étude d'impact...

Nous constatons, parallèlement, une progression de 4,6 % en un an du nombre de personnes écrouées. Évolution qui résulte pour beaucoup de la volonté d'exécuter les peines. Mais on oublie qu'une peine aménagée est une peine exécutée. Je m'inquiète, à cette aune, de voir l'effort de construction de prisons. Les annonces de créations se suivent : je crains qu'il ne reste guère de marge pour les alternatives à l'incarcération.

Deux souhaits pour terminer : je vous demande de réactiver la commission de suivi de la détention provisoire et d'éviter la création d'un parc pénitentiaire « à deux vitesses », entre les établissements publics et ceux en gestion déléguée ou construits en partenariat public-privé. Voyez le coût de la rénovation de Fleury-Mérogis, si longtemps laissée à l'abandon. La construction d'une prison neuve aurait coûté moins cher !

La commission des finances a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice judiciaire.  - Je salue le travail de mon prédécesseur, M. Yves Détraigne. Le rattrapage est une fois encore présenté comme une priorité du ministère, mais les crédits ne suivent pas. La dépense est tout au plus stabilisée, alors que les réformes se sont accumulées depuis cinq ans, mettant les personnels et les magistrats à la peine. En 2011, achèvement de la carte judiciaire, réforme du contentieux et de la garde à vue, introduction des citoyens assesseurs, suppression des juridictions de proximité... On était en droit d'attendre des moyens à la hauteur. Tel n'est pas le cas. La création de 84 emplois de magistrat compense à peine les 76 suppressions de postes de 2011. Le besoin, pour appliquer les réformes, serait de 214 postes supplémentaires.

Même difficulté pour les frais de justice, qui explosent. Si la Chancellerie a engagé de réels efforts de maîtrise, la sous-budgétisation perdure. Les prestataires ne sont pas payés : il faut s'attendre à des difficultés. Les dépenses d'aide juridictionnelle augmentent certes de 100 millions, mais pour l'essentiel à cause de la réforme de la garde à vue. Nous proposerons de supprimer la contribution de 35 euros pour l'accès à la justice.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien.

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis.  - Le financement doit reposer sur la solidarité nationale et non sur les seuls justiciables ; une autre solution serait de faire participer les assurances de protection juridique.

Les tribunaux d'instance croulent sous le contentieux, leurs personnels sont en plein désarroi. Les moyens n'ont pas suivi : 28 nouveaux postes de magistrat seulement en six ans. Les juges d'instance, qui traitent les litiges du quotidien, se vivent comme les parents pauvres de la justice.

Les retards accumulés ne peuvent vous être tous imputés, monsieur le garde des sceaux, mais le Parlement est en droit d'exiger du Gouvernement qu'il assume budgétairement l'impact de ses propres réformes. Compte tenu de l'écart entre les besoins des juridictions et les moyens qui leur sont alloués, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la protection judiciaire de la jeunesse.  - Certes, pour la première fois depuis 2008, les crédits de la PJJ augmentent de 4,6 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement. Mais les crédits supplémentaires sont pour l'essentiel consacrés à l'ouverture de vingt CEF et le plafond d'emplois diminue de 106 équivalents temps plein. Ce budget déséquilibré inquiète la commission des lois.

Depuis 2002, priorité a été donnée aux CEF pour les mineurs multiréitérants ou multirécidivistes. Le rapport Pillet-Peyronnet a montré l'intérêt de ces centres, avant même le drame de ces derniers jours, pour autant que la prise en charge éducative soit une réalité. Mais 11 % du budget de la PJJ leur sont consacrés, au détriment des services en milieu ouvert et des structures d'hébergement traditionnelles.

Le nombre de mineurs par éducateur dépasse désormais 25. Le secteur associatif est soumis à de fortes pressions et certaines structures sont en grave difficulté financière. Je rends hommage à leur personnel, ainsi qu'à celui de la PJJ.

La priorité donnée aux CEF appauvrit l'éventail de réponses. Les foyers traditionnels sont adaptés aux cas les moins difficiles, tandis qu'est mis à mal le suivi qui tend à éviter les sorties sèches. Il faut aux jeunes un suivi éducatif après détention, en milieu ouvert, pour éviter la réitération. Une évaluation pluridisciplinaire complète de la personnalité de ces jeunes est nécessaire pour déterminer les modalités de prise en charge les plus adaptées. Or, les moyens manquent.

J'en viens à la justice des mineurs. La prise en charge des mineurs en danger relève désormais des départements. Mais l'État ne peut se désintéresser de la façon dont sont exécutées les décisions des juges des enfants ; or il ne dispose d'aucun outil de suivi.

S'il y a un domaine où il faut faire preuve de sérénité, en particulier au plus haut niveau de l'État, c'est bien celui des mineurs délinquants et de l'enfance en danger...

À titre personnel, je suis favorable à ces crédits, mais vous comprendrez que j'ai eu du mal à convaincre la commission des lois, qui ne m'a pas suivi. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Certes, les crédits de la mission augmentent de 3,5 % -1,5 % hors inflation- mais l'effort demeure insuffisant, et les orientations contestables. Les moyens sont mis au service de réformes qui privilégient l'enfermement sur la prévention et les alternatives à la prison. Souhaitons que les prochains gouvernements, quels qu'ils soient, s'interdisent d'instrumentaliser un drame à seule fin d'afficher une posture... (Applaudissements à gauche)

De 2002 à 2010, le nombre des affaires pénales a augmenté de 46 %, quand les crédits n'ont progressé que de 0,62 %. Vous avez supprimé 76 postes de magistrat en 2011 : les 84 postes créés rattrapent à peine les choses. Le ratio greffiers/magistrats s'améliore mais le ratio fonctionnaires/magistrats se détériore. Les frais de justice augmentent parce que la législation impose davantage d'interventions d'expert ; mais les crédits sont sous-évalués !

L'accès au droit, dont les crédits augmentent de plus de 7 % en raison de la réforme de la garde à vue, restent insuffisants. D'où la création d'une taxe de 35 euros, que nous contestons : c'en est fini de l'accès gratuit à la justice, contrairement à ce que dit le garde des sceaux.

Si les crédits de l'administration pénitentiaire augmentent, la création de nouveaux établissements absorbera tout l'effort au détriment des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Quant à la surveillance électronique, elle monte en puissance, sans l'accompagnement nécessaire.

Avec votre politique, c'est le cercle vicieux : plus il y aura de prisons, plus il y aura d'incarcérations. Et vous recourrez sans cesse au partenariat public-privé  (PPP), qui a suscité l'intérêt de la Cour des comptes ; il est essentiel d'en évaluer le coût. Et pourquoi choisir de construire de grandes prisons déshumanisées dans des lieux excentrés ?

Le contrôleur général des prisons s'inquiète du recours accru à la visioconférence.

Les crédits de la PJJ sont consacrés, pour une grande part, à la création de nouvelles places en centres éducatifs fermés : c'est là votre seule réponse. Ce recentrage sur l'enfermement des mineurs délinquants est une aberration : vous enlevez les moyens nécessaires à des actions qui fonctionnent. La priorité de l'UMP pour la justice, c'est ouvrir des marchés au privé !

La loi, Mme Dini l'a dit, prévoit un dispositif utile pour prévenir la récidive en matière de violences faites aux femmes. Il n'est pas mis en oeuvre, faute de moyens, sans que personne ne s'en émeuve. Et tous les jours, une femme tombe sous les coups de son conjoint ou compagnon.

Nous voterons contre ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Bockel.  - Je salue l'effort de rattrapage budgétaire, accéléré sous cette mandature ; ne nous posons pas en donneurs de leçons. Les crédits immobiliers permettent de moderniser les établissements et de mettre en oeuvre plus efficacement la loi pénitentiaire, même s'ils sont encore insuffisants.

Pour l'exécution effective et rapide des peines prononcées, il reste du chemin à faire ; mais les moyens sont aujourd'hui plus importants.

Nous sommes tous attachés à l'indépendance de la justice. Le CSM reste perfectible, mais plus d'autonomie financière l'aidera.

Vous savez que la prévention de la délinquance me tient à coeur. Non, il ne faut pas instrumentaliser les drames. Comme maire, j'ai pu constater les obstacles qui s'opposaient au secret partagé, mais nous y sommes arrivés et ça marche : le secret a été partagé et gardé ! Nous pouvons encore progresser mais c'est plus une question culturelle que de moyens.

J'ai aussi travaillé sur la détection précoce des troubles du comportement. Il ne s'agit nullement de parler de stigmatisation précoce ou de prédétermination : je l'ai vérifié au Québec.

Sur la prévention de la récidive, vous annoncez plus de places en centres éducatifs fermés et la construction de nouvelles places de prison. Mais que ne mettez-vous aussi en oeuvre la prison ouverte, pour préparer les sorties ? De 8 % à 30 % des personnes incarcérées en Europe le sont dans ces structures, qui coûtent moins cher. Les élus locaux y sont favorables, vous l'êtes : il faut engager le mouvement. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le retard, en matière de moyens, est patent et vient de loin. Le prochain gouvernement aura des choix difficiles à faire. Je souhaite qu'il donne la priorité à la justice.

Des collègues ont cité les chiffres. Il y a, dans ce budget, du trompe-l'oeil. 84 postes de magistrats en plus ? Votre étude d'impact évalue à 65 postes les besoins pour les citoyens-assesseurs et à 180 pour l'hospitalisation sans consentement. On est loin du compte.

Avec M. Badinter, nous avions marqué nos réserves sur la création des juges de proximité. Mais il s'est trouvé qu'ils apportent un service précieux, et que leur suppression crée de grandes difficultés dans les tribunaux d'instance.

Pour les greffiers et personnels administratifs, vous annoncez 198 postes de plus, mais ils ne compensent pas les 314 équivalents temps plein (ETP) supprimés en 2010. En dépité de créations en 2011, le solde n'est positif que de 87 : c'est très insuffisant.

Les escortes relèvent désormais du ministère de la justice. Au ministère de l'intérieur, c'était 1 200 emplois de gendarmes et policiers. Vous annoncez 800 emplois : comment absorbera-t-on la différence ? Il est vrai que vous déclariez en juin, dans la presse, que cela n'allait pas marcher.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Nous sommes d'accord.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On vous entend beaucoup dire qu'il faut aider les victimes. Mais il y a loin des discours aux actes. La baisse des crédits pour l'aide aux victimes, pour la troisième année consécutive, en témoigne. Quand mettrez-vous vos actes en conformité avec vos déclarations ? Ou alors renoncez aux effets d'annonce !

J'en viens à la question des lieux d'enfermement, très bien traitée par M. Lecerf. Le nouveau mode de financement me laisse perplexe. Le partenariat public-privé a des effets délétères. Les établissements construits sont trop grands. M. Delarue écrit que des établissements de plus de 200 places ont des effets désastreux. Qu'en pensez-vous ? Nombre de personnels regrettent des choix d'architecture et d'aménagement. Ces détails relèvent des prérogatives de votre ministère. Or, on s'éloigne de la maîtrise d'oeuvre publique en ce domaine.

M. Éric Doligé.  - Et alors ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec la multiplication des partenariats public-privé dans ce domaine on risque d'abouti à ce que redoutait M. Séguin : que les partenariats public-privé deviennent le « crédit revolving » de l'État. Ce qu'on ne paye pas aujourd'hui, on le paye plus tard !

M. Éric Doligé.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'en arrive aux faits divers. Celui qui s'est récemment produit au Chambon-sur-Lignon relève de l'horrible. Mais nous sommes persuadés que ce n'est pas de bonne politique que d'annoncer une loi d'affichage après chaque affaire. La sagesse, ce sont les moyens, pas les nouvelles lois ! Vous prévoyez 96 000 détenus en 2014.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Combien ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...96 000, selon vos déclarations reprises dans la presse. « Le parc pénitentiaire est de 57 000 places. Le ministère estime qu'il y aura 96 000 détenus en 2014 et envisage d'étendre le parc à 80 000 places ».

Donc, vous prévoyez un tiers de détenus en plus.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Je n'ai fait aucune déclaration à ce journal, qui dit ce qu'il veut.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Donc, vous démentez ces chiffres ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je vous donnerai ma position mais il s'agit de créer des places pour éviter des matelas par terre

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut développer des alternatives à la détention. La question, ce n'est pas d'annoncer des populations pénales considérables mais de savoir ce qui se passe quand une personne est détenue. Il ne faut pas de sorties sèches. Il faut préparer la réinsertion afin d'éviter la récidive. Nous ne souscrivons pas à la politique du chiffre. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Je salue le travail des quatre rapporteurs.

Quand des médicaments sont amers on les entoure de sucre. Tel est votre travail au Gouvernement, monsieur le ministre. En fin de mandature il est normal de poser la question : la situation est-elle meilleure que vous ne l'aviez trouvée ? La justice va mal et sa situation s'est détériorée sous les coups de l'exécutif. La multiplication des lois de circonstance ne règle rien. Les décisions de justice ne sont pas appliquées. Privilégier l'effet médiatique ne règle pas les problèmes de fond. Vous voulez revenir encore sur la récidive et nous nous souvenons de la loi sur la rétention de sûreté, guère appliquée...

M. Michel Mercier, garde des sceaux. - À personne encore...

M. Jacques Mézard.  - ...ou aux peines plancher. Légiférer à chaque fait divers, c'est reconnaître votre échec.

Nous voulons une justice équitable, moins de lois mais mieux appliquées, une justice rapide sans être expéditive, accessible à tout.

Qu'avez-vous fait ? La réforme de la carte judiciaire, coûteuse et néfaste pour la proximité, la suppression des avoués, des pseudo innovations comme les citoyens assesseurs et une déjudiciarisation à tout va...

Au crédit de ce Gouvernement, et de M. Lecerf, la loi pénitentiaire. Que faites-vous sur le terrain ? La population carcérale explose : sept détenus dans 15 mètres carrés. Quel aveu d'échec ! Vous parlez de 96 000 détenus en 2014...

Certes, il y a de plus en plus d'aménagements de peine. Mais sur le terrain, plus de peines de prison sont prononcées, dont la Chancellerie demande qu'elles soient aménagées, et en même temps effectuées.

Vous gérer des stocks de détenus et non la finalité de la peine.

Quant au transfert des charges d'escorte, c'est un fiasco. Les expérimentations démontrent qu'il manque de personnel.

Vous annoncez pour 2012, après la présidentielle, la réforme de l'ordonnance de 1945. Qu'est devenue la réforme de la procédure pénale ?

Ce budget est en trompe-l'oeil. Votre ministère n'a pas bénéficié des mêmes efforts que certains autres, vous le reconnaissez. Comment faire fonctionner des tribunaux sans magistrats ni greffiers, sans frais de justice ? La RGPP a frappé, sans respect des grandes priorités nationales. Le problème des sous-effectifs explique l'allongement des procédures. C'est toute la machine qui se grippe.

Quant à la visioconférence, vous savez ce qu'il en est.

Les plus démunis ont le plus de difficulté à accéder à la justice. Et vous instaurez des taxes d'un autre temps ! Est-ce cela l'égalité devant la loi ?

L'évolution de l'aide juridictionnelle prouve que vous ne répondez pas à l'évolution de la vie judiciaire, notamment en matière de garde à vue.

Cette situation est inacceptable. L'héritage est lourd. Les majorités successives y ont contribué mais une nation moderne ne peut accepter d'avoir une justice dont elle doute. La justice doit être une priorité. Tel n'est pas le cas.

Très majoritairement, nous ne voterons pas votre budget. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je vais défendre ce budget. Parlementaire depuis vingt-six ans, je me rappelle que quand j'ai été élu, ce budget représentait 1,6 % du PIB. On est passé à 2,6 %, le nombre de magistrats a augmenté, même si c'est encore insuffisant. Certains refusaient qu'on construise des prisons ; heureusement il ya eu les programmes 23 000 places, Méhaignerie, etc.... Quand j'entends critiquer les établissements, je rappelle que le cahier des charges est toujours établi par la Chancellerie. L'enquête sur les prisons a prouvé un problème de financement à terme, mais la qualité des établissements est bien meilleure et tout le monde le reconnaît (M. le ministre le confirme), y compris les syndicats.

Je suis entièrement d'accord avec M. Lecerf. Les aménagements de peine sont indispensables. Les courtes peines sont inutiles, inefficaces. Certes, les moyens manquent, mais on a tout de même multiplié par trois les effectifs des services d'insertion et de probation

En revanche, je veux vous interroger sur les frais de justice. Des économies considérables peuvent être réalisées.

Où en est-on de la dématérialisation des procédures ? Il faut revaloriser les carrières sans aucun doute, à condition que la dématérialisation soit effective.

La carte judiciaire aurait pu être meilleure, différente. Pourquoi a-t-on gardé toutes les cours d'appel ? Au nom de l'aménagement du territoire ? De même pour certains tribunaux de grande instance...

Le vrai problème, ce sont les tribunaux d'instance. On a avait eu le précédent de loi Neiertz, qui les avait embolisés. La réforme de l'hospitalisation sans consentement, celle des tutelles vont créer de grands problèmes. L'urgence est là. Il faudrait rééquilibrer les effectifs entre tribunaux d'instance et d'autres juridictions qui pourraient faire des efforts de productivité. Il y a des juges surchargés et d'autres moins. Ceux qui travaillent bien n'ont pas de moyens supplémentaires et ceux qui sont laxistes reçoivent des aides supplémentaires. Ce n'est pas normal.

Certains estiment, y compris au sein du monde judiciaire, que les effectifs de magistrats sont suffisants, mais sans doute mal répartis, surtout pour les juges d'instance. Là où la population a augmenté, les effectifs de magistrats n'ont pas suivi en conséquence : c'est que l'on n'a pas su prendre où l'on était plus à l'aise.

Nous aurions préféré garder les juges de proximité. Si vous ne donnez pas de moyens aux juges d'instance, les justiciables en pâtiront.

La participation des compagnies d'assurance de protection juridique n'a pas fonctionné. Il faut reprendre le sujet et le dialogue avec les compagnies d'assurances qui disposent de ressources colossales.

Mon groupe votera, bien sûr, ce budget.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ce budget est bien doté, dites-vous, monsieur le ministre, mais à l'Assemblée nationale, vous l'avez amputé de 20 millions. Voici donc l'illustration des effets d'annonce.

Ce budget ne permettra pas à la justice de faire face à ses missions. Les recrutements ne suffiront pas.

Pour satisfaire les dernières annonces du président de la République, il va falloir construire de nouvelles places de prison, au détriment des autres missions.

Dans mon département, la surpopulation carcérale a atteint 240 %. Aujourd'hui, elle a un peu diminué. Cessons d'avoir recours systématiquement à la prison.

À Mayotte, les magistrats doivent souvent tenir audience dans des pièces minuscules voire dans leurs propres bureaux.

Faute de cour d'appel, aujourd'hui, il faut souvent se déplacer à Saint-Denis, comme pour les pourvois en cassation. Le budget de l'aide juridictionnelle est insuffisant. Il ne permettra pas de financer la réforme de la garde à vue.

Vous voulez développer les nouvelles technologies, mais Mayotte n'en bénéficiera pas

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Elle n'est pas seule dans ce cas.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Faute de haut débit, contrairement aux promesses du président de la République. La protection de l'enfance est mal dotée. La loi de mai 2007 confie cette mission aux départements. Reste que le problème des mineurs isolés dépasse largement les prérogatives du département. C'est à l'État qu'il revient de les prendre en charge. Paris et la Seine-Saint-Denis ne sont pas les seuls touchés par ce problème. Mayotte aussi croule sous le nombre des mineurs isolés. Je dirige une association qui leur vient en aide pour leur éviter la prison mais notre établissement ne dispose que de huit places.

Le budget nécessaire à Mayotte est trop modeste pour faire face à la départementalisation. Pouvez-vous vous nous en dire plus, monsieur le ministre ?

Qu'en sera-t-il de la lutte contre l'immigration illégale dans ce département ? Je vous renvoie à ce qu'a dit M. du Luart. L'urgence est là, monsieur le ministre.

Je doute que ce budget permette à la France de retrouver une place honorable en Europe. Je ne le voterai pas. (Applaudissements à gauche)

M. François Pillet.  - Je partage la plupart des observations de M. Alfonsi qui rejoignent les conclusions de mon rapport rédigé avec M. Peyronnet. La délinquance des mineurs évolue et la protection de la jeunesse s'emploie à suivre ces évolutions. Elle a restructuré ses services déconcentrés et modernisé ses outils. Des efforts très importants ont été accomplis. La protection de l'enfance a été réformée en 2007. Les statistiques montrent que la délinquance des mineurs est multiforme et elle a augmenté de 20 % en quatre ans.

Cette délinquance se distingue par certaines spécificités : les vols et dégradation de biens sont majoritaires. Les actes de violence ont augmenté mais, autre caractéristique des mineurs, dans leur très grande majorité ils ne font pas l'objet d'une poursuite dans l'année qui suit leur prise en charge par la PJJ.

La loi de septembre 2002 a créé la procédure de présentation immédiate, pendant, pour les mineurs, de la comparution immédiate. Mais cette procédure ne doit s'appliquer qu'aux mineurs récidivistes. On modernise, parallèlement, la prise en charge des mineurs délinquants. Les centres éducatifs fermés sont des établissements adaptés. Mais la part des crédits qui leur est destinée n'a cessé d'augmenter. L'encadrement, dans les structures, est nombreux. Le coût y est donc très élevé : plus de 600 euros par jour par mineur. Ce dispositif mérite pourtant d'être étendu. Il permet d'offrir à ces mineurs une deuxième chance avant la prison. Le président de la République a demandé la création de vingt CEF supplémentaires, avant le drame du Chambon-sur-Lignon et ce budget le permet.

M. Béchu a rappelé que l'aide sociale ne passionnait pas les médias. Nous avons besoin de statistiques complètes sur l'enfance en danger, ce qui permettra d'éviter le pilotage à vue.

Je soutiens la proposition du Gouvernement de création d'un outil de suivi statistique de rendu des décisions judiciaires. Je souligne l'objectivité de M. Alfonsi qui en nous invitant à voter ce budget estime que le pragmatisme est une voie plus prometteuse que celle empruntée par les tenants de la bonne conscience. (Applaudissements à droite)

M. Yves Détraigne.  - Merci au Gouvernement d'avoir augmenté les crédits du CSM. Son autonomie financière est assurée.

Je me félicite de l'augmentation globale des crédits de votre ministère, monsieur le ministre. Même si beaucoup reste à faire, la justice n'est plus le parent pauvre. Pourtant, je m'inquiète de la refonte annoncée de l'ordonnance de 1945. Ne va-t-on pas renouer avec la législation de l'émotion ? Tout le monde est d'accord désormais avec les CEF.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les vocations tardives sont les meilleures.

M. Yves Détraigne.  - Le CEF de mon département accomplit un travail remarquable mais vous allez ramener de 27 à 24 ses emplois et les CDD se multiplient alors qu'il faut de la continuité dans l'encadrement. Pourquoi ne pas faire fonctionner ce qui existe plutôt que de créer de nouvelles procédures au détriment de l'existant ?

Depuis 2005, six lois sur la récidive. Comment croire qu'elles puissent être appliquées ? (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit)

La France veut 80 000 places de détention, financées par PPP. Mais cela coûte plus cher que des établissements classiques. Une évaluation des coûts à terme de ces PPP a-t-elle été réalisée ?

En dépit de ces réserves, je voterai ce budget en progression. (Applaudissements à droite)

Mme Virginie Klès.  - Je n'ai pas vingt-six années d'ancienneté comme M. Hyest, mais j'en compte quand même quelques-unes comme élue locale.

Comme maire je me demande si les moyens sont en adéquation avec les missions, si les projets sont nécessaires et demandés par les citoyens.

Dans ma commune, l'ancien maire, longtemps adjoint, n'a cessé durant son mandat de changer de priorités, mais a finalement peu fait, sauf annoncé un grand projet immobilier en fin de mandat. Je lui ai succédé en 2001, à la surprise générale, alors que je n'avais jamais exercé aucun mandat municipal. J'ai redéfini des priorités, rétabli la situation financière, mené de nombreux projets à bien et j'ai été réélue en 2008. (Applaudissements à gauche ; marques d'étonnement à droite)

La croissance du budget de la justice ne résiste pas à l'analyse : il finance la politique de répression et d'enfermement menée par ce Gouvernement. De nombreux textes nous ont été imposés selon la procédure accélérée, sans navette, adoptés conformes parfois même sans rectifier les erreurs matérielles.

Était-il nécessaire de réformer la procédure de représentation devant la cour d'appel ?

Qu'en est-il des 300 salariés concernés par cette réforme ? Une petite dizaine a retrouvé un poste, avez-vous dit, monsieur le ministre. À quelles conditions ?

Pourquoi payer 150 euros quand on va en appel ? Était-ce nécessaire, urgent, qui l'avait demandé ?

Pourquoi transformer les centres ouverts en centres fermés alors que 90 % des mineurs vont en centre ouvert et que 75 % ne récidivent ensuite pas ? Pourquoi proposer 160 places pour des mineurs délinquants en Epide alors que ces établissements où la mixité est la règle ne s'occupent pas de délinquants ?

Quelle est l'urgence de confier des missions à des services associatifs alors qu'ils n'ont pas de moyens adéquats, et qu'ils sont soumis à des conventions collectives ?

Y a-t-il urgence, nécessité, demande de création de places de prison alors que l'enfermement ne fait pas baisser le taux de récidive ?

Est-il nécessaire et urgent de légiférer à tour de bras alors que la justice a déjà du mal à fonctionner ?

En revanche, il est nécessaire et urgent que nous ayons un retour qualitatif et pas seulement quantitatif sur les bracelets électroniques, ainsi que sur les PPP concernant les prisons.

Il est nécessaire et urgent de s'occuper sérieusement de la garde à vue, qui se fait encore dans des conditions matérielles et géographiques désastreuses.

Il est nécessaire et urgent de mettre en place une vraie politique de l'emploi, anticipée et qui tienne compte des délais d'organisation des concours et de formation.

Il est nécessaire et urgent d'organiser le transfert des compétences entre l'Intérieur et la Justice, en matière de transfèrement et de garde des détenus.

Il est nécessaire et urgent de redonner à la justice confiance en elle-même et en les Français, ainsi qu'entre les Français et leur justice.

Il est nécessaire et urgent que la justice ait les moyens de fonctionner et qu'y soient ramenés calme et sérénité.

Bien évidemment, je ne voterai pas ce budget.

M. Éric Doligé.  - Rappel au Règlement.

Une nouvelle loi après un fait divers n'est pas une bonne méthode, dites-vous, mesdames et messieurs de la gauche. J'ai été appelé ce matin par les grands-parents de la jeune fille assassinée dans des conditions dramatiques. Ils souhaitent que nous puissions aménager la loi. Quand se passe un fait dramatique de cette nature, le Parlement ne peut rester les bras croisés.

Le projet de loi de programmation sur l'exécution des peines, qui a été présenté hier en conseil des ministres, a été élaboré après l'affaire de Pornic et a fait l'objet de plusieurs groupes de travail. Cela fait des mois que nous travaillons sur ce sujet.

Je répète que le Parlement ne peut être insensible à ce qui se passe dans la société. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je vois que la droite n'hésite pas à recourir au rappel au Règlement pour intervenir dans le débat.

M. Jean-Jacques Hyest.  - On vous imite.

M. Alain Gournac.  - Nous avons appris vos leçons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les parents de la jeune fille ont expressément dit qu'ils ne voulaient pas d'instrumentalisation de leur drame.

Mme Catherine Troendle.  - N'est-ce pas vous qui avez commencé ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Chacun m'aura bien compris.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai dit que je n'aimais pas l'expression de « fait divers », et que nous partagions tous l'émotion des Français. Il s'est produit un drame terrible, douloureux. Point de mécompréhension là-dessus. Il y en a déjà eu d'autres, comme celui qui s'est produit dans une ville que M. Doligé connaît bien, à l'occasion duquel M. le président de la République a fait des déclarations qui n'ont pas particulièrement motivé les magistrats.

S'il faut des mesures, ce ne sont pas des mesures d'affichage, qui resteront sans effet, faute de moyens. Pour éviter de tels drames, il faut des mesures concrètes. Tous s'en accordent : l'empilement des lois n'y fera rien. Il faut donner des moyens aux hommes et aux femmes admirables qui, sur le terrain, s'occupent des jeunes en péril, de ceux qui vont sortir de prison. N'exploitons pas la douleur !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Merci à la commission et à tous les orateurs, qui ont montré l'intérêt qu'ils portent au service public de la justice. Je prendrai le temps de leur répondre.

Je rappelle, tout d'abord, les lignes de force d'un budget dont vous demandez le rejet, sinon pour vous convaincre du moins pour susciter votre regret de ne pas le voter. (Sourires) Ce budget traduit, plus encore que ceux qui l'on précédé, la place que le président de la République et le Gouvernement ont voulu accorder à la justice dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons tous.

Il poursuit l'effort de rattrapage engagé depuis longtemps et accentué depuis 2007. Les crédits augmentent de 3,5 % alors que le budget général de l'État, hors dette, baisse en valeur. Notre priorité va à construire et rénover les établissements : nos crédits immobiliers augmentent de 17 %. Mon ministère est le seul à bénéficier de créations nettes d'emplois, au nombre de 512, auxquels il faut ajouter les 250 emplois transférés du ministère de l'intérieur au titre des extractions de justice.

Depuis 2007, les crédits sont passés de 6,25 milliards à 7,39 et 6 000 emplois ont été créés, dont 1 400 dans les services judiciaires. Si, dans la PJJ, 700 postes administratifs ont été supprimés, 600 postes d'éducateurs ont été créés. Les effectifs de nos services d'insertion et de probation sont passés d'un peu moins de 3 000 à 4 100. Les chiffres sont parlants : un véritable rattrapage a été accompli. Certes, un effort reste à faire pour plus d'efficacité : amplification des procédures, recours accru aux nouvelles technologies, etc.

Parmi les nombreux chantiers engagés, celui des frais de justice est récurrent. La dotation, l'an dernier, a été remise à niveau, pour financer la réforme de la médecine légale. Le rattrapage se consolide cette année. Sous-budgétisation ? Plutôt un effort de résorption des retards. Tout n'est certes pas réglé ; la dynamique de la dépense doit être maîtrisée.

L'augmentation des contentieux, la multiplication des modalités d'expertises doivent faire l'objet d'une évaluation. Les inspections, auxquelles j'avais confié mission, ont porté leurs premiers fruits -voir la passation de marchés nationaux pour expertise. Il faut aussi s'attaquer à la question de la tarification, pour pouvoir revaloriser les expertises psychiatriques, notamment. Il faut, enfin, professionnaliser l'achat, et simplifier le circuit de paiement : 2012 marquera, je l'espère, des avancées.

Ce budget donne les moyens de mettre en oeuvre la réforme des citoyens assesseurs, celles de l'hospitalisation sans consentement et de la garde à vue. Les magistrats sont de vrais professionnels, engagés. Pour l'hospitalisation, c'est grâce à eux que tout, depuis le 1er août, s'est bien passé. Ils sont souvent allés sur place : c'est nouveau. Le budget 2012 crée 315 emplois au titre de ces réformes, 485 le seront sur deux ans, conformément aux évaluations des études d'impact. La réforme de la garde à vue coûtera 85 millions qui ne pourront raisonnablement être absorbés par le budget de l'aide juridictionnelle, même si ses crédits augmenteront de 24 millions, soit 8 % en 2012. D'où notre arbitrage en faveur d'un droit de 35 euros, dont seront exemptées certaines procédures sensibles, comme les tutelles, le droit des étrangers, le contentieux de la sécurité sociale.

Autre priorité, l'exécution effective des peines. D'où les crédits prévus pour l'investissement dans la création d'établissements. La dotation pour les aménagements de peine progresse aussi ; c'est ainsi que les crédits destinés au bracelet électronique sont accrus de 23 %, avec un objectif de 12 000 bracelets. Pour renforcer la prise en charge des mineurs délinquants, 60 emplois et 20 nouveaux CET seront créés. Cela ne suffira pas pour parvenir à une exécution rapide des peines et pour remédier à la surpopulation carcérale. Ce sera l'objet de la loi de programmation. Il s'agit de porter la capacité à 80 000 places en privilégiant les établissements adaptés aux courtes peines, tout en augmentant le nombre de condamnés placés sous surveillance électronique.

M. Hervé s'est interrogé sur la crédibilité de la gestion pluriannuelle quant à l'évolution du parc carcéral. Ce sera, je l'ai dit, l'objet de la loi de programmation. Mais il faut distinguer entre les peines. Et on est loin du « tout carcéral » : la moitié des condamnés sont en milieu ouvert, et 50 000 personnes condamnées n'exécutent pas leur peine. D'où le divorce entre la justice et les Français. Ce ne sont pas tous des grands criminels, c'est pourquoi il nous faut des structures d'accueil légères, pour les courtes peines.

Les locaux du CSM ? Que de sollicitude, de toute part, à l'égard de cette institution ! Je m'en réjouis... Ses locaux actuels resteront à sa disposition jusqu'à fin 2012. France Domaine cherche activement des locaux : on y pourvoira.

Vous vous inquiétez du secteur associatif. Les retards de paiement sont, il est vrai, habituels. Nous travaillons à y remédier, tout en insistant sur l'exigence que les mêmes règles s'appliquent qu'aux services en régie.

Les centres éducatifs fermés? L'encadrement est de 24 éducateurs pour douze enfants. Ces centres, monsieur Hervé, ne sont pas d'enfermement. Entre les quartiers pénitentiaires pour mineurs et les centres, il y a un monde. L'éducatif y prime sur le répressif, conformément à l'exigence rappelée par le Conseil constitutionnel. Grâce à ces centres éducatifs fermés, nous avons diminué de 13 % entre 2002 et 2010 le nombre de mineurs en quartiers pénitentiaires. Le nombre de places dans les centres spécialisés progresse, et 37 postes d'infirmiers et de psychologues sont créés. Ne m'opposez donc pas un prétendu choix du tout carcéral !

Certains établissements ont, il est vrai, été regroupés, parce que nous souhaitons qu'ils accueillent tous douze enfants. Le nombre total de places a cependant légèrement augmenté. Il y aura bientôt autant de places dans ces centres qu'en foyer classique.

L'effectif des Spip a beaucoup augmenté ces dernières années. L'inspection générale des services judiciaires et l'inspection générale des finances estiment que le niveau des effectifs est désormais satisfaisant, même si certains efforts ciblés s'imposent encore.

M. Jean-Pierre Michel.  - Vous devez conclure, monsieur le ministre, votre temps est écoulé !

M. le président.  - C'est moi qui préside les débats.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je suis toujours à la disposition du Sénat ; vous m'avez interrogé, je réponds.

La loi pénitentiaire, monsieur Lecerf ? Le nombre d'aménagements de peine ne cesse d'augmenter. J'ai assisté à la commission, pour constater que beaucoup de dossiers lui reviennent. Les magistrats y sont remarquables mais j'ai vu les problèmes. La commission de suivi de la détention provisoire n'a été suspendue que parce que l'Assemblée nationale n'avait pas désigné son représentant entre 2008 et 2011. C'est maintenant fait.

À Mme Tasca, je dis que le nombre de magistrats a considérablement augmenté, et répond beaucoup mieux aux besoins. Le ratio greffiers/magistrats s'est considérablement amélioré, et sera bientôt à un.

À Mme Borvo, je réponds que je ne fais pas une religion du partenariat public-privé. Tous les modes de construction doivent cohabiter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faudra évaluer les partenariats public-privé.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Monsieur Sueur, il n'est pas dans les intentions du ministère de la justice de détenir 80 000 personnes. Je laisse à la presse ses responsabilités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut démentir.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je ne ferais ainsi que multiplier le nombre de lecteurs de l'article mensonger...

On n'appliquera pas la loi pénitentiaire si l'on ne sort pas de la surpopulation carcérale.

Pour les tribunaux d'instance, ne faudrait-il pas une juridiction de première instance et une d'appel, sans toucher à la localisation géographique ? Ce serait une solution et pour les juges, et pour les greffiers.

La dématérialisation des procédures est en cours. En matière pénale, il faut plus de concertation avec le ministre de l'intérieur. Pour la plate-forme nationale, le marché a porté ses fruits.

À Mayotte, les travaux de la prison sont en cours. Nous avons créé onze postes de magistrat, seize de fonctionnaire et prévu des crédits d'aménagement pour les établissements.

Je n'ai pas l'intention de déposer une nouvelle loi pénale. Il y aura une loi de programmation, rien de plus. Je ne suis pas un champion de la communication.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous n'êtes pas sans talent en ce domaine.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La justice doit être un sujet de la campagne présidentielle, pas un instrument de celle-ci. (Applaudissements à droite et au centre)

Article 32 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-15 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations

d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciaire Dont Titre 2

Administration pénitentiaire Dont Titre 2

4 000 000

0

4 000 000

0

Protection judiciaire de la jeunesse Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

4 000 000

4 000 000

Conseil supérieur de la magistrature Dont Titre 2

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut préserver les liens familiaux, sur l'importance desquels tout le monde s'accorde pour éviter suicides et récidives. Or un risque d'éloignement géographique se profile, y compris pour les prisons pour jeunes. La plupart des familles de détenus sont modestes, et peinent à payer les frais de déplacement. La Grande-Bretagne propose une prise en charge partielle. Je m'en inspire.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - J'ai compris le sens de votre proposition, mais vous la gagez sur les crédits informatiques : c'est un problème. Il y aurait, de surcroît, quelque contradiction à adopter votre amendement tout en rejetant les crédits de la justice. Retrait ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable.

À la demande du groupe CRC, l'amendement n°II-15 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 205
Majorité absolue des suffrages exprimés 103
Pour l'adoption 21
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Les crédits du budget de la mission justice ne sont pas adoptés.

Article 52

M. le président.  - Amendement n°II-14 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  L'article 1635 bis P du code général des impôts et le II de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 sont abrogés.

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous supprimons la contribution de 150 euros devant les cours d'appel pour les justiciables. Le Gouvernement entendait ainsi financer la fusion des professions d'avoué et d'avocat. Loin de simplifier la justice, cette réforme, comme, avec M. Badinter, nous l'avions annoncé, n'a fait que peser sur les justiciables, au détriment de l'accessibilité à la justice et du droit à un procès équitable, auxquels nous obligent nos engagements internationaux.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - La commission a adopté cet article...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable.

L'amendement n°II-14 rectifié, est retiré.

L'article 52 est adopté.

Article 52 bis

M. le président.  - Amendement n°II-37, présenté par M. Hervé, au nom de la commission des finances.

Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

personne morale

insérer les mots :

à but lucratif

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - L'Assemblée nationale a introduit cet article qui met des frais de justice à la charge des personnes morales condamnées. La cible est trop large, nous proposons de la limiter aux seules personnes morales à but lucratif.

M. le président.  - Amendement identique n°II-11, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission des lois.

Mme Catherine Tasca., rapporteur pour avis.  - Ce qui prime ici, c'est que cet article revient sur le principe de notre code qui veut que les frais de justice ne puissent être mis à la charge du justiciable et doivent revenir à l'État.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable.

Les amendements nosII-37 et II-11 sont adoptés.

L'article 52 bis, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-40, présenté par M. Hervé, au nom de la commission des finances.

Après l'article 52 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 1635 bis Q du code général des impôts est abrogé.

II. - A. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont supprimés.

B. - L'article 28 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifié :

a) à la première phrase, après le mot : « juridictionnelle », la fin de cette phrase est supprimée ;

b) à la seconde phrase, après le mot : « achevées », la fin de cette phrase est supprimée.

III. - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de la contribution pour l'aide juridique est compensée à due concurrence par la création et l'affectation d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - Cet amendement supprime la contribution de 35 euros.

M. le président. - Amendement identique n°II-12, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission des lois.

Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis.  - Même objet.

M. le président.  - Amendement identique n°II-19, présenté par Mme Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac.  - Même chose !

M. le président.  - Amendement identique n°II-16, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

M. le président.  - Amendement n°II-83 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'article 52 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 1635 bis Q du code général des impôts est abrogé.

II. - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de la contribution pour l'aide juridique est compensée, à due concurrence, par la création et l'affectation d'une taxe sur les contrats visés aux articles L. 127-1 et L. 127-2 du code des assurances.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - Monsieur Alfonsi, dans votre amendement, vous faites référence à une taxe sur les contrats de protection juridique ; la question mérite d'être étudiée plus avant : je préférerais que vous rectifiiez.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis.  - Je rectifie.

Les amendements identiques nosII-40, II-12, II-16, II-19 et II-83 rectifié sont adoptés ; l'article additionnel est inséré.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (et articles 49, 49 bis et 49 ter)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits affectés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ; et des articles 49, 49 bis et 49 ter.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances.  - J'ai l'honneur de rapporter cette mission, ce dont en tant que maire de la ville de l'Armistice, je me réjouis.

Les crédits diminuent de 4 % pour s'établir à 3,17 milliards ; le nombre de bénéficiaires baisse également : moins 15 000 bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité et moins 55 500 bénéficiaires de la retraite du combattant.

Dans ce budget figurent des revalorisations : la retraite du combattant, qui concerne 1,2 million de personne, atteindra 48 points au 1er juillet 2012. Depuis 2006, elle a gagné quinze points. Le plafond de l'aide différentielle servie aux conjoints survivants passera en 2012 à 869 euros.

Dans un effort d'économie, l'Assemblée nationale a réduit les crédits de 27 millions en deux temps, soit 0,9 % des crédits. La baisse des reports entre 2011 et 2012 devrait être sans impact concret sur l'exercice des missions du ministère.

Le programme « Lien entre la Nation et son armée » s'établit à 118 millions. Je regrette cependant qu'il prévoie le transfert de l'administration centrale de Compiègne à Orléans... (Sourires) Ce qui est déplorable pour l'un est bon pour l'autre, n'est-ce pas M. Doligé ?

La journée « défense et citoyenneté » concerne 700 000 jeunes. Mais 22 000 jeunes échappent encore au recensement ; comment parvenir à refermer ce qu'il faut bien qualifier de « trappe civique » ? Les nécropoles militaires continuent à être rénovées.

Le programme « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » concentre l'essentiel de la mission, avec 3 milliards d'euros. Le programme « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » est en augmentation, à 116 millions. Où en est, monsieur le ministre, le décret unique sur la situation des orphelins de guerre ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur spécial.  - Sous réserve de ces observations, la commission des finances s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits de cette mission ; elle recommande également celle des articles 49, 49 bis et 49 ter. (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Excellent !

Mme Gisèle Printz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'examen de ces crédits est toujours un moment particulier. Il nous permet de témoigner reconnaissance à ceux qui ont servi la France et de confirmer leur droit à réparation. La revalorisation de la retraite du combattant était attendue ; elle sera portée à 48 points au 1er juillet 2012. Mais ce n'est qu'en 2013 que les anciens combattants en profiteront pleinement ; ce sera au prochain Gouvernement de la financer.

Le budget diminue de 4,34 %. À l'Assemblée nationale, 26 millions supplémentaires ont été retranchés. Faut-il se réjouir du maintien des droits acquis ou estimer que ceux qui ont beaucoup donné à la France méritent un traitement privilégié ? Les marges de manoeuvre dégagées par l'inéluctable déclin démographique pourraient permettre de mieux soutenir les survivants.

L'Office national des anciens combattants (Onac) est devenu l'interlocuteur unique du monde combattant. Mais le service rendu s'est dégradé, des problèmes informatiques ont ralenti la délivrance des cartes et des pensions ; ces dysfonctionnements doivent être corrigés dans les plus brefs délais.

Le plafond de l'aide différentielle est trop bas et il n'existe pas de dispositif spécifique en direction des anciens combattants les plus démunis.

L'indemnisation des victimes des essais nucléaires français n'est toujours pas en place 18 mois après le vote de la loi : deux indemnisés seulement sur plusieurs centaines de dossiers !

Je déplore l'idée du président de la République d'un memorial day à la française. S'agissant de l'hommage aux victimes de la guerre d'Algérie, le 5 décembre n'a aucune signification historique ; je continue à plaider pour le 19 mars 1962. Il est indispensable que les plus hautes autorités civiles soient représentées l'an prochain lors du cinquantenaire.

Restent des injustices en matière de droits à réparation ; je pense à ceux qui ont servi en Algérie au moins quatre mois autour du 2 juillet 1962, ou lors des Opex.

L'histoire de la Moselle reste méconnue : rien sur l'annexion, dont a tant souffert la population. L'inégalité de traitement entre les prisonniers, selon qu'ils furent internés à l'est ou à l'ouest de la ligne Curzon est injustifiable. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Le regard de votre commission des affaires sociales reste critique sur cette mission. C'est pourquoi nous émettons un avis défavorable à l'adoption de ses crédits, mais favorables aux articles rattachés. (Applaudissements à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Ce budget a donné lieu à l'Assemblée nationale à d'odieuses manoeuvres. Quel cynisme ! Le plan de rigueur était déjà passé, et il a encore fallu retirer 12 millions.

En outre, arguant de façon détestable de la baisse des effectifs, vous avez réduit les crédits de cette mission de plus de 4 %. La retraite du combattant va être réévaluée grâce à la ténacité des associations, ce qui n'est pas négligeable ; mais ce n'est qu'à partir de 2013 que les anciens combattants en auront le bénéfice.

L'allocation différentielle est revalorisée. Mais de nombreux anciens combattants subsistent avec moins de 850 euros par mois ; il faut qu'ils bénéficient eux aussi de cette allocation.

La réforme de l'Onac se poursuit, ainsi que celle de l'Institut national des Invalides. Comment se féliciter de la disparition des acteurs de proximité ? L'Onac devient l'interlocuteur unique parce que la RGPP est passée par là.

Le plafond de la rente mutualiste est bloqué à 125 points ; on est loin de ce qu'avait promis le président de la République. J'aurai un amendement sur le sujet.

La carte du combattant n'est toujours pas accordée aux militaires justifiant de quatre mois de présence en Algérie à cheval sur les accords d'Évian. Il y a en outre une inégalité de traitement entre ceux qui ont liquidé leur pension avant et après le 19 octobre 1999.

L'indemnisation des victimes des essais nucléaires n'est toujours pas en place, la loi n'est pas appliquée ; deux dossiers seulement sur plus de 600 ont été admis. Que pouvez-vous nous dire sur ce point, monsieur le ministre ?

L'indemnisation des orphelins de victimes du nazisme dépend certes du Premier ministre, mais nous aimerions en savoir plus sur le décret en préparation.

Le calendrier mémoriel... Le président de la République propose que le 11 novembre soit la date unique d'hommage aux victimes de toutes les guerres. J'y suis opposée ; ce serait la négation de notre histoire et de sa richesse.

Nous célébrerons en 2012 le 50e anniversaire du cessez-le-feu en Algérie. Nous voulons que le 19 mars 1962 soit reconnu date officielle, plutôt que celle du 5 décembre, dénuée de sens. Que dire, enfin, de l'initiative -historiquement infondée et politiquement dangereuse- de transférer aux Invalides les cendres du général Bigeard ?

En fonction du sort qui sera réservé à nos amendements, nous voterons ou non ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. Alain Néri.  - Rappel au Règlement. Il est irrespectueux que ce budget soit discuté ainsi, de façon tronquée. Il eût été préférable de ne pas commencer la discussion générale. La mémoire est un devoir essentiel. Je regrette que notre débat se déroule dans de telles conditions.

M. le président.  - Je respecte la décision du bureau.

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Malheureusement, nos débats obéissent à des contraintes. Nous ne pouvons nous permettre des dérapages, à moins de siéger le week-end, ce qui n'est pas idéal pour la publicité de nos travaux. L'examen de la mission « Justice » a débordé...

M. Ronan Kerdraon.  - Il faut le dire au garde des sceaux.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Les responsabilités sont partagées...

La séance est suspendue à 13 heures.

*

* *

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

La séance reprend à 15 heures.